Mais de quoi Alger est-elle finalement le nom, le surnom et le lieu, se demanderait-on en paraphrasant la célèbre interrogation du philosophe marxiste Alain Badiou au sujet de la personnalité d’un président de la Vème République française ?
Alger, El Djazaïr, Lezzayer Tamanayt, El Bahdja, La Blanche, El Mahroussa, Ikosim, Icosium, Aldjère, Djazaïr Béni Mezghenna, Djézèyère, entre autres variantes patronymiques, est linguistiquement une femme. Elle est tous ces noms à la fois : une succession de flexions et de désinences qui font la ville d’aujourd’hui. Une dame sans âge, dont le nom, le prénom et le surnom, mais qu’importe la patronymie, déroulent l’addition de ses longs cycles historiques.
Alger, c’est aussi l’île d’oiseaux impurs, ressuscitée par son fils Bologhine Ibn Ziri, le Sanhadji qui la nomma Dzaïr Béni Mezghenna, les Ath Mezghan, berbères de pure souche et de grande lignée. Ziri, Ziride, Dzayer, Dziri et Iziriyen, autant de déclinaisons qui désignent Alger, les Algérois et leurs racines berbères. Ainsi est constitué un nom singulier mais si pluriel par ses divers limons toponymiques qui l’ont fertilisé à travers les siècles. Alger ou Aldjère, déformation catalane d’El Djir et de Bled El Djir, la ville de la chaux.
La légende merveilleuse dit que c’est à sa couleur que la capitale doit son autre nom d’Alger la Blanche. Puis Kheireddine Barberousse, le corsaire méditerranéen, qui ne voulait pas que sa ville conquise soit une simple succession de bosses, tertres, monticules, pentes et collines, lui donna alors son prolongement marin, avec le port et la jetée de l’amirauté. Le marin aux nefs furtives fixa ainsi le destin urbain et la continuité historique de la ville.
Mais au-delà des différentes origines sémantiques du nom générique de la ville, Alger, c’est surtout des noms et des lieux, pour paraphraser un autre producteur de sens philosophique, le sociologue et historien algérien Mustapha Lacheraf.
Notre capitale, c’est donc, derrière son célèbre substrat patronymique, une série de noms de lieux dont l’origine berbère n’est pas assez connue. Si Mezghenna dérive du mot berbère altéré « imazighen » (hommes libres), Télemly, un de ses quartiers les plus huppés, à titre de premier exemple, est un mot amazigh composé de « tala », la fontaine, la source, et de « oumlil », l’argile ou la chaux. Ce qui donne la fontaine de l’argile ou de la chaux, substances suggérant la couleur d’Alger la Blanche. Plus bas, vers le port, en contrebas de la Grande-Poste, la rampe Tafourah est un autre lieu à consonance berbère. Il est dit qu’il vient de la racine « Ifri », signifiant cache, grotte ou caverne. Plus haut encore, sur les hauteurs de l’Hôtel Aurassi, le quartier des Tagarins qui surplombe la merveilleuse baie d’Alger. Là encore, le nom provient du mot amazigh « tigrine », renvoyant à la pente douce plantée de blé face à l’immensité méditerranéenne.
A la proche périphérie de la capitale foncièrement berbère de l’Algérie, Ben-Aknoun. Cette commune verdoyante était avant son nom actuel, Ben Sahoun, terre des Sahnoun comme elle fut aussi celle des Aknoun. Mais avant de porter ces deux noms à résonnance arabe, elle fut « Tizi Ouzebboudj », c’est-à-dire le nom berbère de col de l’olivier sauvage. A l’autre bout de la ville, à l’Est, El Harrach. Nom arabisé puis francisé du mot amazigh « ahrich », qui veut dire secteur, domaine, terre à proximité. Et à la banlieue sud de la ville, Tixeraïne, dans la localité au nom arabe de Birkhadem.
Appellation provenant du tamazight « tighesret » signifiant la pierre plate servant de planche à laver ou carrément le lavoir. A l’Ouest, sur les hauteurs du littoral, précisément sur le versant nord du mont Bouzaréah, à un jet de pierre de la célèbre église de Notre-Dame d’Afrique, Zghara. Patronyme évoquant la vallée avant la mer. Quelques kilomètres après sur le même littoral Ouest, Aïn Benian. Aïn, la source en arabe accolée à « bénian », qui ne renvoie pas toutefois à construction en arabe mais au tamazight « anou », pluriel « unan », dont le sens désigne le puits, la source d’eau.
D’autres noms, tels Zéralda à l’Ouest, Réghaïa et Oued Smar à l’Est sont d’autres signes de la toponymie qui attestent également qu’Alger est amazighe à la racine. Zéralda, appelée aussi « Zredla », a pour origine « Zghadla » qui lui-même découle de « azghal da », signifiant chaleur-ici et là et suggérant le lieu chaud par excellence, ce qu’est d’ailleurs la l’algéroise Zéralda malgré la proximité de la mer. Réghaïa, quant à elle, provient du tamazight « ergha », qui veut dire être brûlé et qui, déformé, arabisé puis francisé, est devenu Réghaïa, l’endroit chaud et marécageux. Tandis que Oued Smar, affluent principal de Oued El Harrach, évoque « assemmar », c’est-à-dire le jonc, cette plante qui s’épanouit dans les endroits humides.
