Nassima Hablal. Résistante, ancienne détenue
« J'étais la secrétaire de Abane Ramdane »

(1927-2013) Nassima Habla est Originaire de Mekla (Kabylie), commune natale d’Aissat Idir, Elle est une des premières militantes du mouvement national.
Nassima Hablal parle de la guerre avec des mots de paix. L'autre, l'ennemi, le colonisateur, elle ne le cite pas. Elle ne le nomme pas ou alors tout juste si elle dit « les Français ».
Il est le figurant qui habite ses mauvais jours. Il l'a tourmentée dans les sous-sols humides de la villa Susini dont la beauté architecturale inspirait ses rêves de fillette et dont le sinistre souvenir hante sa mémoire. Nassima Hablal, femme de liberté qui s'est battue pour elle, si elle en connaît le prix elle n'en parle pas, elle le tait, comme celui d'un cadeau dont on ne donne pas le coût de peur de gêner celui qui le reçoit. Cette grande dame de cœur est magnifiée par ses actes. Parfois le bonheur se donne un visage...
Comment tout a-t-il commencé ?
C'est mon voisin M. Ourif, originaire de Laghouat, qui m'a amenée au militantisme. Il est celui qui m'a amenée à prendre conscience de la situation dans laquelle nous vivions.
Cela remonte à peu près à quelle année ?
Au début des années 1940 avant la fin de la seconde guerre mondiale et les tragiques massacres de mai 1945. J'avais de la famille qui résidait à Sétif, ainsi j'étais informée de ce qui s'y déroulait, particulièrement à Kherrata où quatre jeunes avaient été tués. leurs corps en putréfaction ont été exposés sur la voie publique durant une semaine, avec interdiction de leur donner une sépulture. Je ne sais pas pourquoi cela m'avait particulièrement révoltée. Pour des raisons sociales évidentes, j'ai commencé à travailler. Mais parallèlement, je fréquentais un groupe d'étudiants de mon âge. C'est avec eux que j'ai commencé à militer. Je me souviens, entre autres, de Mamia Chentouf, de Mme Sidi Moussa, et puis il y avait parmi nous des étudiants tunisiens. C'était un cercle modeste, mais cela n'empêchait pas qu'il avait une vie organisée. Nous tenions régulièrement des réunions, nous organisions des excursions. Nos débats approfondissaient notre prise de conscience et aiguisaient notre patriotisme naissant. La première cellule où j'ai activé se trouvait à la Casbah. Il y avait là Fatima Zekkal, qui deviendra plus tard Mme Benosmane, Chentouf et tout un groupe de filles. Nous ramassions de l'argent pour le parti auprès des familles aisées bien sûr. Nous vendions le journal du parti et nous faisions tout un travail de propagande parmi les femmes.
Quand vous dites le parti, vous parlez du PPA-MTLD ?
Oui, le PPA avant que soit créé le MTLD. Qui dit PPA dit Messali Hadj bien évidemment. Nous nous rendions à Bouzaréah pour le rencontrer... Je me souviens qu'il avait grande allure et qu'il nous en imposait par sa stature et son port, lorsqu'il nous tendait négligemment sa main à baiser... (rires). Que dire d'autre, c'était pour nous un symbole, à défaut de doctrine. D'ailleurs beaucoup de gens qui s'étaient engagés au PPA l'ont quitté, faute justement de doctrine. Ils ont rejoint le Parti communiste par exemple. C'était le cas de Abdelhamid Benzine, c'est d'ailleurs lui qui avait recruté Abane Ramdane et bien d'autres valeureux militants.
Que représentait Messali Hadj pour les jeunes que vous étiez ?
Un symbole. Le symbole de l'indépendance. Je me souviens encore du jour où il est revenu à Alger de sa déportation au Congo-Brazza. Toute la ville s'est rendue à sa rencontre à l'aéroport de Maison Blanche, comme on l'appelait.
Vous suffisiez-vous du combat politique, espériez-vous qu'un jour ou l'autre vous deviez passer à la lutte armée ?
