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Séparation générales des opinions et des désirs

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  • Séparation générales des opinions et des désirs

    Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu'eux seuls sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il n'appartient qu'à eux d'avoir une opinion à ce sujet. Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont aussi les leurs, qui sont précisément les mêmes, pour refuser d'admettre ce principe, qui, effectivement considéré en lui-même, et sans aucun préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde, car les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus incapables d'avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir juste sur la théorie. Une condition capitale pour un publiciste qui veut se faire des idées politiques larges, est de s'abstenir rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et spectateur?

    Mais on est tombé, à cet égard, d'un excès dans un autre. En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, en a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former, par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a prétendu devoir s'ériger en législateur.

    Il est singulier, comme l'a fait observer Condorcet, que les hommes jugent impertinent de prétendre savoir la physique ou l'astronomie, etc., sans avoir étudié ces sciences, et qu'ils croient en même temps que tout le monde doit savoir la science politique, et avoir une opinion fixe et tranchante sur ses principes les plus abstraits, sans qu'il soit nécessaire d'avoir la peine d'y réfléchir, et d'en avoir fait un objet spécial d'étude.

    Cela tient, comme aurait dû ajouter Condorcet, à ce que la politique n'est point encore une science positive : car il est évident que, quand elle le sera devenue, tout le monde comprendra que, pour la connaître, il est indispensable d'avoir étudié les observations et les déductions sur lesquelles elle sera fondée.

    Cependant, pour tout concilier, pour exclure ce préjugé, sans rappeler le principe d'indifférence politique, si cher aux gouvernants, il serait bon de distinguer, plus qu'on ne l'a fait encore, les opinions des désirs.

    Il est raisonnable, il est naturel, il est nécessaire, que tout citoyen ait des désirs politiques, parce que tout homme a un intérêt quelconque dans la conduite des affaires sociales ; il est tout simple, par exemple que tous les citoyens qui ne sont pas de la classe des privilégiés, et qui vivent du produit de leurs travaux, désirent la liberté, la paix, la prospérité industrielle, l'économie dans les dépenses publiques, et le bon emploi de l'impôt.

    Mais une opinion politique exprime plus que des désirs ; elle est, en outre, l'expression, le plus souvent très affirmative et très absolue, que ces désirs ne peuvent être satisfaits que par tels et tels moyens, et nullement par d'autres. Or voilà sur quoi il est ridicule et déraisonnable de prononcer sans y avoir spécialement réfléchi. Car il est évident que, dans cette question, telle mesure, telle institution, est-elle propre à atteindre tel but donné? il y a une chaîne de raisonnements et de réflexions, qui exige, pour être bien faite, une étude particulière de ce genre de considérations ; et, faute de cela, on croira propres à atteindre un but des moyens qui auraient un effet absolument opposé.
    C'est ainsi que beaucoup de gens désirent sincèrement la liberté et la paix, qui ont en même temps une idée si fausse des moyens propres à les leur procurer, que, si ces moyens étaient mis en pratique, ils amèneraient, au contraire, le désordre et l'arbitraire.


    Il reste, je crois, de cette analyse des opinions et des désirs, en politique, deux conséquences importantes :


    1- Premièrement, en envisageant les choses de cette manière, et en ne considérant les opinions politiques des hommes non éclairés autrement que comme l'expression des désirs (confondue avec celle des moyens), on verra qu'il existe plus d'uniformité qu'on ne l'imagine ordinairement dans les volontés politiques d'une nation.

    En France, par exemple, parmi les individus qui professent les opinions rétrogrades, il n'y en a qu'un petit nombre, composé d'anciens privilégiés, qui désirent réellement, c'est-à-dire en connaissance de cause, le rétablissement des anciennes institutions ; la masse veut, au fond, comme tout le monde, la liberté, la paix et l'économie ; si elle joint à ce désir l'idée du régime féodal, c'est uniquement parce qu'elle le regarde comme le seul propre à lui garantir ces biens. [confusion désir => moyen]

    2- Secondement, on voit dériver, ce me semble, de la même analyse, la détermination de la part que la masse doit prendre au gouvernement. Le public seul doit indiquer le but, parce que, s'il ne sait pas toujours ce qu'il lui faut, il sait parfaitement ce qu'il veut, et personne ne doit s'aviser de vouloir pour lui.

