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Histoire de l'Algérie médiévale - le 11e siècle après. J.-C.

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  • #31
    b) La Vallée du Oued Mīçab :

    Un autre axe d'expansion se developpe dans l'autre sens, vers ce qui est de nos jours la région du Mzab au Centre de l'Algérie. Là encore, ce sont des communautés de Zanāta Ibādites qui partent de Sadrāta et de Warjilān, et qui commencent à établir des cités marchandes le long d'une vallée du nom de Wādi Mīçab.

    La toute première fondation fut le qsar d'el-Atteuf en 1017 , par des Ibādites venus de Oued Diya selon la tradition locale :




    Il faudra ensuite attendre une quarantaine d'années pour voir fleurir les quatre autres cités de la vallée, et que s'achève l'ensemble qui est appelé la Pentapole mozabite :

    Bounoura, en 1048, par un clan ibādite venu de Warjilān :




    Ghardāya, en 1050, qui deviendra plus tard la principale cité de la Pentapole :




    Et, enfin Beni-Isguen en 1051 :




    Toutes ces régions et ces communautés vivaient de manière autonome, et elles n'étaient pas soumises au pouvoir Hammādide. Toutefois, se situant sur les routes transharaiennes qui débouchaient à Achīr et la Qal'a, les liens commerciaux avec ces centres du Tell leur étaient vitaux, tout comme ils l'étaient pour les Hammādies puisque tout le trafic qui venait du Sahel vers le Maghrec Central et vice-versa transitait par là. Tout le monde avait donc intérêt à ce que les choses restent tranquilles.

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    Dernière modification par Harrachi78, 23 janvier 2023, 12h56.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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    • #32
      11. Retour au Maghreb Central (1051-1062) :

      Nous avions quitté le domaine Hammādide à la veille de l'arrivée des Hilāliens au Maghreb en 1051. C'est donc de ce point que allons y revenir pour la suite.


      Fin du règne d'al'Qā'id b. Hammād (1051-1054) :

      A ce moment, le 2e Emir de la dynastie Hammādide vivait ses dernières années. En 1052, il dépêcha un contingent de 1.000 cavaliers à son cousin al-Mu3izz b. Bādis pour la bataille de Haydarān, mais dès qu'il apprit la défaite de l'armée Zirīde, il proclama le retour à l'allégeance Fatimide, pensant ainsi éviter la menace hilālienne sur ses territoires. Il verra la chute de Qayrawān en 1054, et accueillera des réfugiés d'Ifrīqiyya qui vont se replier vers la Qal3a et vers d'autres villes de l'E. algérien, peu avant de décéder de maladie dans sa capitale, au bout de sa 27e année de règne, après avoir désigné un de ses fils comme sucesseur.

      C'est précisément de ce début des années 1050 que date cette stèle funéraire retrouvée à la Qal3a, au nom d'un certain Mukhlaf b. Uthmān ...


      ... de même que ces décorations en stuc, dans la lointaine Sadrāta Ibādite, qui vivait elle aussi -sans le savoir- ses dernières années avant la destruction :





      Règne de Muhsin b. al-Qā'id (1054-1055) :

      Tout ce qu'on peut dire à son sujet, c'est que le gars était d'un tempérament des plus violent. Au départ, il décide déstituer sans ménagement son oncle, Yūsuf b. Hammād, gouverneur de l'O. Celui'ci refuse l'ordre et entre aussitôt en rébellion, bientôt rejoint par certains de ses frères. Le gouverneur rebelle prend et pille Achīr, provoquant l'ire du nouvel Emir contre toute la parentèle de son défunt père.

      Muhsin rassemble donc une grosse armée, et se met à pourchasser toute sa famille, tuant l'un après l'autre ses oncles Madīni, Mannād, Wighlān et Tamīm. Il charge ensuite un groupe de Hilāliens entrés à son service de ramener la tête d'un de ses cousins, Būlkīn b. Muhammad b. Hammād, qui était jusque-là gouverneur d'une région mal identifiée dans les sources Toutefois, le chef des nomades Arabes en question, un certain Khalīfa b. Majjān, était apparemment copain avec le cousin, et il s'entend avec lui de liquider Muhsin au lieu de lui obéir. Ca sera chose faite quelques semaines plus tard, et ainsi s'achèva en à peine 9 mois le court et très sanglant règne de Muhsin b. al-Qā'id.


      Règne de Bulkīn b. Muhammad (1055-1062)

      Ca sera donc Bulkīn b. Muhammad le 4e Emir de la dynastie Hammādide. C'était un homme habile et un excellent meneur d'hommes, mais clairement pas moins brutal que son prédécesseur, dont il fait d'ailleurs exécuter le vizir dès sa prise du pouvoir.

      En 1058, le muqaddam de Biskra Ja3far b. Abū-Rumān, apparemment un déscendant d'anciens Afāriq romano africains, entre en dissidence. Le mouvement est vite étouffé par une armée Sanhāja menée par un certain Khalaf b. Abū-Haydara, et tout le clan rebelle est envoyé à la Qal3a où l'Emir Bulkīn les fait exterminer jusqu'au dérnier. Le gouvernement de Biskra est alors confié à 3arūs b. Sindi, et restera dans la famille de ce dérnier prés d'un siècle.

      En même temps que se reglait l'affaire de Biskra, les Hilāliens poursuivaient leur prise de contrôle sur l'Ifrīqiyya Zirīde, poussant de nombreuses tribus de nomades Zanāta à se retirer vers les territoires Hammādides à l'O., comme les Banī Ghumart qui migrent à cette époque dans le Hodna. La poussée hilalienne commence alors à se faire sentir sur le Maghreb Central par le S. du Zāb, ce qui va provoquer une réaction de la puissante confédération Zanāta des Banī Wāsin et leurs chefs, les Banī Ya3lā, depuis leur base de Tlemcen. Ces premières infiltrations au Maghreb Central sont l'œuvre de clans du groupe Athbaj pour l'essentiel, les Riyāh et les Zughba étant alors maîtres de l'Ifrīqiyya ou le pouvoir Zirīde n'etait plus que l'ombre de lui-même. Jugeant la chose encore gérable, Bulkīn va tenter de capter à son profit cette nouvelle force pour contrer les Zanāta. Ainsi, après de nombreux affrontements dans le Zāb et le Hodna, les nomades Arabes parviennent à prendre le dessus sur leurs comparses Berbères, notamment après la mort au combat, vers 1059, de leur principal chef dans l'O. algérien, Abū-Su3da Khalīfa al-Ifrāni, dont la bravoure fut telle qu'il deviendra plus tard l'archétype de l'ennemi dans la légende Hilālienne ultérieure, sous le nom de Khalīfa a-Zanāti.

      En 1060, Būlkīn mène campagne contre les Zanāta dans l'O. de l'Algérie avec ses nouveaux alliés Athbaj, exactement au moment où un tout autre acteur, des nomades Sanhāja venus des lointains confins de la Mauritanie et du Sahara-Occidental commençaient à étendre un nouveau pouvoir vers le N. : les Almoravides. En 1061, ils prennent Sijilmāsa et mettent ainsi pied dans le Maghreb Extrême, tenu par diverses groupes Zanāta depuis le début du siècle comme nous l'avions vu plus haut. Suite à cela, en 1062, Būlkīn décide de mener une vigoureuse campagne vers l'O. : il prend Fès et soumet tout le N. du Maroc à son autorité. Pendant ce temps, dans le S. du Maroc, les forces almoravides menées par Yūsuf b. Tāshfīn ne parvinrent pas à forcer le verrou des montagnards Maçmūda dans le Sūs, et se retirent momentanément dans leurs bases au Sahara. Il n'y eut finalement pas d'affrontement direct entre les Sanhāja du Maghreb Central et les Sanhāja du sahariens, et Bulkīn quitte Fès au bout de quelques mois.

