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Fables et contes traduits de la littérature arabe ancienne par Fahd TOUMA

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  • Fables et contes traduits de la littérature arabe ancienne par Fahd TOUMA

    IBN AL-AWZÎ (1186-1256, XII°-XIII° Siècle).

    1- Le lion, le loup, et le renard.

    Le lion tomba malade.
    Tous les animaux sauvages vinrent lui rendre visite, sauf le renard ; le loup en profita pour le calomnier et raconter des propos mensongers sur son compte.
    S’adressant au loup, le lion lui dit :
    -« Si le renard se présente, préviens-moi. »
    Entre-temps, le renard fut mis au courant des agissements du loup.
    Lorsque le renard arriva, le loup avertit le lion. Ce dernier demanda au renard :
    -« Où étais-tu, brave cavalier? » Le renard répondit :
    -« J’étais parti en quête d’un remède pour Sa Majesté. »
    -« Et qu’as-tu trouvé ? » demanda le lion, intéressé.
    -« On m’a conseillé le remède suivant : un osselet de la patte du loup. »
    Le lion asséna alors un coup de griffe qui mit en sang la patte du loup, mais ne trouva rien.
    Le renard s’éclipsa, puis il vit le loup, les pattes couvertes de sang, il lui dit :
    -« Ô toi, le loup à la patte rouge de sang, tu ferais mieux, lorsque tu t’assieds chez les rois, de retenir ta langue. »

    2- Le lion, le loup et le renard
    (Selon Jean De La Fontaine).

    Un lion, décrépit, goutteux, n’en pouvant plus,
    Voulait que l’on trouvât remède à la vieillesse.
    Alléguer l’impossible aux rois, c’est un abus.
    Celui-ci parmi chaque espèce
    Manda des médecins: il en est de tous arts.
    Médecins, au lion, viennent de toutes parts ;
    De tous côtés lui vient des donneurs de recettes.
    Dans les visites qui sont faites,
    Le renard se dispense, et se tient clos et coi.
    Le loup en fait sa cour, daube, au coucher du roi,
    Son camarade absent. Le prince tout à l’heure
    Veut qu’on aille enfumer renard dans sa demeure,
    Qu’on le fasse venir. Il vient, est présenté ;
    Et sachant que le loup lui faisait cette affaire :
    « Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère
    Ne m’ait, à mépris, imputé
    D’avoir différé cet hommage ;
    Mais j’étais en pèlerinage,
    Et m’acquittais d’un vœu fait pour votre santé.
    Même j’ai vu dans mon voyage
    Gens experts et savants ; leur ai dit la langueur
    Dont votre majesté craint à bon droit la suite.
    Vous ne manquez que de chaleur ;
    Le long âge, en vous, l’a détruite :
    D’un loup écorché vif, appliquez-vous la peau
    Toute chaude et toute fumante :
    Le secret, sans doute, en est beau
    Pour la nature défaillante.
    Messire loup vous servira,
    S’il vous plaît, de robe de chambre . »
    Le roi goûte cet avis-là.
    On écorche, on taille, on démembre
    Messire loup. Le monarque en soupa,
    Et de sa peau s’enveloppa.
    Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire ;
    Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire :
    Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
    Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre manière :
    Vous êtes dans une carrière
    Où l’on ne se pardonne rien.

    AL-SHARÎSHÎ (1162-1222, XII°-XIII° Siècle)

    1- Le chasseur et l’oiseau

    Un homme chassait des oiseaux, un jour de grand froid. Il égorgeait les oiseaux qu’il attrapait, pendant que des larmes lui coulaient sur les joues, à cause du froid.
    Un oiseau dit à son compagnon :
    -« N’aie pas peur de cet homme, ne vois-tu pas qu’il est en pleurs ? »
    L’autre lui répondit :
    -« Ne regarde pas ses larmes, mais vois plutôt ce que font ses mains ! »

    2- Le renard et l’hyène

    On raconte qu’un jour, ayant soif, le renard aperçut un puits sur la poulie duquel était fixée une corde munie d’un seau à chaque bout. Il s’assit dans un des seaux et fut entraîné au fond, où il se désaltéra.
    Advint une hyène qui, regardant au fond du puits, crut distinguer un croissant de lune dans l’eau, et vit un renard tapi à côté.
    -« Que fais-tu là-dedans ? » lui demanda-t-elle.
    -« J’ai mangé la moitié de cette miche de fromage, lui dit-il, et il reste l’autre moitié pour toi ; descends donc la manger.»
    -« Comment faire pour descendre ? » interrogea-t-elle.
    -« Assieds-toi sur le seau du haut » dit le renard.
    Elle s’assit dans le seau et son poids l’entraîna vers le fond, pendant que le renard montait dans l’autre seau.
    Lorsqu’ils se rencontrèrent au milieu du puits, l’hyène demanda au renard :
    -« Qu’est-ce que c’est cela ? »
    -« C’est là que nos chemins divergent », répondit le renard.
    Ce fut le début d’une inimitié que les Arabes considèrent comme proverbiale.

    3- Le loup et le renard
    (Selon La Fontaine).

