La tente de l’Emir était pressée par les Zouaoua qui le regardaient avec des yeux éton-nés ; aucun d’eux toutefois n’osait y pénétrer ; les moins indiscrets, accroupis à l’entour, en relevaient les bords pour voir sans être vus ....(12). Après son entrevue avec les Kabyles à Sidi-Aly-ouMoussa, l'émir monta à cheval pour se rendre à Bordj Tiziouzou chez les Ameraouas ...

voyons un peu ce que le journaliste a omit de relater ... c'est relaté par DAUMAS auquel le journaliste fait référence d'ailleurs et qui montre si besoin est que les kabyles ne s'étaient pas aplat-ventri comme des tapis au passage de l'émir comme j'ai l'impression que cet article veut le faire croire ... que l'Emir était le messi qu'attendait les kabyles.
... La tente de l'émir était pressée par les Zouaouas qui le regardaient avec des yeux étonnés ; aucun d'eux, toutefois, n'osait y pénétrer ; les moins indiscrets, accroupis à l'entour, en relevaient les bords pour voir sans être vus ; les plus hardis l'interpellaient hautement, le nommant, au hasard, les uns le cheikh, les autres Sid-el-Hadj, quelques-uns le dérouïche, et les plus civils, en petit nombre, le marabout ou le chérif.
Les cavaliers qui étaient venus avec l'émir, cherchaient à repousser la foule, et criaient aux plus importuns : " Que Dieu vous confonde ! vous allez étouffer notre maître. "
Mais Abd-el-Kader, impassible, leur disait avec calme : " Laissez-les tranquilles ; ils sont ignorants et grossiers, âpres comme leurs montagnes ; vous ne les changerez pas en un jour. "
Quand ce premier mouvement d'indiscrète curiosité fut un peu calmé, Abd-el-Kader demanda aux Kabyles où étaient les chefs qui les commandaient. " Nous n'avons pas de chefs étrangers à notre nation, lui répondirent-ils, nos chefs sont tirés d'entre nous ; nous obéissons aux Amines et aux marabouts. " Les Amines vinrent alors le saluer, et il leur demanda quel était celui qui, chez eux, réunissait à lui seul la volonté de tous ; ils lui répondirent : " Nous n'avons personne qui réunisse la volonté de tous ; mais c'est chez nous, Amines, élus par le peuple, que se concentre la volonté générale.
" - S'il en est ainsi, reprit Abd-el-Kader, je recommande aux Amines d'être bien avec mon khalifa, de le servir et d'obéir à ses ordres.
" - Nous ne demandons pas mieux que de vivre en bonne intelligence avec votre khalifa, répliquèrent les Amines ; mais qu'il ne nous parle jamais d'impôts, comme il l'a déjà fait dans les plaines, car nos ancêtres n'en ont jamais payés, et nous voulons suivre leur chemin.
" - Vous donnerez au moins la zeccat et l'achour, ajouta l'émir ; ces contributions sont d'origine divine. " - " - Oui, nous donnerons la zeccat et l'achour prescrits par la loi religieuse, crièrent les Kabyles en s'animant ; mais nos zaouïas les recueilleront, et nos pauvres en profiteront : telle est notre habitude. "
Après cette scène étrange, la diffa (1) fut apportée. L'émir refusa d'y toucher avant de savoir si les Kabyles persistaient ou non dans leurs résolutions ; il leur parla donc encore d'impôts, mais les âmines l'interrompirent : " Vous vous êtes annoncé chez nous en qualité de pèlerin, et nous vous avons offert la diffa. Cessez ce langage dont vous pourriez mal vous trouver ; sachez bien que si vous nous étiez venu comme maghzen (2), au lieu de couscoussou blanc, nous vous aurions ras sasié de couscoussou noir (de poudre). "
Abd-el-Kader répondit qu'à la vérité il ne s'était rendu chez eux qu'en simple pèlerin ; que, néanmoins, il était bien aise de leur apprendre que son maghzen ne ressemblait en rien à celui des Turcs ; que Dieu l'avait élevé pour rétablir la religion du prophète et anéantir la puissance des chrétiens ; que déjà il avait fait boire du fiel aux Français, ce peuple d'outre-mer ; qu'il les avait battus dans cent combats glorieux pour l'islamisme ; qu'ils ne devaient pas, eux Kabyles, le dédaigner parce qu'il n'était accompagné que d'une centaine de cavaliers ; que tout le Gharb reconnaissait ses lois, et qu'il pouvait plier l'ouest sur l'est aussi facilement qu'il pliait ce tapis. Il ajouta :
" Si vous me dites : l'est est plus fort que l'ouest, je vous répondrai : Dieu fait marcher la victoire à ma suite, à cause de la pureté des motifs qui me guident. Vous savez au surplus ce que dit le Koran : que d'éléphants ont été inquiétés par des
moucherons, et que de lions ont été tués par le dab (1) !
