Algérie : L’ouverture ou le chaos
C’est une première: trois personnalités politiques de premier plan, Hocine Aït-Ahmed, opposant de toujours à un pouvoir militaire et l’un des neuf chefs historiques de la révolution algérienne, l’ex-premier ministre réformateur Mouloud Hamrouche et Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du FLN, viennent d’appeler, dans une déclaration commune, à un « processus de démocratisation du pouvoir, de son exercice et de son contrôle ». Se déclarant « gravement préoccupés par un possible nouvel engrenage de la violence », tous trois voient dans cette démocratisation la seule solution pour « garantir la sécurité nationale et la stabilité » et « rendre l’espoir » aux Algériens. «La négation du politique, la répression et l'exclusion ne sont pas des solutions aux multiples difficultés et impasses que connaît le régime », affirment-ils.
A eux seuls les titres de plusieurs quotidiens montrent la portée de cette initiative : « La nouveauté, c’est qu’il ne s’agit pas de dénonciation du système sans lendemain, mais de jalons en faveur d’une initiative politique de sortie de crise fédératrice de toutes les composantes de la société », éditorialise l’influent El Watan dans une allusion au fait que les signataires se disent « persuadés que toutes (ses) composantes s'engageraient dans un tel processus ». De son côté, Le Quotidien d’Oran s’interroge sur la capacité des autorités à entendre cet appel : « Jusqu'à présent, écrit-il, le régime a montré une capacité redoutable à rejeter et criminaliser les initiatives qui ne viennent pas de lui(...) Or la réalité est là: l'aisance financière n'est pas en soi une réponse à la crise. La question du pouvoir, son fonctionnement et son contrôle sont posés de manière constante depuis l'indépendance ».
Cet intérêt de la presse n’est pas habituel : elle n’a jamais été tendre avec Hocine Aït-Ahmed et a globalement soutenu le « coup d’état scientifique» qui chassa de la direction du FLN Abdelhamid Mehri coupable d’avoir signé, avec l’opposition, y compris le Fis (Front islamique du salut), «l’offre de paix» rendue publique en 1995 à Rome.
« L’ouverture ou le chaos »
Dix sept ans et 200 000 morts plus tard, l’Algérie n’est certes plus en proie aux violences effroyables et quotidiennes de la sale guerre de la décennie 90. L’augmentation des prix du baril de pétrole a en outre permis à ce géant gazier et pétrolier d’engranger des réserves en devises pharamineuses – 80 milliards de dollars fin 2006 - qui le font courtiser par les Occidentaux, la Russie et la Chine. Mais en dépit de cette santé financière, le pays est en crise. Tous les clignotants sociaux sont au rouge. Et face au verrouillage du champ politique et médiatique, l’émeute et la violence sont devenues le seul mode de régulation sociale. Une situation que résumait récemment le chercheur et politologue Rachid Tlemçani dans un long entretien à El Watan : « La fracture entre les gouvernants et la société est totale. La politique n'a jamais été un luxe, mais un moyen pour résoudre pacifiquement les problèmes. Des évidences perdues dans un pays verrouillé par un pouvoir qui pense que l'apparence (plurielle) dispense de discuter du fond (le monopole). Pourtant, il existe un problème lourd qui n'est pas soluble dans l'aisance financière saupoudrée de discours patriotique. L’application du tout sécuritaire dans un cadre autoritaire permet d'imaginer tous les scénarios, y compris celui du chaos. Soit c’est l’ouverture, soit c’est le chaos ».
Le silence d’Alger
Ce climat est encore alourdi par une reprise inexpliquée des violences et la question de la succession du président Bouteflika dont l’état de santé se détériore gravement. Dans un tel contexte, l’appel lancé par des personnalités considérées parmi les plus crédibles du pays n’est pas passé inaperçu. D’autant que si ces trois hommes partagent la même vision de la crise - le refus du régime à se réformer et à s’ouvrir sur la société -, ils sont susceptibles d’en mobiliser des secteurs très différents: Abdelhamid Mehri, qui symbolise la tentative de rénovation du FLN, est très respecté dans les milieux arabophones et nationalistes arabes ; Mouloud Hamrouche a une aura importante parmi les cadres et son nom reste attaché aux réformes et à la (brève) ouverture démocratique qui suivit les émeutes de 1988, tandis que Hocine Aït-Ahmed jouit d’une popularité et d’un respect qui ne sont pas réductibles à la seule Kabylie.
Seront-ils entendus par des autorités généralement peu enclines au compromis mais auxquelles les signataires tendent la main en se disant «disposés à apporter notre contribution à la recherche de solutions de sortie de crise »? Une semaine après cet appel, qui marque un refus de baisser les bras face à la crise et une proposition pour sortir d’un statu quo intenable, Alger n’avait pas réagi.
