Raïna Raïkoum.
L'homme-sandwich fera le repas
par Kamel Daoud
L'histoire est une histoire dramatique pour son unique acteur, amusante pour le reste de la population: il s'agit de cet étudiant constantinois qui a accueilli le président français à sa manière, avec un panneau-sandwich accusateur, antisémite de la part d'un sémite.
N'étant ni ministre des Anciens Moudjahidines, ni un VIP, ni un officiel, ni un délégué de clan, ni président de parti, cet Algérien se verra traduit en justice et cadenassé par un bon procès après avoir accusé Sarkozy de ce que l'avait accusé le ministre.
En soi donc, l'histoire est amusante et se rapproche comiquement du proverbe: il ne faut jamais mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce. Cet étudiant aura beau dire, aujourd'hui, que le ministre des Moudjahidine est le premier à avoir dit ce qu'il a écrit, il va payer, seul, le gros prix d'une grosse manipulation d'opinions qui précéda l'arrivée Sarkozy en Algérie, tenta le coup d'Etat entre deux Etats souverains, jouera le jeu de rôles du lobby local contre le lobby international et finira par des excuses plates et une explication psychanalytique de l'irresponsabilité institutionnelle d'un ministre, à l'intérieur d'un gouvernement responsable de ses actes.
Pour sauver la situation, on se souviendra que l'Algérie qui dirige se divisa en deux clans: des associations, des notables, des porteurs de courants se rangeront du coté de Abbas; Bouteflika, la présidence, le FLN et l'ENTV se rangeront du côté de Bouteflika. A la fin, c'est Bouteflika qui a gagné et l'incident donnera lieu à une proclamation précoce d'appel à un troisième mandat pour démontrer au Français invité que c'est Bouteflika qui gouverne et que c'est lui qui va encore gouverner. Embarqué par son enthousiasme dans une histoire qui le dépasse, l'entraîne et le traverse sans s'y arrêter, comme un flux cosmique pourri, l'étudiant constantinois aura donc cru bon de faire sien ce jeu de dupes, au nom de son nationalisme, de ce que lui apprennent la rue et l'école et de ce que lui suggèrent El Jazeera, l'arabisme en folklore, l'islamisme chauvin et le sentiment anti-juif, confondu avec la cause palestinienne.
Il aura donc tout compris sauf l'essentiel: il ne faut pas faire de politique quand on est un simple piéton et il ne faut jamais mettre le doigt dans une machine qui n'a pas de mode d'emploi traduit en arabe. La photo de cet étudiant et de ses panneaux fera le tour du monde des médias occidentaux mais ne s'arrêtera pas là.
Sarkozy parti, Bouteflika revenu en force, Abbas pardonné, le pauvre bonhomme se retrouvera donc à payer seul le ticket du cinéma. Il a dit ce qu'a dit Abbas mais ne sera pas défendu comme l'a été Abbas. Au tribunal d'hier, il était impossible de rencontrer les associations qui ont défendu Abbas, les journaux qui ont appuyé Abbas, les gens qui ont poussé Abbas et les parties qui ont pris le parti de Abbas.
Comme dans les prochaines présidentielles, ce pauvre Algérien a misé sur le mauvais cheval, investi sur le mauvais courant et voté pour la mauvaise personne. Et lorsqu'on prend en compte son CV qui ne mentionne pas qu'il a été ministre, qu'il a fait la guerre contre la France ou qu'il est éligible à l'immunité, on devine tout le drame de cet homme-sandwich qui a cru circuler entre deux panneaux alors qu'il était allongé comme un agneau, bien cuit, entre deux grands partis.
Le Quotidien d'Oran.
Edition du 7 Janvier 2008.
L'homme-sandwich fera le repas
par Kamel Daoud
L'histoire est une histoire dramatique pour son unique acteur, amusante pour le reste de la population: il s'agit de cet étudiant constantinois qui a accueilli le président français à sa manière, avec un panneau-sandwich accusateur, antisémite de la part d'un sémite.
N'étant ni ministre des Anciens Moudjahidines, ni un VIP, ni un officiel, ni un délégué de clan, ni président de parti, cet Algérien se verra traduit en justice et cadenassé par un bon procès après avoir accusé Sarkozy de ce que l'avait accusé le ministre.
En soi donc, l'histoire est amusante et se rapproche comiquement du proverbe: il ne faut jamais mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce. Cet étudiant aura beau dire, aujourd'hui, que le ministre des Moudjahidine est le premier à avoir dit ce qu'il a écrit, il va payer, seul, le gros prix d'une grosse manipulation d'opinions qui précéda l'arrivée Sarkozy en Algérie, tenta le coup d'Etat entre deux Etats souverains, jouera le jeu de rôles du lobby local contre le lobby international et finira par des excuses plates et une explication psychanalytique de l'irresponsabilité institutionnelle d'un ministre, à l'intérieur d'un gouvernement responsable de ses actes.
Pour sauver la situation, on se souviendra que l'Algérie qui dirige se divisa en deux clans: des associations, des notables, des porteurs de courants se rangeront du coté de Abbas; Bouteflika, la présidence, le FLN et l'ENTV se rangeront du côté de Bouteflika. A la fin, c'est Bouteflika qui a gagné et l'incident donnera lieu à une proclamation précoce d'appel à un troisième mandat pour démontrer au Français invité que c'est Bouteflika qui gouverne et que c'est lui qui va encore gouverner. Embarqué par son enthousiasme dans une histoire qui le dépasse, l'entraîne et le traverse sans s'y arrêter, comme un flux cosmique pourri, l'étudiant constantinois aura donc cru bon de faire sien ce jeu de dupes, au nom de son nationalisme, de ce que lui apprennent la rue et l'école et de ce que lui suggèrent El Jazeera, l'arabisme en folklore, l'islamisme chauvin et le sentiment anti-juif, confondu avec la cause palestinienne.
Il aura donc tout compris sauf l'essentiel: il ne faut pas faire de politique quand on est un simple piéton et il ne faut jamais mettre le doigt dans une machine qui n'a pas de mode d'emploi traduit en arabe. La photo de cet étudiant et de ses panneaux fera le tour du monde des médias occidentaux mais ne s'arrêtera pas là.
Sarkozy parti, Bouteflika revenu en force, Abbas pardonné, le pauvre bonhomme se retrouvera donc à payer seul le ticket du cinéma. Il a dit ce qu'a dit Abbas mais ne sera pas défendu comme l'a été Abbas. Au tribunal d'hier, il était impossible de rencontrer les associations qui ont défendu Abbas, les journaux qui ont appuyé Abbas, les gens qui ont poussé Abbas et les parties qui ont pris le parti de Abbas.
Comme dans les prochaines présidentielles, ce pauvre Algérien a misé sur le mauvais cheval, investi sur le mauvais courant et voté pour la mauvaise personne. Et lorsqu'on prend en compte son CV qui ne mentionne pas qu'il a été ministre, qu'il a fait la guerre contre la France ou qu'il est éligible à l'immunité, on devine tout le drame de cet homme-sandwich qui a cru circuler entre deux panneaux alors qu'il était allongé comme un agneau, bien cuit, entre deux grands partis.
Le Quotidien d'Oran.
Edition du 7 Janvier 2008.
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