On savait l'impérialisme « mauvais élève » depuis que le général vietnamien, Vô NGuyên Giap, artisan de la mortification de la France coloniale à Diên Biên Phu, l'a enseigné, mais quand il persiste dans l'erreur, ce n'est plus un cancre, c'est un nullard. Pis, lorsqu'il légifère et rend hommage à l'œuvre coloniale accomplie chez nous.
Cette loi, votée dans une nuit froide de février, en catimini, par une pincée de députés, insomniaques peut-être, mais assurément amnésiques, pour ne pas dire autre chose, est vécue sous nos latitudes, comme une étrangeté aussi saugrenue que celle qui consistait à faire ânonner un Malgache, un Cambodgien ou un Algérien que leur ancêtre commun était un Gaulois. Que d'oreilles ont été tirées et que de baffes distribuées, des lustres durant, par des instituteurs républicains, en sarraus noirs, envoyés sous le soleil de nos lointaines contrées, pour nous enseigner que l'empire britannique est en violet et celui français en rose (ou l'inverse), dans des livres de géographie qu'on ose à peine feuilleter aujourd'hui, tant est grotesque le contenu et outrancière la prétention de dispenser « le savoir ». Il n'y a pas que les Algériens qui devraient se sentir injuriés par cette « loi » du 23 février, mais tous les esprits un tant soit peu respectueux « de la vérité minima ». Rien n'obligeait les législateurs d'outre-Méditerranée à se ridiculiser de la sorte, même si c'était pour faire plaisir à tous ces « nostalgériques », comme les appelle l'universitaire Claude Liauzu, qui n'ont pas encore terminé de refaire la bataille de Poitiers. L'ambassadeur de France à Alger, dans un geste aussi digne que courageux, s'était rendu à Sétif, haut lieu d'une forfaiture colonialiste, geste qui avait été interprété ici comme ailleurs comme le signe qu'une page allait être tournée. Mais rien n'est venu. Bien au contraire. On plombe et on assène encore des niaiseries impeccables du type « que serait l'Algérie si la France etc. » « Que seraient les Algériens, si les Français... et tutti quanti ? ». Après la politique fiction, voici l'histoire fiction... A croire que le colonialisme est l'une des vertus du XIXe siècle et que, sans cet avatar, nous serions encore habitants des grottes du Dahra dans lesquelles nos aînés des Ouled Riah ont été enfumés. Si le colonialisme français a construit des routes, c'est pour mieux profiter des richesses de ce pays, s'il a bâti des hôpitaux, c'était pour soigner ses enfants, s'il a édifié des écoles, c'est pour permettre une désintégration des cultures autochtones, s'il a construit des ports, c'est pour enrichir la Métropole. L'Algérie, faut-il le rappeler, était une colonie de peuplement. Le Japon, qui n'a jamais connu le colonialisme et qui a découvert l'algèbre avec l'ère Meiji (1875), ne se porte certainement pas plus mal, bien au contraire. Bien des peuples sur la terre ne nous envient pas d'avoir été colonisés. Les lignes qui vont suivre ont été empruntées à des ouvrages pris tout à fait au hasard de « butinages ». Cette littérature puante de racisme encense le crime, la haine de l'autre et l'injustice qui sont la chair et le sang du système colonial lequel - on entend déjà pousser les cris d'orfraie - ne diffère en rien, mais alors en rien, du totalitarisme nazi hitlérien. L'humanité entière attend que ce système soit rangé dans l'armoire des crimes qui ont été commis contre elle. Car le colonialisme plus que tous les autres systèmes a programmé la négation de l'homme dans son essence même. Il est le drame précurseur de toutes les tragédies que connaîtra le XXe siècle et peut-être les suivants. On occupait au nom de la civilisation comme on occupe au nom de la démocratie.