      Cependant, sur le chemin du retour vers la Qal3a, un piège lui est tendu pour une hisroite de vendetta familiale. En effet, juste avant de partir vers le Maroc, Būlkīn avait fait tuer la femme de son frère Muqātil b. Muhammad, une certaine Nāmīrt, qui n'était autre qu'une cousine à eux puisque la fille de leur oncle paternel 3alannās b. Hammād, qu'il soupçonnait d'avoir ourdi l'assassinat de Muqātil. Or, la dame avait un frère, al-Nāçir, qui jura de la venger. Būlkin sera ainsi surpris et assassiné près de Jabal Tassāla (act. Tessala) au S. d'Oran, et voilà l'armée Hammādide qui rentre à la Qal3a avec un nouvel Emir à sa tête : al-Nāçir b. 3alannās !

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      Dernière modification par Harrachi78, 25 janvier 2023, 12h39.
      "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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      • #33
        12. Règne d'al-Nāçir b. 3alannās (1062-1088) :

        En 1062, a-Nāçir b. 3alannās prend le pouvoir chez les Hammādide au même moment que Tamīm b. al-Mu3izz succédait à son malheureux père chez les Zirīdes. Mais, alors que ce dérnier héritait d'un pouvoir zirīde en lambaux et que son pouvoir dépassait à peine les murs de Mahdiyya, son cousin Hammādide reprenait un Etat encore intacte, avec une présence hilalienne encore limitée au Athbaj et avec qui il était en alliance.

        On ignore quel était l'âge d'a-Nāçir lors de sa prise du pouvoir, mais les sources rapportent de lui l'image d'un homme résolu et sans pitié, et les circonstances, qu'on a vu plus haut, de sa conquête du trône Hammādide ne vont pas démentir cette réputation. Au début du règne, a-Nāçir confie les gouvernements régionaux à ses frères : Miliāna et le "Maghrib" (c'est-à-dire l'O. du royaume) à Kabbāb ; Hamza et le Pays de Zawāwa à Rummān ; Niqāwus (act. N'gaous) et le Zāb à Khazar ; Constantine et l'ancien Pays de Kutāma à Balbār. A ses deux fils, Abdallāh et Yūsuf, il confie respectivement Alger et le Pays de Matīja et Achīr avec le Pays de Sanhāja. Il élimine ensuite Khalaf b. Haydara, vizir de son prédécesseur, et le fait remplacer par un certain Abū-Bakr b. Abū-l-Futūh.

        On peut donc imaginer qu'a-Nāçir ait pu nourrir des ambitions sur ce qui réstait du royaume des descendants de Būlkīn b. Zīri, son arrière-grand-père, surtout que, dès 1063, de nombreuses régions d'Ifrīqiyya se tournent vers lui en vue de parer à la défaillance de leur ancien suzerain Zirīde. Ce fut notamment cas de Hammū b. Mallīl al-Barghawāti, gouverneur de Sfax ; de Abdelhaq b. Khurasān de Tunis ; ainsi que Yahyā b. Wattās, gouverneur de Gafsa et de rout le Pays de Qastīliya qui correspond au S. de la Tunisie actuelle. Tentant de réagir à ce qui semblait être une récupération du domaine Zirīde par son sousin et désormais rival, Tamīm conclut une alliance avec les factions hilāliennes de Riyāh et Zughba et tente, tant que bien que mal, d'empêcher la totale désagrégation de l'Ifrīqiyya Zirīde au profit de son cousin, et désormais rival, Hammādide. Le conflit entre les deux branches Zirīdes devenait dès lors inévitable ...


        a) La bataille de Sbība (1065) :

        En 1065, a-Nāçir met en place une imposante coalition en vue de conquérir l'Ifrīqiyya toute entière. Il mobilise donc ses propres forces de Sanhāja avec tous les clans Zanāta qui lui étaient alliés, et se mit en accord avec les Hilāliens Athbej qui, de leur côté, voulaient en découdre avec leurs comparses de Riyāh, Zughba et Suleym, engagés à ce moment dans de camps de Tamīm, et à qui s'étaient joints les zenètes Maghrāwa de Ibn al-Mu3izz b. Zīri b. 3attiyya.

        L'opération commence plutôt bien, et a-Naçir prend vite Laribus avant de marcher vers Qayrawān. Le choc entre les deux coalitions eut lieu dans la plaine de Sabība, au centre de la Tunisie, et il se solda par la défaite totale du camps Hammādide, a-Naçir ne s'en tirant vivant qu'avec 10 cavaliers à ce qu'on raconte, et uniquement grâce au sacrifice héroïque de son frère aîné, al-Qāsim, qui aurait pris sa place pour couvrir sa retraite, mourant les armes à la main avec près de 4.000 Sanhāja et Zanāta pour garantir un peu de temps à son Emir vaincu. En somme, cette défaite de la Sbība fut pour les Hammādides ce qu'était Haydarān pour les Zirīdes 13 ans auparavant : la puissance des Hilāliens fut accrue par l'immense butin, et les routes du Maghreb Central leur étaient désormais grandes ouvertes par la destruction, au moins pour un temps, de l'armée Hammādide.

        Après la défaite, a-Nāçir se réfugia à Constantine, poursuivi par les Riyāh, puis, avec les quelques 200 hommes qui réstaient de son armée, il regagna la Qal'a où il fut assiégé. Les Hilāliens se répandent alors dans tous le Zāb et le Hodna qu'ils dévastent méthodiquement, et détruisirent pratiquement Tobna et Msila, principales villes de la région à cette époque. Comme jadis en Ifrīqiyya, leurs actions contraignent les citadins à s'enfermer dans les villes avec les gouverneurs provinciaux, et ils finirent peu à peu par imposer un tribut à toutes les populations de sédentaires désireux de jouir de leurs propres terres. Pendant ce temps, Tamīm, reprennait Tunis et d'autres régions en Ifrīqiyya, mais sans vraiment sortir du giron de ses alliés de Riyāh qui restaient les véritables maîtres dans tout l'arrière-pays.

        En 1067, a-Nāçir se ressaisit et organise une nouvelle offensive vers l'E. Il reprend Laribus une nouvelle fois et, toujours avec l'aide des Athbej, parvient même à Qayrawān. Mais ce succès resta sans lendemain, car il jugea la position intenable et préférera rentrer vite à la Qal3a. Tamīm s'empare alors de Qayrawān et y reinstalle un certain Qā'id b. Maymūn a-Sanhāji comme gouverneur. D'ailleurs, il restait lui aussi incapable de soumettre véritablement ses "alliés" Athbej qui contrôlaint tout le Hodna. Bien que incapables de prendre une position ausdi fortifiée que la Qal3a, cette domination hilalienne de son arriere-pays rendaient incertaines et peu sûres les communications depuis et vers la fortresse Hammādide. Al-Nāçir en prit vite conscience et, voulant éviter de se retrouver dans la même situation que les Zirides, il décide tout simplement d'abandonner la zone aux nouveaux venus et d'aller se faire bâtir une nouvelle capitale loin de leur emprise, c'est ainsi que va naître Béjaïa a-Nāçiriyya ...

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        Dernière modification par Harrachi78, 26 janvier 2023, 02h21.
        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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        • #34
          b) Fondation de Béjaïa (1068) :

          Pour se mettre à l'abri des Hilāliennes, il fallait se repositionner vers une zone qui n'était pas une plaine ouverte ni une vaste steppe, car c'est dans ce genre d'environnements qu'évoluaient le mieux ces groupes nomades, leur principale force étant leur extrême mobilité et leur capacité à couvrir d'immenses espaces. Il fallait aussi un emplacement qui ne permette pas un encerclement de toutes parts car, là encore, ce n'est pas la capacité des Hilāliens à prendre les positions fortes qui était crainte, mais plutôt le fait qu'ils se répandaient dans la totalité d'un arrière-pays de manière permanente, ce qui asphyxiait littéralement le centre en le privant des ressources de sa région et en perturbant tous les transports et toutes les communications par le contrôle des routes et des accès. En somme, la position de la Qal3a dans ce nouveau contexte devenait similaire à celui de Qayrawān pour le premier calife fatimide, un siècle et demi plus tôt, qui bâtit al-Mahdiyya sur la côte pour se mettre en sécurité, et c'est la même solution qui sera adoptée par a-Nāçir maintenant.

