“L’aigle et la plume” en hommage à Kheireddine Ameyar

[zadhand]

Un ouvrage rassemblant des textes du défunt journaliste

“L’aigle et la plume” en hommage à Kheireddine Ameyar

le 07-02-2017 10:00
Qui ne connaît pas le défunt journaliste Kheireddine Ameyar ? De la génération actuelle, sûrement la plupart de nos journalistes; de sa génération, il est sûr que beaucoup l’ont connu et regrettent jusqu’à aujourd’hui sa tragique et énigmatique disparition. Un drame survenu dans la nuit du 8 au 9 juin 2000 lorsque “la mort l’avait enlacé, l’avait pénétré… Sa maitresse, son amante rôdait. Elle envahissait l’espace et tu dialoguais avec Elle en sachant qu’elle gagnait la partie… et que ta Légitime s’effaçait, vaincue.” Des mots poignants et douloureux écrits par sa Légitime, sa veuve, Taous Ameyar, dans un chapitre intitulé “Etats d’âme” par lequel débute un écrit signé du défunt journaliste, publié à titre posthume par les Éditions Anep, à l’initiative de sa famille : son épouse et ses enfants, dont Nadim qui y écrit comme pour expliquer ce geste désespéré : “… il refusa catégoriquement de trahir le Rêve : il examina les plis et replis de son cœur à la recherche d’un atome de compromission. N’y trouvant pas cette fêlure, il s’extirpa du cauchemar pour demeurer à jamais dans son rêve.” Et du rêve Kheireddine Ameyar en avait plein la tête… et plein le cœur. Un cœur qui battait fort pour son Algérie qu’il aimait tant, comme l’écrit Maya, sa fille : “Aimer son pays à s’en blanchir les cheveux prématurément, au point que certains de ses proches l’abjuraient d’arrêter de porter l’Algérie sur son dos, au risque de rompre sous ce poids énorme.” Cette Algérie chérie qu’il voyait s’en aller à la dérive et ça lui faisait peur. Il avait peur à tel point qu’il en tremblait souvent en silence au fond de lui ; une peur pour cette génération à venir qui lui fit dire un jour des mots qui semblent aujourd’hui avoir prédit l’avenir : “Votre époque sera éprouvante, à la place des Pôles, vous aurez des joueurs de bendir en guise de jugulaire.” Divisé en plusieurs chapitres, cet ouvrage nous donne à lire des articles pertinents, et des analyses des situations du moment, parus dans les différents organes de presse où cette grande plume a sévi : El Moudjahid : “Melilla ; Les hommes qui montent, Promesses cubaines.”), Algérie Actualité : “Mémoires de femme : Assia Djebar ; Mehri parle du débat culturel ; La peur du vide..”, Révolution Africaine : “Plus rien ne sera comme avant ; Monsieur Vergès c’est à vous ; Le peuple de la réforme…”, La Nation : “Consensus pour la survie ; Le pouvoir, la morale et l’argent ; La semoule et le couscous…” et enfin La Tribune : “Rachid Mimouni : chronique d’une mort ; Six hommes en colère ; Le Président et l’Assemblée…”. La Tribune, ce quotidien qu’il a créé en 1994 pour, dira-t-il : “Le journalisme d’abord ! C’est pour nous uniquement là que réside le respect que l’on doit à son lecteur, lequel est un citoyen qui nous fait confiance. Pour persévérer dans le respect du lecteur, ce citoyen parmi les autres, nous devrons nous prémunir contre les possibilités innombrables qui sont à notre disposition pour lui nuire. Car un journal, c’est un énorme potentiel de nuisance s’il ne trouve des contrepoids à sa mesure ou, hélas, on le constate aussi, à sa démesure….” Ce sont des propos lourds de sens et qui donnent à réfléchir sur cette corporation, arme à double tranchant. Ainsi, dans cette volumineuse et riche compilation de plus de 550 pages, c’est tout une vie qui est racontée, c’est tout un parcours journalistique qui est retracé par des articles de presse qui en disait long sur cet homme sensible et droit qui refusait de se plier, sur cet aigle visionnaire qui a toujours voulu le meilleur, faute de quoi, il a préféré, à jamais, se taire ? La question demeure posée…

Samira Bendris
liberte-algerie

L’Aigle et la plume, Kheireddine Ameyar, Textes choisis 1975-1999” ;
Éditions Anep, 565p., 2016.