Dans LQR. La Propagande du Quotidien (2006), Éric Hazan nous met en garde contre un important facteur de propagande : celui du langage.
L’idée véhiculée par la LQR, la Lingua Quintae Reipublicae ou langue de la Ve République, s’inspire de l’analyse linguistique de Victor Klemperer. Ce dernier avait étudié les effets du langage utilisé par les nazis qu’il désigne Lingua Tertii Imperii ou langue du Troisième Reich. Le court ouvrage d’Éric Hazan nous propose une démarche similaire. Il offre un décodage des non-dits et nous invite à ne pas nous laisser anesthésier par le sens ou le non-sens des mots et expressions employés par le pouvoir.
Ce qu’il faut retenir :
Tout comme le IIIe Reich, la Ve République dispose d’une langue particulière, la Lingua Quintae Reipublicae (LQR) ou Langue de la Ve République, qui est un outil du pouvoir. La Langue de la Ve République n’est pas le résultat d’un choix délibéré et unilatéral. Cependant, elle émane des organes de pouvoir du système néolibéral actuel, c’est-à-dire le monde politique, le monde médiatique, mais aussi, dans une certaine mesure, le monde des entreprises. Elle est une condition du maintien de cette démocratie oligarchique en place.
La LQR est un ensemble d’euphémismes, de formes syntaxiques, de choix de fréquence d’utilisation de termes (répétition ou silence) qui modèlent au fur et à mesure la pensée générale et assurent le consensus ou plutôt « l’anesthésie » de la population, permettant le maintien du système oligarchique actuel.
Son objectif est de créer un consensus, de détourner le regard des défaillances du système, d’éviter les conflits, d’effacer les oppositions. De cette façon, elle œuvre pour l’obtention d’une société facilement gouvernable, car psychologiquement préparée à accepter la politique néolibérale menée. Dans tous les cas, cette langue œuvre au contournement de tout sujet clivant pouvant aboutir à une remise en question du modèle néolibéral.
Biographie de l’auteur
Éric Hazan, né en 1936, est le fils de l’éditeur Fernand Hazan, fondateur des Éditions Hazan. Après des études de médecine, il devient chirurgien-cardiologue en 1975. Plus tard, en 1983, il rejoint la direction des Éditions Hazan. Contraint de céder l’entreprise familiale au groupe Hachette en 1992, il fonde en 1998 sa propre maison d’édition, La Fabrique. Proche des mouvements d’extrême gauche, Éric Hazan se positionne très tôt en faveur de l’indépendance de l’Algérie et soutient le FLN. En 2001, il participe à la fondation de l’Association France-Palestine Solidarité et s’engage en tant que médecin humanitaire auprès du Mouvement de Libération de la Palestine.
Critique des dérives du système libéral actuel, Éric Hazan se consacre à partir des années 2000 à la rédaction d’ouvrages portant principalement sur trois thèmes qui lui tiennent à cœur : Paris, la question de la lutte contre l’antisémitisme et les dérives de la démocratie capitaliste.
Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.
Plan de l’ouvrage
I. La naissance d’une langue
II. Mots, tournures, procédés
III. L’esprit du temps
IV. Effacer la division
Conclusion
Synthèse de l’ouvrage
Chapitre 1. La naissance d’une langue
La Lingua Quintae Reipublicae (LQR), c’est-à-dire la Langue de la Ve République, est ainsi nommée par Éric Hazan, en l’honneur du professeur Victor Klemperer. Victor Klemperer (1881-1960) était professeur de linguistique de l’Université de Dresde, en Allemagne. En raison de ses origines juives, ce professeur fut exclu de l’université à partir de 1933. Son mariage avec une Allemande aryenne lui permit cependant d’échapper au sort de ses coreligionnaires.
De 1933 à 1945, le professeur Klemperer étudia la langue du pouvoir nazi, apparue avec la montée en puissance du IIIe Reich. Émanation de ce nouveau régime et support de son acceptation par la population, cette langue représentait, selon Klemperer, l’outil de propagande le plus efficace du régime totalitaire nazi. Elle agissait à travers une modification indétectable du langage (des expressions, des formes syntaxiques, du sens et de la fréquence de certains mots, etc.) qui se diffusait à grande échelle et permettait l’intériorisation inconsciente des concepts nazis. Le professeur Klemperer publia son travail en 1947, sous le titre : Lingua Tertii Imperii (LTI, la Langue du Troisième Reich).
La LQR apparaît quant à elle à partir des années 1960, parallèlement à l’émergence de la démocratie capitaliste en France. Elle repose à la fois sur des structures langagières héritées de la IIIe République et sur une tonalité « héroïque » empruntée aux acteurs de la Résistance. Cette LQR embryonnaire se diffusa dans la société française par le biais des seuls médias de l’époque : la radio, la chaîne unique de télévision française (TSF) ainsi que les journaux.
