Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La face cachée du 11 septembre et du pétrole. Entretien avec Eric Laurent

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • nacer-eddine06
    a répondu
    Vous parlez également d’une carte géographique rendue public par une commission secrète présidée par Dick Cheney, dans laquelle le sud de l’Irak est découpé en zones pétrolifères, six mois avant les attentats du 11 septembre. Est-ce pour vous une preuve supplémentaire qui étayerait votre enquête sur « La face cachée du 11 septembre »(2) où vous émettez des doutes, mezza voce, sur la version officielle des attentats du 11 septembre ?

    Non, je ne soutiens pas cette théorie du complot, selon laquelle, il y a la main américaine derrière les attentats du 11 septembre pour mettre contrôler le pétrole irakien.
    Je pense que les évènements sont plus imprévisibles, il n’y a pas cette logique implacable. Je crois en fait qu’il y a deux réalités :
    1- La décision d’envahir l’Irak est une décision qui a été réfléchie et prise très tôt par l’administration de Bush, qui connaît probablement le mieux l’état des réserves pétrolières saoudiennes et qui est donc au courant de leur déclin rapide, qui va à l’encontre bien entendu des propos tenus par les officiels saoudiens, propos rassurants et euphoriques. Par ailleurs, la surprise a été de découvrir qu’en 2001 la première décision prise par l’administration Bush ne concernait pas la sécurité ou le terrorisme, mais concernait la question de l’énergie avec la création d’une commission sur l’énergie présidée par le vice-président Dick Cheny. Cette commission fonctionnait dans le secret le plus absolu, au point qu’une journaliste du Washington Post, Dana Milbank, l’a surnommé « la société secrète ». Des organisations civiles ont engagé une bataille juridique avec la Maison Blanche, qui s’opposait à la divulgation des travaux de cette commission, mais en fin de compte une décision du tribunal, en 2003, a obligé la commission à rendre publique un certain nombre de documents dont une carte de l’Irak qui remonte à mars 2001 (six mois avant le 11 septembre), sur laquelle on voit tout le sud de l’Irak, zone très prometteuse sur le plan pétrolier, découpée en 8 zones d’exploitations pétrolières. Ce qui montre que le pétrole est au cœur de la stratégie américain qui préoccupe depuis quelques années Dick Cheney, lequel avait tenu des propos pessimistes sur l’avenir énergétique de l’Amérique et les problèmes d’approvisionnements. On peut dire que le 11 septembre a été pour l’administration Bush une divine surprise, un cadeau, mais je ne crois pas qu’on peut lier les deux évènements. Néanmoins, cela n’exclue pas que jamais une administration n’a autant menti à sa propre opinion et à l’opinion internationale pour une guerre qui est un échec total. Cela préfigure la nouvelle logique dans laquelle on est rentré, qui est une logique de guerre des ressources s’exprimant à travers des conflits, des coups d’état, des affrontements entre Etats consommateurs, et de certains nombres de pays producteurs qui usent de l’arme du pétrole pour conforter à la fois leur diplomaties et leur influences.

    Le nucléaire, l’énergie du futur disent beaucoup d’experts. Quelle analyse faites-vous, cependant, du projet iranien à ce sujet, et le casus belli entre ce dernier pays et les Etats-Unis d’Amérique et Israël, sachant que l’Iran pourrait en cas de conflit perturber l’approvisionnement mondial en pétrole en coupant ce que vous appelez « le veine jugulaire de l’occident » à savoir le détroit d’Ormuz ?