    Mais pour les moyens d'atteindre ce but, c'est aux savants en politique à s'en occuper exclusivement, une fois qu'il est clairement indiqué par l'opinion publique. Il serait absurde que la masse voulût en raisonner.

    - L'opinion doit vouloir,
    - les publicistes proposer les moyens d'exécution,
    - et les gouvernants exécuter.

    Tant que ces trois fonctions ne seront pas distinctes, il y aura confusion et arbitraire, à un degré plus ou moins grand.

    En un mot, quand la politique sera devenue une science positive, le public devra accorder aux publicistes et leur accordera nécessairement la même confiance pour la politique qu'il accorde actuellement aux astronomes pour l'astronomie, aux médecins pour la médecine, etc., avec cette différence cependant que ce sera à lui exclusivement à indiquer le but et la direction du travail.

    Cette confiance qui a eu les inconvénients les plus graves, tant que la politique a été vague, mystérieuse, injugeable, en un mot théologique, n'en aura pas plus, quand la politique sera devenue une science positive, c'est-à-dire d'observation, que la confiance que nous accordons journellement et sans crainte à un médecin, et dans laquelle néanmoins il y va souvent de notre vie.

    Dans cet état de choses, la soumission que l'on doit à la raison, et les précautions qui doivent être prises contre l'arbitraire, seront parfaitement conciliées.

    Auguste Comte (1798 - 1857)



    (*) Publiciste : législateur, juriste, intellectuel, spécialiste en politique ...

  • #2
    Analyse très intéressante.

    Je vais partir de cet extrait :
    - L'opinion doit vouloir,
    - les publicistes proposer les moyens d'exécution,
    - et les gouvernants exécuter.
    Je pense qu'un pays doit suivre ce type d'organisation politique car c'est celui qui permet d'assurer la gestion des vrais problèmes exprimés par l'opinion, et également d'assurer une ouverture d'une porte vers l'avenir afin d'éviter d'atteindre un mur de rigidité ne laissant aucune place à l'évolution de ces opinions.

    Cette théorie est intéressante car elle met en avant le rôle de l'opinion populaire, elle la place au même niveau que le pouvoir législatif et le pouvoir éxécutif.

    L'opinion introduit dans ce type de système la connaissance concrète du terrain. C'est elle qui exprime ce qui va ou ce qui ne va pas : elle émet les signaux qui permettent aux 2 autres pouvoirs de s'orienter.

    Cette opinion permet également de créer le ciment entre le pouvoir exécutif et celui du législatif car elle introduit l'humain dans le système politique : le pouvoir éxécutif et législatif sont gérés par des hommes qui ont donc eux-même une opinion.

    Ce type de système, en donnant le 3ème pouvoir à l'opinion populaire, casse l'idée trop répandue qui est que c'est aux gouvernants de répondre à tous les besoins des gouvernés.
    Les gouvernants via le législatif, vont permettre au peuple de bénéficier des infrastructures de base pour vivre, mais ce gouvernement ne doit pas aller plus loin, c'est au peuple d'agir et de savoir ce qu'il désire faire avec tous ces moyens dont il dispose pour atteindre son idéal, idéal décliné selon le désir de chacun.
    Chacun doit se poser la question : quels sont mes désirs ? Qu'est-ce qui m'empêche de les réaliser ?
    Les individus qui créent l'opinion populaire ne doivent pas transférer leurs propres faiblesses sur les défaillances de leur gouvernants.
    "un gouvernement oppressif amène la ruine de la prospérité publique" Ibn Khaldoun

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    • #3
      salut Alain.

      oui devant le sérieux et la profondeur de ce magistral texte d'auguste Compte je ris comme un imbécile. je vais te cire pourquoi.