          On rapporte que l'emplacement recherché lui aurait été suggéré par un certain Muhammad b. al-Ba3bā3. On ne sait rien de ce personage, si ce n'est qu'il était un riche marchand, étranger (gharīb) non-sanhājien, qui entretenait des affaires régulièrement à la Qal3a, et qu'a-Nāçir avait chargé d'une mission diplomatique auprès du Zirīde Tamīm peu après la défaite de Sabība et son retour à la Qal3a en 1065. Parti donc vers l'Ifrīqiyya par le N. (vu que la vieille route des Hauts-Plataux était désormais impraticable), l'ambassadeur arrive au bout de quatre jours de marche à un modeste village (manāzil), habité par une petite tribu sanhājienne nommée Bajāya. Entouré par la mer sur trois côtés dans sa partie la plus avancée, le site ressemblait déjà dans une certaine mesure à celui de la Mahdiyya fatimide. Mais, étant aussi adossé à une haute montagne escarpée, il répondait aussi à la tradition zirido-Hammādide incarnée dans les précédents d'Achīr, Miliāna, Alger et la Qal3a. Mais surtout, pour atteindre cet emplacement, il fallait emprunter ce qui était appelé Oued al-Kabīr (act. Soumam), soit la longue et étroite vallée de notre actuel Oued Soumam : une configuration qui serait littéralement fatale pour n'importe quelle incursion de nomades Hilāliens, ou de toute autre force basée sur le besoin de manœuvre et de mobilité. Peut-être est-ce réellement ce Muhammad b. al-Ba3bā3 qui suggéra à a-Nāçir que le site de Béjaïa offrait un un excellent choix pour une nouvelle ville, un port et même un arsenal maritime, mais la région n'était certainement pas sans lien avec la dynastie puisque c'est à l'entrée même de la Vallée de la Soumam, quelques 80 km avant Béjaïa, que Hammād b. Bulkīn était décédé une quarantaine d'années auparavant lors d'un banal déplacement.



          Quoi qu'il en soit, a-Nāçir est immédiatement séduit par le site et, passant apparemment outre les quelques objections des propriétaires du lieu, s'attèle de suite à tracer les fondations de l'enceinte fortifiée de sa Nāçiriyya, ainsi que la construction d'une première résidence royale qu'il nomma Qaçr a-Lu'lu'a ("Palais de la Perle"). Ces premiers lots furent livrés en 1069, et a-Nāçir y transféra une partie des trésors de l'Etat Hammādide qui étaient entreposés à la Qal3a. Il encouragea aussi la migration vers sa nouvelle cité en instaurant une exemption de l'impôt foncier (kharāj) pour tous les résidents, et la ville se peupla rapidement.



          Comme pour Alger, le fait que le site de Béjaïa ne cessa jamais d'être habitée par la suite laisse malheureusement toutes les traces de son histoire enfouies sous la ville moderne. L'archéologie a donc peu de moyens pour restituer son passé matériel, contrairement ce qui fut possible pour l'Achīr de Zīri ou pour la Qal3a de Hammād. On peut néanmoins entrevoir encore quelques vestiges de cette phase initiale de son histoire, comme Bāb al-Bunūd ("Porte des Étendards") qui était l'accès principal parmi les sept portes de la cité :



          Ou encore Bāb al-Bahr ("Porte de la Mer"), qui servait jadis d'entrée au port de la ville :



          Les traces du premier palais construit par le fondateur a-Nāçir b. 3alannās ne sont plus visibles, mais -chose plutôt rare-, un ouvrage contemporain en arabe laissé par un auteur local contemporain, un certain Ibn Hammād, nous a laissé deux représentations, très schématisées il est vrai, de deux bâtiments palatiaux :



          Bejaïa a-Nāçiriyya va ainsi commencer à prospérer tranquillement, et deviendra plus tard la plus importante ville d'Algérie et une des métropoles du Maghreb. Mais, pour le moment, elle est conçue comme une seconde capitale et comme un lieu de refuge potentiel par a-Nāçir qui partage sa résidence entre elle et la Qal3a, encore principal centre du pouvoir Hammādide.

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          "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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          • #35
            c) L'arrivée des Zughba au Maghreb Central (1074) :

            Lors de l'inauguration de Béjaïa en 1069, ça faisait 17 ans que les tribus de Banī Hilāl et assimilés avaient fait leur apparition en Ifrīqiyya, et quelques années à peine depuis qu'ils ont atteint le Maghreb Central. Comme nous venons de le voir, ils avaient à ce moment intégré le jeu politique global dans la région, certains d'entre eux s'étant alliés aux Hammādide et d'autres Zirīdes, mais suivant des lignes en changement constant selon les intérêts des uns et des autres à tel ou tel moment. Depuis la bataille de la Sbība en 1065, la situation s'était globalement fixée avec les Suleym dominant la Tripolitaine, les Riyāh et Zughba contrôlant pratiquement tout le territoire tunisien, et les Arthbej tenant le Hodna et le S. du Zāb en territoire algérien.

            Mais, au-delà de leurs relations avec les deux pouvoirs sanhājiens en place et avec les diverses populations à qui ils imposaient leur dicter localement, les trois factions principales chez les Hilāliens entretenaient aussi leurs propres conflits internes, faits d'intérêts nouveaux ou continuations de vieilles querelles tribales. Ainsi, en 1074, la vieille guéguerre reprend entre les Riyāh et les Zughba sans qu'on sache les détails exacts, mais l'affaire se termine par une sanglante défaite des Zughba qui se voient chassés de Tunisie par leurs puissants frères-ennemis. Les vaincus n'avaient d'autre choix que de migrer vers l'O., et pour se faire ils vont monnayer leur installation avec une offre de choix : Qayrawān, qui était alors sous leur pouvoir.

            En somme, en 1078, l'ancien gouverneur Zirīde de la ville, Qā'id b. Maymūn a-Sanhāji, qui s'était entre temps mis au service de a-Nāçir b. 3alannās à la Qal3a, et Hammū b. Mallīl al-Barghawāti, gouverneur de Sfax pour le compte des Hammādides, entrent en pourparlers avec le chef des Zughba Yabqā b. Ali en vue de céder la vieille capitale moyennant finances. La "vente" est rondement ficelée, et les Zughba quittent définitivement l'Ifrīqiyya pour s'établir au Maghreb Central et, depuis ce moment, leur histoire au Maghreb va se confondre avec l'histoire politique du Maghreb pour les trois siècles à venir comme nous le verrons plus tard.


            d) Traité de paix entre a-Nāçir et Tamīm (1078) :

            Entre temps, une terrible famine frappe les campagnes tunisiennes, et l'Emir Zirīde ne trouve plus moyen de poursuivre l'affrontement contre son cousin Hammādide. De son côté, la gestion du problème Hilālien accaparait toutes les ressources d'a-Nāçir, et il ne pouvait qu'aporécier l'idée de mettre fin aux hostilités avec les Zirīdes. Les deux parties conviennent donc d'un traité de paix dont on ignore les termes exacts, si ce n'est qu'il fut sanctionné par le mariage d'a-Nāçir avec la fille de Tamīm, et à qui il va construire un palais à Béjaïa et un autre à la Qal3a Hammādide : Qaçr Ballāra. La princesse Zirīde, dame distinguée et de grande culture, donnera au Hammādide plusieurs fils dont un, al-Mançūr, lui succédera plus tard. En l'honneur de cette femme qu'il aima follement à ce qu'on raconte, a-Nāçir b. 3alannās restera fidèle au traité de paix avec les Zirīdes jusqu'à sa mort.


            e) Guerre contre les Maghrāwa (1078-1088) :

            Cette même année 1078, le chef zenète al-Muntaçir b. Khazrūn al-Maghrāwi s'allie à une branche hilālienne mineure, les 3adī, et se lance dans des opérations au Zāb et dans le Hodna. Il prend Msīla et arrive jusqu'à Achīr, mais a-Nāçir parvient finalement à les vaincre et les força à fuire vers le Sahara. Toutefois, la coalition nomade ne fut pas neutralisée, et ils continuèrent à mener des raides vers le Tell depuis leur lointaine retraite. L'Emir Hammādide chargé alors 3arūs b. Sindi, gouverneur de Biskra, de tendre un piège au chef zenète. al-Muntaçir fut donc attiré à Biskra sous le motif fallacieux d'un arrangement amiable, avant d'être pris par surprise et exécuté : son corps fut crucifié à la Qal3a, et sa tête envoyée à Béjaïa comme trophée, tandis que d'autres chefs Maghrāwa se voyaient massacrés un peu partout en Algérie par des alliés zenètes d'a-Nāçir : Abū-l-Futūh b. Hannūsh dans la région de Médéa ; Mu3ançar b. Hammād dans la Vallée du Chéliff, et leur têtes allèrent toutes rejoindre celle de leur chef à Béjaïa.

