Boualem Sansal est avant tout romancier, il n’est pas historien. Ses déclarations à propos de l’histoire et de la géographie de l’Algérie n’engagent que lui et ne peuvent être considérées comme un travail portant atteinte à l’intégrité territoriale ou à l’historicité de certaines régions du pays. Néanmoins, ses propos sont moralement condamnables et, à mon avis, puisqu’ils sont assumés et répétés devant l’opinion publique, passibles de poursuites judiciaires. J’aurais aimé qu’il existe des textes de loi clairs sur ce sujet. Ces textes auraient, par exemple, permis à l’époque de mener des investigations sur la réhabilitation de bachaghas sanguinaires par Fériel Furon et sur l’aide qu’elle a reçue de certaines autorités algériennes (invitations à l’ENTV, appui de députés, présence au Maghreb des Livres, et une tentative – avortée grâce à la mobilisation – de ventes-dédicaces à Alger). J’aurais également souhaité qu’il y ait un débat, des débats, sur l’histoire et l’avenir de l’Algérie.
Pis encore, on découvre que le sieur Sansal se revendique comme marocain ou originaire du Maroc, ce qui est incroyable au vu des postes qu’il a occupés dans la fonction publique. À travers ses propos, il s’est retrouvé dans le rôle du propagandiste dans un contexte explosif. D'un côté, il s'inscrit dans une dynamique israélo-marocaine, cherchant à donner l’image d’une Algérie paria, faisant partie d’un axe du mal, multipliant ses interventions dans les médias israéliens et ses voyages en Israël.
De l'autre, il adopte les discours de l'extrême droite française, notoirement xénophobe et hostile aux musulmans, aux migrants et aux Arabes. Cependant, emprisonner un écrivain ou un journaliste est toujours un aveu d'échec :
- Échec pour la personne concernée,
- Échec pour la société,
- Échec pour l'État dans son ensemble,
- Échec pour l’image du pays à un moment où le soft power passe par les médias.
Faut-il pour autant justifier ou applaudir son arrestation ? Plusieurs éléments posent problème dans cette affaire :
1. L'absence de réaction institutionnelle préalable
Sachant que Sansal faisait partie de l’appareil d’État, les institutions algériennes auraient dû, depuis longtemps, porter plainte contre Boualem Sansal pour atteinte aux symboles de la Nation.
2. Le déficit de communication médiatique
C'est la presse française, et non algérienne, qui a annoncé la mise en détention de Sansal. Cela souligne une faille inquiétante dans le système médiatique algérien, même si l'initiative dépasse son contrôle.
3. Une réaction a posteriori brutale et anachronique
La transformation de l’affaire Sansal dans les médias algériens en une cabale médiatique (chroniques insultantes, invités de haut rang venant parler de la vie privée de Sansal, convocation de ses anciens patrons qui ne l’ont pourtant jamais révoqué), dans l’absence totale d’opinions modérées et encore moins de soutiens, donne l’image d’un pays à pensée unique. Le pire, c’est que cet exercice est totalement inutile auprès de l’opinion publique algérienne, qui dans son immense majorité vomit les thèses de Sansal et ses positions idéologiques.
4. L'opacité judiciaire
Le fonctionnement du système judiciaire algérien reste obscur. Les citoyens ont le droit de savoir qui est placé en détention, pour quelles accusations et dans quelles conditions. Les autorités judiciaires et sécuritaires ont le devoir de communiquer ces informations. Preuve en est la relaxe récente du terroriste Abu Dahdah, qui avait pourtant avoué face caméra avoir fait partie d’un groupe armé depuis 1994 !
5. L’inexistence d’une influence algérienne à l’étranger
Forte de milliers de nationaux instruits, la diaspora algérienne peine à s’infiltrer dans les médias étrangers et à faire en sorte que l’image donnée à l’Algérie ne soit pas celle véhiculée par les médias d’extrême droite proches de l’entité innommable. Pire, les médias algériens francophones sont incapables de produire des figures capables de défendre une vision des choses partagée par la majorité. Ces deux facteurs sont, à mon humble avis, le résultat de l’absence de liberté en Algérie et d’une gouvernance au point mort, où la vérité et le mensonge ne servent qu’à glorifier les autorités.
6. L’absence de liberté académique et de production de savoir robuste
Il est incroyable qu’un pays comme l’Algérie, fruit d’une Révolution aussi glorieuse, soit l’otage d’une écriture de l’histoire étranglée sur son propre territoire et fantasmée, pervertie et révisée à l’étranger. Cette situation est principalement due à l’absence de liberté académique, de débat scientifique, d’aides à la recherche dans le domaine des sciences humaines, et à l’enfermement sur soi. La stérilité du dirigisme politique dans la création de savoir robuste s’est manifestée avec éclat dans la commission mixte algéro-française "Histoire et Mémoire", où l’on a pu constater le vide du côté algérien.
7. Le doux confort de la médiocrité
Un des arguments utilisés par les détracteurs de Sansal est l’absence de démocratie et de justice en Occident, le meurtre de plus de cent journalistes gazaouis passé sous silence dans les médias européens, et le harcèlement judiciaire de personnalités et d’anonymes ayant affiché leur soutien à des causes divergentes de la doxa médiatique. Oui, il existe une injustice et un double standard en Occident. La question qui se pose est : faut-il y opposer notre propre double standard ? Ou bien devrions-nous rechercher l’exemplarité et la justice ? Faut-il opposer un mal à un mal, ou faut-il œuvrer pour le bien et la justice ?
