Annonce

Réduire
Aucune annonce.

ICI MIEUX QUE LA-BAS : contrat d'éternité

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • ICI MIEUX QUE LA-BAS : contrat d'éternité

    «Chez nous les Bantous, le pouvoir est à vie et le pouvoir d’un chef est absolu»,
    Mobutu Sésé Seko

    D’où vient l’épidémie qui, contrairement à la grippe aviaire contenue naguère par notre impavide ministre de la Santé, arrive daredare chez nous, les Bantous d’ici ? Quelles en sont les origines ? Les spécialistes devraient se mettre en quête des raisons de cette maladie qui se répand plus vite qu’une rumeur people.

    Les symptômes ? Le désir d’opérer de chirurgie esthétique la Constitution pour faire sauter les verrous empêchant le mandat d’après. Qu’est-ce qui pousse les présidents d’un certain nombre de pays reconnaissables sur une carte à la couleur rouge sang teintant leur peuple à soupçonner, aussitôt qu’ils ont le trône posé sur le siège de la présidence, qu’il faut absolument qu’ils accomplissent un troisième mandat, ou un quatrième, ou un cinquième, ou Dieu sait combien ? Quelles sont les causes qui font supposer aux impétrants que le salut de leur pays réside dans leur désignation comme président à vie dans une sorte de quasi-monarchie à visée souvent dynastique ? Paul Biya du Cameroun envisage la révision de la Constitution pour conforter son nouveau mandat. Au Congo-Brazzaville, Sassou N’Guesso l’avait déjà fait. Il en est à une étape qualitativement supérieure, si l’on ose dire, puisque son entourage souhaite une autre modification de la Constitution, pour mettre fin au septennat renouvelable une seule fois, dans le but d’installer un quinquennat avec un mandat présidentiel illimité. Le poète caustique syrien Nizzar Qabbani faisait dire au héros de son Autobiographie d’un bourreau arabe la vérité révélée suivante : «A chaque fois que je pense quitter le pouvoir, ma conscience me l’interdit. Qui, après moi, pourrait bien gouverner ces braves gens ?» La question est fictive, bien entendu. La réponse aussi est fictive. Mais ce genre de fiction est plus vrai que la réalité. Qui peut, en effet, succéder aux irremplaçables au pouvoir ? Dans quelque 150 pays où la démocratie se cherche encore sur les 200 reconnus (une cinquantaine étant considérés comme «démocratiques» au sens churchillien du terme, c’est-à-dire «le moins mauvais des systèmes»), la longévité au pouvoir et les mécanismes de l’alternance posent problème. L’Afrique est en tête : 19 chefs d’Etat ou de gouvernement (sur 53, soit plus du tiers) y exercent le pouvoir depuis plus de treize ans ; 14, soit le quart, l’occupent depuis plus de vingt ans ! C’est là une longévité excessive, abusive même, compliquée par le fait que certains détenteurs du pouvoir depuis plus de vingt ans ne dissimulent pas leur intention de le conserver à vie et de le transmettre à leurs descendants. Les chefs d’Etat et de gouvernement dans les deux tiers des pays du monde ne se sont peut-être pas tous posé la question de savoir qui pourrait bien les remplacer, mais la plupart y ont répondu quand même. Par des actes ! Le résultat est une longévité des mêmes à la tête des Etats et une infusion messianique de leur mission. Voyez Kadhafi : bientôt quarante ans au pouvoir pris par un coup d’Etat en 1969 ! Pas mal pour un «jeune officier» qui voulait redresser le pays coulé par la monarchie vermoulue des Senoussis. Au bout du compte, il fait de même et il ne viendrait à l’idée de personne de contester son autorité. Il est là, c’est tout ! C’est le peuple qui le veut ! Voyez celui qui préside aux destinées d’un pays voisin de la Libye, le Tchad. Pourquoi Idris Deby n’aspirerait-il pas, lui aussi, à un mandat puis à un autre ? Mais il ne faut pas mettre cette chaîne vertigineuse d’autosuccessions sur le compte de la maladie du pouvoir. On nous explique très doctement qu’aucun postulant au mandat suivant ne s’accroche au pouvoir. C’est le pouvoir qui s’accroche à eux. Les pauvres ! A tout seigneur tout honneur, l’exemple est donné par l’Egypte, phare du monde arabe. Le 6 octobre 1981, quatre islamistes assassinent le président Anouar Al- Sadate lors d’un défilé militaire commémorant à Medinet Nasr, dans la banlieue du Caire, le déclenchement de la guerre du Kippour. Vice-président depuis 