            L'Emir a-Nāçir charge ensuite un de ses fils de mener une grande expédition punitive contre les Zanāta aussi loin qu'ils puissent être, et c'est ainsi que l'armée Hammādide arrive jusqu'à Ourgla où un gouverneur est nommé, avant de rentrer à Béjaïa chargée de butin et de captifs, et il en fut de même peu après pour les Banī Tūjīn dans l'O. de l'Algérie. L'Etat Hammādide était alors au fait de sa puissance, et c'est sur cette note que décède a-Nāçir b. 3alannās en 1088, après un règne de 26 ans.

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            Dernière modification par Harrachi78, 26 janvier 2023, 02h24.
            "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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            • #36
              Au même moment où mourrait a-Nāçir b. 3alannās, une nouvelle puissance Sanhājaienne montante faisait son chemin à l'autre bout du Maghreb : les Almoravides venaient enfin de conquérir le Maroc actuel, et ils comptaient bientôt poursuivre leur chemin vers le Maghreb Central. Nous allons donc faire un petit crochet de se côté avant de reprendre le fils des événements Hammādide à ce point ...
              Dernière modification par Harrachi78, 26 janvier 2023, 02h23.
              "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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              • #37
                13. Les Almoravides (1035-1082) :

                La génèse du mouvement Almoravide reprend pour ainsi dire un schémas devenu classique au Maghreb depuis le 2e siècle de l'Islam : une doctrine (da3wa) pooitico-religieuse proclamant une nouvelle ère de justice et un Islam ravivé ; un personnage charismatique (dā3i) qui transforme les forces latentes d'un peuple local en une puissante force militaire ; un groupe tribal (3açabiyya) qui adhère au mouvement, le porte totalement à ces débuts et en incarne ensuite le régime une fois établi.

                Ici, nous allons nous limiter, et en très condensé, aux événements qui ont conduit à la création de l'Etat Almoravide dans le Sahara au tout début des années 1040, jusqu'à leur conquête de l'O. algérien une quarantaine d'années plus tard. On reviendra ensuite au fil des événements Hammādide pour poursuivre notre histoire de l'Algérie.


                a) Débuts du mouvement (1035-1040) :

                Depuis le milieu du siècle précédent, nous avons suivi la montée des Berbères Sanhāja au Maghreb Central, puis l'établissement de leur pouvoir au Maghreb à travers les deux dynasties Zīrides, celle des Bādīssides en Tunisie et celle des Hammādides en Algérie. Il existait aussi une autre branche des Sanhāja, vivant dans les lointaines zones sahariennes qui s'étendent audelà du S. du Maroc actuel jusqu'aux confins de la Mauritanie et du Sénégal. Contrairement à leurs cousins du Tell algérien, ces Sanhāja sahariens étaient des grands nomades chameliers, dont le mode de vie ressemblait pour beaucoup à celui des Arabes Hilāliens de l'époque, et avec un mode vestimentaire et une organisation sociale qui se rapproche énormément de ceux des Touaregs de notre époque actuelle. Ce peuple comptait d'innombrables branches et clans, dont trois tribus majeures : Guddāla, Lamtūna et Massūfa. On les appelaient communément al-Mulathamūn, parceque leur usage était de porter un voile cachant une partie du visage, comme on peut le voir sur cette illustration :




                En 1035, certains chefs de ces tribus étaient sur le chemin du retour du Hajj vers leur pays, avec à leur tête Yahyā b. Ibrāhim al-Guddāli et Yahyā b. Umar a-Lamtūni. Ils séjournent un moment à Qayrawān, et assistent aux cours des grands ulémas Mālikites de l'époque, et tout particulièrement Abū-3imrān al-Fāsi, grand juriste qui s'était établi dans la métropole maghrébine après avoir fuit son Fès natal une quarantaine d'années plus tôt suite à des débours avec les maîtres Maghrāwa de la cité. Les chefs sanhājaiens se rapprochent de lui et, reconnaissant la pauvreté de leur peuple en savoir religieux du fait de leur éloignement et leur mode de vie isolé, et lui demandent d'envoyer avec eux quelques disciples qui pourront les instruire en Droit leur enseigner les choses de l'Islam comme il se doit. Le vieux savant les prend en sympathie et soumet la requête au cercle de ses étudiants à Qayrawān, mais ne trouve aucun volontaire, le pays étant lointain et les conditions de vie trop pénible pour intéresser qui que ce soit. Abū-3imrān les oriente alors vers un de ses anciens élèves qui vivait dans le Sūs (S. du Maroc actuel), région la plus proche de leur pays, qui pourrait trouver moyen de satisfaire leur demande. La délégation des notables sanhājiens poursuit donc sa route et arrive chez l'homme désigné, Wajjāj b. Zalū a-Lamti. Celui-ci trouve un volontaire parmi son cercle d'étudiants, un certain Abdallāh b. Yāsīn al-Jazzūli, lui-même originaire d'une de ces tribus de mulathamīn. Il part donc avec eux et s'installe dans un premier temps chez les Lamtūna.

                N'ayant pas reçu l'acceuil espéré, Abdallāh b. Yāsīn décide en 1040 d'aller s'établir sur les bords du lointain fleuve Sénégal où il fonde un ribātt, c'est-à-dire une communauté dédiée au jihād contre les infidèles sur les marches de Dār al-Islām. Au départ, il est accompagné de sept fidèles seulement, dont Yahyā b. Ibrāhim, mais l'établissement croît vite et ils sont bientôt un milliers de guerriers Sanhāja qui s'enrôlent dans le mouvement : le premier noyau d'al-Murābittūn est né, et c'est de là que vient le nom des Almoravides.


                b) La Conquête du Sahara (1040-1059) :

                Pendant près de 15 ans, jusqu'en 1055, la communauté mène la guerre dans cette région contre les païens du Sūdān, nom qu'on donnait à l'Afrique subsaharienne, et notamment le puissant Royaume de Ghāna, qu'ils achèvent par la prise d'Awdaghust dans l'actuelle Mauritanie. Yahyā b. Umar a-Lamtūni, qui etait Emir des Almoravides jusque-là meurt au combat, et son frère Abū-Bakr lui succède au commandement du mouvement qui avaient énormément grandi entre-temps, et qui englobant toutes les tribus des Sanhāja sahariens. Pendant ce temps, à partir de 1051, les Arabes Hilāliens faisaient leur irruption à l'autre bout du Maghreb.

