Quelle éducation face au radicalisme religieux ?
mardi 12 décembre 2006.
Face à un jeune qui mobilise du religieux pour « s’auto-exclure » ou « exclure les autres », comment les interlocuteurs du jeune peuvent-ils aborder la situation ? Comment faire du lien avec lui malgré l’écran religieux ? Quel type de prise en charge éducative peut être envisagée pour désamorcer un processus de radicalité ? Pourquoi et comment le discours radical fait autorité sur ce jeune ?
Cet article tente de discerner ce qui appartient à la liberté de conscience et de culte du jeune en question - garantie par la loi de 1905 - de ce qui relève du dysfonctionnement, et d’en comprendre les fonctionnements.
Cette recherche-action s’est déroulée sur trois ans sous la direction de Dounia Bouzar, anthropologue chargée d’études à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, rassemblant une fois par mois des groupes de travail interdisciplinaires issus de trois départements différents (93, 91 et 59), composé de professionnels de la jeunesse appartenant à des institutions différentes (PJJ, Education Nationale, Conseil Général, Jeunesse et Sport, Secteur associatif), exerçant des fonctions différentes (éducateurs, assistants sociaux, psychologues, psychothérapeutes, psychanalystes, conseillers prioritaires d’éducation, proviseurs, directeurs, etc.)
Différents chercheurs - anthropologue, sociologue, politologue, historien -, ont été invité à chaque étape de la réflexion, pour répondre aux interrogations des membres des groupes qui se formulaient successivement. Toutes ces interventions ont donné lieu à des débats. Chaque groupe a également parlé de situations de jeunes qui les ont interpellés dans le cadre de leurs expériences professionnelles. La recherche s’est élaborée suite à une succession de remises en causes et de réajustements de questionnements. La praxis et la dialectique ont constitué le cœur même de ce travail.
L’intention des professionnels engagés dans cette recherche-action a été à la fois humble et ambitieuse : proposer des bases et des éléments de débat sur un sujet délicat, plus souvent traité sur le mode de la passion que de la pensée réflexive. Il est important de souligner que ce travail ne reflète pas les positions institutionnelles des différents organismes auxquels appartiennent les professionnels. Il s’agit plutôt, pour chacun d’eux, de témoigner d’une pratique professionnelle réflexive et évolutive, au sein de leurs institutions respectives.
L’objet de cette étude a consisté à comprendre le comportement des jeunes en rupture qui évoquent leur relation à l’islam pour s’auto-exclure ou exclure les autres. C’est donc la nature du lien qu’ils entretiennent avec leur religion qui est interrogée et non pas l’appartenance confessionnelle en elle-même, ce qui pose la problématique dans son aspect éducatif et non pas sur le plan religieux, évitant dans le même mouvement de réduire le jeune à son comportement ou à sa présumée appartenance religieuse. Le lien à l’islam est principalement évoqué car c’est la religion qui, dans le contexte actuel, est le plus évoqué par la majorité des jeunes en rupture, quelle que soit leur origine.
Plutôt que de parler du contenu de l’islam, il s’agit donc de comprendre la nature du lien à la religion lorsqu’elle entrave le processus de socialisation d’un jeune. Nous parlons de radicalité lorsque le jeune se retrouve enfermé dans un système de valeurs qui le fragilise et qui l’amène à se positionner en rupture avec l’environnement social et familial. Toutes les références autres qu’une conception rigoriste de l’islam lui sont progressivement enlevées et il se retrouve dans un univers isolé.
L’indicateur de radicalité réside pour nous non pas dans le contenu du discours mais dans l’effet du discours : il est qualifié de radical lorsqu’il a produit une rupture du jeune avec son univers familial, professionnel et social. Soulignons enfin que la radicalité peut constituer dans l’histoire du jeune une simple expérience, une crise, ou un fonctionnement plus stabilisé, selon les cas. La proportion qui s’engage dans les « groupes djihadistes » apparaît très faible au regard des témoignages des professionnels de la jeunesse de cette étude.