    Mais d’où vient qu’au renard, Esope accorde un point ?
    C’est d’exceller en tours pleins de matoiserie.
    J’en cherche la raison, et ne la trouve point.
    Quand le loup a besoin de défendre sa vie,
    Ou d’attaquer celle d’autrui,
    N’en sait-il pas autant que lui ?
    Je crois qu’il en sait plus ; et j’oserai peut-être,
    Avec quelque raison, contredire mon maître.
    Voici pourtant un cas où tout l’honneur échut
    A l’hôte des terriers. Un soir il aperçut
    La lune au fond d’un puits : l’orbiculaire image
    Lui parut un ample fromage.
    Deux seaux alternativement
    Puisaient le liquide élément :
    Notre renard, pressé par une faim canine,
    S’accomode en celui qu’au haut de la machine
    l’autre seau tenait suspendu.
    Voilà l’animal descendu,
    Tiré d’erreur, mais fort en peine,
    Et voyant sa perte prochaine :
    Car comment remonter, si quelque autre affamé,
    De la même image charmé,
    Et succédant à sa misère,
    Par le même chemin ne le tirait d’affaire ?
    Deux jours s’étaient passés sans qu’aucun vînt au puits.
    Le temps, qui toujours marche, avait pendant deux nuits
    Echancré, selon l’ordinaire,
    De l’astre au front d’argent la face circulaire.
    Sire renard était désespéré.
    Compère loup, le gosier altéré,
    Passe par là. L’autre dit : « Camarade,
    Je vous veux régaler : voyez-vous cet objet ?
    C’est un fromage exquis. Le dieu Faine l’a fait :
    La vache Io donna le lait.
    Jupiter, s’il était malade,
    Reprendrait l’appétit en tâtant d’un tel mets.
    J’en ai mangé cette échancrure ;
    Le reste vous sera suffisante pâture.
    Descendez dans un seau que j’ai là mis exprès. »
    Bien qu’au moins mal qu’il pût il ajusta l’histoire,
    Le loup fut un sot de le croire :
    Il descend ; et son poids, emportant l’autre part,
    Reguinde en haut maître renard.
    Ne nous en moquons point : nous nous laissons séduire
    Sur aussi peu de fondement ;
    Et chacun croit fort aisément
    Ce qu’il craint et ce qu’il désire.

    AL-IBSHÎHÎ (1388-1446, XIV°-XV° Siècle)

    1- La souris du logis et la souris du désert.

    On raconte que la souris du logis vit la souris du désert dans la gêne et la peine ; elle lui dit :
    -« Que fais-tu ici ? viens avec moi au logis car il y a toutes sortes d’opulence et d’abondance ». Alors la souris du désert
    vint avec elle.
    Mais voici que le propriétaire du logis qu’elle habitait lui tendit un piège, constitué par une brique au-dessous de laquelle il avait placé un bout de graisse. Elle se précipita pour prendre le gras, la brique lui tomba dessus et l’écrasa. La souris des champs s’enfuit, hochant la tête et, étonnée, elle dit :
    -« Certes, je vois une grande abondance, mais aussi une grande affliction ; par conséquent, la santé avec la pauvreté me sont plus douces que la richesse qui conduit à ma perte. » Puis elle s’enfuit vers le désert.

    2- Le rat de ville et le rat des champs
    (Selon La Fontaine).

    Autrefois le rat de ville
    Invita le rat des champs,
    D’une façon fort civile,
    A des reliefs d’ortolans.
    Sur un tapis de Turquie
    Le couvert se trouva mis.
    Je laisse à penser la vie
    Que firent ces deux amis.
    Le régal fut fort honnête ;
    Rien ne manquait au festin :
    Mais quelqu’un troubla la fête
    Pendant qu’ils étaient en train.
    A la porte de la salle
    Ils entendirent du bruit :
    Le rat de ville détale ;
    Son camarade le suit.
    Le bruit cesse on se retire :
    Rats en campagne aussitôt,
    Et le citadin de dire :
    « Achevons tout notre rôt.
    - C’est assez, dit le rustique ;
    Demain vous viendrez chez moi.
    Ce n’est pas que je me pique
    De tous vos festins de roi ;
    Mais rien ne vient m’interrompre :
    Je mange tout à loisir.
    Adieu donc : fi du plaisir
    Que la crainte peut corrompre ! »

    La suite...
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    3- La vache noyée.

    On raconte qu’un homme avait une vache dont il vendait le lait mélangé avec de l’eau.
    Un jour, une inondation soudaine surprit la vache qui paissait près d’un ru et la noya.
    Son propriétaire était là, à se lamenter sur sa mort ; un de ses fils lui dit alors :
    -« Ô Père ! ne te lamente pas ! L’eau que nous avons mélangée à son lait a débordé et l’a emportée et noyée ».

    4- Le cochon, l’ânesse et l’ânon.

    Un Roumi possédait un cochon. Il l’attacha à un pilier puis posa le fourrage devant lui pour l’engraisser.
    Près de ce cochon, se trouvaient une ânesse et son ânon.
    Ce dernier ramassait le fourrage qui s’éparpillait autour du cochon et le mangeait.
    -« Ah ! que cette provende est bonne, si elle peut durer », dit-il à sa mère.
    -« Fils, lui répondit sa mère, ne l’approche pas, car avec elle il faut craindre le pire ».
    Un jour, le Roumi décida de tuer le cochon et mit le couteau à sa gorge ; le cochon se mit à se débattre et à frapper avec ses pattes.
    L’ânon, épouvanté, courut alors vers sa mère, lui montra ses dents et lui dit :
    -« A moi, mère ! Regarde s’il reste entre mes dents la plus petite brindille de fourrage et ôte-la moi... Il est bien de se contenter de ce que l’on a ».

    5- Il aboie comme un chien.
    Ou « Les avanies du métier de précepteur »

    Un homme raconte :
    -« Je passai par quelques habitations très cossues et j’aperçus un homme se tenant à quatre pattes, auprès d’une palissade, derrière un rideau. Cet homme était un précepteur. Il aboyait comme un chien.
    Soudain un petit garçon surgit au détour de la palissade.
    Le précepteur le saisit avec poigne.
    Je dis au précepteur : - « Explique-moi ta conduite. »
    -« Volontiers, dit-il, c’est un garçon qui déteste qu’on l’éduque et il me fuit, va se réfugier à l’intérieur de la maison, et n’en sort plus. Quand je l’appelle du dehors, il se met à pleurer. Cependant il a un chien avec lequel il a l’habitude de jouer. Donc je fais des aboiements pour l’attirer, alors il sort et vient à ma portée. »



    AL-DAMÎRÎ (1341-1405,XIV°-XV° Siècle).

    1- Le malade et le scarabée.