1975, le successeur de Sadate, Hosni Moubarak, est élu président le 14 octobre 1981, une semaine après l’attentat, avec 93,79 % des voix. Depuis, il ne bouge plus. Indéboulonnable. Qu’il pleuve, qu’il vente, il est réélu aux mêmes scores sans défaillir en 1987, 1993 et 1999. En 2006, il décide de «revoir» la Constitution qui l’empêchait d’empocher un cinquième mandat. Aussitôt dit, aussitôt fait. A 76 ans, en février 2005, il est loin de songer à la retraite. Le pays l’attend, lui et personne d’autre. Lorsqu’un journaliste de la chaîne publique américaine PBS lui demande pourquoi il ne se retirait pas pour laisser la place, il répond un brin courroucé : «Toute ma vie j’ai eu à tenir un rôle extrêmement constructif, que ce soit dans l’armée ou ensuite dans la vie civile, en tant que président. Je travaille dans le plus grand sérieux et, si le peuple veut que je reste à ma place, je n’ai pas d’autre issue que de me plier à sa volonté et à continuer d’œuvrer. Ma mission n’est pas facile, c’est une mission qui demande des efforts considérables, et je me dépense sans compter.» Je précise que nous ne sommes plus dans la fiction de Nizar Qabbani mais bien dans la réalité politique de l’Egypte de 2006. Faut croire que le héros du bouquin est tellement puissant que de vrais présidents, en chair et en os, se sont mis soudain à le plagier. Hosni Moubarak va au labeur en ronchonnant mais il y va quand même : «S’il ne tenait qu’à moi, j’aimerais bien pouvoir me reposer un peu. Depuis que, jeune officier, je suis sorti de l’Académie militaire, ma vie a été un vrai bagne. Quand j’ai commencé à travailler à la présidence, j’ai eu la surprise d’être nommé vice-président. Et puis, Sadate est mort. Je ne pouvais pas laisser le pays comme ça, j’ai été forcé d’assumer mes responsabilités. » Et il rempile sans discontinuer. Mais le pompon : «Je pourrais vous jouer la comédie, vous dire que je m’en vais. Tout serait sens dessus dessous, il y aurait des manifestations : j’aurais mis la pagaille. Ce genre de numéro, ce n’est pas mon genre.» Tiens, la Tunisie. Le 7 novembre 1987, Ben Ali déposait l’historique (Senghor disait : «Je suis un historique, pas pour mes mérites mais parce que je me suis trouvé là à un moment historique») Bourguiba, frappé de sénilité. Le coup d’Etat s’accomplit avec un simple certificat médical. Ça s’appelle un coup d’Etat sur ordonnance ! Le chef des conjurés, devenu calife à la place du calife, déclare alors avec une belle lucidité démocratique : «L'époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l’Etat, desquelles le peuple se trouve exclu. Notre peuple est digne d'une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse.» C’est de Zine El Abidine Ben Ali dans la déclaration du 7 novembre 1987. Il oubliera bien vite cette profession de foi. En 1989, il se fait élire avec 99,27%. Puis, il gardera sans discontinuer cette note d’excellence : 99,9% en 1994 et 99,44% en 1999. En 2002, Ben Ali fait comme tout le monde : la Constitution doit être amendée, comme auparavant en Egypte et plus tard en Algérie. Elle limitait le nombre de mandats à trois. Il lui faut un quatrième mandat. Il l’aura en 2005. Dès novembre 2006, des parlementaires ont commencé à le presser de se représenter en 2009. Des parlementaires parlent même d’une présidence à vie. Il a 71 ans cette année. Tu paries ? Il va battre le record Bourguiba ? On continue ? Hafad Al Assad en Syrie ? C’est le peuple, voyons ! Lui aussi, il aurait sans doute préféré cueillir des champignons ou aller à la pêche aux maquereaux plutôt que s’user les doigts et les yeux à signer des décisions de pendaison d’opposants et d’embastillement des poètes. Et quand l’alternance biologique républicaine le contraint à passer la main, il fait dans la dynastie en léguant la pénibilité du pouvoir à son fils, comme l’aurait fait Saddam Hussein s’il n’avait pas eu la tuile. Donc, que le «peuple» et «la société civile» d’Algérie, obéissant à la loi grammaticale de la mise entre parenthèses, demandent à ce que la Constitution soit révisée pour que leur président depuis dix ans se succède encore et encore à lui-même, ils ne font que rallier la majorité mondiale ! Pour une fois, on fera comme tout le monde, parole de Bantou !


    A. M. le soir d'Algerie
Chargement...
X