" Sachez bien que si je ne m'étais opposé aux empiétements des Français, si je ne leur avais fait connaître leur impuissance, depuis longtemps déjà ils auraient nagé jusqu'à vous comme une mer en furie, et vous auriez vu alors ce que n'ont jamais vu ni les temps passés, ni les temps présents. Ils n'ont quitté leur pays que pour conquérir et faire esclave le nôtre. Je suis l'épine que Dieu leur a placée dans l'œil, et si vous m'aidez, je les jetterai dans la mer.
Dans le cas contraire, ils vous aviliront. Rendez moi donc des actions de grâces de ce que je suis l'ennemi mortel de votre ennemi. Réveillez-vous de votre apathie, et, croyez-le, je n'ai rien plus à cœur que le bonheur et la prospérité des Musulmans. Je n'exige de vous, pour triompher des infidèles, qu'obéissance, accord et marche conforme à notre sainte loi ; comme je ne vous demande, pour soutenir mes armées, que ce qui vous est ordonné par Dieu, le maître du monde.
Obéissez donc à Ben-Salem ; il sera pour vous la boussole qui vous indiquera le bien. Je prends Dieu à témoin de la vérité et de la sincérité de mes paroles ; si elles n'ont pu trouver le chemin de vos cœurs, vous vous en repentirez un jour, mais d'un repentir inutile. C'est par la raison et non par la violente que j'ai voulu vous convaincre, et je prie le Tout-Puissant qu'il vous éclaire et vous dirige. Je ne suis venu vous trouver qu'avec une poignée de monde, parce que je vous croyais des hommes sages, capables d'écouter les avis de ceux qui ont vu ce que vous n'avez pu voir ; je me suis trompé, vous n'êtes que des troncs noueux et inflexibles.
Alors se leva Ben-Aâbbou, oukil de l'émir, qui, gravement et sentencieusement, à la façon des Arabes, jeta ce proverbe à la foule :
El-aâdou ma ierdjâa sedigue
Ou el-negrala ma ierdjâa deguigue.
(L'ennemi ne devient jamais ami ;
Le son ne devient jamais farine.)
Sans faire autrement attention aux paroles de Ben Aâbbou : " Nous vous jurons, répondirent les Kabyles à l'émir, que nous sommes des gens sensés et connaissant l'état des choses ; mais nous ne voulons pas que personne s'initie à nos affaires ou cherche à nous imposer d'autres lois que les nôtres. "
" Nous savons encore ce qu'il nous convient de faire, eu égard aux préceptes de la religion. Comme nous vous l'avons dit, nous donnerons à nos mosquées la zeccat et l'achour ; mais nous n'entendons pas que des étrangers en profitent. Quant aux chrétiens, viennent jamais chez nous, nous leur apprendrons ce que peuvent les Zouaouas à la tête et aux pieds nus.
" - Assez ! assez ! interrompit Abd-el-Kader ; le pèlerin s'en retournera comme il est venu. Que la volonté de Dieu soit faite !