    Al Qazwînî1 raconte :
    Un homme vit un jour un scarabée. Il se dit :
    -« Quelle est la volonté de Dieu de l’avoir créé ? Est-ce pour sa belle forme ou pour sa bonne odeur ?... »
    Alors Dieu le Très-Haut l’affligea d’une ulcération que les médecins furent incapables de soigner, si bien qu’il désespéra, lui-même, de guérir.
    Mais voici qu’un jour il entendit la voix d’un médecin ambulant, un « turuqî » , proposant à grands cris ses services, dans la rue.
    -« Amenez-le auprès de moi, ordonna-t-il, afin qu’il considère mon cas. »
    -« Que feras-tu d’un « turuqî », lui rétorqua-t-on, alors que les médecins les plus habiles n’ont rien pu faire pour toi ? »
    -« Il me le faut absolument, affirma le malade. »
    On l’amena .
    Lorsque le médecin ambulant vit l’ulcération, il demanda qu’on lui apportât un scarabée.
    Les assistants se mirent à rire.
    Le malade se souvint alors des propos qu’il avait tenus un jour en voyant le scarabée. Il leur dit :
    -« Apportez-lui ce qu’il demande, il connaît bien son métier . »
    Ils lui apportèrent le scarabée. Le médecin le brûla et répandit ses cendres sur l’ulcération. Et celle-ci guérit, avec la permission de Dieu Très-Haut.
    Le malade dit alors aux assistants :
    -« Sachez que Dieu Très-Haut a voulu m’apprendre que la plus vile de ses créatures peut devenir le remède le plus puissant. »

    2- Nous ne pouvons oublier.

    On raconte que, dans la période de l’ignorance, deux frères partirent en voyage. Ils firent halte à l’ombre d’un arbre près d’une terre caillouteuse. Dans l’après-midi, un serpent portant un dinar sortit de sous les cailloux et jeta la pièce entre leurs mains. Ils se dirent :
    - « Cela doit provenir d’un trésor caché par ici. »
    Ils restèrent trois jours dans ce lieu, et le serpent sortait chaque jour leur apportant un dinar.
    L’un des frères dit à l’autre :
    - « Jusqu’à quand faut-il attendre ce serpent ? Tuons-le et creusons pour trouver ce trésor et l’emporter. » Mais son frère l’en empêcha et lui dit :
    -« Qu’en sais-tu ? Peut-être seras-tu à bout de force avant de trouver cet argent. »
    Mais l’autre ne l’écouta pas ; il prit une hache et attendit le serpent. Lorsque celui-ci sortit, il lui asséna un coup qui blessa sa tête mais sans l’achever.
    Alors le serpent s’abattit sur lui, le tua et rentra dans son terrier.
    L’homme enterra son frère et resta jusqu’au lendemain ; le sepent sortit, la tête bandée, mais sans le dinar habituel.
    - « Ô toi, dit l’homme, je jure par Dieu que je ne me suis pas réjoui du mal qui t’a été fait, j’ai même interdit à mon frère d’agir comme il voulait, mais il ne m’a pas écouté. Si tu veux bien demander à Dieu qu’il nous soit témoin : tu ne me feras pas de mal, je ne te ferai pas de mal, ainsi tu reviendras à ton ancienne habitude. »
    Mais le serpent refusa. -« Pourquoi refuses-tu? lui demanda l’homme. »
    -« Parce que, répondit le serpent, je sais que tu ne saurais garder ta bienveillance envers moi, ayant sous tes yeux la tombe de ton frère ; et ma propre bienveillance envers toi aura une fin également, car ma blessure ne cesse de me faire souffrir. »

    3- Voici votre homme, saisissez-le.

    On raconte qu’un homme vint à Sulaymân fils de Dâoud - que le salut leur soit accordé sur notre prière- et lui confia:
    -« Ô Messager de Dieu, j’ai des voisins qui me volent mes oies. »
    Sulaymân appela alors tous les fidèles à la prière ; ensuite il les exhorta, disant :
    -« Ô croyants, l’un d’entre vous vole les oies de son voisin, puis il entre dans ce lieu de recueillement avec les plumes sur la tête. »
    Un homme porta sa main à sa tête ; Sulaymân dit alors :
    -« Voici votre homme, saisissez-le. »

    IBN QUTAYBA (828-889, IX° Siècle).

    1- Le prince, le meunier et l’âne.

    Parmi les membres de l’honorable tribu arabe de Qurayë, l’on cite Mu‘âwia, le frère de ‘Abdel-Malek ben Marwân.
    Un jour Mu‘âwia attendait chez un meunier, à l’une des portes de Damas, son frère le Calife ‘Abdel-Malek. Il observa l’âne du meunier qui tournait la meule, un grelot attaché au cou ; il interrogea le meunier :
    -« Pourquoi as-tu accroché au cou de l’âne un grelot ? »
    -« Il m’arrive, répondit le meunier, de m’endormir ou d’avoir un petit somme ; si je n’entends plus le tintement du grelot, je sais que l’âne ne tourne plus la meule, alors je le gronde. »
    -« Mais dis-moi, interrogea Mu‘âwia, comment sauras-tu si l’âne s’arrête et hoche la tête ainsi ? » et il joignit le geste à la parole.
    -« Sire, lui dit le meunier, où trouverai-je un cerveau aussi brillant et intelligent pour mon âne, que le cerveau de Votre Altesse ? »

    2- Ô mon cheikh, que tu es sage !

    Un passant portait sur ses épaules une perche aux bouts de laquelle étaient suspendues deux besaces ; le poids l’écrasait. Dans une besace il y avait du blé et dans l’autre de la terre.
    -« Qu’est-ce que tu portes ? » lui demanda-t-on.
    -« J’ai équilibré le poids du blé, répondit-il, en mettant de la terre dans la deuxième besace, car la perche penchait d’un côté. »
    Un homme prit alors la besace remplie de terre et la vida ; il divisa le blé en deux parties et en mit une dans la besace vide, et dit au porteur de reprendre sa charge.
    Ce dernier, constatant l’allégement, dit à l’homme :
    - « Ô šayË (cheikh) que tu es sage.»