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« Ces Africains qu'on méprise »
Correspondance de Berthezène à Soult en 1831 « J'ai la conviction qu'à aucun moment, sous le régime turc, les habitants de ces contrées n'ont été en butte à tant de vexations et de dénis de justice... Combien de fois n'ai-je pas eu à rougir de voir le caractère français se dégrader ainsi en présence du monde civilisé qui nous observe par ses consuls et même en face de ces Africains qu'on méprise, mais dont l'esprit est très délié. »
François Maspéro. L'Honneur de Saint-Arnaud. Casbah Ed. Alger 2004. P. 75
« Les corps brisés s'entassaient au pied des rochers », Saint-Arnaud décrivant le sac de Constantine
« A La Casbah, un autre spectacle m'attendait. Les détachements armés des différentes colonnes commençaient à y arriver. Mais le pillage aussi avait commencé... Le général Rullières y arriva vers midi ; Il criait beaucoup après les pillards, menaçait de prendre les mesures les plus sévères, mais rien n'arrêtait le soldat ; il était victorieux, il avait beaucoup souffert, il avait acheté sa conquête au prix de son sang, il y aurait eu folie à vouloir l'arrêter. Le pillage exercé d'abord par les soldats s'étendit ensuite aux officiers, et quand on évacua Constantine, il s'est trouvé, comme toujours, que la part la plus riche et la plus abondante était échue à la tête de l'armée et aux officiers d'état-major. Je ne m'appesantirai pas davantage sur ces scènes de pillage et de désordre ; elles ont duré trois jours. Jetons un voile épais et ne ternissons pas notre gloire et nos souvenirs. » Le pillage est d'autant plus facile que toutes les maisons riches sont abandonnées : les familles maures ont quitté la ville avant les combats. « Il ne restait plus dans la ville que les Turcs, les Kabyles et la partie combattante. Les citoyens restés ne se composaient que de juifs, de vieillards et de pauvres gens. » Au-delà de La Casbah, il découvre du haut des remparts qui surplombent les gorges du Rummel que des centaines de femmes ont tenté de fuir avec leurs enfants au moyen de cordes qui ont cédé. Les corps brisés s'entassaient au pied des rochers.
Ouvrage op.cit. p. 98.
Cette loi, votée dans une nuit froide de février, en catimini, par une pincée de députés, insomniaques peut-être, mais assurément amnésiques, pour ne pas dire autre chose, est vécue sous nos latitudes, comme une étrangeté aussi saugrenue que celle qui consistait à faire ânonner un Malgache, un Cambodgien ou un Algérien que leur ancêtre commun était un Gaulois. Que d'oreilles ont été tirées et que de baffes distribuées, des lustres durant, par des instituteurs républicains, en sarraus noirs, envoyés sous le soleil de nos lointaines contrées, pour nous enseigner que l'empire britannique est en violet et celui français en rose (ou l'inverse), dans des livres de géographie qu'on ose à peine feuilleter aujourd'hui, tant est grotesque le contenu et outrancière la prétention de dispenser « le savoir ». Il n'y a pas que les Algériens qui devraient se sentir injuriés par cette « loi » du 23 février, mais tous les esprits un tant soit peu respectueux « de la vérité minima ». Rien n'obligeait les législateurs d'outre-Méditerranée à se ridiculiser de la sorte, même si c'était pour faire plaisir à tous ces « nostalgériques », comme les appelle l'universitaire Claude Liauzu, qui n'ont pas encore terminé de refaire la bataille de Poitiers. L'ambassadeur de France à Alger, dans un geste aussi digne que courageux, s'était rendu à Sétif, haut lieu d'une forfaiture colonialiste, geste qui avait été interprété ici comme ailleurs comme le signe qu'une page allait être tournée. Mais rien n'est venu. Bien au contraire. On plombe et on assène encore des niaiseries impeccables du type « que serait l'Algérie si la France etc. » « Que seraient les Algériens, si les Français... et tutti quanti ? ». Après la politique fiction, voici l'histoire fiction... A croire que le colonialisme est l'une des vertus du XIXe siècle et que, sans cet avatar, nous serions encore habitants des grottes du Dahra dans lesquelles nos aînés des Ouled Riah ont été enfumés. Si le colonialisme français a construit des routes, c'est pour mieux profiter des richesses de ce pays, s'il a bâti des hôpitaux, c'était pour soigner ses enfants, s'il a édifié des écoles, c'est pour permettre une désintégration des cultures autochtones, s'il a construit des ports, c'est pour enrichir la Métropole. L'Algérie, faut-il le rappeler, était une colonie de peuplement. Le Japon, qui n'a jamais connu le colonialisme et qui a découvert l'algèbre avec l'ère Meiji (1875), ne se porte certainement pas plus mal, bien au contraire. Bien des peuples sur la terre ne nous envient pas d'avoir été colonisés. Les lignes qui vont suivre ont été empruntées à des ouvrages pris tout à fait au hasard de « butinages ». Cette littérature puante de racisme encense le crime, la haine de l'autre et l'injustice qui sont la chair et le sang du système colonial lequel - on entend déjà pousser les cris d'orfraie - ne diffère en rien, mais alors en rien, du totalitarisme nazi hitlérien. L'humanité entière attend que ce système soit rangé dans l'armoire des crimes qui ont été commis contre elle. Car le colonialisme plus que tous les autres systèmes a programmé la négation de l'homme dans son essence même. Il est le drame précurseur de toutes les tragédies que connaîtra le XXe siècle et peut-être les suivants. On occupait au nom de la civilisation comme on occupe au nom de la démocratie.
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« Ces Africains qu'on méprise »
Correspondance de Berthezène à Soult en 1831 « J'ai la conviction qu'à aucun moment, sous le régime turc, les habitants de ces contrées n'ont été en butte à tant de vexations et de dénis de justice... Combien de fois n'ai-je pas eu à rougir de voir le caractère français se dégrader ainsi en présence du monde civilisé qui nous observe par ses consuls et même en face de ces Africains qu'on méprise, mais dont l'esprit est très délié. »
François Maspéro. L'Honneur de Saint-Arnaud. Casbah Ed. Alger 2004. P. 75
« Les corps brisés s'entassaient au pied des rochers », Saint-Arnaud décrivant le sac de Constantine
« A La Casbah, un autre spectacle m'attendait. Les détachements armés des différentes colonnes commençaient à y arriver. Mais le pillage aussi avait commencé... Le général Rullières y arriva vers midi ; Il criait beaucoup après les pillards, menaçait de prendre les mesures les plus sévères, mais rien n'arrêtait le soldat ; il était victorieux, il avait beaucoup souffert, il avait acheté sa conquête au prix de son sang, il y aurait eu folie à vouloir l'arrêter. Le pillage exercé d'abord par les soldats s'étendit ensuite aux officiers, et quand on évacua Constantine, il s'est trouvé, comme toujours, que la part la plus riche et la plus abondante était échue à la tête de l'armée et aux officiers d'état-major. Je ne m'appesantirai pas davantage sur ces scènes de pillage et de désordre ; elles ont duré trois jours. Jetons un voile épais et ne ternissons pas notre gloire et nos souvenirs. » Le pillage est d'autant plus facile que toutes les maisons riches sont abandonnées : les familles maures ont quitté la ville avant les combats. « Il ne restait plus dans la ville que les Turcs, les Kabyles et la partie combattante. Les citoyens restés ne se composaient que de juifs, de vieillards et de pauvres gens. » Au-delà de La Casbah, il découvre du haut des remparts qui surplombent les gorges du Rummel que des centaines de femmes ont tenté de fuir avec leurs enfants au moyen de cordes qui ont cédé. Les corps brisés s'entassaient au pied des rochers.
Ouvrage op.cit. p. 98.
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