    La plupart des gens qui évoquent la menace iranienne, le font à travers deux grilles d’analyses qui sont celles du passé, c’est-à-dire, comme un affrontement Est-Ouest (l’Iran étant comparée à la menace Soviétique) ou ils comparent la montée des tensions avec l’Iran à la crise de Cuba de 1962. Pour ma part je pense que c’est complètement faux pour deux raisons :
    - La puissance planétaire de l’Iran n’est pas comparable à celle de l’ex-Union Soviétique.
    - La crise de Cuba était provoquée par un satellite Soviétique qui a installé des missiles aux portes des Etats-Unis d’Amérique.
    Aujourd’hui avec l’Iran on est devant une situation ou la menace envers le monde occidental est encore hypothétique. Pour l’instant l’Iran n’a pas la bombe et les Américains ne peuvent tolérer que ce pays ait l’arme nucléaire. D’abord le défit lancé par Téhéran et la manière dont il est lancé est quelque chose d’inacceptable pour les USA parce qu’il y a toujours ce ancien contentieux entre les deux pays qui remonte à la révolution islamique après la chute du Shah. Et au fond à l’humiliation américaine en 1979 avec l’affaire de la prise d’otages et l’incroyable passivité américaine pendant des mois avec des interventions militaires, sous la présidence de Carter, qui ont échoué lamentablement. Par ailleurs, le dossier iranien est crucial pour l’administration Bush qui se retrouve le dos au mur. De plus en plus critiquée sur sa mauvaise gestion du dossier irakien, cette dernière cherche à détourner l’attention avec le dossier iranien, plus populaire, et faisant l’unanimité autour de l’idée d’une menace nucléaire venant d’un état considéré comme « un Etat voyou ».
    Sur le plan international, l’administration Bush ne peut tolérer, vis-à-vis de ses alliés, que l’Iran se dote de l’arme nucléaire dans la région du Golfe. L’Arabie Saoudite se retrouverait totalement dépendante de Téhéran et ce serait également valable pour tous les pays du Golfe. Si demain l’Iran est nucléarisé, c’est pour ce pays le pouvoir assuré pour contrôler directement ou par influence une grande partie de la production pétrolière mondiale. Si, en revanche, les américaine décident de rentrer en guerre avec l’Iran, ils risquent paradoxalement de rentrer en guerre aussi avec le régime actuel de Bagdad, prédominé par des chiites sous influence de Téhéran. Maintenant, je ne vois pas de quelle manière l’Iran pourrait revenir sur sa décision de poursuivre son programme nucléaire qui représente pour elle un moyen d’accéder à un statut dans la région. Cela a été le cas de l’Inde et du Pakistan. L’Iran souhaite avoir l’arme nucléaire moins pour l’utiliser que pour avoir un statut déterminant. On est dans un monde où la prolifération nucléaire va être le grand phénomène à venir que le cas iranien illustre à merveille. Si on ne peut pas aujourd’hui, endiguer le cas iranien, tout volera en éclats ; le traité de non prolifération nucléaire n’aura plus aucune raison d’être, d’autres pays, pour se protéger de l’Iran, se lanceront dans une course à l’armement nucléaire… c’est une perceptive très préoccupante.
    Les deux derniers chapitres de votre enquêtes sont consacrés à deux sujets d’importance, à savoir les traders, ces golden boys du pétrole à l’origine des envolées du prix du brut, et le réchauffement climatique, un problème d’actualité. Auriez-vous des solutions à proposer sur ces problèmes ?
    Le vrai problème qui habite ces deux questions c’est l’absence de volonté politique. Dans le cas du dérèglement climatique, pendant des années les politiques ont été complètement inertes face à une situation qui ne fait qu’aller en s’aggravant. Aujourd’hui ils sont au pied du mur, ils découvrent que la situation s’est détériorée beaucoup plus vite qu’ils ne voulaient le faire croire, et on se retrouve donc dans une impasse. Le seul sursaut peut venir de décisions politiques majeures, mais les gouvernements sont souvent otages de lobbies industriels puissants et favorables aux milieux énergétiques : les USA en sont évidemment une illustration et c’est le cas aussi en Europe. Ce laisser faire des politique se traduit par une spéculation effrénée autour du pétrole, parce que les prix du pétrole tel que les consommateurs que nous sommes lisons dans les journaux- presque 70 dollars le baril- n’est pas le fruit du prix réel du pétrole, mais des 80 % d’augmentations dues aux spéculations et aux tensions qui ont lieu autour du pétrole. Exemple : sur les marchés à terme de l’énergie- ceux de Londres et de New York crées en 1970 après le soit disant le premier choc pétrolier- il y’a 560 contrats pétroliers qui sont échangés- des contrats fictifs et uniquement spéculatifs et financiers- contre un seul contrat réel représentant une cargaison. En d’autres termes, la consommation pétrolière mondiale est aujourd’hui de 30 milliards de barils par an. Sur les marchés spéculatifs les échanges se chiffrent à plus de 100 milliards de barils chaque année Le fossé est énorme entre la réalité de la productions et les spéculations
    Quelles ont été les réactions à votre enquête dans les milieux concernés ?
    Je m’attendais effectivement à des réactions, et surtout à des réactions d’hostilité, mais je pense qu’il est arrivé un moment où les choses sont en train de changer et les attitudes aussi, y compris dans le monde pétrolier. Le discours qui consistait à expliquer que tout aller bien, que nous baignons dans l’euphorie d’un pétrole bon marché avec des ressources infinis, est un discours qui n’a plus cour aujourd’hui. On pouvait autrefois décréditer les dissidents et les porteurs de mauvaises nouvelles, aujourd’hui on voit très bien que les compagnies pétrolières elles même reconnaissent qu’on est arrivé à la fin de l’ère du pétrole. C’est le cas du nouveau directeur de Total qui a déclaré qu’il faut transformer son groupe en un groupe diversifiant sa stratégie énergétique, n’excluant pas d’investir dans le nucléaire, dans la mesure où il croit de moins en moins, même avec les nouvelles percés technologique, à la possibilité de trouver de nouveaux gisements. C’est une réalité qui est admise aujourd’hui, et mon enquête, contrairement à ce que j’imaginais, n’a pas suscité d’hostilité sauf parfois chez les politiques, parc qu’ils sont pris un peu la main dans le sac : c’est-à-dire je brocarde beaucoup cette tentation qu’ils ont de rester inertes devant des dossiers aussi sensibles et urgents, pour en effet ne pas devenir impopulaires surtout dans un contexte électoral comme celui qui a lieu aujourd’hui en France.
    Entretien réalisé par Fayçal Anseur