À partir des années 1990, la LQR connaît un développement fulgurant. Dès lors, l’objectif de la LQR devient l’apathie généralisée de la population pour effacer les éventuelles tensions politiques et pour obtenir un consensus autour du système néolibéral émergeant. Alors que la LTI avait pour objet la galvanisation, voire la fanatisation des foules, la LQR cherche à contenir les oppositions démocratiques par l’anesthésie. Pour autant, l’apparition de la LQR ne procède pas d’une décision directe et unilatérale. Elle a découlé de la construction du système libéral actuel. Le renforcement de la prégnance de l’économie sur la politique, dans une société de plus en plus soumise à l’influence des médias, a peu à peu intronisé le règne des nouveaux « décideurs » du régime néolibéral.
Cette nouvelle élite est formée par les publicitaires et les économistes, à l’instar du Président Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), économiste de formation. Ce dernier contribua de manière notable à l’enrichissement de la LQR alors qu’elle n’en était qu’à ses balbutiements. Lors de ses présentations économiques télévisuelles, les thématiques abordées n’étaient plus désignées par le terme « question » (la question sociale, la question du chômage, etc.), mais par le terme « problème ». Or, cette modification anodine implique une importante modification du sens. En effet, une « question » permet plusieurs réponses diverses, alors qu’un « problème » n’autorise qu’une seule solution. Parallèlement au renforcement du régime néolibéral, cette « unique solution » sera de plus en plus soumise aux « contraintes extérieures » économiques. Ces contraintes extérieures, autre expression de la LQR, acquièrent ainsi peu à peu le sens d’une puissance irrésistible, justifiant, grâce au terme même, la solution politique retenue.
La LQR réalise ainsi des modifications à la marge, mais qui inculquent un consensus inconscient et un endormissement des populations.
Les publicitaires ont également contribué à l’enrichissement de ce langage en faisant apparaître de nouvelles formes syntaxiques. Les phrases sans verbe, surexploitées dans les unes des journaux, et les phrases hyperboliques, très présentes dans les critiques littéraires, représentent des formes syntaxiques propres à la LQR. Elles participent à une épuration du message transmis.
Le milieu publicitaire entretient par ailleurs une relation étroite avec le milieu politique en matière de propagation de la LQR. L’un comme l’autre, privilégie l’efficacité à la vraisemblance. Peu importe que personne ne croie au message, du moment que les mots-clefs de la LQR sont présents (par exemple : sécurité, ensemble, solidarité, citoyen, croissance…).
Si les médias et les instances gouvernementales détiennent ainsi les principaux canaux de diffusion de la LQR, celle-ci prospère, car elle est reprise par une vaste communauté d’individus, d’institutions, d’entreprises, d’associations, d’ONG… et de tous leurs employés respectifs, qui, de manière directe ou indirecte, dépendent du maintien du système. S’appropriant eux-mêmes les mots de la LQR, ils participent à sa propagation et à celle de l’idéologie libérale qu’elle véhicule.
Chapitre 2. Mots, tournures, procédés
La particularité de la LQR tient à l’utilisation du langage ordinaire. Elle utilise les mêmes mots que la langue courante, mais en détourne légèrement le sens initial afin de créer une signification policée. Ce procédé permet d’éviter toute expression potentiellement clivante et atténue les oppositions remettant en cause l’organisation néolibérale et oligarchique de la démocratie.
L’emploi massif d’euphémismes constitue le premier mécanisme de détournement de sens dans la LQR. Hormis les véritables monarques du monde libéral (les présidents du CAC 40, des GAFAM et autres…), personne ne se permet aujourd’hui de faire preuve de cynisme, c’est-à-dire d’exprimer crûment une opinion contraire à la pensée dominante (soit dans son fond, soit dans sa forme). La LQR et ses représentants visent au contraire l’anesthésie psychologique de la population. Les euphémismes de la LQR contribuent à adoucir le rapport de la population aux réalités : les pauvres deviennent des personnes modestes, les OPA ne sont plus que des intégrations, et les travailleurs, des salariés. De même, le terme « restructuration », anciennement le plan de licenciement, est aujourd’hui peu à peu évité au profit de l’expression « plan de sauvegarde de l’emploi ».
L’euphémisme dans la LQR apparaît sous deux formes. Il peut s’agir d’un terme tendant à contourner le message que l’on souhaite transmettre. Ainsi, lorsque patronat et syndicat négocient une restructuration, ces derniers deviennent des partenaires sociaux. La situation qui se présente de prime abord comme une joute entre oppresseurs et défenseurs des salariés devient, grâce à l’utilisation du terme « partenaires », l’action concertée d’individus qui partagent un intérêt, celui de l’aboutissement de la paix sociale. De même, on désigne par « privatisation », la vente d’une part du patrimoine national (entreprise ou autre) à un ou plusieurs actionnaires. En réalité, le terme « privatisation » tend alors à occulter le fait que ce patrimoine appartient déjà « en propre », c’est-à-dire « en privé », à la collectivité. Un autre exemple de ce type d’évitement de sens se trouve dans le remplacement du terme « syndicat du patronat » par MEDEF (Mouvement des entreprises de France).