En résumé :
Ce n'est pas tant le regard extérieur ou les campagnes médiatiques contre l'Algérie qui doivent alarmer. Ce qui inquiète véritablement, c'est le dysfonctionnement des institutions algériennes, le non-respect des règles, l’absence de débat libre et les menaces que cela fait peser sur les libertés fondamentales. Il est, à ce titre, essentiel de penser à bâtir une société fondée sur la fraternité et l’implication de tous, plutôt que sur le paternalisme et la responsabilité de personne. Finalement je pense que Boualem Sensal est une personne insignifiante qui a un problème avec l'Algérie et que c'est bien triste de lui faire de la publicité.
Akram Kharief
28 novembre 2024
Pis encore, on découvre que le sieur Sansal se revendique comme marocain ou originaire du Maroc, ce qui est incroyable au vu des postes qu’il a occupés dans la fonction publique. À travers ses propos, il s’est retrouvé dans le rôle du propagandiste dans un contexte explosif. D'un côté, il s'inscrit dans une dynamique israélo-marocaine, cherchant à donner l’image d’une Algérie paria, faisant partie d’un axe du mal, multipliant ses interventions dans les médias israéliens et ses voyages en Israël.
De l'autre, il adopte les discours de l'extrême droite française, notoirement xénophobe et hostile aux musulmans, aux migrants et aux Arabes. Cependant, emprisonner un écrivain ou un journaliste est toujours un aveu d'échec :
- Échec pour la personne concernée,
- Échec pour la société,
- Échec pour l'État dans son ensemble,
- Échec pour l’image du pays à un moment où le soft power passe par les médias.
Faut-il pour autant justifier ou applaudir son arrestation ? Plusieurs éléments posent problème dans cette affaire :
1. L'absence de réaction institutionnelle préalable
Sachant que Sansal faisait partie de l’appareil d’État, les institutions algériennes auraient dû, depuis longtemps, porter plainte contre Boualem Sansal pour atteinte aux symboles de la Nation.
2. Le déficit de communication médiatique
C'est la presse française, et non algérienne, qui a annoncé la mise en détention de Sansal. Cela souligne une faille inquiétante dans le système médiatique algérien, même si l'initiative dépasse son contrôle.
3. Une réaction a posteriori brutale et anachronique
La transformation de l’affaire Sansal dans les médias algériens en une cabale médiatique (chroniques insultantes, invités de haut rang venant parler de la vie privée de Sansal, convocation de ses anciens patrons qui ne l’ont pourtant jamais révoqué), dans l’absence totale d’opinions modérées et encore moins de soutiens, donne l’image d’un pays à pensée unique. Le pire, c’est que cet exercice est totalement inutile auprès de l’opinion publique algérienne, qui dans son immense majorité vomit les thèses de Sansal et ses positions idéologiques.
4. L'opacité judiciaire
Le fonctionnement du système judiciaire algérien reste obscur. Les citoyens ont le droit de savoir qui est placé en détention, pour quelles accusations et dans quelles conditions. Les autorités judiciaires et sécuritaires ont le devoir de communiquer ces informations. Preuve en est la relaxe récente du terroriste Abu Dahdah, qui avait pourtant avoué face caméra avoir fait partie d’un groupe armé depuis 1994 !
5. L’inexistence d’une influence algérienne à l’étranger
Forte de milliers de nationaux instruits, la diaspora algérienne peine à s’infiltrer dans les médias étrangers et à faire en sorte que l’image donnée à l’Algérie ne soit pas celle véhiculée par les médias d’extrême droite proches de l’entité innommable. Pire, les médias algériens francophones sont incapables de produire des figures capables de défendre une vision des choses partagée par la majorité. Ces deux facteurs sont, à mon humble avis, le résultat de l’absence de liberté en Algérie et d’une gouvernance au point mort, où la vérité et le mensonge ne servent qu’à glorifier les autorités.
6. L’absence de liberté académique et de production de savoir robuste
Il est incroyable qu’un pays comme l’Algérie, fruit d’une Révolution aussi glorieuse, soit l’otage d’une écriture de l’histoire étranglée sur son propre territoire et fantasmée, pervertie et révisée à l’étranger. Cette situation est principalement due à l’absence de liberté académique, de débat scientifique, d’aides à la recherche dans le domaine des sciences humaines, et à l’enfermement sur soi. La stérilité du dirigisme politique dans la création de savoir robuste s’est manifestée avec éclat dans la commission mixte algéro-française "Histoire et Mémoire", où l’on a pu constater le vide du côté algérien.
7. Le doux confort de la médiocrité
Un des arguments utilisés par les détracteurs de Sansal est l’absence de démocratie et de justice en Occident, le meurtre de plus de cent journalistes gazaouis passé sous silence dans les médias européens, et le harcèlement judiciaire de personnalités et d’anonymes ayant affiché leur soutien à des causes divergentes de la doxa médiatique. Oui, il existe une injustice et un double standard en Occident. La question qui se pose est : faut-il y opposer notre propre double standard ? Ou bien devrions-nous rechercher l’exemplarité et la justice ? Faut-il opposer un mal à un mal, ou faut-il œuvrer pour le bien et la justice ?
En résumé :
Ce n'est pas tant le regard extérieur ou les campagnes médiatiques contre l'Algérie qui doivent alarmer. Ce qui inquiète véritablement, c'est le dysfonctionnement des institutions algériennes, le non-respect des règles, l’absence de débat libre et les menaces que cela fait peser sur les libertés fondamentales. Il est, à ce titre, essentiel de penser à bâtir une société fondée sur la fraternité et l’implication de tous, plutôt que sur le paternalisme et la responsabilité de personne. Finalement je pense que Boualem Sensal est une personne insignifiante qui a un problème avec l'Algérie et que c'est bien triste de lui faire de la publicité.
Akram Kharief
28 novembre 2024
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