    3- La bride est à moi.

    On lâcha les chevaux de course, et l’un d'eux dépassait les autres. Un des spectateurs se mit à crier, à acclamer le cheval et à sauter de joie. Un homme à ses côtés lui demanda :
    - « Jeune homme, est-ce que ce cheval t’appartient ? »
    -« Non, répondit-il, mais la bride est à moi .»
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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    • #3
      IBN-AL-MUQAFFA‘ (724-759, VIII° Siècle).
      (Du livre de Kalila Wa Dimna)

      1-Le renard et le tambour.

      C’est l’exemple de celui qui exalte une chose mais, une fois qu’il l’a saisie et examinée, il la dédaigne.
      On raconte qu’un renard passait dans un bosquet où pendait un tambour, accroché à un arbre. A chaque fois que le vent soufflait dans les branches, celles-ci remuaient et venaient frapper le tambour, et cela produisait un grand vacarme.
      Attiré par ce grand bruit, le renard se dirigea vers le tambour ; arrivé près de lui, il le trouva gros et fut persuadé qu’il contenait quantité de lard et de viande.
      Il le manipula jusqu'à ce qu’il l’eût fendu, et il s’aperçut qu’il était vide .
      Alors il dit :
      -« Cela me dépasse. Je me demande si les choses les plus viles n’ont pas la sonorité la plus belle et l’ossature la plus volumineuse ! »

      2-Le singe et le menuisier.

      Exemple de celui qui entreprend une action qu’il n’est pas capable de mener à bien, car elle excède ses moyens.
      On raconte qu’un singe observa un menuisier fendre une planche de bois à l’aide de chevilles ; et cela lui parut intéressant.
      Le menuisier partit pour régler quelque affaire.
      Le singe se leva et entreprit une action qu’il ne maîtrisait pas : il enfourcha la planche, le dos tourné à la cheville et le museau pointé vers l’extrémité de la planche. Inopportunément, sa queue se glissa dans la fente ; il enleva la cheville et la fente se referma brusquement sur sa queue ; la douleur fut si vive qu’il s’évanouit.
      Puis le menuisier revint et trouvant qu’il avait pris sa place, il se mit à le frapper sans s’arrêter.
      Les coups reçus du menuisier furent encore plus terribles que la douleur subie par sa queue, prise dans la fente de la planche.

      3-La tortue et les deux canards.

      On raconte que deux canards et une tortue vivaient près d’un étang où poussait une herbe abondante. Les deux canards et la tortue étaient liés d’amitié et d’affection.
      Il advint que l’eau de l’étang tarit ; alors les deux canards vinrent faire leurs adieux à la tortue et lui dirent :
      -« Reste en paix, amie ; nous quittons cet endroit car l’eau commence à manquer ».
      -« Le manque d’eau, leur dit la tortue, m’affecte plus que toute autre créature, car je suis comme la barque : je ne peux vivre que là où l’onde abonde. Tandis que vous deux, vous pouvez survivre partout ; emmenez-moi donc avec vous. »
      Ils acceptèrent.
      - « Comment ferez-vous pour me porter ? » demanda-t-elle.
      - « Nous prendrons chacun le bout d’une branche, dirent-ils, et tu te suspendras, avec ta bouche, par le milieu alors que nous volerons avec toi dans les airs. Mais garde-toi, si tu entends les gens parler, de prononcer un mot. »
      Puis ils la portèrent et volèrent dans les airs.
      - « C’est incroyable, dirent les gens lorsqu’ils les virent,... Une tortue entre deux canards qui la portent. »
      - « Ô gens de mauvaise foi, que Dieu vous fasse crever les yeux ! » pensa la tortue, lorsqu’elle les entendit.
      Mais dès qu’elle ouvrit la bouche pour parler, elle tomba sur la terre ferme et creva.

      4-La tortue et les deux canards.
      (Selon La Fontaine).

      Une tortue était, à la tête légère,
      Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays.
      Volontiers on fait cas d’une terre étrangère ;
      Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
      Deux canards, à qui la commère
      Communiqua ce beau dessein,
      Lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire.
      « Voyez-vous ce large chemin ?
      Nous vous voiturerons, par l’air, en Amérique :
      Vous verrez mainte république,
      Maint royaume, maint peuple : et vous profiterez
      Des différentes moeurs que vous remarquerez.
      Ulysse en fit autant. » On ne s’attendait guère
      De voir Ulysse dans cette affaire.
      La tortue écouta la proposition.
      Marché fait, les oiseaux forgent une machine
      Pour transporter la pèlerine.
      Dans la gueule, en travers, on lui passe un bâton.
      « Serrez bien, dirent-ils, gardez de lâcher prise. »
      Puis chaque canard prend ce bâton par un bout.
      La tortue enlevée, on s’étonne partout
      De voir aller en cette guise
      L’animal lent et sa maison,
      Justement au milieu de l’un et l’autre oison.
      « Miracle ! criait-on : venez voir dans les nues
      Passer la reine des tortues.
      -La reine ! vraiment oui : je la suis en effet ;
      Ne vous en moquez point. » Elle eût beaucoup mieux fait
      De passer son chemin sans dire aucune chose ;
      Car, lâchant le bâton en desserrant les dents,
      Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
      Son indiscrétion de sa perte fut cause.

      Imprudence, babil, et sotte vanité,
      Et vaine curiosité,
      Ont ensemble étroit parentage.
      Ce sont enfants tous d’un lignage.

      La suite...
      Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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      • #4
        5-La cigogne et les poissons.

