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La poétesse Salima Ait Mohamed

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  • La poétesse Salima Ait Mohamed

    Née le 30 avril 1969 à Aït-Eurbah dans la wilaya de Tizi Ouzou, Salima Ait Mohamed est une poétesse d’expression française qui a publié plusieurs livres. Ayant grandi dans le centre d'Alger, elle nourrit très tôt un amour incommensurable à cette cité millénaire, où se lisent encore les traces des grandes civilisations qui l'ont traversée à travers les âges.

    Les étés et quelquefois les printemps se déroulaient en Kabylie, auprès d'une aïeule qui la nourrissait de son imaginaire kabyle et de sa sagesse berbère et séculaire.

    Doucement se tissait l'attachement à sa triple culture berbère, arabe et francophone. Parmi ses livres, on peut citer : “Alger, triste soir”, “Ecrits d’Algérie” et “La cuisine égyptienne”. Elle vit en France depuis l’assassinat de Tahar Djaout. Elle se confie, à cœur ouvert, à notre journal.

    La Dépêche de Kabylie : Qui est Salima Aït Mohamed ?


    Salima Aït Mohamed : Il est assez délicat de parler de soi, d’autant que dans la morale kabyle, il est d’usage d’être discret et modeste. J’emprunte donc à la culture occidentale l’audace de me définir !

    D’origine kabyle, je suis née au printemps de 1969 à Aït-Eurbah, un petit village perché de la Kabylie montagneuse, où j’ai passé d’ailleurs toutes mes vacances. J’ai vécu à Alger jusqu’à mes 25ans. J’y ai fréquenté des établissements arabisés dont l’Institut de Philosophie.

    En Algérie, j’ai travaillé dans la presse écrite et à la Radio (Chaîne 2 et Chaîne 3.)

    J’ai quitté Alger, pour aller en France, quelques mois après l’assassinat de Tahar Djaout, ami et collègue d ’Algérie Actualité. J’ai vécu cet assassinat comme une douleur injuste et indigne de notre histoire et de notre époque. J’en ai parlé dans “Alger, Triste Soir”, mon premier ouvrage publié.

    Je suis d’abord poétesse. Je suis aussi écrivaine, journaliste, conférencière, conteuse, peintre, chercheur et auteur d’une dizaine d’ouvrages publiés en France.

    Mes écrits, mes récitals et mes conférences concernent les cultures de la Méditerranée en général, la culture berbère en particulier. A travers mes contributions, je vise la connaissance et la reconnaissance du patrimoine berbère, je tente de transcrire l’oralité kabyle, comme me la dicte mon aïeule. Je traite également de l’Algérie et de son histoire, de sa culture, de ses crises sociales et de ses interrogations actuelles.

    Et comme tout citoyen du monde, je m’intéresse à l’actualité, à ses préoccupations, aux combats des minorités et à la souffrance des cultures en voie d’extinction. Je me sens très solidaire du combat universel pour la liberté de toutes les expressions et pour le respect des droits de l’homme et de l’environnement. Je me sens également responsable du rôle que doit jouer chacun de nous dans la transmission de notre mémoire et de notre culture.

    Le journalisme est-il un chemin qui mène inéluctablement vers l’écriture poétique et romanesque ?


    Non, je ne crois pas. Pour ma part, ça a été le contraire. J’ai d’abord écrit de la poésie très tôt et, à 18 ans, j’ai commencé à collaborer dans les pages culturelles des journaux. Vous me faites rappeler que j’avais abordé la question avec Tahar Djaout dans une ultime interview de lui et que j’avais réalisée pour la Chaîne 2. Je partage volontiers son avis là-dessus.

    Je crois que le journalisme, s’il est pratiqué correctement, librement et dignement, nous révèle l’état des sociétés, des peuples et des évènements. C’est un métier nécessaire incontournable dans une société moderne et juste. C’est une discipline que la rigueur rapproche de la vérité ou du moins de la réalité : sa méthode est objective. C’est pour cela que la liberté de la presse est la preuve du bon fonctionnement d’une démocratie. Le journalisme s’intéresse au fait réel.