Où l’on voit donc, à travers ces quelques exemples choisis, qu’Alger est une ville parlant l’arabe, le français et le kabyle, mais dont les racines profondes jurent que son ADN est amazigh. Et que le nom qui lui convient le mieux serait finalement Mezghenna, qui veut dire notre ville amazighe.
jeune-independant.net
Alger, El Djazaïr, Lezzayer Tamanayt, El Bahdja, La Blanche, El Mahroussa, Ikosim, Icosium, Aldjère, Djazaïr Béni Mezghenna, Djézèyère, entre autres variantes patronymiques, est linguistiquement une femme. Elle est tous ces noms à la fois : une succession de flexions et de désinences qui font la ville d’aujourd’hui. Une dame sans âge, dont le nom, le prénom et le surnom, mais qu’importe la patronymie, déroulent l’addition de ses longs cycles historiques.
Alger, c’est aussi l’île d’oiseaux impurs, ressuscitée par son fils Bologhine Ibn Ziri, le Sanhadji qui la nomma Dzaïr Béni Mezghenna, les Ath Mezghan, berbères de pure souche et de grande lignée. Ziri, Ziride, Dzayer, Dziri et Iziriyen, autant de déclinaisons qui désignent Alger, les Algérois et leurs racines berbères. Ainsi est constitué un nom singulier mais si pluriel par ses divers limons toponymiques qui l’ont fertilisé à travers les siècles. Alger ou Aldjère, déformation catalane d’El Djir et de Bled El Djir, la ville de la chaux.
La légende merveilleuse dit que c’est à sa couleur que la capitale doit son autre nom d’Alger la Blanche. Puis Kheireddine Barberousse, le corsaire méditerranéen, qui ne voulait pas que sa ville conquise soit une simple succession de bosses, tertres, monticules, pentes et collines, lui donna alors son prolongement marin, avec le port et la jetée de l’amirauté. Le marin aux nefs furtives fixa ainsi le destin urbain et la continuité historique de la ville.
Mais au-delà des différentes origines sémantiques du nom générique de la ville, Alger, c’est surtout des noms et des lieux, pour paraphraser un autre producteur de sens philosophique, le sociologue et historien algérien Mustapha Lacheraf.
Notre capitale, c’est donc, derrière son célèbre substrat patronymique, une série de noms de lieux dont l’origine berbère n’est pas assez connue. Si Mezghenna dérive du mot berbère altéré « imazighen » (hommes libres), Télemly, un de ses quartiers les plus huppés, à titre de premier exemple, est un mot amazigh composé de « tala », la fontaine, la source, et de « oumlil », l’argile ou la chaux. Ce qui donne la fontaine de l’argile ou de la chaux, substances suggérant la couleur d’Alger la Blanche. Plus bas, vers le port, en contrebas de la Grande-Poste, la rampe Tafourah est un autre lieu à consonance berbère. Il est dit qu’il vient de la racine « Ifri », signifiant cache, grotte ou caverne. Plus haut encore, sur les hauteurs de l’Hôtel Aurassi, le quartier des Tagarins qui surplombe la merveilleuse baie d’Alger. Là encore, le nom provient du mot amazigh « tigrine », renvoyant à la pente douce plantée de blé face à l’immensité méditerranéenne.
A la proche périphérie de la capitale foncièrement berbère de l’Algérie, Ben-Aknoun. Cette commune verdoyante était avant son nom actuel, Ben Sahoun, terre des Sahnoun comme elle fut aussi celle des Aknoun. Mais avant de porter ces deux noms à résonnance arabe, elle fut « Tizi Ouzebboudj », c’est-à-dire le nom berbère de col de l’olivier sauvage. A l’autre bout de la ville, à l’Est, El Harrach. Nom arabisé puis francisé du mot amazigh « ahrich », qui veut dire secteur, domaine, terre à proximité. Et à la banlieue sud de la ville, Tixeraïne, dans la localité au nom arabe de Birkhadem.
Appellation provenant du tamazight « tighesret » signifiant la pierre plate servant de planche à laver ou carrément le lavoir. A l’Ouest, sur les hauteurs du littoral, précisément sur le versant nord du mont Bouzaréah, à un jet de pierre de la célèbre église de Notre-Dame d’Afrique, Zghara. Patronyme évoquant la vallée avant la mer. Quelques kilomètres après sur le même littoral Ouest, Aïn Benian. Aïn, la source en arabe accolée à « bénian », qui ne renvoie pas toutefois à construction en arabe mais au tamazight « anou », pluriel « unan », dont le sens désigne le puits, la source d’eau.
D’autres noms, tels Zéralda à l’Ouest, Réghaïa et Oued Smar à l’Est sont d’autres signes de la toponymie qui attestent également qu’Alger est amazighe à la racine. Zéralda, appelée aussi « Zredla », a pour origine « Zghadla » qui lui-même découle de « azghal da », signifiant chaleur-ici et là et suggérant le lieu chaud par excellence, ce qu’est d’ailleurs la l’algéroise Zéralda malgré la proximité de la mer. Réghaïa, quant à elle, provient du tamazight « ergha », qui veut dire être brûlé et qui, déformé, arabisé puis francisé, est devenu Réghaïa, l’endroit chaud et marécageux. Tandis que Oued Smar, affluent principal de Oued El Harrach, évoque « assemmar », c’est-à-dire le jonc, cette plante qui s’épanouit dans les endroits humides.
Où l’on voit donc, à travers ces quelques exemples choisis, qu’Alger est une ville parlant l’arabe, le français et le kabyle, mais dont les racines profondes jurent que son ADN est amazigh. Et que le nom qui lui convient le mieux serait finalement Mezghenna, qui veut dire notre ville amazighe.
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