        Exemple du fourbe qui périt de sa fourberie.
        On raconte qu’une cigogne nichait dans un bosquet, près d’un étang très poissonneux où elle pêchait pour sa subsistance. Elle y vécut longtemps, mais vieillissant, elle n’arrivait plus à attraper les poissons. Affamée et affaiblie, elle s’assit, triste, cherchant un subterfuge pour continuer à subsister.
        Un crabe vint à passer et, la voyant dans cet état de tristesse et de morosité, s’approcha d’elle et lui demanda :
        -« Pourquoi, Ô cigogne, es-tu ainsi triste et déprimée ? ».
        - « Comment ne pas m’affliger ? lui dit la cigogne, j’arrivais à vivre en pêchant les poissons de ce lieu, et voici que j’ai vu aujourd’hui deux pêcheurs qui passaient par cet endroit, et l’un dit à l’autre :
        - « Il y a là du poisson en abondance ; commençons par cet étang. »
        -«Mais moi, dit son ami, j’ai vu dans un autre endroit encore plus de poissons ; commençons plutôt là-bas et, ayant fini, nous reviendrons ici et nous prendrons tous les poissons qui s’y trouvent.»
        -« Je sais, reprit la cigogne, qu’après avoir fini de pêcher dans l’autre étang, ils reviendront ici et ilsn prendront tout, alors ce sera ma mort certaine et l’achèvement de ma vie » .
        Le crabe alla de ce pas à l’assemblée des poissons et leur raconta ce que lui avait confié la cigogne. Aussi les poissons se dépêchèrent-ils auprès de la cigogne pour prendre son avis ; ils dirent :
        -« Nous sommes venus pour que tu nous conseilles, car le sage ne dédaigne pas les recommandations de son ennemi .»
        -« Tenir tête aux pêcheurs, dit-elle, est une tâche qui dépasse mon pouvoir ; et je ne vois d’autre moyen que de nous réfugier dans un étang près d’ici, dans lequel il y a quantité de poissons, d’eau et d’osier ; si vous pouvez vous y transporter, vous vivrez bien, à l’aise et dans l’opulence.» Les poissons lui déclarèrent :
        - « Et qui d’autre que toi pourrait nous rendre ce service ? »
        Alors pour ce faire, la cigogne prenait chaque jour deux poissons qu’elle portait dans quelque colline et elle les mangeait...Mais un jour, alors qu’elle venait prendre les deux poissons quotidiens, le crabe vint à elle et lui dit :
        - « Moi aussi, j’ai peur de cet endroit, transporte-moi à l’autre étang, s’il te plaît. »
        - « Avec plaisir », lui dit la cigogne, et elle le prit et s’envola.
        Quand ils survolèrent la colline sur laquelle la cigogne avait l’habitude de manger les poissons, le crabe regarda et vit un grand tas d’arêtes ; il comprit que c’est la cigogne qui les mangeait et qu’elle le mangerait bien, lui aussi. Alors il pensa :
        - « Si un être rencontre son ennemi à l’endroit où il va être sacrifié, il ne peut que se battre pour se défendre et ne pas abandonner. Peut-être sauverait-il sa vie et son honneur par ce combat. »
        Il fit alors plusieurs tentatives et put, à la fin, atteindre son cou, qu’il prit entre ses puissantes pinces et le serra si fortement que la cigogne étouffa.
        Puis le crabe revint chez les poissons et leur raconta son aventure.

        6-Les poissons et le cormoran.
        (Selon La Fontaine).

        Il n’était point d’étang dans tout le voisinage
        Qu’un cormoran n’eût mis à contribution :
        Viviers et réservoirs lui payaient pension.
        Sa cuisine allait bien : mais lorsque le long âge
        Eut glacé le pauvre animal,
        La même cuisine alla mal.
        Tout cormoran se sert de pourvoyeur lui-même.
        Le nôtre, un peu trop vieux pour voir au fond des eaux,
        N’ayant ni filets ni réseaux,
        Souffrait une disette extrême.
        Que fit-il ? Le besoin, docteur en stratagème,
        Lui fournit celui-ci. Sur le bord d’un étang
        Cormoran vit une écrevisse.
        « Ma commère, dit-il, allez tout à l’instant
        Porter un avis important
        A ce peuple : il faut qu’il périsse ;
        Le maître de ce lieu, dans huit jours, pêchera. »
        L’écrevisse, en hâte, s’en va
        Conter le cas. Grande est l’émeute.
        On court, on s’assemble, on députe
        A l’oiseau : « Seigneur cormoran,
        D’où vous vient cet avis ? Quel est votre garant ?
        Etes-vous sûr de cette affaire ?
        N’y savez-vous remède ? Et qu’est-il bon de faire ?
        -Changer de lieu, dit-il. -Comment le ferons-nous ?
        -N’en soyez point en soin : je vous porterai tous,
        L’un après l’autre, en ma retraite.
        Nul que Dieu seul et moi n’en connaît les chemins :
        Il n’est demeure plus secrète.
        Un vivier que Nature y creusa de ses mains,
        Inconnu des traîtres humains,
        Sauvera votre république. »
        On le crut. Le peuple aquatique
        L’un après l’autre fut porté
        Sous ce rocher peu fréquenté.
        Là, cormoran, le bon apôtre,
        Les ayant mis en un endroit
        Transparent, peu creux, fort étroit,
        Vous les prenait sans peine, un jour l’un, un jour
        l’autre ;
        Il leur apprit à leurs dépens
        Que l’on ne doit jamais avoir de confiance
        En ceux qui sont mangeurs de gens.
        Ils y perdirent peu, puisque l’humaine engeance
        En aurait aussi bien croqué sa bonne part.

        Qu’importe qui vous mange, homme ou loup ? toute panse
        Me paraît une à cet égard :
        Un jour plus tôt, un jour plus tard,
        Ce n’est pas grande différence.

        7- Les trois poissons.

