Réélection de Tebboune en Algérie : l'opposition dénonce «une manipulation» après la révision des résultats
Par Adam Arroudj
Le chef de l'État Abdelmadjid Tebboune a vu son score rétrogradé de 94,65% à 84,30%, mais 2,6 millions de voix lui ont été attribuées en plus. Ramzi BOUDINA / REUTERS
Le Conseil constitutionnel, saisi par les deux candidats malheureux à la présidentielle qui contestaient les premiers chiffres annoncés, a révisé à la baisse le score du président, réélu à 84,30% au lieu de 94,65%.
«Nous avons étudié les nombres naturels, les nombres premiers, les nombres entiers […] À tous les mathématiciens, vous devez désormais inclure les nombres algériens dans vos théories.» Atmane Mazouz, président du RCD (opposition laïque ayant boycotté l'élection) a choisi l'humour pour commenter les résultats officiels de la présidentielle algérienne du 7 septembre.
La semaine dernière, les directions de campagne des trois candidats – le président sortant Abdelmadjid Tebboune, Abdelaali Hassani Cherif (MSP, islamistes, tendance Frères musulmans) et Youcef Aouchiche (FFS, opposition historique, laïque) – avaient publié un communiqué commun pour dénoncer «des imprécisions, des contradictions, des ambiguïtés et des incohérences» dans les résultats provisoires donnés par l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie).
Dans la foulée, des recours avaient été déposés – sauf par Abdelmadjid Tebboune – devant le Conseil constitutionnel. Samedi, l'institution a rendu son verdict mais n'a pas éteint la polémique. Le chef de l'État a vu son score rétrogradé de 94,65% à 84,30%, mais 2,6 millions de voix lui ont été attribuées en plus. Abdelaali Hassani Cherif a obtenu 9,56% des suffrages (contre 3,17% à l'annonce des résultats) et un peu plus de 900.000 voix (il en revendiquait 500.000). Youcef Aouchiche n'est pas en reste : il repart avec 6,14% des suffrages (contre 2,16%) et 580.000 voix (il estimait ses électeurs à un peu plus de 300.000).
«La façade démocratique s'est effondrée»
Mais c'est sans doute le taux de participation, de 46,10%, qui suscite le plus de commentaires. Selon les chiffres donnés par l'Anie, il tournait plutôt autour de 25%, un pourcentage alors jugé «vraisemblable» jusque dans les rangs de l'opposition, d'après les témoignages remontés de leurs représentants dans les bureaux de vote. «Il est impossible que la différence de participation entre deux institutions officielles soit aussi grande», a commenté Abderrezak Makri, ex-leader du MSP. Pour Mohcine Belabbès, ancien président du RCD, cette différence entre les taux ne fait «qu'accentuer l'opacité qui entoure le processus électoral, aggravant les tensions politiques et renforçant l'idée d'une manipulation orchestrée des résultats».
Cette situation met selon lui en lumière «les dysfonctionnements profonds du système électoral algérien, où l'indépendance des organes chargés de garantir l'intégrité des élections est sérieusement mise en doute». C'est aussi l'avis de Soufiane Djilali. Le président du parti Jil Jadid (Génération nouvelle, opposition) avait décidé de ne pas participer au scrutin, les conditions d'une élection transparente n'étant pas, à ses yeux, réunies. «L'État doit choisir : construire une vie politique saine en éliminant les scories du passé ou alors proclamer une dictature et l'assumer. Construire l'Algérie sur les mensonges, le trafic et le bluff est illusoire. La façade démocratique s'est effondrée», a-t-il résumé dans un communiqué publié la semaine dernière.
La controverse devrait rapidement s'éteindre
Pour Louisa Hanoune, leader du Parti des travailleurs (extrême gauche), qui avait déposé un dossier de candidature à la présidentielle avant de se retirer en dénonçant «un cadre législatif antidémocratique», ces résultats ont créé «une impasse politique». L'ex-ministre et ambassadeur Abdelaziz Rahabi a aussi commenté sur X : «Ce que je craignais et dénonçais est arrivé, le pays entre dans une phase d'ingouvernabilité en raison de la non-satisfaction des demandes majeures du Hirak (soulèvement populaire de 2019, NDLR) et de la fermeture des champs politique et médiatique.» Dans l'immédiat, la controverse devrait rapidement s'éteindre. «Les deux candidats malheureux vont rentrer dans le rang, prévoit un militant de l'opposition ayant boycotté l'élection. Ils ont obtenu plus de voix qu'ils n'en attendaient et auront leurs frais de campagne remboursés puisqu'ils ont obtenu plus de 5% des voix.»
Le président du Conseil de la nation (sénat) a jugé que cette présidentielle avait «consolidé la pratique démocratique» pendant que les partis pro-pouvoir (qui soutenaient auparavant Abdelaziz Bouteflika) se sont félicités en chœur d'une «victoire méritée», de la «grande confiance accordée par le peuple algérien» pour poursuivre «le processus d'édification de l'Algérie nouvelle et continuer à bâtir un État fort». Dans la soirée de samedi, des partisans du président réélu ont défilé dans le centre d'Alger, en agitant drapeaux et fumigènes, au son des klaxons et des youyous. Alors que les félicitations des chefs d'État et de gouvernement du monde entier pleuvent sur Abdelmadjid Tebboune, ce dernier devrait, selon les partis politiques, faire sa prestation de serment dans la semaine.