Jose Garcon
C’est une première: trois personnalités politiques de premier plan, Hocine Aït-Ahmed, opposant de toujours à un pouvoir militaire et l’un des neuf chefs historiques de la révolution algérienne, l’ex-premier ministre réformateur Mouloud Hamrouche et Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du FLN, viennent d’appeler, dans une déclaration commune, à un « processus de démocratisation du pouvoir, de son exercice et de son contrôle ». Se déclarant « gravement préoccupés par un possible nouvel engrenage de la violence », tous trois voient dans cette démocratisation la seule solution pour « garantir la sécurité nationale et la stabilité » et « rendre l’espoir » aux Algériens. «La négation du politique, la répression et l'exclusion ne sont pas des solutions aux multiples difficultés et impasses que connaît le régime », affirment-ils.
A eux seuls les titres de plusieurs quotidiens montrent la portée de cette initiative : « La nouveauté, c’est qu’il ne s’agit pas de dénonciation du système sans lendemain, mais de jalons en faveur d’une initiative politique de sortie de crise fédératrice de toutes les composantes de la société », éditorialise l’influent El Watan dans une allusion au fait que les signataires se disent « persuadés que toutes (ses) composantes s'engageraient dans un tel processus ». De son côté, Le Quotidien d’Oran s’interroge sur la capacité des autorités à entendre cet appel : « Jusqu'à présent, écrit-il, le régime a montré une capacité redoutable à rejeter et criminaliser les initiatives qui ne viennent pas de lui(...) Or la réalité est là: l'aisance financière n'est pas en soi une réponse à la crise. La question du pouvoir, son fonctionnement et son contrôle sont posés de manière constante depuis l'indépendance ».
Cet intérêt de la presse n’est pas habituel : elle n’a jamais été tendre avec Hocine Aït-Ahmed et a globalement soutenu le « coup d’état scientifique» qui chassa de la direction du FLN Abdelhamid Mehri coupable d’avoir signé, avec l’opposition, y compris le Fis (Front islamique du salut), «l’offre de paix» rendue publique en 1995 à Rome.
« L’ouverture ou le chaos »
Dix sept ans et 200 000 morts plus tard, l’Algérie n’est certes plus en proie aux violences effroyables et quotidiennes de la sale guerre de la décennie 90. L’augmentation des prix du baril de pétrole a en outre permis à ce géant gazier et pétrolier d’engranger des réserves en devises pharamineuses – 80 milliards de dollars fin 2006 - qui le font courtiser par les Occidentaux, la Russie et la Chine. Mais en dépit de cette santé financière, le pays est en crise. Tous les clignotants sociaux sont au rouge. Et face au verrouillage du champ politique et médiatique, l’émeute et la violence sont devenues le seul mode de régulation sociale. Une situation que résumait récemment le chercheur et politologue Rachid Tlemçani dans un long entretien à El Watan : « La fracture entre les gouvernants et la société est totale. La politique n'a jamais été un luxe, mais un moyen pour résoudre pacifiquement les problèmes. Des évidences perdues dans un pays verrouillé par un pouvoir qui pense que l'apparence (plurielle) dispense de discuter du fond (le monopole). Pourtant, il existe un problème lourd qui n'est pas soluble dans l'aisance financière saupoudrée de discours patriotique. L’application du tout sécuritaire dans un cadre autoritaire permet d'imaginer tous les scénarios, y compris celui du chaos. Soit c’est l’ouverture, soit c’est le chaos ».
Le silence d’Alger
Ce climat est encore alourdi par une reprise inexpliquée des violences et la question de la succession du président Bouteflika dont l’état de santé se détériore gravement. Dans un tel contexte, l’appel lancé par des personnalités considérées parmi les plus crédibles du pays n’est pas passé inaperçu. D’autant que si ces trois hommes partagent la même vision de la crise - le refus du régime à se réformer et à s’ouvrir sur la société -, ils sont susceptibles d’en mobiliser des secteurs très différents: Abdelhamid Mehri, qui symbolise la tentative de rénovation du FLN, est très respecté dans les milieux arabophones et nationalistes arabes ; Mouloud Hamrouche a une aura importante parmi les cadres et son nom reste attaché aux réformes et à la (brève) ouverture démocratique qui suivit les émeutes de 1988, tandis que Hocine Aït-Ahmed jouit d’une popularité et d’un respect qui ne sont pas réductibles à la seule Kabylie.
Seront-ils entendus par des autorités généralement peu enclines au compromis mais auxquelles les signataires tendent la main en se disant «disposés à apporter notre contribution à la recherche de solutions de sortie de crise »? Une semaine après cet appel, qui marque un refus de baisser les bras face à la crise et une proposition pour sortir d’un statu quo intenable, Alger n’avait pas réagi.
Jose Garcon
Commentaire