        On raconte qu’un étang renfermait trois poissons : l’un était sage, le second intelligent ; le troisième était un crétin.
        Cet étang se trouvait dans un lieu éloigné, et rares étaient les gens qui le visitaient. Il était relié à un ruisseau proche par un canal.
        Il advint que deux pêcheurs suivaient le cours du ruisseau et virent l’étang. Ils convinrent d’y revenir ensemble, munis de leurs filets, afin de pêcher les poissons.
        Ceux-ci entendirent leurs propos.
        Le plus sensé se méfia et prit peur ; alors, sans perdre de temps, au débouché du petit courant qui descendait du ruisseau, il s’y engagea et remonta jusqu’au ruisseau.
        Cependant, le poisson intelligent était resté sur place. Les pêcheurs vinrent ; à leur vue il comprit leur dessein ; il voulut s’éloigner et gagna le débouché du petit courant. Or les pêcheurs avaient déjà bouché cette issue. Dépité, il se dit :
        - « J’ai trop tardé et voici la sanction de mon inertie. Par quelle ruse vais-je me tirer de là ? Mais si l’on recourt à la ruse avec précipitation ou avec abattement, elle échoue. Le poisson sensé, au contraire, se donne le temps de la réflexion, il ne désespère pas de trouver une idée utile, ne prend pas son sort au tragique, il reste lucide, et prêt à l’effort. » Alors il fit le mort. Se tenant près de la surface de l’eau, il se laissait flotter, tantôt le ventre en l’air, tantôt le dos en l’air. Les pêcheurs le prirent et le posèrent sur le sol, entre l’étang et l’eau courante. Alors il fit un grand bond, atteignit le ruisseau, et fut sauvé.
        Quant au troisième poisson, il tenta par des allées et des venues de se dégager, mais fut pris par les pêcheurs.

        8-Des rats et des milans.

        On raconte que dans une certaine contrée, un marchand décida d’aller en voyage pour son commerce et, possédant cent livres de fer, il les confia à un homme de sa connaissance ; puis il partit.
        A son retour, il réclama sa consigne, mais le dépositaire lui affirma que les rats l’avaient mangée.
        - « On raconte, en effet, répliqua le marchand, que rien n’est plus acéré, pour ronger le fer, que leurs incisives. »
        Le dépositaire se réjouit de la crédulité de son ami et se frotta les mains d’entendre cela.
        Cependant, une fois dehors, le marchand rencontra un des enfants du dépositaire, il se saisit de lui et le cacha dans sa maison.
        Le lendemain, le dépositaire vint s’enquérir de son fils :
        - « As-tu vu mon fils ? » demanda-t-il au marchand.
        - « En te quittant hier, répondit le marchand, j’ai vu un milan s’emparer d’un enfant ; ce pourrait être le tien ! »
        - « Ô bonnes gens, s’écria le dépositaire en se frappant
        la tête, avez-vous jamais vu ou entendu que les milans ravissent des enfants ? »
        - « Dans une contrée, dit le marchand, où les rats mangent cent livres de fer, il n’est point étonnant que les milans enlèvent même
        des éléphants. »
        - « C’est moi qui ai mangé ton fer, avoua le dépositaire, et voici son prix ; alors rends-moi mon fils. »

        9-Le dépositaire infidèle.
        (Selon Jean De La Fontaine).

        (…) Voici le fait : Un trafiquant de Perse,
        Chez son voisin, s’en allant en commerce,
        Mit en dépôt un cent de fer, un jour.
        « Mon fer ! dit-il, quand il fut de retour.
        -Votre fer ? il n’est plus : j’ai regret de vous dire
        Qu’un rat l’a mangé tout entier.
        J’en ai grondé mes gens ; mais qu’y faire ? un grenier
        A toujours quelque trou. » Le trafiquant admire
        Un tel prodige, et feint de le croire pourtant.
        Au bout de quelques jours il détourne l’enfant
        Du perfide voisin ; puis, à souper, convie
        Le père, qui s’excuse, et lui dit en pleurant :
        « Dispensez-moi, je vous supplie ;
        Tous plaisirs, pour moi, sont perdus.
        J’aimais un fils plus que ma vie :
        Je n’ai que lui ; que dis-je ? hélas ! je ne l’ai plus.
        On me l’a dérobé : plaignez mon infortune. »
        Le marchand repartit : « Hier au soir, sur la brune,
        Un chat-huant s’en vint votre fils enlever ;
        Vers un vieux bâtiment, je le lui vis porter. »
        Le père dit : « Comment voulez-vous que je croie
        Qu’un hibou pût jamais emporter cette proie ?
        Mon fils en un besoin eût pris le chat-huant.
        -Je ne vous dirai point, reprit l’autre, comment :
        Mais enfin je l’ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je ;
        Et ne vois rien qui vous oblige
        D’en douter un moment après ce que je dis.
        Faut-il que vous trouviez étrange
        Que les chats-huants d’un pays
        Où le quintal de fer par un seul rat se mange,
        Enlèvent un garçon qui pèse un demi-cent ? »
        L’autre vit où tendait cette feinte aventure :
        Il rendit le fer au marchand,
        Qui lui rendit sa géniture. (….)

        La suite...
        Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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        • #5
          10- L’âne et le chien.

          Un homme partit en voyage accompagné de son chien et de son âne, un jour de grande chaleur. Quand vint le milieu de la journée, il s’arrêta pour se reposer, puis il s’endormit. L’âne pénétra dans un terrain cultivé et se mit à brouter.
          Accroché au cou de l’âne, un panier contenait de la nourriture. Le chien dit :
          - « Ô toi, baisse un peu la tête afin que je tire mon repas du panier, la faim me tiraille et je voudrais manger. »
          Mais l’âne refusa et lui dit :
          - « Attends que ton maître se reveille, il te donnera ta part. »
          Le chien alla vers son maître et se blottit près de lui, pendant que l’âne paissait çà et là... jusq’à ce qu’un gros loup lui apparût. Alors il appela le chien à son secours. Le chien le rejoignit et dit :
          - « Je ne consens pas à te protéger sans une permission de mon maître, attends donc son réveil. »
          Cette réponse irrita l’âne. Le chien ajouta :
          - « Je ne te traite pas autrement que tu ne m’as traité tout à l’heure. Si tu m’avais rendu service je n’aurais pas hésité à te venir
          en secours par tous les moyens. »
          Puis il le laissa. Alors le loup lui sauta dessus et lui déchiqueta le ventre… Tel fut le prix de sa bêtise et de son ignorance.