                En 1056, les Almoravides se retournent vers le N. du Sahara et avancent jusqu'à la riche cité marchande de Sijilmāsa, aux confins du Maroc et de l'Algérie actuels Durant cette campagne, un cousin de l'Emir Abū-Bakr b. Umar, un certain Yūsuf b. Tāshfīn, se distingue et se voit nommé gouverneur de la ville qui était désormais le point Almoravide plus avancé vers le N. Mais, la mainmise des Lamtūna sur le mouvement créé des tensions avec les Guddāla, et un conflit éclate entre les deux factions avant de se solder par la défaite des Guddāla. Après 1057, le mouvement vers le N. reprend et c'est tout le Sūs marocain qui est soumis d'un coup avec la prise d'Aghmāt qui devient centre militaire pour les armées Almoravides.


                c) Conquête du Maghreb Extrême (1059-1077)

                En 1059, les Almoravides s'attaquent au vieux royaume des Barghawāta, ces hérétiques khawārij que nous avions vu mettre en place leur Etat sur la façade atlantique du Maroc actuel près de 300 ans auparavant. Les affrontements sont sanglants, et l'un d'entre eux coûtera la vie à l'infatigable Abdallāh b. Yāsīn, mais la guerre s'achève par la destruction des Barghawāta et de leur religion.

                En 1060, un nouveau conflit interne éclate entre Guddāla et Lamtūna, forçant l'Emir Abū-Bakr b. Umar à rentrer dans le pays Sanhāja pour régler le problème. Toutefois, il n'interrompit pas les opérations au N. et confie le commandement de l'armée au Maghreb Extrême à Yūsuf b. Tāshfīn. En 1062, l'Emir Hammādide Būlkin b. Muhammad mène sa campagne au N. du Maroc et prend Fès, au moment où les Almoravides échouent à soumettre les Maçmūda dans le S. Mais Bulkīn est assassiné peu après comme on l'a vu, et les Maghrāwa reprennent aussitôt le contrôle de la ville. Un an plus tard, Yūsuf b. Tāshfīn prend Fès, mais les habitants se révoltent après son départ et chassent la garnison sanhājienne. L'Almoravide ne reviendra à la charge dans cette zone que cinq ans plus tard, mais il commence cette-fois par conquérir le Rīf marocain avant de reprendre Fès d'où il chasse définitivement les Maghrāwa qui se replient vers l'E.

                En 1069, une année aprés Béjaïa, est fondée Murrākush qui devient la nouvelle capitale de l'Etat Almoravide. Mais, en 1070, l'Emir Abū-Bakr repart à nouveau vers le S. pour poursuivre la guerre au Sudān, et il nomme à ce moment de manière officielle Yūsuf b. Tāshfīn comme son lieutenant et gouverneur de rout le Maghreb Extrême. De 1071 à 1075, ce dérnier achèvera la conquête du pays en soumettant les régions entre Tāza et le fleuve Moulouya, et enfin Tanger sur le Détroit en 1077.

                Commence alors l'avancée Almoravide vers le Maghreb Central ...

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                Dernière modification par Harrachi78, 30 janvier 2023, 12h22.
                "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                • #38
                  d) Les Almoravides au Maghreb Central (1080-1082) :

                  Après avoir soumis tout le N. du Maroc actuel en 1077, repoussant les tribus Zanāta, Maghrāwa et Yfrān, qui en contrôlaient le territoire depuis prèsque un siècle, Yūsuf b. Tāshfīn reprend l'avancée vers l'E. et traverse la Moulouya à la tête de l'armée Almoravide. A ce moment, le pouvoir Hammādide effectif s'arrêtait à peu près au Centre de l'Algérie actuelle car, totalement absorbés par le problème Hilālien à l'E., il n'y avait plus de ressources à consacrer au contrôle de cet epace qui va de Tāhert à Tlemcen, et sui était redevenu le pays par excellence des nomades Zanāta.

                  La campagne Almoravide au Maghreb Central qui commence en 1080 fut donc, pour l'essentiel, une continuation de la guerre qui venait de s'achever contre les Zanāta au Maghreb Extrême, et qui s'étaient justement repliés sur l'O. algérien d'où ils étaient venus à l'origine. L'Emir Almoravide avance donc vers Tlemcen qu'il prend aux Ifrānides Banī Ya3lā, passe ensuite vers Oran, avant de ratisser la Vallée du Chéliff sur toute sa longueur, prennent Ténès au passage et soumettant les tribus qui peuplaient l'Ouarsenis et la région de Tāhert. Il touche alors aux confins occidentaux du domaine Hammādides, mais s'arrête à la prise d'Alger, en 1082, et rebrousse chemin. Pour gouverner toute cette zone nouvellement conquise, il nomme un chef de Massūfa, un cerrain Muhammad b. Tīna3mar al-Massūfi, qui s'installe avec une importante garnison de Sanhāja sahariens à Tlemcen.



                  Ce dérnier, sans attaquer directement les Hammādides, s'affaire dans un premier temps à gagner l'alliance de certains clans Zanāta de l'O. algérien, et notamment les Banī Wamānū dont le chef, un nommé Mākhūkh, était jusque-là un allié des Hammādides et même lié à eux par sa sœur qui avait épousé a-Nāçir b. 3alannās. C'est au titre de cette coalition avec les Zanāta que l'Almoravide va reprendre l'offensive vers l'E., et c'est à partir de là que le conflit entre Sanhāja du Sahara et Sanhāja devient officiel.

                  C'est de cette période que datent certains monuments qu'on peut encore voir de nos jours en Algérie, notamment la grande mosquée de Nadrūma :




                  ... celle de Tlemcen :







                  ... et celle d'Alger, dont la chaire (minbar) en bois ouvragé se trouve être le plus ancien encore conservé en Algérie :







                  A noter que, toutes ses mosquées furent bâtie initialement sans les minarets qu'on vois aujourd'hui, ceux-ci étant tous des trois siècles qui vont suivre. Dans le cas de la Grande Mosquée d'Alger, il faut aussi enlever la colonnade voûtée de la façade qu'on peut voir sur la photo, car elle ne sera ajoutée à l'édifice que bien plus tard.


                  e) La réaction Hammādide (1082-1088) :

                  Outré par la trahison de Mākhūkh et des Banī Wammānu, on dit que a-Nāçir b. 3alannās tua sa femme, la sœur du chef zenète félon, dans un accès de colère. Il trouve néanmoins l'énergie d'une riposte et, dès 1083, il rassemble une coalition avec ses Sanhāja, les tribus Hilāliennes Athbej et Zughba qui habitaient le Maghreb Central ainsi que quelques clans alliés de Zanāta, et marche vers l'O. en commençant par reprendre Āchīr. Il pousse ensuite jusqu'à Tlemcen, mais accepte de cesser les hostilités après que Yūsuf b. Tūmart demande la paix et désavoue les actions de son gouverneur à Tlemcen à qui il adjoint de ne plus s'attaquer aux territoires Hammādides.

                  Mais, en 1084, les attaques des Banī Wammānu reprennent avec l'appui du gouverneur Almoravide, suite à quoi al-Nāçir mobilise une armée qu'il confie à un de ses fils, Abdallāh. Ce dérnier marche à nouveau contre Tlemcen où il force la garnison Almoravide à évacuer pour un moment, et organise ensuite une expédition punitive contre les Banī Wammānu. Après cela, la situation à l'O. resta calme dans l'ensemble, jusqu'à la mort d'a-Nāçir b. 3alannās en 1088.

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                  Dernière modification par Harrachi78, 30 janvier 2023, 12h48.
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                  • #39
                    Le conflit entre Hammādides et Almoravides dans l'O. de l'Algérie va s'étaler par intermittence entre 1082 et 1104. Mais, comme cet affrontement représentait un théâtre plutôt secondaire pour les uns comme pour les autres, nous allons inclure ses péripéties à partir de ce point dans le fil des événements Hammādides.

                    Nous revenons donc ici à notre récit principal, au moment ou al-Mançūr succède à a-Nāçir b. 3alannās à la tête de la Maison Hammādide en 1088, règne qui va d'ailleurs clôturer ce 11e siècle ...
                    Dernière modification par Harrachi78, 30 janvier 2023, 12h53.
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                    • #40
                      14. Règne d'al-Mançūr (1088-1105) :

                      Agé de 11 ans, al-Mançūr se trouvait à la Qal'a lorsque son père décède en 1088. Il n'était pas seul fils de feu a-Nāçir b. 3alannās ni l'aîné parmi ses frères, mais il était l'enfant de Ballāra, épouse bien aimée de son père et fille de Tamīm b. Bādis d'Ifrīqiyya. Le jeune Emir était donc un pur Zirīde, tant par son ascendance paternelle que maternelle.