Nous savions, quoiqu'il en soit, que nous luttions pour notre indépendance, quelle que soit la forme de la lutte. Bien sûr que l'éventualité d'autres formes de combat était présente dans les esprits. Naturellement, ce n'était pas dans l'esprit de tous. Mais certains étaient déjà dans les maquis comme le colonel Ouamrane qu'on appelait Boukerrou. C'est d'ailleurs Ben Mokkadem, militant du PPA, qui à l'indépendance deviendra mon époux, qui l'avait recruté. Ouamrane, qui était sergent dans l'armée française dans la deuxième moitié des années 1940, était à l'académie de Cherchell, mon futur mari, Ben Mokkadem, originaire de cette ville, l'y avait contacté. Krim Belkacem était aussi au maquis...
Que vous inspiraient ces gens qui avaient pris les armes ?
Nous en étions fiers. C'étaient des hommes d'action. Bien d'autres avaient pris le même chemin. Certains sont morts. Je me souviens m'être rendue à Tizi Ouzou pour l'enterrement du jeune Ali Laïmèche (1), un militant du parti. Après les obsèques, nous nous sommes rendus à la sous-préfecture devant laquelle nous avons tenu un meeting. J'étais avec notre groupe d'étudiants.
Où travailliez-vous ?
Au gouvernement général, « le GG ». C'est à cette époque que j'ai commencé à activer dans un réseau composé d'hommes avec notamment Mustapha Ben Mohamed, qui plus tard deviendra messaliste. Je recevais chez moi des militants qui, lorsqu'il y avait un congrès ou une réunion qui se déroulait à Alger, y venaient clandestinement, étant interdits de séjour. C'est ainsi que j'ai été amenée à héberger M'hammed Yazid ou Mohamed Ben M'hal qui était secrétaire particulier de Messali Hadj.
Comment avez-vous vécu la création et le démantèlement de l'Organisation spéciale (OS) ?
Nous étions si proches du soulèvement. Nous nous étions préparés. Nous pensions que la lutte armée était imminente et que tout allait enfin commencer. Hélas, le secret a été éventé et tout s'est écroulé. Les Français ont découvert l'organisation. Beaucoup de cadres ont été arrêtés, condamnés et emprisonnés. La déception était à la mesure de la catastrophe qui avait frappé le parti et l'OS.
Aviez-vous perdu espoir ? Doutiez-vous de votre combat ?
Non ! A aucun moment. Je savais que tout s'arrangerait. Mais quand ? J'étais déçue. Très déçue surtout d'apprendre qu'il existait des conflits et des luttes internes.
En tant que militante du PPA que pensiez-vous des autres partis politiques ?
Chacun campait sur ses positions. Mais pour résumer, les Oulémas, c'était pas très fort et Ferhat Abbas voulait autre chose.
Que pensiez-vous de ce que voulait Abbas ?
Qu'il avait un autre point de vue. De notre côté nous ne savions pas où il voulait aller et où il allait nous mener. Je ne pensais pas pour autant que c'était un traître ou quelque chose de ce goût. Quant aux oulémas ils étaient les plus tièdes.
Il y avait également les communistes...
Je ne portais pas de jugement. Je savais qu'ils avaient une façon propre à eux de voir les choses les faire. Je pensais qu'ils n'étaient pas aussi actifs qu'il l'aurait fallu. Ils n'ont pas eu des actes aussi spontanés à l'époque en Algérie. Cela n'a pas empêché qu'ils s'engagent dans la lutte armée après 1954 à titre individuel, comme cela était exigé par le FLN. Il en sera d'ailleurs de même pour Abbas et ses partisans de l'UDMA.
Le 1er novembre 1954 arrive. Comment accueillez-vous ce jour ? Vous en souvenez-vous ?
Parfaitement ! La joie était immense comme l'étaient les espoirs que ce jour a suscités. C'était fait. Pour ma part, j'attendais qu'on m'envoie un signal.
Est-il arrivé rapidement ?