    Laisser un commentaire:


  • La face cachée du 11 septembre et du pétrole. Entretien avec Eric Laurent

    Eric Laurent est un grand reporter, auteur de plusieurs ouvrages sur le pétrole et la géopolitique. Connaisseur patenté de la région du moyen orient, il a publié en 2004, « la face cachée du 11 septembre », une enquête dans les méandres des attentats qui ont ciblé les tours jumelles du World Trade Center. Son dernier livre, « la face cachée du pétrole », est un condensé de révélations et de scoops sur le monde secret de l’or noir.
    Votre enquête est troublante et alarmiste à plus d’un titre par les manipulations et les tractations douteuses qu’elle dénonce. Le constat général qu’on peut tirer de la lecture de « La face cachée du pétrole »(1) c’est qu’une bonne partie des conflits armés pendant et après la seconde guerre mondiale- la guerre froide y compris- sont liés au pétrole et à la politique agressive d’une Amérique obsédée par sa sécurité énergétique ?
    Éric Laurent : On dit beaucoup que le 20 ème siècle a été le siècle de la guerre, moi je dirai plutôt que c’est le siècle à la fois de la guerre et du pétrole. Pour moi c’est une grille d’analyse qui permet de déchiffrer les grands conflits contemporains. C’est le cas pendant la première guerre mondiale. On voit très bien que la machine de guerre alliée contre les allemands, dépendait des approvisionnements énergétiques, notamment en provenance des Etats Unis d’Amériques, qui furent à l’époque le premier producteur et exportateur mondial de pétrole.
    Et je cite dans mon livre notamment les propos angoissés de Clemenceau dans un télégramme envoyé au président Wilson, en lui disant surtout de continuer de maintenir les approvisionnements pour permettre d’alimenter la machine de guerre. Les USA ont fourni plus 85% des approvisionnements qui ont permet aux alliés de vaincre les allemands. Ce qui s’est répété pendant la 2 ème guerre mondiale, où ils ont joué un rôle clé, en fournissant entre 60 à 70% des approvisionnements pétroliers, puisque le pétrole en provenance du moyen orient était à l’époque dérisoire, il représentait à peu près 3 à 4 % seulement de la totalité des besoins de la guerre.
    Une autre vérité historique qui confirme que le pétrole est au cœur des conflits, est l’attaque sur Pearl Harbor qui a été en grande partie déclenchée par les japonais parce que justement ces derniers redoutaient que les américains et les anglais coupent les lignes d’approvisionnements en prévenance d’Asie et du Golfe.
    Il y a aussi un fait historique relativement reconnu, que je reprends dans mon enquête, concernant l’attaque lancée, en 1941, par Allemagne contre la Russie c’était essentiellement pour mettre la main sur les puits de pétrole du Caucase notamment en Azerbaïdjan.
    Donc de tout temps, le pétrole, au cours du 20 ème siècle, était au cœur des grandes manœuvres politiques et militaires, et ça était, en effet, une obsession pour les USA qui ont fait reposer leur sécurité énergétique sur une espèce de quadrillage du monde après la guerre. En d’autres termes, la sécurité nationale des USA passe bien évidement par l’approvisionnement énergétique.
    Selon vous le premier choc pétrolier était un leurre orchestré par les grandes compagnies pétrolières dans le but de revoir à la hausse les prix, et qu’il n’y a jamais eu vraiment un embargo puisque certains pays de l’OPEP, à l’instar de l’Arabie Saoudite vendaient leur pétrole, en catimini, à des pays censés être boycottés ?
    Oui, l’une des grandes surprises justement de mon enquête c’était de découvrir qu’en réalité le choc pétrolier a été réellement un leurre, pour des raisons simples :