                      Pourtant, ce prestige ne lui éoargnera pas les déboirs habituels qui accompagne presque toutes les successions Zirīdes et Hammāddides puisque, à peine son nom proclamé, son oncle Balbār, qui fut gouverneur de Constantine durant tout le règne d'a-Nāçir, se rebelle contre son jeune neveu. Étant encore trop jeune pour mener campagne, c'est son cousin Abū-Yakni b. Muhsin qui se charge de la besogne de mater la rébellion et, une fois la tâche accomplie, c'est de dérnier qui deviendra gouverneur de la ville tandis que son frère Wighlān est nommé à Būna (act. Annaba). Al-Mançūr passe les deux premières années de son règne à la Qal3a, mais en 1090, il déménage définitivement à Béjaïa. La vieille capitale Hammādide n'est pas encore abandonnée, mais la mainmise des Hilāliens sur la région du Hodna était devenue insupportable à cette époque, et la décision fut donc prise de faire de Béjaïa le principal centre du gouvernement.

                      A l'O., la relation avec les Almoravides était cordiale à cette époque, et Yūsuf b. Tāshfīn compte parmi les souverains qui envoyèrent condoléances et félicitations au jeune Emir à son avènement. D'ailleurs, depuis 1088, l'Almoravide s'était lancé dans une toute autre aventure puisque il traversa le Détroit et se mit à conquérir un par un les innombrables petits royaumes des Taïfas qui s'étaient partagés la péninsule après la chute du califat Ommeyade au tout début du siècle. La puissance des Mulathamīn atteint alors son apogée, mais les affaires Ibériques vont désormais capter toute l'énergie et les ressources des Émirs Almoravides qui, depuis Cordoue, s'efforcent désormais de mener le jihād contre les royaumes chrétiens du N. devenus menaçants. Il n'y avait alors aucun intérêt à suciter des problèmes sur le flanc maghrébin de leur Empire, et la paix conclue avec le père d'al-Mançūr fut respectée. A Tlemcen, le gouverneur Mohamed b. Tin3ammar étant mort, c'est son frère Tāshfīn qui le remplace dans l'O. algérien au nom des Almoravides.



                      Par ailleurs, les roitelets andalusiens qui seront déposés par Yūsuf b. Tāshfīn au fur et à mesure de l'avancée Almoravide durent trouvers refuge là où le pouvaient, et certains d'entre eux vont ainsi attérir au Maghreb Central. Ce fut notamment le cas d'al-Wāthiq b. l-Mu3taçim qui, fuyant Almeria, débarque avec toute sa suite et ses biens à Béjaïa en 1091. Il sera acceuilli avec les honneurs par al-Mançur et, prenant son sort en pitié, il lui offre le gouvernement de Tadallis (act. Dellys) ou il va faire souche. Il en fut de même pour la Sicile musulmane qui est est conquise cette même année par les Normands, provoquant un autre flux de réfugiés vers l'Ifrīqiyya et le Maghreb Central, comme ce fut le cas pour le grand poète Abdaljabbār b. Hamdīs de Syracuse, qui va terminer ses jours à la cour Hammādide à Béjaïa quelques années plus tard.

                      Ces vagues de reflux depuis le N. vers le Maghreb deviendront désormais une constante, et ne cesseront plus de faire venir des populations musulmanes, mais aussi juives, vers tous les ports et toutes les villes de la côte algérienne. C'est cet affluence de communautés andalousiennes, conjuguée à la formation d'un espace politique unifié entre le Maghreb Extrême et l'Andalus sous les Almoravides, qui va modeler progressivement la civilisation islamique du Maghreb vers sa forme classique qui va se constituer pleinement au cours du siècle suivant.

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                      Dernière modification par Harrachi78, 30 janvier 2023, 22h46.
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                      • #41
                        a) Rébellion à l'Est (1094-1096) :

                        En 1094, Abū-Yakni b. Muhsin, le gouverneur Hammādide nommé cinq ans auparavant à Constantine complote avec l'Emir Zirīde à Mahdiyya et avec le gouverneur Almoravide à Tlemcen pour prendre le pouvoir. Il offre Būna à Tamīm b. Bādis en gage de son soutien, et la remit effectivement à Abū-l-Futūh, fils du Zirīde.

                        A Béjaïa, al-Mançūr était au courant de la manœuvre et décide de réagir promptement. Il dépêche une armée à Annaba qui est assiégée durant 7 mois avant d'être reprise, tandis que le prince Zirīde est capturé et envoyé croupir dans un cachot à la Qal3a. Se sachant incapable de tenir Constantine, Abū-Yakni livre sa ville au chef des Hilāliens Athbaj, un certain Sulaysil b. al-Ahmar, et se replie sur une fortresse dans l'Aurès. A son tour, le chef Hilālien restitue la cité à contre une grosse somme. Abū-Yakni est alors poursuivi par une armée Hammādide, et sera finalement capturé et exécuté en 1096.


                        b) Reprise des hostilités à l'Ouest (1103-1104) :

                        Al-Mançūr n'a pas oublié l'attiude hostile du gouverneur Almoravide de Tlemcen, Tāshfīn b. Tīna3mar, mais ne se sent pas assez à l'aise pour aller lui régler son compte avant 1103. Il rassemble alors une armée de 20 000 hommes, constituée de Sanhāja, de forces Hilāliennes Athbej et Zughba ainsi que de certaines tribus Zanāta alliées. Il marche rapidement vers Tlemcen, mais Tāshfīn prend les devant et le rencontre dans la Tessāla au S. d'Oran. La victoire Hammādide est totale, et le gouverneur Almoravide n'échappe à la capture que par miracle. Al-Mançūr prend alors Tlemcen qu'il entend saccager et raser en représaille, mais il y renonce finalement après que la dame Hawwa, épouse du gouverneur vaincu, l'eut supplié d'épargner la ville en invoquant, à ce qu'on dit, leur parenté commune de Sanhāja. Le Hammādide reprend le chemin du retour en 1104, tandis que l'Emir Almoravide, Yūsuf b. Tāshfīn, dépeche une ambassade pour conclure la paix, annonçant en gage de bonne volonté la déstitution de Tāshfīn b. Tīna3mar du gouvernement de Tlemcen. Sur le chemin du retour, al-Mançūr mène campagne contre des Zanāta rebelles dans le Zāb, ensuite contre certains clans de Zawāwa dans la région de Béjaïa, mais sans qu'on n'en sache plus sur les détails.

                        A un moment indeterminé al-Mançūr nomme son fils Abdelazīz gouverneur d'Alger, qui était donc reprise aux Almoravides. Le 6e Emir de la dynastie Hammādide décède ensuite tranquillement dans son palais à Béjaïa, en l'an 1105. Il avait à peine 28 ans, et son un de ses fils, Bādis, qui lui succède.

                        Ainsi s'achève le fil des événements politiques de ce 11e siècle pour l'Algérie.

                        [Fin]
                        Dernière modification par Harrachi78, 30 janvier 2023, 23h56.
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                        • #42
                          Comme d'habitude, nous développerons maintenant divers points sur l'Histoire de notre pays au cours de ce 11e siècle apr. J.-C. qui ne pouvaient être traités ou détaillés dans le fil politique global.

