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Un aïd très particulier à Alger

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  • Un aïd très particulier à Alger

    par Daouadi Miloud


    La fête de l'Aïd El-Adha aura un goût bien amer cette année pour les Algérois, blasés autant par la malvie, les frustrations sociales que par les effets psychologiques des derniers attentats terroristes de Hydra et Ben-Aknoun. Un goût certes amer, mais sûrement ce quelque chose qui rappellera que la fête des musulmans aura été gâchée pour des dizaines de familles qui ont perdu les leurs, dans ces deux attentats.

    Un goût de frustration, également, pour des milliers de familles, touchées, celles-là, par la baisse alarmante du niveau de vie et pas seulement les habitants des quartiers «misérables» d'Alger. Cette année, dans les souks improvisés des banlieues de la capitale, la «tête» du mouton vaut son pesant d'or: une belle «bête» pèse plus de 30.000 DA, alors qu'un mouton modeste de quelque 20 kg ne descend pas des 20.000 DA.

    Les plus malins, on l'aura compris, se sont payés, vendredi, un tour du côté des gros marchés de la région de Blida et de Médéa, notamment à Djendel (50 km de Médéa). «Non, là aussi les prix ne sont pas attractifs», estime Saïd qui aura, quand même, déniché la «perle rare» qui fera le bonheur de ses enfants.

    Dans cette quête à la bête de l'Aïd, il y aura sûrement des heureux qui auront réussi à trouver ce qu'ils cherchaient. Mais, combien sont-ils ceux qui n'ont même pas pris la peine de cherche car ayant abandonné le rêve de faire le sacrifice du mouton? Cette frange de la population algérienne existe bel et bien. Il ne faut surtout pas se leurrer, ni se voiler la face devant la hausse incontrôlée de l'inflation qui a, allègrement, dépassé les deux chiffres.

    Quand les prix des produits de première nécessité comme l'huile, la farine ou le beurre ont augmenté de deux points de base au moins, alors que ceux des produits agricoles restent toujours à la hausse, en dépit d'une baisse relative des prix de la pomme de terre, le couffin de la ménagère prend subitement du poids. Et, dans l'addition, il ne faut pas perdre de vue les différentes factures de l'eau, du gaz ou de l'électricité. En fait, la vie est devenue extrêmement chère, les prix flambent et les salaires restent dérisoires, avec une valeur de moins de 300 euros par mois pour des cadres, et moins encore de 200 euros pour la majorité des travailleurs algériens.

    C'est dans cette grisaille socio-économique, marquée par une baisse alarmante du niveau de vie des Algériens, l'incapacité de la classe politique à faire bouger les choses et proposer plus de visibilité sur un avenir angoissant, ainsi que l'incapacité du gouvernement à rassembler un consensus politique sur sa politique sociale et économique que sont venus se greffer, cette année, de nouveau indicateurs: immigration clandestine, chômage, drogue, banditisme.

    Les attentats de mardi dernier auront-ils la force, le pouvoir de détourner les Algériens de la fête du sacrifice du mouton? assurément pas. Car autant, la connotation politique de cet évènement qui a endeuillé des dizaines de familles et rappelé que la menace terroriste reste entière, est à mille lieues des préoccupations du peuple d'en-bas, autant la fête aura également perdu de sa saveur.

    Un climat délétère règne, en fait, depuis quelques jours à Alger que seule la joie des enfants devant un bon «Ouled Djellal» réussit à faire oublier. Dans les quartiers populaires, en fait, le ton est aux spéculations sur les cours du mouton, selon les lieux de vente.

    Les tirelires seront également brisées, comme chaque année, pour satisfaire à cette tradition de l'Islam. Mais, beaucoup de familles auront certainement des difficultés financières, après cet aïd, pour boucler le mois de janvier. Et, au beau milieu de cet aïd, il y aura, très certainement, deux Alger: celui qui fête et celui qui pleure ses morts. Et, comme toujours, la raison (populaire) l'emportera sur beaucoup de calculs politiques qui ont, quant à eux, rendu la vie bien difficile pour les Algériens. C'est vraiment un Aïd bien particulier que celui qu'on va célébrer cette année, à Alger.


    Le Quotidien d'Oran
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    Edition du 16 Déc 2007.
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf
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