          11- L’âne et le chien.
          (Selon La Fontaine).

          Il se faut entr’aider ; c’est la loi de nature.
          L’âne un jour s’en moqua,
          Et ne sais comme il y manqua :
          Car il est bonne créature.
          Il allait par pays, accompagné du chien,
          Gravement, sans songer à rien,
          Tous deux suivis d’un commun maître.
          Ce maître s’endormit. L’âne se mit à paître :
          Il était alors dans un pré
          Dont l’herbe était fort à son gré.
          Point de chardon pourtant ; il s’en passa pour l’heure :
          Il ne faut pas toujours être si délicat ;
          Et, faute de servir ce plat,
          Rarement un festin demeure.
          Notre baudet s’en sut enfin
          Passer pour cette fois. Le chien , mourant de faim,
          Lui dit : « Cher compagnon, baisse-toi, je te prie :
          Je prendrai mon dîné dans le panier au pain. »
          Point de réponse, mot ; le roussin d’Arcadie
          Craignit qu’en perdant un moment
          Il ne perdît un coup de dent.
          Il fit longtemps la sourde oreille :
          Enfin il répondit : « Ami, je te conseille
          D’attendre que ton maître ait fini son sommeil ;
          Car il te donnera sans faute, à son réveil,
          Ta portion accoutumée :
          Il ne saurait tarder beaucoup. »
          Sur ces entrefaites un loup
          Sort du bois, et s’en vient : autre bête affamée.
          L’âne appelle aussitôt le chien à son secours.
          Le chien ne bouge, et dit : « Ami, je te conseille
          De fuir, en attendant que ton maître s’éveille ;
          Il ne saurait tarder : détale vite, et cours.
          Que si ce loup t’atteint, casse-lui la mâchoire :
          On t’a ferré de neuf ; et, si tu veux m’en croire,
          Tu l’étendras tout plat. » Pendant ce beau discours,
          Seigneur loup étrangla le baudet sans remède.
          Je conclus qu’il faut qu’on s’entr’aide.


          12-Le dévot et la belette.

          On raconte qu’un homme pieux vivait retiré dans la contrée de (uráân (Jourjan). Il avait une belle épouse avec laquelle il vivait depuis longtemps sans avoir eu d’enfant ; puis elle tomba enceinte à un âge avancé. La femme fut très contente ainsi que le dévot qui remercia le Créateur et le supplia de lui accorder un garçon ; puis il dit :
          - « Réjouis-toi, Ô femme, j’espère que tu enfanteras un garçon qui nous apportera la prospérité et la sérénité. Je vais lui trouver le plus beau nom et lui choisir les meilleurs précepteurs. »
          - « Qu’est-ce qui te porte, dit la femme, à parler de choses que tu ignores et qui adviendront peut-être, ou pas ? »
          Ensuite la femme enfanta un garçon sain et vigoureux, à la plus grande joie du dévot, son époux.
          Lorsque le temps de ses ablutions arriva, la femme dit :
          -« Reste près de l’enfant ; je dois faire mes ablutions au bain et je reviens. » Puis elle partit, laissant l’enfant à la garde de son mari.
          Mais voilà que l’émissaire du roi vint le convoquer auprès du monarque ; il ne trouva, pour le remplacer auprès de l’enfant, qu’une belette qu’il avait élevée et bien dressée et qu’il affectionnait autant qu’un fils ; il la laissa près du nouveau-né, ferma la porte et partit avec le messager.
          Or voici qu’un serpent noir sortit de quelque coin de la maison et s’approcha de l’enfant. La belette lui asséna un coup, puis lui sauta dessus et le déchiqueta au point que son museau était plein de sang.
          Rentrant chez lui, le dévot ouvrit la porte ; la belette vint lui apporter la bonne nouvelle et l’accueillir, toute fière d’avoir tué le serpent. A la vue du sang qui entachait la belette, une fureur aveugle fit perdre la tête à l’homme qui imagina que l’animal avait tué son fils. Pris par la rage et la colère, et sans chercher à vérifier, il asséna un grand coup de son bâton sur la tête de la belette et la tua.
          Une fois à l’intérieur de la maison, il vit son enfant sain et sauf et, gisant près de lui, le serpent noir déchiqueté. Lorsqu’il comprit
          ce qui s’était passé et eut constaté sa mauvaise action par sa précipitation, il se frappa la tête et dit :
          - « Cet enfant n’aurait pas dû naître, je n’aurais pas commis ce crime. »
          Sa femme rentra et, le trouvant prostré et triste, l’interrogea :
          - « Qu’as-tu, mon ami ? »
          Il lui narra la bonne action dela belette et la mauvaise récompense qu’il lui avait réservée ; sa femme lui dit :
          - « Voilà la sanction de ta précipitation, car tu n’as pas pris le soin de vérifier le fond des choses, et tu as agi avec empressement et irreflexion. »

          La suite...
          Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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          • #6
            13-Le lion, le renard et l’âne.