                          A ce titre, il serait intéressant de faire un petit crochet sur le déstin d'une troisième branche du clan Zirīde qui, parallèlement aux événements que nous venons de voir en Algérie et au Maghreb, s'étaient taillés un petit émirat dans le S. de l'Espagne. Ces événements ne concernent pas directement l'Histoire de l'Algérie, mais il peut être utile d'y jeter un coup d'oeil, d'abord parcequ'ils furent enclenchés à l'origine par des problèmes bien de chez-nous, mais aussi parcequ'ils donnent une idée sur les mécanismes de création et de fonctionnement des pouvoirs politiques en contexte musulman à cette époque, et qui resteront valables jusqu'aux transformation qui seront induite par l'émergence du concept national 900 ans plus tard.
                          Dernière modification par Harrachi78, 01 février 2023, 23h33.
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                          • #43
                            A. Les Zirīdes de Grenade (1003-1090) :

                            Nous avions vu dans le topic dédié au 10e siècle comment Zīri b. Mannād a-Talkāti était parvenu à imposer le pouvoir les Sanhāja au Maghreb Central depuis Āchīr dans les années 950, et ensuite comment son fils Bulkīn a succédé au pouvoir Fatimide dans l'ensemble du Maghreb après 975. A la mort de ce dérnier, son fils al-Mançūr (984-993) et après lui son petit-fils Bādis (993-1014) héritent successivement du pouvoir Zirīde, c'est à la fin du règne de ce 3e Emir que la dynastie va se scinder en deux trois branches : la lignée de Bādis b. l-Mançūr b. Bulkīn b. Zīri en Ifrīqiyya (Tunisie) et celle Hammād b. Bulkīn b. Zīri au Maghreb Central (Algérie) furent notre sujet le long de ce topic, et c'est maintenant à la moins connue, celle de Zāwi b. Zīri, que nous allons consacrer un peu d'espace ici.


                            a) Les origines de la dynastie (999-1013) :

                            Nous avions détaillé plus haut comment quatre grands-oncles de Bādis s'étaient rebellés contre lui à Achīr en 999, dont deux d'entre eux se nommaient Māksan et Zāwi. Elle solda en 1001 par la défaite des conjurés sous les coups de Hammād b. Bulkīn, leur neveu et en même temps oncle de Bādis et son allié à Achīr, et comment le seul survivant de la fraterie s'était retranché sur le Djebel Chenoua, entre Cherchell et Alger, jusqu'à à ce que lui parvienne un secours de ses alliés Ommeyades qui le firent évacuer vers l'Andalus en 1003.

                            Accompagné de son neveu Habūs b. Māksen, de leurs familles et des troupes Sanhāja qui leur sont restées fidèles après la défaite, Zāwi b. Zīri est acceuilli chaleureusement à la cour de Cordoue (Qortoba) qui vivait sous le calife Hichām II, mais où la réalité du pouvoir était tenue par le vizir Abdelmalik al-Mudhaffar. Ce dérnier enrôle les nouveaux venus Sanhāja à son service, et confie à Zāwi b. Zīri le district (kūra) d'Elvira (Albīra), au S. de l'Andalousie actuelle :



                            Or, le califat Omeyyade en Andalus, qui avait pourtant atteint l'apogée de da puissance quelques décennies plus tôt, allait bientôt vivre ses dernières heures : en 1009, le calife Hichām II est renversé par une révolte populaire à Cordoue, pour que s'ouvre une période de troubles qui achèvera en quelques années le régime qui était en place depuis prèsque 250 ans. Plusieurs prétendants omeyyades vont alors se succéder de manière éphémère, pendant que les dynastes régionaux se liguaient de manière tout aussi éphémère pour l'un ou pour l'autre, tout en s'entretuant joyeusement les uns contre les autres. Dans cette anarchie générale, apparaît vaguement un parti Berbère, que va mener pour un temps Zāwi, contre un parti Andalou.

                            En bref, et sans rentrer dans le détail de ce véritable bordel, une étape majeure sera franchie en 1013, lorsque Zāwi et le parti berbère assiègent Cordoue et imposent leur calife fantoche, un certain Sulaymān, contre celui qui était en place à ce moment. Zāwi quitte après cela Elvira pour une nouvelle ville qu'il fait construire autour d'une fortresse située pars très loin, Grenade (Gharnāta), créant ainsi son bastion comme jadis son père Zīri à Achīr, ou encore son neveu Hammād à la Qal3a quelques années auparavant. En 1014, Zāwi se débarrasse des Zanāta en s'alliant à un voisin qui se trouvait en guerre avec eux. Il ranime ainsi la vieille querelle Sanhāja-Zanāta en terre andalouse, et en 1016 Cordoue est reprise par le parti adverse mené par les Abbādides de Séville (Ishbīliya) : installent brièvement leur propre créature sur un trône Ommeyade qui, de toute manière, ne valait plus rien.

                            Le pays est alors partagé entre les divers roitelets régionaux, et c'est ainsi que s'ouvre ce qui est appelé "Première Période des Rois des Taïfas" (Mulūk a-Tawā'if) dans l'histoire andalouse : chacun roule désormais pour lui-même et, le parti berbère s'étant divisé entre un bloc Zanāta et un autre Sanhāja (la tradition quoi ... lol), Zāwi b. Zīri b. Mannād a-Sanhāji crée officiellement la Taïfa Zirīde de Grenade et intègre le nouveau jeu.




                            b) Règne de Zāwi (1016-1019) :

                            Un équilibre précaire s'installe durant les deux premières années, mais en 1018 un nouveau prétendent Omeyyade tente sa chance. Il est soutenu par les taïfas de l'E. du pays et attaque Grenade. L'affaire se solde par un échec car Zāwi, pourtant avec une force bien inférieure, parvient à repousser l'armée adverse. La tentative part ensuite en couille, et le prétendant calife se fait tuer comme un misérable parvenu. Le pouvoir Zirīde était désormais bien érabli dans sa forteresse. Pourtant, en 1019, Zāwi se dit dégoûté de cette anarchie et décide sur un coup de tête de prendre ses affaires et rentrer au Maghreb, Mais, comme personne parmi les Sanhāja de Grenade ne voulut le suivte, il cèda le pouvoir à son fils Būlkīn avant de se tirer en petit comité, mais ce dérnier se rend si odieux envers ses sujets qu'une révolte populaire le met dehors dès 1020, appellant à sa place son cousin Habūs b. Māksan, celui dont le père rebelle fut jadis tué par Hammād b. Bulkīn à Achīr, et à qui il incombera finalement de perpétuer la dynastie Zirīde en Andalousie.

                            Pour ce qui est du vieux Zāwi b. Zīri, on raconte que son intention en rentrant au Maghreb était de prendre le pouvoir. En tout cas, il sera acceuilli avec les honneurs à Qayrawān par le fils du petit-neveu contre qui s'était rebellé près de 20 ans auparavant, mais il restera soigneusement mis à l'écart de toutes les affaires politiques par le jeune Emir, jusqu'à sa mort à Alger vers 1035 ... empoisonné à ce que disent certaines sources.

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                            Dernière modification par Harrachi78, 01 février 2023, 01h39.
                            "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                            • #44
                              b) Règne de Habūs (1020-1038) :

                              Né comme son oncle à Achīr en Algérie, le règne de Habūs b. Māksan marquera une ère de prospérité pour la Taïfa de Grenade. Il se donne le titre de Hājib, et se nomme Sayf a-Dawla. Il organise son territoire en caïdats chargés de fournir certains contingents qui viennent renforcer son armée dont le cœur reste les Sanhāja.

                              A partir de 1030, son gouvernement est dominé par un grand notable juif, Samuel b. Nagrella. Il noue une alliance avec la taïfa voisine d'Almeria, Zuhayr d'Almería et parviennent ensemble à prendre Cordoue après leur occupation conjointe de Cordoue en 1035. Les deux se liguent ensuite avec la Taïfa de Carmona, que tenait le clan des Banī Birzāl, des Zenèta du Maghreb Central qui avaient eux aussi migré dans la Péninsule quelques années avant la chute du Califat Omeyyade, contre la puissante taïfa de Séville qu'ils parviennent à battre en 1036. Il avait alors deux fils au moins, Bādīs et Bulkīn, et c'est au premier qu'il confia la sucession peu avant sa mort en 1038.