Dans un premier temps, nous nous proposons de présenter quelques caractéristiques du fonctionnement des discours radicaux afin de comprendre comment ils font autorité sur certains jeunes. Dans un deuxième temps, nous proposerons des pistes de réflexions sur les postures professionnelles face à ce phénomène ; quel type de prise en charge éducative peut être envisagée pour désamorcer un processus de radicalité ? Face à un jeune qui mobilise du religieux pour « s’enfermer dans une bulle », comment les interlocuteurs du jeune peuvent-ils aborder la situation ? Comment faire du lien avec lui malgré l’écran religieux ? Nous réfléchirons enfin sur le type de formation initiale et continue à mettre en place.
Repérer les indicateurs sur lesquels se baser pour faire la part des choses entre ce qui appartient à la liberté de conscience et de culte du jeune en question - garantie par la loi de 1905 - et ce qui relève du dysfonctionnement, traverse l’ensemble de la réflexion.
I - L’AUTORITE DES DISCOURS RADICAUX
Comment et pourquoi le discours radical fait-il autorité sur les jeunes ? Tous les acteurs de cette recherche-action constatent que, sur leurs terrains respectifs, des jeunes de plus en plus nombreux sont touchés. Pendant longtemps, les experts ont lié le radicalisme à la perte d’espoir social. D’autres l’expliquaient par la chute des grandes idéologies de combat (communisme, syndicalisme, etc.) Les derniers évènements internationaux ont montré que certains jeunes terroristes étaient ingénieurs, complètement insérés économiquement dans le milieu social où ils évoluaient. La question de la perte d’espoir social n’explique pas tout.
Après avoir résumé les principales caractéristiques du fonctionnement des discours radicaux, nous nous arrêterons sur le rapport entre ces derniers et l’histoire.
I.1 Quelques caractéristiques du fonctionnement des discours radicaux
Un discours fait autorité sur un individu lorsqu’il donne du sens à sa vie. Essayons de comprendre comment opère ce type de discours.
La proposition d’une communauté virtuelle reconstruite avec des frontières virtuelles dans un espace virtuel de substitution attire ceux qui n’ont pas de lien à un territoire
Le discours radical fabrique des frontières strictes pour séparer les uns des autres par l’intermédiaire de la religion. Son objectif consiste avant tout à construire des cloisons étanches entre les uns et les autres, d’autant plus rigides qu’elles sont dépourvues de tout territoire concret. Pour cela, il réduit l’islam à un ensemble de codes et de normes, qui isolent ceux qui sont dedans de ceux qui sont dehors. El Qaida n’admet pas les lieux d’échange et de mélange. De nombreuses attaques ont été portées contre des vecteurs réels ou symboliques de ce qui rapproche les peuples et leurs activités : tourisme, transports, distraction, économie, diplomatie, etc.
Les échanges des professionnels montrent que ce discours fait autorité sur les jeunes parce qu’il donne de la valeur à ce qu’ils sont déjà : sans attaches, ne sachant ni d’où ils viennent ni où ils veulent aller. Les signes négatifs deviennent soudain des signes positifs. Au lieu de leur dire qu’ils doivent s’enraciner, on leur dit qu’ils vont pouvoir être des héros de la révolution mondiale. Ce type de discours fabrique une communauté virtuelle de substitution dans un espace virtuel de substitution : le lien à l’islam devient une nouvelle « appartenance généalogique » qui remplace le lien au territoire du pays d’origine. Les jeunes se disent musulmans avant d’être fils d’Algériens ou de Marocains.
Olivier Roy fait remarquer qu’ils sont « hors territoire », dans un autre espace qui va de New-York à Kula Lumpur, un espace qu’on vit à travers Internet, un espace de réseaux. » Marc Sageman arrive également à cette conclusion avec les biographies des jeunes liés à El Qaïda, puisqu’il ne trouve que des hommes sans attaches nationales, déterritorialisés. Ils se vivent comme des globalisés, des mondialisés, mais ne se sentent partie intégrante d’aucune culture et d’aucun espace politique national. Leurs revendications ne sont d’ailleurs jamais motivées par une stratégie politique de conquête d’un Etat.