      Je lisais il y a quelque temps un recueil de discours d'un chef d'Etat d'un pays du tiers monde (aujourd'hui rappelé à Dieu)qui a pris le pouvoir par les armes et qui à l'occasion d'un discours a dit ceci à l'auditoire composé de représentant de toutes les classes sociales:

      " j'ai confiance , une grande confiance, dans ce peuple . je sais qu'il sera à la hauteur de ce qui est attendu de lui par le pouvoir révolutionnaire."

      pardon pour mon rire imbécile.
      "Soyez les gardiens de votre cœur et rendez-le propre et pur comme un lieu de prière." .

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      • #4
        @Pragmatic
        je sais qu'il sera à la hauteur de ce qui est attendu de lui par le pouvoir révolutionnaire
        C'est effectivement plutôt comique ...


        @PetiteBrise
        Heureux que ça t'ait fait rebondir, je pense que tu devrais lire le reste, c'est sur Internet. Dans "Système de politique positive", son gros ouvrage, d'où est extrait le texte, il pose les bases d'une théorie politique.

        Comte s'y montre "positiviste" (et c'est ainsi que la postérité s'en souvient), il veut des lois basées sur des preuves. Or dans le contexte de l'époque, hors des sciences physiques, la pensée qu'il nomme théologique (c'est-à-dire spéculative et sans preuve) restait le l'outil principal de la pensée sociologique et politique.


        Un autre extrait intéressa, je pense, les algériens, puisqu'il attribue l'impulsion rationnelle à l'époque de Luther aux Arabes, dans ce texte où il démontre l'absurdité de l'explication par la dernière cause (thèse des "rois" sur la Révolution française), alors qu'il y a une longue suite de causes, où les Arabes ont leur place :

        Ainsi, par exemple, ce serait vainement qu'on supposerait détruite la philosophie du 18ème siècle [les Lumières], cause directe de la chute de l'ancien système, sous le rapport spirituel, si on ne supposait aussi l'abolition de la réforme du 16ème [protestantisme, Luther], dont la philosophie du siècle dernier n'est que la conséquence et le développement.

        Mais comme la réforme de Luther n'est, à son tour, que le résultat nécessaire du progrès des sciences d'observations introduites en Europe par les Arabes, on n'aurait encore rien fait pour assurer le rétablissement de l'ancien système, si on ne réussissait aussi à étouffer les sciences positives.
        Il expose sa conception des erreurs du peuple, à côté de celle des rois, avec toujours l'idée de la confusion entre les structures sociales et les événements causaux visibles, idées banales aujourd"hui mais neuve à l'époque.

        Selon lui, le peuple est plus excusable de se tromper car contraint de voir devant alors que les rois regardent derrière, pour conserver leur système. On est ici dans les années 1820, la France passe de la République à l'Empire puis repasse au Roi ...

        La manière dont les peuples ont conçu jusqu'à présent la réorganisation de la société n'est pas moins vicieuse, quoique à d'autres égards, que celle des rois. Seulement leur erreur est plus excusable, puisqu'ils s'égarent dans la recherche du nouveau système vers lequel la marche de la civilisation les entraîne, mais dont la nature n'a pas encore été assez clairement déterminée, tandis que les rois poursuivent une entreprise dont une étude un peu attentive du passé démontre, avec une pleine évidence, l'absurdité totale. En un mot, les rois sont en contradiction avec les faits, et les peuples le sont avec les principes, qu'il est toujours bien plus difficile de ne pas perdre de vue.

        Mais l'erreur des peuples est beaucoup plus importante à déraciner que celle des rois, parce qu'elle seule forme un obstacle essentiel à la marche de la civilisation, et que d'ailleurs la première donne seule quelque consistance à la seconde.

        L'opinion dominante dans l'esprit des peuples sur la manière dont la société doit être réorganisée, a pour trait caractéristique une profonde ignorance des conditions fondamentales que doit remplir un système social quelconque pour avoir une consistance véritable. Elle se réduit à présenter, comme principes organiques, les principes critiques qui ont servi à détruire le système féodal et théologique, ou, en d'autres termes, à prendre de simples modifications de ce système pour les bases de celui qu'il faut établir.
        Dernière modification par Alain, 19 juin 2010, 23h39.