    Quand il est d’opinion, personnellement il m’intéresse déjà moins.

    Quant à la poésie, elle est l’expression d’émotion, de sentiment, de revendication et surtout de talent. Elle est le regard de son auteur et elle porte son identité et sa subjectivité.

    Et qui plus est, on peut apprendre à devenir bon journaliste. Par contre, écrire de la poésie est pour moi d’abord un don naturel, comme celui d’avoir une belle voix. En effet, il est plus difficile de travailler un art pour lequel on n’a pas de prédisposition.

    Pour résumer : la poésie est la manifestation d’une œuvre personnelle, donc d’une réalité subjective quand le journalisme est l’information d’un fait objectif. Le journalisme ne peut se permettre les fantaisies et les libertés créatrices de la poésie. A son tour, la poésie cet art brut, immédiat et quelquefois inaccessible, se passe d’être rigoureuse ou exacte, car elle ne se soumet qu’aux volontés de son auteur.

    Ceci étant dit, même si la poésie et le journalisme semblent opposés et contradictoires, les vivres au quotidien et en même temps ne cause pas de schizophrénie ! On peut être les deux, se nourrir des deux cheminements et des deux sources, et y trouver une complémentarité assez intéressante. C’est précisément mon cas.

  • #2
    Avez-vous choisi la poésie ou est-ce que c’est cette dernière qui s’est imposée à vous ?

    Je n’ai certainement pas choisi d’être poète. J’ai le souvenir lointain d’avoir été bercée dans ma petite enfance par les " achawik ", les " issefra " et les " thimouchouha " de yaya Taos, ma grand-mère maternelle. Je crois que cette musicalité authentique et pénétrante a eu des répercussions profondes, retentissantes et déterminantes dans ma mémoire. J’ai commencé à écrire de la poésie dès que j’ai su aligner des mots et des phrases. Je me suis intéressée assez tôt à la lecture, aux arts, à la philosophie. Je rêvais d’approcher des écrivains et de leur montrer mes ébauches. Je me voyais évoluer et travailler dans un milieu culturel. A 12 ans, j’avais déjà décidé d’être journaliste !

    Toute ma vie, écrire de la poésie m’a été d’un secours tellement efficace. J’y canalisais mes colères, mes manques et mes regrets. Je m’y réfugiais dans mes moments de doute.

    Aujourd’hui encore, c’est dans l’écriture poétique que je libère ma fragilité et mon espérance. Je ne peux même pas imaginer vivre sans poésie. Etre poète c’est avoir la conscience de soi, des autres et de l’univers. Le regard que porte le poète sur le monde est humain, libre, sans concession, sans perversion. Aragon disait : “Le poète a toujours raison”. J’ajouterai : “Surtout quand il dit vrai”. Et c’est souvent le cas. Les poètes sont des visionnaires, des messagers et des témoins cruciaux de leurs sociétés. La poésie est une force et un ressourcement perpétuels. J’y puise mon énergie tous les jours. Si la poésie ne s’était pas imposée à moi, j’aurais tout tenté pour la susciter!

    Généralement, on commence par la poésie et l’on finit par écrire des romans. Est-ce que c’est pour bientôt en ce qui vous concerne ?


    Au risque de vous surprendre, j’ai failli commencer par publier d’abord un roman. Après réflexion, j’ai préféré opter pour la publication d’un recueil poétique dans lequel j’exorcisais ma douleur de partir et la crainte d’avoir tout à réinventer. C’était un texte court et violent que j’avais hâte de publier comme une succession de cris et d’appels au secours. D’ailleurs, le lecteur l’a reçu comme ça et ce texte a eu un important succès. En tout cas, j’ai eu l’effet désiré.

    Je conçois le roman comme une construction ou reconstruction d’une réalité. C’est un exercice de style plus long, plus fouillé et plus conciliant avec les attentes du lectorat. La poésie est crûe, immédiate, urgente, impatiente et intransigeante, donc plus libre, très souvent insondable et pas du tout commode pour les éditeurs. Et pour preuve, très peu de poésie est publié de nos jours.