Les professionnels de la jeunesse confirment qu’un jeune vivant en France qui se sent Arabe, Marseillais, Français, Kabyle, Roubaisien, Algérien, Bambara, etc., n’adhère pas au discours radical. Un point commun des jeunes sensibles au discours radical concerne leur rapport au territoire : ils ne sont attachés à aucun territoire, ni celui de leurs ancêtres, ni celui où ils vivent. L’échantillon à risque est constitué de jeunes qui se sentent « de nulle part ».
L’idéologie de rupture repose sur l’exaltation du groupe
Tous ceux qui deviennent radicaux passent par le groupe, ou par de petits groupes fusionnels. L’un des grands débats dans les groupuscules extrémistes concerne la foi. Comment affirmer sa foi ? Ceux qui sont vraiment dans l’évidence religieuse ne font pas de discours à ce sujet ! Olivier Roy retrouve ce fonctionnement également chez les évangélistes : on parle de sa foi avec les autres, pour se fortifier réciproquement, et donc pour renforcer le lien du groupe, l’appartenance au groupe. Les prédicateurs radicaux prouvent aux jeunes que leur colère est justifiée et les renforcent dans l’idée que tout le système prévoit de les exclure parce qu’ils sont « d’origine musulmane ». Ils transmettent une idée de la religion sublimée qui les fait rêver. L’image qu’ils donnent d’elle est tellement inaccessible que la seule possibilité est de ressembler à celui ou à celle qui est en train de leur en parler. Ce qui compte, c’est de se ressembler. Ils ont besoin de s’identifier mutuellement dans cette conception du monde.
Les psychologues qualifient ce phénomène de risque majeur de l’état groupal. Dans ce cas, l’individu est aliéné au groupe et perd ses propres contours identitaires, parce qu’il a le sentiment d’être « le même » que les autres et de percevoir exactement les mêmes émotions. L’identité du groupe remplace l’identité de l’individu.
mardi 12 décembre 2006.
Face à un jeune qui mobilise du religieux pour « s’auto-exclure » ou « exclure les autres », comment les interlocuteurs du jeune peuvent-ils aborder la situation ? Comment faire du lien avec lui malgré l’écran religieux ? Quel type de prise en charge éducative peut être envisagée pour désamorcer un processus de radicalité ? Pourquoi et comment le discours radical fait autorité sur ce jeune ?
Cet article tente de discerner ce qui appartient à la liberté de conscience et de culte du jeune en question - garantie par la loi de 1905 - de ce qui relève du dysfonctionnement, et d’en comprendre les fonctionnements.
Cette recherche-action s’est déroulée sur trois ans sous la direction de Dounia Bouzar, anthropologue chargée d’études à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, rassemblant une fois par mois des groupes de travail interdisciplinaires issus de trois départements différents (93, 91 et 59), composé de professionnels de la jeunesse appartenant à des institutions différentes (PJJ, Education Nationale, Conseil Général, Jeunesse et Sport, Secteur associatif), exerçant des fonctions différentes (éducateurs, assistants sociaux, psychologues, psychothérapeutes, psychanalystes, conseillers prioritaires d’éducation, proviseurs, directeurs, etc.)
Différents chercheurs - anthropologue, sociologue, politologue, historien -, ont été invité à chaque étape de la réflexion, pour répondre aux interrogations des membres des groupes qui se formulaient successivement. Toutes ces interventions ont donné lieu à des débats. Chaque groupe a également parlé de situations de jeunes qui les ont interpellés dans le cadre de leurs expériences professionnelles. La recherche s’est élaborée suite à une succession de remises en causes et de réajustements de questionnements. La praxis et la dialectique ont constitué le cœur même de ce travail.