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        • #5
          Ce type de système, en donnant le 3ème pouvoir à l'opinion populaire, casse l'idée trop répandue qui est que c'est aux gouvernants de répondre à tous les besoins des gouvernés.
          Comte ne dit pas exactement ça il me semble, c'est bien au gouvernement d'agir, le peuple doit vouloir, et aux publicistes de réfléchir aux moyens. Dis tu que le peuple ne "veut" pas suffisament ou attend qu'on lui dicte d'en haut ce qu'il doit vouloir ?

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          • #6
            Salut Alain,

            Je réagissais sur l'extrait de ton 1er post et non pas sur l'oeuvre entière de Comte.
            Je n'ai fait que me limiter donc au contenu de cet extrait avec lequel j'étais d'accord ...préjugerais-tu de mes réactions car je suis musulmane, en interprétant forcément mes propos telles des critiques négatives de la philosophie de Comte ?

            Ce qui m'a intéressé dans ton extrait est cette mise en avant de l'opinion populaire qui exprime des désirs. C'est sur cela que j'ai réagi ...positivement.

            Mais bon, visiblement tu veux me faire aller vers autre chose, vers le contenu athée de la théorie de Comte .... ou me trompe-je ?

            J' y vais donc .... en y accolant un extrait qui nous fait donc rentrer dans le vif du sujet, du moins tel que je l'interprète maintenant :
            "Au nom du passé et de l'avenir, les serviteurs théoriques et les serviteurs pratiques de l'HUMANITÉ viennent prendre dignement la direction générale des affaires terrestres, pour construire enfin la vraie providence, morale, intellectuelle, et matérielle; en excluant irrévocablement de la suprématie politique tous les divers esclaves de Dieu, catholiques, protestants, ou déistes, comme étant à la fois arriérés et perturbateurs."
            Mais avant de poursuivre, est-ce là où tu voulais en venir ?

            Ps: je trouve ce jeu très amusant
            Dernière modification par PetiteBrise, 20 juin 2010, 09h04.
            "un gouvernement oppressif amène la ruine de la prospérité publique" Ibn Khaldoun

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            • #7
              Absolument rien compris à l'origine de tes suppositions ...

              Pas de jeu du tout de ma part et un échange tout ce qu'il y a de normal. Bon sur ce salut.

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              • #8
                Ok, mais où veux-tu en venir exactement ?
                Pardonne moi ma maladresse et exprime directement quelle est la question sous-jacente de ton post .
                En restant pragmatique, sur quoi veux-tu débattre ? C'est quoi l'enjeu de la question, car une question philosophique n'a d'intérêt que si elle permet de soulever des interrogations au présent, autrement ce ne serait plus de la philosophie mais de l'histoire de la philosophie.

                Veux-tu que nous accolions des successions de citations de Comte en nous abreuvant de mots savants ....je ne vois pas la culture de cette façon.... la culture nous nourrit afin de nous ouvrir de nouvelles voies de réflexion.

                Ps: pourquoi les Algériens seraient-ils contents de cela, je te cite :
                Un autre extrait intéressa, je pense, les algériens, puisqu'il attribue l'impulsion rationnelle à l'époque de Luther aux Arabes, dans ce texte où il démontre l'absurdité de l'explication par la dernière cause (thèse des "rois" sur la Révolution française), alors qu'il y a une longue suite de causes, où les Arabes ont leur place :
                "un gouvernement oppressif amène la ruine de la prospérité publique" Ibn Khaldoun

                Commentaire


                • #9
                  Bonjour les deux grands esprits de FA,

                  N'oubliez pas que l'œuvre de compte date de la période des monarchies absolues. Ses théories de sciences humaines ou de pensée théologique se basaient sur des constats et des contextes particuliers desquels il a voulu extraire les "Best practice" de cette époque...