                              c) Règne de Bādis (1038-1073) :

                              On ignore si Bādis b. Habūs était venu jeune d'Algérie avec son père et son grand-oncle Zāwi, ou si il est né en Andalus après leur migration en 1003. En tout cas, il assume le pouvoir à Grenade l'année même où Zīwi b. Zīri, fondateur de la taïfa, meurt à Alger à un âge vénérable. De cette époque d'opulence, il reste encore à Grenade les vestige de hammām al-Jawza, connu actuellement sous le nom d'El-Banuèlo :



                              Bādīs hérite d'un royaume prospère et puissant à son avènement. Mais, si cela fut accepté sans problème par son frère Bulkīn, il en fut autrement pour son cousin Yiddīr b. Habāsha. Ce dérnier noue une alliance secrète avec les Zanāta tout en cherchant le soutien du puissant vizir Samuel b. Nagrella. Mais, ce dérnier resta loyal à Bādīs et l'informa du complot. Il parvient ainsi à déjouer la tentative d'assassinat qu'on lui préparait, et Yiddīr dut finalement fuir Grenade. Il se réfugie à Carmona auprès des Banī Birzāl et, pour le restant de sa vie, il s'enrôla dans toutes les armées qui allaient combattre son cousin et la Taïfa de Grenade.

                              Sous Bādīs, surnommé a-Nāçir, l'alliance avec la taïfa d'Almeria se transforme en ennemité. Mais le Zirīde parvient à prendre le dessus après une brillante victoire en 1038, ce qui lui vaudra d'annexer Jaèn et certains territoires d'Almeria à son domaine. Il devient alors le principal meneur du parti berbère parmi les rois de Taïfa, et il sera l'artisan de leur victoire contre le parti arabe dans la bataille d'Ecija en 1039, puis contre Séville en 1040. En 1053, il fait empoisonner le chef de la Taïfa de Malaga avant de s'emparer de sa ville et de son territoire en 1057. Il nomme son fils Bulkīn comme gouverneur à Malaga, et la Taïfa de Grenade atteint alors sa plus grande extension territoriale.



                              Cette même année, après la mort de Samuel b. Nagrella, c'est son fils Yūsuf qui est nommé vizir par Bādīs. Mais, la toute puissance du ministre juif sucita l'hostilité des cheikhs Sanhāja à Grenade, et il s'engagea lui-même dans une série de complots, faisant empisonner le prince Bulkīn à Malaga en 1064, et poussant un autre fils du Zirīde et gouverneur de Jaèn, Māksan, à se rebeller. Tout cela se termina par une révolte populaire à Grenade en 1066, lorsqu'on fit massacrer le vizir et une partie de la communauté juive de la ville. Inconsolable de la mort tragique de son fils Bulkīn, Bādīs refuse de pardonner à Māksan et nomme le fils aîné de son défunt fils, Tamīm gouverneur à Malaga, tandis que son cadet, Abdallāh, était désigné pour sa proore sucession à Grenade alors qu'il n'était encore qu'un très jeune enfant.

                              Le vieil émir, obtu et d'un tempérament difficile, décède finalement en 1073, alors que le sucesseur désigné n'était pas encore adulte. Cela n'augurait de rien de bon pour la suite ...

                              ... /...
                              Dernière modification par Harrachi78, 02 février 2023, 01h03.
                              "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                              • #45
                                c) Règne de Abdallāh al-Mudhaffar (1073-1090) :

                                Premier de la lignée à n'être pas né au Maghreb Central, Abdallāh b. Habūs sera le 4e et dérnier souverain de la dynastie Zirīde de Grenade. Ayant hérité du pouvoir en étant jeune, c'est son vizir originaire d'Almeria, un cerrain Samāja, qui exerça la réalité du pouvoir en son nom au début. D'ailleurs, il dut composer avec la présence de son frère aîné Tamīm à Malaga et de son oncle Māksan à Jaèn, deux provinces qui devinrent autonomes de fait puisque ses deux parents y reconnaissaient à peine son autorité. En 1075, pour contrer la grande Taïfa de Séville, le vizir noue une alliance avec la puissance montante parmi les royaumes chrétiens du N. à cette époque, Alphonse VI de Castille (Qashtāla), jusque-là de mèche avec les Sévillans.

                                En 1083, le jeune Emir se sent assez fort pour assumer le pouvoir et vire Samāja. Ce dérnier rentrer à Almeria d'où il commence à suciter divers soucis sur les frontières de Grenade. Abdallāh parvint difficilement à mainrenir ses droits de ce côté, surtout qu'en même temps son frèreTamīm de Malaga attaquait le territoire de Grenade depuis la côte. Ce conflit se terminera deux annés plus tard par une médiation de la mère des deux Zirīdes et le maintien de Tamīm dans sa principauté de Malaga. Le conflit de Abdallāh avec la Taïfa de Séville sera lui aussi interrompu par un accord en 1086.


                                d) La fin de la Taïda Zirīde de Grenade (1086-1090) :

                                A ce moment, l'anarchie politique qui résulta de la chute du califat Ommeyade durait depuis plus de 70 ans. Pendant cette période, les royaumes chrétiens s'étaient énormément renforcés et, surtout, la Castille et Leòn sous sous le seul pouvoir d'Alphonse VI, qui tire désormais profit des guéguerres entre la vingtaine de Taïfas musulmanes pour s'étendre vers le S. à leurs dépends. Absorbés dans leurs querelles sans fin, les dynastes andalousiens ne voyaient rien, jusqu'en 1085, lorsque la prise Tolède par les Castillans ne les rappellent à la réalité. Il faut dire que le choc était immense là -bas car, au-delà de l'élimination d'une Taïfa entière, Tolède était à l'Andalus ce que Qayrawān était au Maghreb : la première capitale musulmane du pays et symbole de sa conquête par l'Islam 400 ans auparavant. Les roitelets prennent alors conscience du danger, et certains commencent à chercher un éventuel support d'en dehors de la péninsule pour faire face aux Chrétiens.

                                Or, comme nous avions vu plus haut, les Almoravides avaient achevé leur conquête du Maghreb Extrême et d'une partie du Maghreb Central dans les années 1082, et ils représentait alors la plus grande puissance musulmane de la région. Le premier roitelet à faire appel à Yūsuf b. Tāshfīn fut Tamīm b. Bulkīn de Malga lorsqu'il se trouvait en conflit avec son frère Abdallāh, mais l'Almoravide ne donna pas suite à sa demande. Après la chute de Tolède, une demande conjointe de quatre souverains de Taïfa parvient à Yūsuf, dont Abdallāh al-Mudhaffar de Grenade. L'armée des Mulathamīn traverse alors le Détroit et, en 1086, ça sera la grande victoire musulmane de Zallāqa . Les trois Zirīdes y seront présents : Abdallāh de Grenade, Tamīm de Malaga ainsi qur Maksān de Jaèn qui y laisse la vie.

                                Cette défaite chrétienne va bloquer la Recobquista pour environ un siècle, mais elle sonnera aussi le glas des "rois des Taïfas" en Andalus : en 1090 , Yūsuf b. Tāshfīn, proclamé du titre quasi califal de Amīr al-Muslimīn, décide de démettre un par un tous les dynastes et réinstaurer l'unité politique de l'Andalus au nom des Almoravides. Certains trouveront refuge ailleurs, comme l'emir d'Almeria qui fuit avec sa cour auprès du Hammādide de Béjaïa qui lui donne Dellys en apanage. D'autres, seront exilés au Maghreb Extrême comme ce fut le cas pour le Zirīde Abdallāh et son frère Tamīm : les deux mourront cinq ans plus tard, soit en 1095, le premier à Meknès et le second à Marrākech, Abdallāh de Grenade ayant entre temps rédigé ses mémoires dans un ouvrage de très belle facture, et dans lequel il a repris toute l'histoire de sa famille "algérienne" en terre andalouse.

                                [Fin]
                                "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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