
Hier. Il était 13 heures et j’étais devant mon clavier. Le moment crucial où il faut «accoucher», comme on dit parfois, du texte quotidien qui me fait bouillir la marmite. J’avais déjà fait le tour de la «question» depuis la veille et pour tout vous dire, ce n’était pas vraiment difficile puisque je tenais mon sujet sans savoir quoi y mettre.
Je dirais quoi de ce qui s’est passé au stade Hamlaoui de Constantine ? Allez savoir mais il faut quand même dire quelque chose, un mot pour conjurer l’horreur et peut-être bien soulager sa conscience. Ça commence par cet instant tord-boyau : est-ce qu’il est possible dans ces conditions-là de se maîtriser, garder sa sérénité et trouver des phrases de l’ordre du rationnel ? Est-ce que le dérapage est encore évitable ? Est-ce que les mots ne sont plus que de potentiels jets d’huile sur les flammes ? Puis l’instant panique : j’ai peur. De dire n’importe quoi. J’ai peur de tenir serrées mes tempes entre les deux mains et vomir jusqu’à la loubia de la semaine passée.
J’ai peur de sortir des termes dont je me suis toujours cru incapable. Ce n’était pas difficile de faire le tour de la question. Il était difficile d’éviter le sujet, par contre. Un match de mise à jour du championnat entre deux clubs qui se talonnent dans le premier carré du classement. Inutile de dire «deux grands clubs». Tous les clubs algériens sont grands par le fait accompli, la complaisance, la paresse et surtout par nivellement par le bas. À moins que ce ne soit par le haut, il arrive que la chose et son contraire signifient la même chose. Puis l’horreur qui va crescendo, même s’il est difficile de savoir comment ça a commencé.
À quel instant précis on a craqué l’allumette. Une pelouse devenue arène où il n’y a que des coups sous la ceinture. On tape sur des policiers comme si on tenait l’ennemi de sa vie. Plus haut, ça arrache des sièges avec un tel acharnement, une telle «détermination», une telle sauvagerie qu’on se demande si tout ça n’est dû qu’à une déception de foot. Les sièges, des supports difficiles à identifier dans le feu de l’action, des… pierres dont on ne sait la provenance vont servir à en découdre avec des policiers rapidement dépassés par le nombre, la hargne et la violence d’en face.
Des policiers poussés dans leurs derniers retranchements, la vie en péril. Des flammes… le pire était à craindre. Parce qu’il y a pire que ça dans un stade de foot ? Non, nous y sommes, même s’il n’y a pas eu mort d’homme. Un miracle. On fait quoi, maintenant ? Il faut sévir, tout le reste est dérisoire. Frapper à la poche parce qu’il faut bien que les dégâts soient payés par ceux qui les ont occasionnés. Il faut envoyer en prison parce que c’est vachement dissuasif, surtout pour ceux qui pensent qu’ils en sont prémunis. Zéro tolérance. Que les responsables du club ne jouent pas les «apaiseurs». L’apaisement dans le cas précis signifie l’impunité et l’encourage. Ne fermons pas nos beaux stades flambant neuf sous prétexte qu’il faut les protéger. Ce sera une victoire pour les incendiaires. Il faut sévir, tout le reste est dérisoire.
Slimane Laouari
lesoirdalgerie . com/
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