                  Parler aujourd'hui de cette triptyque : volonté du peuple, génie des publicistes et capacité de réponse des gouvernants est tout simplement désuète et incompatible avec notre ère.

                  1ère remarque: Pensez-vous que la volonté du peuple est homogène?
                  2ème remarque: Pensez-vous que le peuple est conscient de la même façon quelle que soit le niveau d'instruction de ses individus?
                  3ème remarque: Pensez-vous que la présence des publicistes (personnes à but lucratif non mandatées par le peuple) se fait sans conséquence sur la déformation de la volonté du peuple quand celle-ci est unique? ou tout simplement, pensez-vous que leur intervention vient à ce stade et non pas après celui des gouvernants qui par le biais de la communication tentent de faire passer des pilules dures à avaler?

                  Je peux encore continuer mais je vais m'arrêter là pour l'instant!!!!

                  Commentaire


                  • #10
                    Salam Elbahar,

                    Effectivement, le contexte politique dans lequel Comte a écrit son essai politique pourrait le rendre désuet, mais ce qui m'intéresse est son approche, qui elle sort du contexte temporel qui fait de sa réflexion une réflexion philosophique et non purement historique.

                    Ce type de traité permet le genre de remarques que tu as fait, et c'est en cela que l'oeuvre de Comte se relie au présent, dans notre quotidien.

                    Je reviens donc à tes 2 1ères remarques que je reprend :
                    1ère remarque: Pensez-vous que la volonté du peuple soit homogène?
                    2ème remarque: Pensez-vous que le peuple soit conscient de la même façon quelle que soit le niveau d'instruction de ses individus?


                    Et à cela je te citerais Spinoza :

                    Le gouvernement le meilleur est celui sous lequel les hommes passent leur vie dans la concorde et celui dont les lois sont observées sans violation. Il est certain en effet que les séditions, les guerres et le mépris ou la violation des lois sont imputables non tant à la malice des sujets qu'à un vice du régime institué. Les hommes en effet ne naissent pas citoyens mais le deviennent.



                    La 1ère chose à faire est à mon sens celle de délimiter la sphère politique : c'est quoi cette chose qu'est la politique et quel est son domaine ?
                    Quels sont les acteurs de cette sphère ?
                    Quels sont les obligations et les droits de ces acteurs ?

                    Et une fois le sujet limité, introduire les théories positivistes de Comte et leurs limites :
                    Citation de Comte :
                    "L'amour pour principe, l'ordre pour base, et le progrès pour but; tel est, d'après ce long discours préliminaire, le caractère fondamental du régime définitif que le positivisme vient inaugurer."
                    La question est de savoir comment déterminer ce qu'est l'ordre, le progrès et l'amour ?
                    "un gouvernement oppressif amène la ruine de la prospérité publique" Ibn Khaldoun

                    Commentaire


                    • #11
                      Parler aujourd'hui de cette triptyque : volonté du peuple, génie des publicistes et capacité de réponse des gouvernants est tout simplement désuète et incompatible avec notre ère.
                      Bien sûr, Comte n'est certes plus utile aux sociologues contemporains dans leur quotidien, c'est interessant sous l'aspect de l'histoire des idées comme précurseur de la sociologie. Son style est de plus assez clair, on peut le lire sur Internet, je ne connaissais pas plus que le minimum syndical, mais en lisant j'ai apprécié ses raisonnements et posté un extrait.

                      Sa volonté d'uine méthodologie ni littérature, ni théologie mais des faits, des raisonnements) a été le départ d'une lignée de sociologues. Le boulot à faire était immense non ?

                      En fait c'est en 1850 qu'il a écrit ça.


                      Pensez-vous que la volonté du peuple est homogène?
                      Non. Ni Comte d'ailleurs. C'est quand même le B A ba.

                      C'est une synthèse, son Introduction.

                      La notion de "peuple" fictif il la montre du doigt.

                      http://www.espacestemps.net/document2096.html

                      L’une des grandes erreurs dans le maniement du concept de société était d’y voir, à la manière de Rousseau, l’expression d’une volonté générale dont la fiction de peuple serait l’origine. Parler ainsi de « société » serait de mettre en scène une sorte de corps imaginaire transcendant qui engloberait les volontés particulières pour les orienter vers l’accomplissement de son unité.