    -L’organisation des pays producteurs de pétrole ( L’OPEP) a été créée en 1959, à l’initiative du ministre saoudien du pétrole de l’époque et de son homologue vénézuelien, dans l’indifférence presque totale des médias. La Suisse considérait que c’était une organisation tellement secondaire qu’elle a refusé d’octroyer aux membres de son secrétariat le statut diplomatique, lesquels ont dû se rabattre sur Vienne en Autriche. Entre 1959 et 1972, jamais malgré les exigences réitérées des pays de l’OPEP, le pétrole n’a pas augmenté même pas de quelques Cents, pour dire combien le rapport de force était défavorable aux pays producteurs. En 1973, contrairement à ce qu’on imagine, ce rapport n’était pas du tout inversé, il y a simplement eu deux événements qui ce sont télescopés. Le premier point c’est d’abord la guerre de 1973 et la décision des pays arabes exportateurs de pétroles d’exercer une pression sur les pays consommateurs pour qu’ils exercent à leur tour une pression sur Israël. Mais en réalité, j’ai découvert que l’embargo qu’ils ont décrété n’a jamais été appliqué. Le deuxième point, c’est que les compagnies pétrolières, celles là même qui ont poussé des cris indignés pour sauver les apparences devant l’opinion internationale, ce sont elles, en réalité, qui ont acculé les pays producteurs à revoir à la hausse le prix du pétrole pour la raison suivante :
    A l’orée de 1973 les grandes compagnies pétrolières se trouvaient devant une situation financière dramatique cachée à l’opinion publique et aux actionnaires. Elles avaient investi plus de 10 milliards de dollars pour la construction d’un immense oléoduc en Alaska et surtout elles devaient investir énormément en mer du nord dans un nouveau gisement prometteur, mais qui exigeait une technologie nouvelle et donc des investissements colossaux. Et l’augmentation du prix du pétrole a généré des bénéfices considérables qui ont permis d’effectuer ces investissements avec la complicité secrète des pays arabes producteurs de pétrole
    Une autre vérité cachée que révèle votre enquête est inhérente à l’état des réserves mondiales du pétrole. Vous dites que les chiffres avancés par les pays producteurs ne seraient pas exacts particulièrement ceux communiqués par l’Arabie Saoudite. Sommes-nous plus près qu’on veuille nous le dire, de la fin de l’ère du pétrole ?
    C’est une autre surprise. J’ai découvert que les chiffres des réserves prouvées, officiellement recensées, sont faussées, ce qui est complètement stupéfiant, parce qu’on a calé notre prospérité et notre croissance sur une réalité tout à fait biaisée. En 1986, les pays de l’OPEP ont décidé unilatéralement, par un simple jeu d’écriture, d’augmenter de 65 % (plus de 300 milliards de barils) le montant de leurs réserves, sans qu’il ait pour autant la moindre découverte nouvelle. Sachant, que la dernière grande découverte en Arabie Saoudite remonte à 1967. Pourquoi donc cette manipulation des chiffres ? C’était en fait pour profiter de toute une politique de quotas mise en place, qui permettait à ces pays d’augmenter leurs quotas respectifs, élargir leur périmètres et valoriser leurs réservés supposées. Mais il y’avait aussi un autre calcul plus insidieux, c’était celui de valoriser leur rôle et leur importance sur la scène mondiale, notamment auprès des pays consommateurs occidentaux, à travers cette puissance énergétique accrue. Donc il y avait une dimension géopolitique dans ce calcul. Ce qui est étonnant dans cette affaire c’est que ni les experts, ni les politiques n’ont dénoncé cette manipulation, tout le monde s’est tu. Et encore aujourd’hui, nous avons des systèmes de calculs qui intègrent cette réalité complètement fausse. Nous sommes par conséquent beaucoup plus proche de la fin. L’exemple le plus intéressant à ce sujet est celui de l’Arabie Saoudite qui selon les compagnies américains qui ont exploité les gisements de ce pays avant la nationalisation, et qui, par conséquent, connaissent bien la réalité des gisements, déclarent que les réserves de pétrole saoudien, tous les puits confondus, est estimé entre 160 à 170 milliards de barils ce qui équivaut à 4 ou 5 ans de consommation mondiale. Les saoudiens parlent eux de 270 milliards de barils (chiffres de 1986), mais ils sont d’accord cependant avec les américains sur le fait qu’il y’a déjà 100 milliard de barils qui ont été épuisés à ce jour.
Chargement...
X