Rapidement. Je m'étais rendue à Bucarest pour le festival mondial de la jeunesse. Au départ, je voulais me rendre dans un pays scandinave, car chaque année je voyageais pour oublier un moment le racisme ordinaire que nous subissions. J'ai changé de destination et suis allée au festival en Roumanie. Un jeune homme m'a un jour abordée et m'a demandé si j'étais bien Nassima Hablal. « Oui, lui ai-je répondu. - je voudrais discuter avec toi », m'a-t-il dit. Je lui ai laissé mes coordonnées à Alger et l'ai invité à me contacter. Le jeune homme en question était Mohamed Sahnoun, futur diplomate. Il était avec le groupe de Amara Rachid (2). De retour au pays, Sahnoun m'a mise en contact avec des Français et des chrétiens de gauche qui faisaient un travail social dans les bidonvilles. Je passais mes week-ends dans les quartiers défavorisés à soigner, vacciner, alphabétiser... C'était un emplâtre sur une jambe de bois. La révolution venait de débuter, ses moyens étaient limités. Ce n'est que deux ou trois mois plus tard que les choses ont commencé à bouger. Des militants avaient été libérés, dont Abane. A sa libération, il vivra un autre drame, familial celui-là. En effet, en arrivant chez lui, sa mère dans le jardin était occupée à biner. On l'appelle et on lui dit : « Viens tu as un invité. » Lorsqu'elle s'est trouvée devant son fils, la surprise de le voir a été telle qu'elle a fait une attaque qui l'a rendue hémiplégique à vie. Krim Belkacem et Ouamrane le contactent et lui confient l'organisation d'Alger où tout était encore au stade des balbutiements. Il s'est installé chez moi pour un an ou plus, jusqu'à ma première arrestation.
Chez vous à Belcourt ?
Oui. A proximité du Jardin d'essais, dans la villa la Gloriette. Il y tenait ses réunions, contactait les gens, pour organiser la première zone autonome d'Alger. Il y avait tout le groupe Amara Rachid et les étudiants, comme Mohamed Lounis, Mustapha Saber. Par la suite est venu Ben Khedda, puis Mohamed Ben Mokkadem qui était le coordinateur à Alger, mais il a vite été arrêté. Il devait partir en France pour l'organisation de la Fédération de France où je devais l'accompagner. A la veille de son arrestation, nous devions aller jusqu'à Oran d'où on aurait pris un bateau ou l'avion vers Paris. Arrêté, il a été condamné mais à une peine relativement légère. Il fait de la prison mais à sa sortie ils l'ont ramassé de nouveau et il a fait tous les camps d'Algérie.
« J'étais la secrétaire de Abane Ramdane »
(1927-2013) Nassima Habla est Originaire de Mekla (Kabylie), commune natale d’Aissat Idir, Elle est une des premières militantes du mouvement national.
Nassima Hablal parle de la guerre avec des mots de paix. L'autre, l'ennemi, le colonisateur, elle ne le cite pas. Elle ne le nomme pas ou alors tout juste si elle dit « les Français ».
Il est le figurant qui habite ses mauvais jours. Il l'a tourmentée dans les sous-sols humides de la villa Susini dont la beauté architecturale inspirait ses rêves de fillette et dont le sinistre souvenir hante sa mémoire. Nassima Hablal, femme de liberté qui s'est battue pour elle, si elle en connaît le prix elle n'en parle pas, elle le tait, comme celui d'un cadeau dont on ne donne pas le coût de peur de gêner celui qui le reçoit. Cette grande dame de cœur est magnifiée par ses actes. Parfois le bonheur se donne un visage...
Comment tout a-t-il commencé ?
C'est mon voisin M. Ourif, originaire de Laghouat, qui m'a amenée au militantisme. Il est celui qui m'a amenée à prendre conscience de la situation dans laquelle nous vivions.
Cela remonte à peu près à quelle année ?
Au début des années 1940 avant la fin de la seconde guerre mondiale et les tragiques massacres de mai 1945. J'avais de la famille qui résidait à Sétif, ainsi j'étais informée de ce qui s'y déroulait, particulièrement à Kherrata où quatre jeunes avaient été tués. leurs corps en putréfaction ont été exposés sur la voie publique durant une semaine, avec interdiction de leur donner une sépulture. Je ne sais pas pourquoi cela m'avait particulièrement révoltée. Pour des raisons sociales évidentes, j'ai commencé à travailler. Mais parallèlement, je fréquentais un groupe d'étudiants de mon âge. C'est avec eux que j'ai commencé à militer. Je me souviens, entre autres, de Mamia Chentouf, de Mme Sidi Moussa, et puis il y avait parmi nous des étudiants tunisiens. C'était un cercle modeste, mais cela n'empêchait pas qu'il avait une vie organisée. Nous tenions régulièrement des réunions, nous organisions des excursions. Nos débats approfondissaient notre prise de conscience et aiguisaient notre patriotisme naissant. La première cellule où j'ai activé se trouvait à la Casbah. Il y avait là Fatima Zekkal, qui deviendra plus tard Mme Benosmane, Chentouf et tout un groupe de filles. Nous ramassions de l'argent pour le parti auprès des familles aisées bien sûr. Nous vendions le journal du parti et nous faisions tout un travail de propagande parmi les femmes.