L’intention des professionnels engagés dans cette recherche-action a été à la fois humble et ambitieuse : proposer des bases et des éléments de débat sur un sujet délicat, plus souvent traité sur le mode de la passion que de la pensée réflexive. Il est important de souligner que ce travail ne reflète pas les positions institutionnelles des différents organismes auxquels appartiennent les professionnels. Il s’agit plutôt, pour chacun d’eux, de témoigner d’une pratique professionnelle réflexive et évolutive, au sein de leurs institutions respectives.
L’objet de cette étude a consisté à comprendre le comportement des jeunes en rupture qui évoquent leur relation à l’islam pour s’auto-exclure ou exclure les autres. C’est donc la nature du lien qu’ils entretiennent avec leur religion qui est interrogée et non pas l’appartenance confessionnelle en elle-même, ce qui pose la problématique dans son aspect éducatif et non pas sur le plan religieux, évitant dans le même mouvement de réduire le jeune à son comportement ou à sa présumée appartenance religieuse. Le lien à l’islam est principalement évoqué car c’est la religion qui, dans le contexte actuel, est le plus évoqué par la majorité des jeunes en rupture, quelle que soit leur origine.
Plutôt que de parler du contenu de l’islam, il s’agit donc de comprendre la nature du lien à la religion lorsqu’elle entrave le processus de socialisation d’un jeune. Nous parlons de radicalité lorsque le jeune se retrouve enfermé dans un système de valeurs qui le fragilise et qui l’amène à se positionner en rupture avec l’environnement social et familial. Toutes les références autres qu’une conception rigoriste de l’islam lui sont progressivement enlevées et il se retrouve dans un univers isolé.
L’indicateur de radicalité réside pour nous non pas dans le contenu du discours mais dans l’effet du discours : il est qualifié de radical lorsqu’il a produit une rupture du jeune avec son univers familial, professionnel et social. Soulignons enfin que la radicalité peut constituer dans l’histoire du jeune une simple expérience, une crise, ou un fonctionnement plus stabilisé, selon les cas. La proportion qui s’engage dans les « groupes djihadistes » apparaît très faible au regard des témoignages des professionnels de la jeunesse de cette étude.
Dans un premier temps, nous nous proposons de présenter quelques caractéristiques du fonctionnement des discours radicaux afin de comprendre comment ils font autorité sur certains jeunes. Dans un deuxième temps, nous proposerons des pistes de réflexions sur les postures professionnelles face à ce phénomène ; quel type de prise en charge éducative peut être envisagée pour désamorcer un processus de radicalité ? Face à un jeune qui mobilise du religieux pour « s’enfermer dans une bulle », comment les interlocuteurs du jeune peuvent-ils aborder la situation ? Comment faire du lien avec lui malgré l’écran religieux ? Nous réfléchirons enfin sur le type de formation initiale et continue à mettre en place.
Repérer les indicateurs sur lesquels se baser pour faire la part des choses entre ce qui appartient à la liberté de conscience et de culte du jeune en question - garantie par la loi de 1905 - et ce qui relève du dysfonctionnement, traverse l’ensemble de la réflexion.
I - L’AUTORITE DES DISCOURS RADICAUX
Comment et pourquoi le discours radical fait-il autorité sur les jeunes ? Tous les acteurs de cette recherche-action constatent que, sur leurs terrains respectifs, des jeunes de plus en plus nombreux sont touchés. Pendant longtemps, les experts ont lié le radicalisme à la perte d’espoir social. D’autres l’expliquaient par la chute des grandes idéologies de combat (communisme, syndicalisme, etc.) Les derniers évènements internationaux ont montré que certains jeunes terroristes étaient ingénieurs, complètement insérés économiquement dans le milieu social où ils évoluaient. La question de la perte d’espoir social n’explique pas tout.
Après avoir résumé les principales caractéristiques du fonctionnement des discours radicaux, nous nous arrêterons sur le rapport entre ces derniers et l’histoire.
I.1 Quelques caractéristiques du fonctionnement des discours radicaux
Un discours fait autorité sur un individu lorsqu’il donne du sens à sa vie. Essayons de comprendre comment opère ce type de discours.