                      Belle image qui mettrait en cohérence l’idée d’une totalité et d’un discours visant à en faire l’expression de volontés particulières — alors même que cette cohérence n’est rien d’autre qu’une reprise du monde ancien où les déterminismes théocratiques sont habilement escamotés derrière une Raison aussi abstraite que fumeuse.

                      L’image était belle, trop belle, et surtout trop séduisante, pour ne pas avoir accaparé les esprits les plus émancipés. On mesure alors l’immense frustration que nous réserve Comte quand il nous montre que cette totalité abstraite n’a rien à voir avec la réalité de la société moderne, qu’elle est un leurre dangereux, plutôt, qui transpose des principes d’ordre hérités d’un autre âge en les faisant passer pour éclairés.
                      Comte était du reste particulièrement prudent :

                      Comte est (avec Niklas Luhmann) peut-être le seul parmi les sociologues à s’être aperçu de l’immense difficulté que recouvre l’analyse de la société moderne — et d’avoir mesuré les conséquences de cette difficulté. « Le seul », parce que nous parlons d’une attitude.

                      Alors que tous les sociologues après Comte prennent une attitude de surplomb et assènent des jugements sur la société moderne à coup de dichotomies et d’idéaltypes, Comte (et dans une moindre mesure Luhmann) adopte une posture d’humilité : « nous n’avons rien compris encore de cette nouvelle société, ni de sa nature particulière, ni de sa forme, ni des lois (s’il y en a), ni de ses modes de fonctionnement. Et il se peut bien que devant les difficultés colossales que cette analyse recèle, nous ne le sachions jamais ».

                      C’est sans doute la proximité immédiate avec la Révolution française qui aura sensibilisé Comte comme nul autre au fait que cet « événement » tout à fait singulier a plongé la société d’Ancien Régime dans une dynamique folle qui oblige à une forme de pensée totalement différente des cogitations socio-philosophiques traditionnelles.

                      C’est ce décrochage entre un monde social relativement homogène, où les discours de pouvoir et la forme de la société coïncidaient, et l’artifice d’une société entièrement à rebâtir, que Comte tente de penser avec une radicalité sans pareille. Cette dynamique, aucun des savoirs disponibles, n’est en mesure de la comprendre.

                      La sociologie serait alors cet effort désespéré et désespérant de produire un savoir positif sur cette nouvelle entité ; effort désespéré, car devant cet objet qui réunit toutes les difficultés de la connaissance, le savant se trouve démuni et doit cheminer, s’il conçoit honnêtement son chemin, avec une extrême lenteur — or, l’histoire ne l’attend pas et continue sa folle équipée.

                      Mais effort désespérant aussi, car, comme le notait déjà Condorcet, ne s’improvise pas astronome qui veut, mais s’improvise sociologue quiconque s’autorise une opinion.

                      Pensez-vous que le peuple est conscient de la même façon quelle que soit le niveau d'instruction de ses individus?
                      Non. Ca rejoint le point précédent.

                      Pensez-vous que la présence des publicistes (personnes à but lucratif non mandatées par le peuple) se fait sans conséquence sur la déformation de la volonté du peuple quand celle-ci est unique?
                      C'est toute la question des élites, du monde des experts, des intellectuels organiques, etc ...

                      Par exemple :

                      Pour Gramsci, le parti révolutionnaire est la force capable de faire émerger des intellectuels organiques pour les travailleurs pour contester l'hégémonie de la classe dominante sur la société civile.

                      La nature complexe de la société civile moderne signifie que défaire l'hégémonie bourgeoise et conduire au socialisme est impossible sans une « guerre de position ». Pour Gramsci, l'avènement du socialisme ne passe prioritairement ni par le putsch, ni par l'affrontement direct, mais par ce combat culturel contre les intellectuels de la classe dirigeante.
                      ou plus récemment ça :

                      Désireux de « penser la politique sans penser politiquement »,Pierre Bourdieu a cherché à démontrer que, loin de s’opposer, les sciences sociales et le militantisme peuvent constituer les deux faces d’un même travail, qu’analyser et critiquer la réalité sociale permettent de contribuer à sa transformation.