    En réalité, je ne considère pas le roman comme un aboutissement de l’écriture, mais plutôt comme un choix, un désir d’être lu par le plus grand nombre.

    J’écris du roman, comme j’écris de la nouvelle, du conte et des chroniques, selon les thèmes que je choisis d’aborder. Cependant le genre littéraire que je pratique et que je défends le plus demeure la poésie. C’est celui qui me ressemble le plus.

    Quels sont les poètes qui vous ont le plus marquée dans votre jeunesse ? Votre premier poète est-il celui qui vous inspire ?

    Beaucoup de poètes m’ont marquée. A commencer par Si M’hand U M’hand, dont la poésie rebelle et bouleversante se raconte encore parmi des milliers d’anonymes en Kabylie. Quelques grands interprètes de la chanson kabyle me touchent beaucoup, comme Matoub Lounès, Aït-Menguellet, Chérif Kheddam, Idir, Ferhat et d’autres. Je les considère comme très grands poètes car, avec force et virtuosité, ils nous livrent depuis des années la beauté du monde kabyle et sa désespérance. Autant que l’avaient fait Fadhma Ath-Mansour, Feraoun et Mammeri dans leurs romans.

    Parmi mes premières lectures, j’ai été très émue par les écrits de Jean Amrouche, Tahar Djaout, Jean Sénac, Kateb Yacine, Malek Haddad, Mohamed Dib, Noureddine Aba entre autres, car ils m’ont sensibilisée aux déchirements de l’Algérie et à ses longues attentes. Ils m’ont appris à aimer ce pays malgré toutes les absurdités et toutes les horreurs qui le traversent.

    Par ailleurs, certaines expressions artistiques berbères comme "l’ahellil" du Gourara et "l’ahidous" de l’Atlas marocain évoquent une poésie séculaire et précieuse qui me remue beaucoup. De même, quand j’écoute Taos Amrouche interpréter les chants berbères anciens, je suis submergée d’émotion, d’enchantement et de fierté.

    Et puis lire Rimbaud, Baudelaire, Prévert, Apollinaire, Kheyam et des Haïkus japonais m’inspirent et me montrent à quel point la poésie est un art universel.

    Ce qui m’émeut chez les poètes que j’aime lire ou écouter c’est l’authenticité, la profondeur et l’obstination de leurs messages. J’aurais souhaité qu’on les célèbre un peu plus.

    Vivre dans sa terre natale et vivre loin de cette dernière : quelle est la différence pour une poétesse ?

    S’il y a une différence, elle se situerait dans le regard que l’on porte sur les êtres et sur les choses. Il est vrai, j’ai vécu mon départ d’Algérie, comme un déchirement extrêmement douloureux. Heureusement que la vie a repris le dessus. Progressivement, j’ai réappris à vivre et à espérer. Je me suis mise à créer mon nid ailleurs, à y travailler avec acharnement. Ça m’a sauvée.

    Je crois à présent que je suis de toutes les terres qu’il m’est données de rencontrer et d’aimer. Naturellement, ma terre de naissance est mon premier refuge et mon premier émoi. Son manque nourrit profondément mes écrits et tout mon quotidien. Ses parfums hantent tous les instants de ma vie. Cependant, je me sens heureuse de vivre en Provence, de baigner dans la lumière de la Méditerranée et de revenir parfois avec une fougue insatiable vers ma terre natale. A chaque fois, je vis ce retour comme un moment délicieux et magique.

    Je considère aussi que mon œuvre est utile là où je vis maintenant. Il me semble que je vis et que je sers encore mieux ma culture, depuis que je vis loin de mon pays. En tout cas, j’essaye de vivre au mieux et de faire de mon mieux là où je me trouve.

    Secrètement, je rêve d’une Algérie qui reconnait ses poètes et qui apprend à les découvrir et à les aimer.

    Par La Depêche de Kabylie

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    • #3
      Une Culture diverse (double ou triple) et riche, ne peut émettre que de la lumière qui illuminera a son tour le large entourage a divers cultures… Salima Ait Mohamed en est Un exemple réel. Merci Morjane.

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