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La société algérienne à l’épreuve de la Colonisation

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  • La société algérienne à l’épreuve de la Colonisation

    Les pertes humaines et matérielles de la conquête restent difficiles à établir. L’Algérie ne se releva pas de l’énorme déflation de sa population urbaine. Exil et émigration vers la campagne ou vers l’Orient ont privé le pays de ses élites citadines. Il faut rappeler aussi que les corps d’artisans furent supprimés en 1868. Ce déclin de la bourgeoisie des villes fut accentué par une succession de crises économiques survenues dans les années 1845-1851, 1854, 1857-1858, 1863, 1866-1868. Dans les campagnes, l’état de guerre déstabilisa le rythme des productions agricoles soumises aux incendies et au pillage des silos, de même que le cheptel diminua considérablement en particulier en 1866 et 1867, terribles années de sécheresse. La famine qui sévit durant ces années-là provoqua un désastre démographique. Sans réserves, sans secours, les corps affaiblis moururent de faim quand ils ne furent pas décimés par les épidémies de typhus et de choléra. Quand, le 13/09/1867, le Courrier de l’Algérie sonna l’alarme sur cette « épidémie de la faim » qui risquait d’emporter le « 1/3 de la population », le gouvernement général s’empressa de le démentir et de traduire en justice l’écrivain accusé de fausses nouvelles, comme le rappelle A. Goldzeiguer dans une étude approfondie sur ces années de misèrebe. Quelque 500.000 personnes auraient disparu au cours de ces années terribles, plus d’un million selon le géographe Djilali Sarif.

    Cette catastrophe, avec son cortège de morts, d’orphelins abandonnés et de déracinés errant aux abords des villes, fut aggravée par la progression de la colonisation. Les spéculations sur les biens immobiliers ont débuté dès la prise d’Alger. Une série de textes en accéléra le rythme. Outre l’expropriation pour cause d’« inculture », la vérification des titres de propriété tourna rapidement à une entreprise de spoliation. L’augmentation de l’immigration européenne dicta au gouvernement du général L. Randon (en poste de 1851 à 1858) de procéder au resserrement des terres détenues par les tribus. Cette politique du « cantonnement » aboutit au refoulement des populations rurales, avant que le sénatus-consulte de 1863 et la loi Warnier de 1873 ne dotent la dépossession d’un cadre juridique. Pour la société algérienne, cette dépossession eut plusieurs conséquences. D’abord, la fin de l’indivision acheva la dislocation des familles en brisant les cadres traditionnels qui imposaient un minimum de solidarité entre tous leurs membres. La nouvelle répartition des terres rompit l’équilibre traditionnel des pratiques agricoles et pastorales et l’extension de celles-ci sur des terres moins bonnes, tandis que la réduction des terrains de parcours fut la cause de la baisse des productions vivrières et de la dégradation du milieu naturel.

    Il en résulta une détérioration générale du niveau de vie aussi bien pour les grandes familles en pleine décadence que pour l’ensemble des groupes sociaux de la ville et de la campagne. Une telle paupérisation fut ressentie comme un douloureux traumatisme, dont les Algériens ne se relevèrent jamais. L’essor de la colonisation a donc bouleversé l’économie traditionnelle, sans lui offrir les moyens de la restructuration nécessaire à une distribution des richesses produites dans le contexte d’un marché algérien répondant aux logiques capitalistes. C’est notamment ce qui explique le regain d’insurrections d’envergure dans les années 1870 et 1880.
    Extrait de : Histoire de l'Algérie à la période Coloniale
    Dernière modification par Harrachi78, 03 janvier 2022, 13h01.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
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