                      Ce texte a été lu par son auteur lors d’une rencontre à Athènes, en mai 2001, avec des chercheurs et des syndicalistes sur des thèmes tels que l’Europe, la culture et le journalisme et figurera dans un livre à paraître au printemps, Interventions (1961-2001). Sciences sociales et action politique (Agone, Marseille).

                      S’il est aujourd’hui important, sinon nécessaire, qu’un certain nombre de chercheurs indépendants s’associent au mouvement social, c’est que nous sommes confrontés à une politique de mondialisation. (Je dis bien une « politique de mondialisation », je ne parle pas de « mondialisation » comme s’il s’agissait d’un processus naturel.)

                      Cette politique est, pour une grande part, tenue secrète dans sa production et dans sa diffusion. Et c’est déjà tout un travail de recherche qui est nécessaire pour la découvrir avant qu’elle soit mise en oeuvre. Ensuite, cette politique a des effets que l’on peut prévoir grâce aux ressources de la science sociale, mais qui, à court terme, sont encore invisibles pour la plupart des gens.

                      Autre caractéristique de cette politique : elle est pour une part produite par des chercheurs. La question étant de savoir si ceux qui anticipent à partir de leur savoir scientifique les conséquences funestes de cette politique peuvent et doivent rester silencieux. Ou s’il n’y a pas là une sorte de non assistance à personnes en danger. S’il est vrai que la planète est menacée de calamités graves, ceux qui croient savoir à l’avance ces calamités n’ont-il pas un devoir de sortir de la réserve que s’imposent traditionnellement les savants ?

                      Il y a dans la tête de la plupart des gens cultivés, surtout en science sociale, une dichotomie qui me paraît tout à fait funeste : la dichotomie entre scholarship et commitment- entre ceux qui se consacrent au travail scientifique, qui est fait selon des méthodes savantes à l’intention d’autres savants, et ceux qui s’engagent et portent au dehors leur savoir.

                      L’opposition est artificielle et, en fait, il faut être un savant autonome qui travaille selon les règles du scholarship pour pouvoir produire un savoir engagé, c’est-à-dire un scholarship with commitment. Il faut, pour être un vrai savant engagé, légitimement engagé, engager un savoir. Et ce savoir ne s’acquiert que dans le travail savant, soumis aux règles de la communauté savante.
                      Pour rester plus terre à terre, dans un domaine d'expertise technique, j'ai tendance à penser qu'il y a un sérieux gap entre ce qui est connu techniquement "comme ça" et ce qui est connu par les experts et aussi ce que le pouvoir utilise comme savoir des experts. Il trie.
                      Dernière modification par Alain, 20 juin 2010, 13h00.

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                      • #12
                        Salem Petite Brise du matin ou devrais-je dire de l'après midi,

                        La citation de Spinoza s'apparente à une autre théorie qui est la dualité entre le mal inné et le mal acquis...La problématique de la citoyenneté est plus basique. Elle se définit par le respect des règles de la collectivités. En ce sens que la conscience collective se révèle par les comportements acceptés par la société. Ceux qui se trouvent en contradiction avec ses règles, ils sont déchus de leur citoyenneté ou de leurs droits civiques.

                        A mon humble avis, la question qui se pose est la problématique de la représentativité populaire et la réponse qui doit être faite par les gouvernants mandatés ou tout simplement le schéma idéal d'une démocratie saine!!!
                        Dernière modification par absent, 20 juin 2010, 12h54.

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                        • #13
                          Bonjour Alain,

                          Je déduits de cela que le mérite de cette analyse de Comte est son existence comme point de départ à une réflexion pour élaborée...Sa théorie positive de la démocratie est loin d'être une réalité ou même un objectif atteignable!!!

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