« N’oublions pas pour autant l’histoire, la vraie, elle aide à résoudre le présent »
Le débat sur l’immigration n’en finit plus de rebondir. La droite et l’extrême droite que l’on ne distingue plus guère en font l’alpha et l’oméga de leur politique, comme si tous les problèmes de la France étaient dus à l’immigration. Au cœur du sujet, la relation avec l’Algérie dont l’histoire est toujours d’actualité.
Le 14 octobre, la mairie de Paris débaptisait l’avenue Bugeaud pour la renommer du nom d’Hubert Germain, un grand résistant. Bugeaud s’est rendu célèbre par les « enfumades » qu’il a pratiquées en 1844 et 1845 contre les populations autochtones qui étaient entassées dans des grottes avant d’être étouffées. Et pour sa conception assez particulière des populations locales : « Le but n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, […] de jouir de leurs champs […]. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes […], ou bien exterminez-les jusqu’au dernier. »
Le 17 octobre 1961 la police parisienne du préfet Papon assassinait de sang-froid plusieurs dizaines d’Algériens, dans la rue et dans des centres d’internement. De nombreux corps ont été retrouvés aussi dans la Seine. Préparée en secret, la manifestation s’opposait à l’interdiction de manifester qui avait été décrétée par l’Etat à l’encontre des seuls Algériens. Le rassemblement était pacifique et voulait montrer une rupture avec les attentats perpétrés contre les forces de l’ordre par le FLN depuis plusieurs mois. Les défilés nocturnes sur les grandes artères de la capitale donnèrent lieu à des affrontements au cours desquels des policiers firent feu. Quelques mois plus tard, les accords d’Evian de mars 1962 mirent fin à la guerre qui déchirait la France, l’Algérie obtint son indépendance.
Reconstruction. En parallèle, depuis déjà une dizaine d’années, des recruteurs venaient dans les campagnes et les montagnes algériennes embaucher des paysans souvent illettrés pour participer à l’effort de reconstruction et d’industrialisation de la France. Ils vinrent par centaines de milliers, à l’appel de la France, pour reconstituer sa force de travail. Les Portugais venaient au même moment par eux-mêmes. L’immigration marocaine et algérienne était organisée, elle, par les fédérations professionnelles du bâtiment et de l’automobile. Aujourd’hui, il est de bon ton de comparer les immigrations et de déplorer la haine de la France chez certains enfants d’immigrés. Mais ne voit-on pas que la situation n’est pas la même pour des réfugiés venus par exemple d’Arménie ou d’Europe centrale et qui ont trouvé en la France une patrie de secours et des descendants d’une immigration qui trouve sa source dans une colonisation barbare, qui s’est soldée par une guerre civile atroce pendant laquelle l’industrie française allait chercher des bras dans les contrées sous tutelle pour répondre à une demande de travail non satisfaite en France ?
Le régime algérien instrumentalise à son profit cette histoire. C’est un fait. Mais n’oublions pas pour autant l’histoire, la vraie, elle aide à résoudre le présent.