" - Allez donc en paix, reprirent les Kabyles, puisque vous êtes venu simplement nous visiter. Les pèlerins et les voyageurs ont toujours été bien reçus chez nous ; nous pratiquons l'hospitalité ; nous avons de la fierté, et nous craignons les actions qui peuvent attirer sur nous le blâme ou la déconsidération.
" Une autre fois présentez-vous avec la splendeur d'un prince, traînez à votre suite une armée nombreuse, et demandez-nous,
ne fût-ce que la valeur d'un grain de moutarde, vous n'obtiendrez de nous que de la poudre. Voilà notre dernier mot. "
Après son entrevue avec les Kabyles à Sidi-Aly-ouMoussa, l'émir monta à cheval pour se rendre à Bordj Tiziouzou chez les Ameraouas ...
Les cavaliers qui étaient venus avec l'émir, cherchaient à repousser la foule, et criaient aux plus importuns : " Que Dieu vous confonde ! vous allez étouffer notre maître. "
Mais Abd-el-Kader, impassible, leur disait avec calme : " Laissez-les tranquilles ; ils sont ignorants et grossiers, âpres comme leurs montagnes ; vous ne les changerez pas en un jour. "
Quand ce premier mouvement d'indiscrète curiosité fut un peu calmé, Abd-el-Kader demanda aux Kabyles où étaient les chefs qui les commandaient. " Nous n'avons pas de chefs étrangers à notre nation, lui répondirent-ils, nos chefs sont tirés d'entre nous ; nous obéissons aux Amines et aux marabouts. " Les Amines vinrent alors le saluer, et il leur demanda quel était celui qui, chez eux, réunissait à lui seul la volonté de tous ; ils lui répondirent : " Nous n'avons personne qui réunisse la volonté de tous ; mais c'est chez nous, Amines, élus par le peuple, que se concentre la volonté générale.
" - S'il en est ainsi, reprit Abd-el-Kader, je recommande aux Amines d'être bien avec mon khalifa, de le servir et d'obéir à ses ordres.
" - Nous ne demandons pas mieux que de vivre en bonne intelligence avec votre khalifa, répliquèrent les Amines ; mais qu'il ne nous parle jamais d'impôts, comme il l'a déjà fait dans les plaines, car nos ancêtres n'en ont jamais payés, et nous voulons suivre leur chemin.
" - Vous donnerez au moins la zeccat et l'achour, ajouta l'émir ; ces contributions sont d'origine divine. " - " - Oui, nous donnerons la zeccat et l'achour prescrits par la loi religieuse, crièrent les Kabyles en s'animant ; mais nos zaouïas les recueilleront, et nos pauvres en profiteront : telle est notre habitude. "
Après cette scène étrange, la diffa (1) fut apportée. L'émir refusa d'y toucher avant de savoir si les Kabyles persistaient ou non dans leurs résolutions ; il leur parla donc encore d'impôts, mais les âmines l'interrompirent : " Vous vous êtes annoncé chez nous en qualité de pèlerin, et nous vous avons offert la diffa. Cessez ce langage dont vous pourriez mal vous trouver ; sachez bien que si vous nous étiez venu comme maghzen (2), au lieu de couscoussou blanc, nous vous aurions ras sasié de couscoussou noir (de poudre). "
Abd-el-Kader répondit qu'à la vérité il ne s'était rendu chez eux qu'en simple pèlerin ; que, néanmoins, il était bien aise de leur apprendre que son maghzen ne ressemblait en rien à celui des Turcs ; que Dieu l'avait élevé pour rétablir la religion du prophète et anéantir la puissance des chrétiens ; que déjà il avait fait boire du fiel aux Français, ce peuple d'outre-mer ; qu'il les avait battus dans cent combats glorieux pour l'islamisme ; qu'ils ne devaient pas, eux Kabyles, le dédaigner parce qu'il n'était accompagné que d'une centaine de cavaliers ; que tout le Gharb reconnaissait ses lois, et qu'il pouvait plier l'ouest sur l'est aussi facilement qu'il pliait ce tapis. Il ajouta :
" Si vous me dites : l'est est plus fort que l'ouest, je vous répondrai : Dieu fait marcher la victoire à ma suite, à cause de la pureté des motifs qui me guident. Vous savez au surplus ce que dit le Koran : que d'éléphants ont été inquiétés par des
moucherons, et que de lions ont été tués par le dab (1) !