Quand vous dites le parti, vous parlez du PPA-MTLD ?
Oui, le PPA avant que soit créé le MTLD. Qui dit PPA dit Messali Hadj bien évidemment. Nous nous rendions à Bouzaréah pour le rencontrer... Je me souviens qu'il avait grande allure et qu'il nous en imposait par sa stature et son port, lorsqu'il nous tendait négligemment sa main à baiser... (rires). Que dire d'autre, c'était pour nous un symbole, à défaut de doctrine. D'ailleurs beaucoup de gens qui s'étaient engagés au PPA l'ont quitté, faute justement de doctrine. Ils ont rejoint le Parti communiste par exemple. C'était le cas de Abdelhamid Benzine, c'est d'ailleurs lui qui avait recruté Abane Ramdane et bien d'autres valeureux militants.
Que représentait Messali Hadj pour les jeunes que vous étiez ?
Un symbole. Le symbole de l'indépendance. Je me souviens encore du jour où il est revenu à Alger de sa déportation au Congo-Brazza. Toute la ville s'est rendue à sa rencontre à l'aéroport de Maison Blanche, comme on l'appelait.
Vous suffisiez-vous du combat politique, espériez-vous qu'un jour ou l'autre vous deviez passer à la lutte armée ?
Nous savions, quoiqu'il en soit, que nous luttions pour notre indépendance, quelle que soit la forme de la lutte. Bien sûr que l'éventualité d'autres formes de combat était présente dans les esprits. Naturellement, ce n'était pas dans l'esprit de tous. Mais certains étaient déjà dans les maquis comme le colonel Ouamrane qu'on appelait Boukerrou. C'est d'ailleurs Ben Mokkadem, militant du PPA, qui à l'indépendance deviendra mon époux, qui l'avait recruté. Ouamrane, qui était sergent dans l'armée française dans la deuxième moitié des années 1940, était à l'académie de Cherchell, mon futur mari, Ben Mokkadem, originaire de cette ville, l'y avait contacté. Krim Belkacem était aussi au maquis...
Que vous inspiraient ces gens qui avaient pris les armes ?
Nous en étions fiers. C'étaient des hommes d'action. Bien d'autres avaient pris le même chemin. Certains sont morts. Je me souviens m'être rendue à Tizi Ouzou pour l'enterrement du jeune Ali Laïmèche (1), un militant du parti. Après les obsèques, nous nous sommes rendus à la sous-préfecture devant laquelle nous avons tenu un meeting. J'étais avec notre groupe d'étudiants.
Où travailliez-vous ?
Au gouvernement général, « le GG ». C'est à cette époque que j'ai commencé à activer dans un réseau composé d'hommes avec notamment Mustapha Ben Mohamed, qui plus tard deviendra messaliste. Je recevais chez moi des militants qui, lorsqu'il y avait un congrès ou une réunion qui se déroulait à Alger, y venaient clandestinement, étant interdits de séjour. C'est ainsi que j'ai été amenée à héberger M'hammed Yazid ou Mohamed Ben M'hal qui était secrétaire particulier de Messali Hadj.
Comment avez-vous vécu la création et le démantèlement de l'Organisation spéciale (OS) ?
Nous étions si proches du soulèvement. Nous nous étions préparés. Nous pensions que la lutte armée était imminente et que tout allait enfin commencer. Hélas, le secret a été éventé et tout s'est écroulé. Les Français ont découvert l'organisation. Beaucoup de cadres ont été arrêtés, condamnés et emprisonnés. La déception était à la mesure de la catastrophe qui avait frappé le parti et l'OS.
Aviez-vous perdu espoir ? Doutiez-vous de votre combat ?