La proposition d’une communauté virtuelle reconstruite avec des frontières virtuelles dans un espace virtuel de substitution attire ceux qui n’ont pas de lien à un territoire
Le discours radical fabrique des frontières strictes pour séparer les uns des autres par l’intermédiaire de la religion. Son objectif consiste avant tout à construire des cloisons étanches entre les uns et les autres, d’autant plus rigides qu’elles sont dépourvues de tout territoire concret. Pour cela, il réduit l’islam à un ensemble de codes et de normes, qui isolent ceux qui sont dedans de ceux qui sont dehors. El Qaida n’admet pas les lieux d’échange et de mélange. De nombreuses attaques ont été portées contre des vecteurs réels ou symboliques de ce qui rapproche les peuples et leurs activités : tourisme, transports, distraction, économie, diplomatie, etc.
Les échanges des professionnels montrent que ce discours fait autorité sur les jeunes parce qu’il donne de la valeur à ce qu’ils sont déjà : sans attaches, ne sachant ni d’où ils viennent ni où ils veulent aller. Les signes négatifs deviennent soudain des signes positifs. Au lieu de leur dire qu’ils doivent s’enraciner, on leur dit qu’ils vont pouvoir être des héros de la révolution mondiale. Ce type de discours fabrique une communauté virtuelle de substitution dans un espace virtuel de substitution : le lien à l’islam devient une nouvelle « appartenance généalogique » qui remplace le lien au territoire du pays d’origine. Les jeunes se disent musulmans avant d’être fils d’Algériens ou de Marocains.
Olivier Roy fait remarquer qu’ils sont « hors territoire », dans un autre espace qui va de New-York à Kula Lumpur, un espace qu’on vit à travers Internet, un espace de réseaux. » Marc Sageman arrive également à cette conclusion avec les biographies des jeunes liés à El Qaïda, puisqu’il ne trouve que des hommes sans attaches nationales, déterritorialisés. Ils se vivent comme des globalisés, des mondialisés, mais ne se sentent partie intégrante d’aucune culture et d’aucun espace politique national. Leurs revendications ne sont d’ailleurs jamais motivées par une stratégie politique de conquête d’un Etat.
Les professionnels de la jeunesse confirment qu’un jeune vivant en France qui se sent Arabe, Marseillais, Français, Kabyle, Roubaisien, Algérien, Bambara, etc., n’adhère pas au discours radical. Un point commun des jeunes sensibles au discours radical concerne leur rapport au territoire : ils ne sont attachés à aucun territoire, ni celui de leurs ancêtres, ni celui où ils vivent. L’échantillon à risque est constitué de jeunes qui se sentent « de nulle part ».
L’idéologie de rupture repose sur l’exaltation du groupe
Tous ceux qui deviennent radicaux passent par le groupe, ou par de petits groupes fusionnels. L’un des grands débats dans les groupuscules extrémistes concerne la foi. Comment affirmer sa foi ? Ceux qui sont vraiment dans l’évidence religieuse ne font pas de discours à ce sujet ! Olivier Roy retrouve ce fonctionnement également chez les évangélistes : on parle de sa foi avec les autres, pour se fortifier réciproquement, et donc pour renforcer le lien du groupe, l’appartenance au groupe. Les prédicateurs radicaux prouvent aux jeunes que leur colère est justifiée et les renforcent dans l’idée que tout le système prévoit de les exclure parce qu’ils sont « d’origine musulmane ». Ils transmettent une idée de la religion sublimée qui les fait rêver. L’image qu’ils donnent d’elle est tellement inaccessible que la seule possibilité est de ressembler à celui ou à celle qui est en train de leur en parler. Ce qui compte, c’est de se ressembler. Ils ont besoin de s’identifier mutuellement dans cette conception du monde.
Les psychologues qualifient ce phénomène de risque majeur de l’état groupal. Dans ce cas, l’individu est aliéné au groupe et perd ses propres contours identitaires, parce qu’il a le sentiment d’être « le même » que les autres et de percevoir exactement les mêmes émotions. L’identité du groupe remplace l’identité de l’individu.
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