" Sachez bien que si je ne m'étais opposé aux empiétements des Français, si je ne leur avais fait connaître leur impuissance, depuis longtemps déjà ils auraient nagé jusqu'à vous comme une mer en furie, et vous auriez vu alors ce que n'ont jamais vu ni les temps passés, ni les temps présents. Ils n'ont quitté leur pays que pour conquérir et faire esclave le nôtre. Je suis l'épine que Dieu leur a placée dans l'œil, et si vous m'aidez, je les jetterai dans la mer.
Dans le cas contraire, ils vous aviliront. Rendez moi donc des actions de grâces de ce que je suis l'ennemi mortel de votre ennemi. Réveillez-vous de votre apathie, et, croyez-le, je n'ai rien plus à cœur que le bonheur et la prospérité des Musulmans. Je n'exige de vous, pour triompher des infidèles, qu'obéissance, accord et marche conforme à notre sainte loi ; comme je ne vous demande, pour soutenir mes armées, que ce qui vous est ordonné par Dieu, le maître du monde.
Obéissez donc à Ben-Salem ; il sera pour vous la boussole qui vous indiquera le bien. Je prends Dieu à témoin de la vérité et de la sincérité de mes paroles ; si elles n'ont pu trouver le chemin de vos cœurs, vous vous en repentirez un jour, mais d'un repentir inutile. C'est par la raison et non par la violente que j'ai voulu vous convaincre, et je prie le Tout-Puissant qu'il vous éclaire et vous dirige. Je ne suis venu vous trouver qu'avec une poignée de monde, parce que je vous croyais des hommes sages, capables d'écouter les avis de ceux qui ont vu ce que vous n'avez pu voir ; je me suis trompé, vous n'êtes que des troncs noueux et inflexibles.
Alors se leva Ben-Aâbbou, oukil de l'émir, qui, gravement et sentencieusement, à la façon des Arabes, jeta ce proverbe à la foule :
El-aâdou ma ierdjâa sedigue
Ou el-negrala ma ierdjâa deguigue.
(L'ennemi ne devient jamais ami ;
Le son ne devient jamais farine.)
Sans faire autrement attention aux paroles de Ben Aâbbou : " Nous vous jurons, répondirent les Kabyles à l'émir, que nous sommes des gens sensés et connaissant l'état des choses ; mais nous ne voulons pas que personne s'initie à nos affaires ou cherche à nous imposer d'autres lois que les nôtres. "
" Nous savons encore ce qu'il nous convient de faire, eu égard aux préceptes de la religion. Comme nous vous l'avons dit, nous donnerons à nos mosquées la zeccat et l'achour ; mais nous n'entendons pas que des étrangers en profitent. Quant aux chrétiens, viennent jamais chez nous, nous leur apprendrons ce que peuvent les Zouaouas à la tête et aux pieds nus.
" - Assez ! assez ! interrompit Abd-el-Kader ; le pèlerin s'en retournera comme il est venu. Que la volonté de Dieu soit faite !
" - Allez donc en paix, reprirent les Kabyles, puisque vous êtes venu simplement nous visiter. Les pèlerins et les voyageurs ont toujours été bien reçus chez nous ; nous pratiquons l'hospitalité ; nous avons de la fierté, et nous craignons les actions qui peuvent attirer sur nous le blâme ou la déconsidération.
" Une autre fois présentez-vous avec la splendeur d'un prince, traînez à votre suite une armée nombreuse, et demandez-nous,
ne fût-ce que la valeur d'un grain de moutarde, vous n'obtiendrez de nous que de la poudre. Voilà notre dernier mot. "
Après son entrevue avec les Kabyles à Sidi-Aly-ouMoussa, l'émir monta à cheval pour se rendre à Bordj Tiziouzou chez les Ameraouas ...
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