Par Adam Arroudj
Le chef de l'État Abdelmadjid Tebboune a vu son score rétrogradé de 94,65% à 84,30%, mais 2,6 millions de voix lui ont été attribuées en plus. Ramzi BOUDINA / REUTERS
Le Conseil constitutionnel, saisi par les deux candidats malheureux à la présidentielle qui contestaient les premiers chiffres annoncés, a révisé à la baisse le score du président, réélu à 84,30% au lieu de 94,65%.
«Nous avons étudié les nombres naturels, les nombres premiers, les nombres entiers […] À tous les mathématiciens, vous devez désormais inclure les nombres algériens dans vos théories.» Atmane Mazouz, président du RCD (opposition laïque ayant boycotté l'élection) a choisi l'humour pour commenter les résultats officiels de la présidentielle algérienne du 7 septembre.
La semaine dernière, les directions de campagne des trois candidats – le président sortant Abdelmadjid Tebboune, Abdelaali Hassani Cherif (MSP, islamistes, tendance Frères musulmans) et Youcef Aouchiche (FFS, opposition historique, laïque) – avaient publié un communiqué commun pour dénoncer «des imprécisions, des contradictions, des ambiguïtés et des incohérences» dans les résultats provisoires donnés par l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie).
Dans la foulée, des recours avaient été déposés – sauf par Abdelmadjid Tebboune – devant le Conseil constitutionnel. Samedi, l'institution a rendu son verdict mais n'a pas éteint la polémique. Le chef de l'État a vu son score rétrogradé de 94,65% à 84,30%, mais 2,6 millions de voix lui ont été attribuées en plus. Abdelaali Hassani Cherif a obtenu 9,56% des suffrages (contre 3,17% à l'annonce des résultats) et un peu plus de 900.000 voix (il en revendiquait 500.000). Youcef Aouchiche n'est pas en reste : il repart avec 6,14% des suffrages (contre 2,16%) et 580.000 voix (il estimait ses électeurs à un peu plus de 300.000).
«La façade démocratique s'est effondrée»
Mais c'est sans doute le taux de participation, de 46,10%, qui suscite le plus de commentaires. Selon les chiffres donnés par l'Anie, il tournait plutôt autour de 25%, un pourcentage alors jugé «vraisemblable» jusque dans les rangs de l'opposition, d'après les témoignages remontés de leurs représentants dans les bureaux de vote. «Il est impossible que la différence de participation entre deux institutions officielles soit aussi grande», a commenté Abderrezak Makri, ex-leader du MSP. Pour Mohcine Belabbès, ancien président du RCD, cette différence entre les taux ne fait «qu'accentuer l'opacité qui entoure le processus électoral, aggravant les tensions politiques et renforçant l'idée d'une manipulation orchestrée des résultats».
L'État doit choisir: construire une vie politique saine en éliminant les scories du passé ou alors proclamer une dictature et l'assumer
Soufiane Djilali, le président du parti Jil Jadid (Génération nouvelle, opposition)
Soufiane Djilali, le président du parti Jil Jadid (Génération nouvelle, opposition)
Cette situation met selon lui en lumière «les dysfonctionnements profonds du système électoral algérien, où l'indépendance des organes chargés de garantir l'intégrité des élections est sérieusement mise en doute». C'est aussi l'avis de Soufiane Djilali. Le président du parti Jil Jadid (Génération nouvelle, opposition) avait décidé de ne pas participer au scrutin, les conditions d'une élection transparente n'étant pas, à ses yeux, réunies. «L'État doit choisir : construire une vie politique saine en éliminant les scories du passé ou alors proclamer une dictature et l'assumer. Construire l'Algérie sur les mensonges, le trafic et le bluff est illusoire. La façade démocratique s'est effondrée», a-t-il résumé dans un communiqué publié la semaine dernière.
La controverse devrait rapidement s'éteindre
Pour Louisa Hanoune, leader du Parti des travailleurs (extrême gauche), qui avait déposé un dossier de candidature à la présidentielle avant de se retirer en dénonçant «un cadre législatif antidémocratique», ces résultats ont créé «une impasse politique». L'ex-ministre et ambassadeur Abdelaziz Rahabi a aussi commenté sur X : «Ce que je craignais et dénonçais est arrivé, le pays entre dans une phase d'ingouvernabilité en raison de la non-satisfaction des demandes majeures du Hirak (soulèvement populaire de 2019, NDLR) et de la fermeture des champs politique et médiatique.» Dans l'immédiat, la controverse devrait rapidement s'éteindre. «Les deux candidats malheureux vont rentrer dans le rang, prévoit un militant de l'opposition ayant boycotté l'élection. Ils ont obtenu plus de voix qu'ils n'en attendaient et auront leurs frais de campagne remboursés puisqu'ils ont obtenu plus de 5% des voix.»
Le président du Conseil de la nation (sénat) a jugé que cette présidentielle avait «consolidé la pratique démocratique» pendant que les partis pro-pouvoir (qui soutenaient auparavant Abdelaziz Bouteflika) se sont félicités en chœur d'une «victoire méritée», de la «grande confiance accordée par le peuple algérien» pour poursuivre «le processus d'édification de l'Algérie nouvelle et continuer à bâtir un État fort». Dans la soirée de samedi, des partisans du président réélu ont défilé dans le centre d'Alger, en agitant drapeaux et fumigènes, au son des klaxons et des youyous. Alors que les félicitations des chefs d'État et de gouvernement du monde entier pleuvent sur Abdelmadjid Tebboune, ce dernier devrait, selon les partis politiques, faire sa prestation de serment dans la semaine.
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