“La femme et le langage”, de Abdallah Mohammed El-Ghadham
Traduction de l’ouvrage en français par l’auteur Luc Barbulesco
Traduction de l’ouvrage en français par l’auteur Luc Barbulesco
le 15-02-2017 12:00
Cet ouvrage, paru d’abord en arabe et écrit par Abdallah Mohammed El-Ghadhami, a été traduit en français par Luc Barbulesco et publié en 2016 par le Bureau culturel saoudien en France à l’occasion du Salon du livre de Paris. L’auteur s’y intéresse, non pas à la littérature féminine en langue arabe, sujet longuement abordé et traité par beaucoup d’études, mais à bien plus que cela : il s’agit pour lui de traiter du “rapport qu’entretient la femme avec le régime de l’écriture, avec la langue en tant que production écrite et non en tant qu’oralité narrative”. Car durant très longtemps, on a vu l’homme “s’emparer de l’écriture et en faire son monopole, pour ne laisser à la femme que le récit, ou l’oralité… La femme est venue ensuite au langage qu’elle a trouvé occupé dans toutes ses dimensions et toutes ses potentialités par l’homme qui décide souverainement de ce qui, dans le discours, relève de la vérité ou de la métaphore”. Il semblerait donc que l’homme soit “l’élocution” et la femme “la signification”, ce qui signifierait que le langage soit “viril” et appartiendrait au mâle, alors que “l’identité de la femme sous le rapport du langage est d’être le thème, et non le propos (…) Sa présence se manifeste dans les proverbes, les récits transmis oralement, les constructions métaphoriques…”. Jusqu’au jour où la femme a décidé de “pénétrer dans le langage de l’autre et l’a conquis, elle en a découvert les secrets et déchiffré les codes, et partant de ses propres tragédies, elle a entrepris de jeter la condamnation sur la culture et la civilisation…, ou plutôt sur cette prétendue civilisation qui n’a fait qu’opprimer la femme”, la considérant comme simple outil d’imagination ou objet de désir. Durant plus de 200 pages fort documentées et enrichies d’exemples concrets d’écritures au féminin, l’auteur y traite divers points sensibles et accrocheurs tels : le corps en tant que valeur culturelle ; la langue investie-la cité des hommes conquise ; la femme contre sa propre féminité, ou encore une belle destruction-le langage retrouve sa féminité. Ainsi, à travers l’étude du conte des Mille et Une Nuits, et des textes de plumes féminines à l’exemple de May Ziyadé, Nawel Saadawi, Ghada es-Samman, Nazik el Malaiké, Oumaima Khamis ou encore Ahlam Mosteghanemi, il s’avère que la situation change et la femme arrive à s’approprier elle aussi une part de cette écriture à laquelle elle a tous les droits et qu’elle ne manque pas de revendiquer à travers ses personnages et ses écrits. Comme preuve de cette “révolution dans le langage”, le roman de Ahlam Mosteghanemi, La Mémoire de la chair, dans lequel on voit la “féminité revendiquer son existence et affirmer sa valeur de langage”. Ce livre restitue une étude fort documentée qui rejoindrait quelque part les belles paroles de notre défunte Assia Djebar qui lui rétorquerait sûrement : “L’écrit des femmes en littérature maghrébine : une naissance, une fuite, ou une échappée souvent, un défi parfois, une mémoire sauvée qui brûle et pousse en avant… L’écrit des femmes qui soudain affleure ? Cris étouffés, enfin fixés, parole et silence ensemble fécondés !”
Samira BENDRIS
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