Non ! A aucun moment. Je savais que tout s'arrangerait. Mais quand ? J'étais déçue. Très déçue surtout d'apprendre qu'il existait des conflits et des luttes internes.
En tant que militante du PPA que pensiez-vous des autres partis politiques ?
Chacun campait sur ses positions. Mais pour résumer, les Oulémas, c'était pas très fort et Ferhat Abbas voulait autre chose.
Que pensiez-vous de ce que voulait Abbas ?
Qu'il avait un autre point de vue. De notre côté nous ne savions pas où il voulait aller et où il allait nous mener. Je ne pensais pas pour autant que c'était un traître ou quelque chose de ce goût. Quant aux oulémas ils étaient les plus tièdes.
Il y avait également les communistes...
Je ne portais pas de jugement. Je savais qu'ils avaient une façon propre à eux de voir les choses les faire. Je pensais qu'ils n'étaient pas aussi actifs qu'il l'aurait fallu. Ils n'ont pas eu des actes aussi spontanés à l'époque en Algérie. Cela n'a pas empêché qu'ils s'engagent dans la lutte armée après 1954 à titre individuel, comme cela était exigé par le FLN. Il en sera d'ailleurs de même pour Abbas et ses partisans de l'UDMA.
Le 1er novembre 1954 arrive. Comment accueillez-vous ce jour ? Vous en souvenez-vous ?
Parfaitement ! La joie était immense comme l'étaient les espoirs que ce jour a suscités. C'était fait. Pour ma part, j'attendais qu'on m'envoie un signal.
Est-il arrivé rapidement ?
Rapidement. Je m'étais rendue à Bucarest pour le festival mondial de la jeunesse. Au départ, je voulais me rendre dans un pays scandinave, car chaque année je voyageais pour oublier un moment le racisme ordinaire que nous subissions. J'ai changé de destination et suis allée au festival en Roumanie. Un jeune homme m'a un jour abordée et m'a demandé si j'étais bien Nassima Hablal. « Oui, lui ai-je répondu. - je voudrais discuter avec toi », m'a-t-il dit. Je lui ai laissé mes coordonnées à Alger et l'ai invité à me contacter. Le jeune homme en question était Mohamed Sahnoun, futur diplomate. Il était avec le groupe de Amara Rachid (2). De retour au pays, Sahnoun m'a mise en contact avec des Français et des chrétiens de gauche qui faisaient un travail social dans les bidonvilles. Je passais mes week-ends dans les quartiers défavorisés à soigner, vacciner, alphabétiser... C'était un emplâtre sur une jambe de bois. La révolution venait de débuter, ses moyens étaient limités. Ce n'est que deux ou trois mois plus tard que les choses ont commencé à bouger. Des militants avaient été libérés, dont Abane. A sa libération, il vivra un autre drame, familial celui-là. En effet, en arrivant chez lui, sa mère dans le jardin était occupée à biner. On l'appelle et on lui dit : « Viens tu as un invité. » Lorsqu'elle s'est trouvée devant son fils, la surprise de le voir a été telle qu'elle a fait une attaque qui l'a rendue hémiplégique à vie. Krim Belkacem et Ouamrane le contactent et lui confient l'organisation d'Alger où tout était encore au stade des balbutiements. Il s'est installé chez moi pour un an ou plus, jusqu'à ma première arrestation.
Chez vous à Belcourt ?
Oui. A proximité du Jardin d'essais, dans la villa la Gloriette. Il y tenait ses réunions, contactait les gens, pour organiser la première zone autonome d'Alger. Il y avait tout le groupe Amara Rachid et les étudiants, comme Mohamed Lounis, Mustapha Saber. Par la suite est venu Ben Khedda, puis Mohamed Ben Mokkadem qui était le coordinateur à Alger, mais il a vite été arrêté. Il devait partir en France pour l'organisation de la Fédération de France où je devais l'accompagner. A la veille de son arrestation, nous devions aller jusqu'à Oran d'où on aurait pris un bateau ou l'avion vers Paris. Arrêté, il a été condamné mais à une peine relativement légère. Il fait de la prison mais à sa sortie ils l'ont ramassé de nouveau et il a fait tous les camps d'Algérie.
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