            On raconte qu’un lion vivait dans une forêt, et auprès de lui subsistait un renard qui se nourrissait de ses reliefs.
            Il advint que le lion attrapa la gale, s’affaiblit et ne put chasser ; le renard lui demanda :
            -« Qu’as-tu, ô seigneur de tous les lions, ton état a changé ? »
            -« C’est cette gale qui m’épuise, répondit le lion, et mon seul remède est : le cœur et les oreilles d’un âne. »
            -« Cela est très aisé, affirma le renard ; je connais un endroit où un âne travaille chez un blanchisseur ; il est chargé de transporter les habits ; je te l’amènerai. »
            De ce pas il alla voir l’âne, le salua et lui dit :
            -« Pourquoi es-tu si maigre ? »
            -« Mon maître m’affame ; il me prive de nourriture. »
            -« Pourquoi, acceptes-tu de vivre avec lui dans ces conditions ? lui demanda le renard. »
            -« Parce que, lui rétorqua l’âne, je ne connais aucun subterfuge pour le fuir et je ne peux aller nulle part sans qu’un humain ne me fasse suer et ne m’affame. »
            -« Je vais t’indiquer, reprit le renard, un endroit à l’écart des gens où personne ne passe, abondant en herbe et où paît, en toute quiétude, un troupeau d’ânes sauvages si gras et si beaux que nul oeil n’en a jamais vu.»
            -« Qu’est-ce qui nous empêche d’y aller ? demanda l’âne ; conduis-nous vite là-bas.»
            Le renard l’emmena vers la forêt puis, le devançant, alla voir le lion et lui indiqua l’endroit où paissait l’âne.
            Le lion s’y rendit et là, il voulut sauter sur lui ; mais affaibli, il n’y réussit point et l’âne se défit de lui et s’enfuit, très effrayé.
            Lorsque le renard vit que le lion avait manqué sa proie, il lui dit :
            -« Ô maître des fauves, jusqu'à quel point as-tu faibli ? »
            -« Si tu le ramènes, reprit le lion, je ne le raterai pas. »
            Le renard retourna voir l’âne et lui dit :
            -« Qu’as-tu fait ? Un des ânes sauvages, t’ayant vu seul, est venu te saluer et te souhaiter la bienvenue. Si tu n’avais pas fui, il t’aurait tenu compagnie et t’aurait présenté à ses compagnons ! »
            Comme l’âne n’avait jamais vu de lion, lorsqu’il entendit cela, il le crut et se dirigea de nouveau vers la forêt. Le renard le devança auprès du lion pour l’informer de l’endroit où se trouvait l’âne et lui dit :
            - « Prépare-toi afin de ne point le rater. Je l’ai trompé pour toi. Ne te laisse pas envahir par la faiblesse car, s’il t’échappe cette fois, il ne reviendra jamais, et les bonnes occasions sont rares. »
            A l’incitation du renard, le lion reprit courage et se dirigea vers l’âne. Lorsqu’il le vit, il se jeta sur lui et le tua sur le coup.
            -« Les médecins, dit-il au renard, m’ont interdit de consommer si je ne me purifie avant.
            Alors tu vas garder l’âne le temps que je me lave et je reviendrai manger son cœur et ses oreilles. Et je laisserai tout le reste pour toi. »
            Lorsque le lion s’en fut à ses ablutions, le renard s’approcha de l’âne et dévora son cœur et ses oreilles espérant que le lion verrait ainsi un mauvais présage et dédaignerait de le manger.
            Ensuite le lion revint ; perplexe, il demanda au renard :
            - « Mais où sont le cœur et les oreilles de l’âne ? »
            - « Sire, lui répondit le renard, si cet âne avait un coeur pour ressentir et des oreilles pour entendre, il ne serait pas revenu après t’avoir échappé une première fois. »


            14-La hase et le lion

            On raconte qu’un lion vivait dans une contrée fertile où abondaient les animaux, l’eau et l’herbe. Mais ces animaux ne profitaient pas de cette abondance en raison de leur épouvante du lion.
            Alors ils se réunirent, vinrent le voir et lui dirent :
            - « Tu n’attrapes chaque bête qu’après grande fatigue et épuisement, alors nous avons conçu un plan qui te profitera et qui nous rassurera. Si tu nous accordes un sauf-conduit et que tu ne nous effraies plus, nous te promettons, chaque jour, une bête parmi nous que nous t’enverrons pour ton déjeuner. »
            Le lion accepta et conclut avec les animaux un pacte que les deux parties respectèrent.
            Le sort tomba un jour sur la hase qui fut désignée comme déjeuner du lion. Elle dit alors à ses compagnons :
            - « Si vous me témoignez un peu de bienveillance, sans que cela vous porte préjudice, je vous débarrasserai du lion. »
            - « Et que veux-tu nous confier comme tâche ? », demandèrent les animaux.
            -« Vous ordonnez à celui qui m’accompagne, dit-elle, qu’il me permette de prendre mon temps avant d’arriver auprès du lion. »
            -« Cela est accordé, lui dirent-ils. »
            La hase prit son temps pour rejoindre le lion et dépassa l’heure du déjeuner du roi des animaux. Puis elle vint à lui, seule, à pas mesurés. Le lion avait tellement faim qu’il entra dans une grande colère ; il se leva, se dirigea vers elle et, furieux, il cria :
            -« D’où viens-tu ? »
            -« Sire, dit-elle, je suis la messagère des animaux auprès de toi ; ils m’ont envoyée, accompagnée d’un lapin pour ton déjeuner, mais un lion m’a suivie dans un chemin, m’a pris ce lapin de force et m’a dit :
            -« Ne suis-je pas le meilleur sur terre, parmi les animaux, pour mériter ce repas ? »
            -« Mais c’est le repas du roi, lui dis-je ; les animaux le lui ont envoyé pour son déjeuner, et je te supplie de ne pas me le prendre. »
            « Alors il t’a injurié et traité de tous les noms, et je suis venue en hâte t’en informer. »
            -« Viens avec moi, ordonna le lion, et montre-moi l’endroit. »
            La hase l’emmena vers un puits plein d’eau claire et pure, s’y arrêta et lui dit :
            -« C’est ici. »
            Le lion regarda et vit dans l’eau son image et celle de la hase près de lui ; ne doutant plus de la parole de la hase, il sauta pour se battre avec l’autre lion et ainsi se noya dans le puits.
            La hase retourna vers ses compagnons et leur apprit ce qu’il était advenu du lion.
            Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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