L’idée véhiculée par la LQR, la Lingua Quintae Reipublicae ou langue de la Ve République, s’inspire de l’analyse linguistique de Victor Klemperer. Ce dernier avait étudié les effets du langage utilisé par les nazis qu’il désigne Lingua Tertii Imperii ou langue du Troisième Reich. Le court ouvrage d’Éric Hazan nous propose une démarche similaire. Il offre un décodage des non-dits et nous invite à ne pas nous laisser anesthésier par le sens ou le non-sens des mots et expressions employés par le pouvoir.
Ce qu’il faut retenir :
Tout comme le IIIe Reich, la Ve République dispose d’une langue particulière, la Lingua Quintae Reipublicae (LQR) ou Langue de la Ve République, qui est un outil du pouvoir. La Langue de la Ve République n’est pas le résultat d’un choix délibéré et unilatéral. Cependant, elle émane des organes de pouvoir du système néolibéral actuel, c’est-à-dire le monde politique, le monde médiatique, mais aussi, dans une certaine mesure, le monde des entreprises. Elle est une condition du maintien de cette démocratie oligarchique en place.
La LQR est un ensemble d’euphémismes, de formes syntaxiques, de choix de fréquence d’utilisation de termes (répétition ou silence) qui modèlent au fur et à mesure la pensée générale et assurent le consensus ou plutôt « l’anesthésie » de la population, permettant le maintien du système oligarchique actuel.
Son objectif est de créer un consensus, de détourner le regard des défaillances du système, d’éviter les conflits, d’effacer les oppositions. De cette façon, elle œuvre pour l’obtention d’une société facilement gouvernable, car psychologiquement préparée à accepter la politique néolibérale menée. Dans tous les cas, cette langue œuvre au contournement de tout sujet clivant pouvant aboutir à une remise en question du modèle néolibéral.
Biographie de l’auteur
Éric Hazan, né en 1936, est le fils de l’éditeur Fernand Hazan, fondateur des Éditions Hazan. Après des études de médecine, il devient chirurgien-cardiologue en 1975. Plus tard, en 1983, il rejoint la direction des Éditions Hazan. Contraint de céder l’entreprise familiale au groupe Hachette en 1992, il fonde en 1998 sa propre maison d’édition, La Fabrique. Proche des mouvements d’extrême gauche, Éric Hazan se positionne très tôt en faveur de l’indépendance de l’Algérie et soutient le FLN. En 2001, il participe à la fondation de l’Association France-Palestine Solidarité et s’engage en tant que médecin humanitaire auprès du Mouvement de Libération de la Palestine.
Critique des dérives du système libéral actuel, Éric Hazan se consacre à partir des années 2000 à la rédaction d’ouvrages portant principalement sur trois thèmes qui lui tiennent à cœur : Paris, la question de la lutte contre l’antisémitisme et les dérives de la démocratie capitaliste.
Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.
Plan de l’ouvrage
I. La naissance d’une langue
II. Mots, tournures, procédés
III. L’esprit du temps
IV. Effacer la division
Conclusion
Synthèse de l’ouvrage
Chapitre 1. La naissance d’une langue
La Lingua Quintae Reipublicae (LQR), c’est-à-dire la Langue de la Ve République, est ainsi nommée par Éric Hazan, en l’honneur du professeur Victor Klemperer. Victor Klemperer (1881-1960) était professeur de linguistique de l’Université de Dresde, en Allemagne. En raison de ses origines juives, ce professeur fut exclu de l’université à partir de 1933. Son mariage avec une Allemande aryenne lui permit cependant d’échapper au sort de ses coreligionnaires.
De 1933 à 1945, le professeur Klemperer étudia la langue du pouvoir nazi, apparue avec la montée en puissance du IIIe Reich. Émanation de ce nouveau régime et support de son acceptation par la population, cette langue représentait, selon Klemperer, l’outil de propagande le plus efficace du régime totalitaire nazi. Elle agissait à travers une modification indétectable du langage (des expressions, des formes syntaxiques, du sens et de la fréquence de certains mots, etc.) qui se diffusait à grande échelle et permettait l’intériorisation inconsciente des concepts nazis. Le professeur Klemperer publia son travail en 1947, sous le titre : Lingua Tertii Imperii (LTI, la Langue du Troisième Reich).
La LQR apparaît quant à elle à partir des années 1960, parallèlement à l’émergence de la démocratie capitaliste en France. Elle repose à la fois sur des structures langagières héritées de la IIIe République et sur une tonalité « héroïque » empruntée aux acteurs de la Résistance. Cette LQR embryonnaire se diffusa dans la société française par le biais des seuls médias de l’époque : la radio, la chaîne unique de télévision française (TSF) ainsi que les journaux.
À partir des années 1990, la LQR connaît un développement fulgurant. Dès lors, l’objectif de la LQR devient l’apathie généralisée de la population pour effacer les éventuelles tensions politiques et pour obtenir un consensus autour du système néolibéral émergeant. Alors que la LTI avait pour objet la galvanisation, voire la fanatisation des foules, la LQR cherche à contenir les oppositions démocratiques par l’anesthésie. Pour autant, l’apparition de la LQR ne procède pas d’une décision directe et unilatérale. Elle a découlé de la construction du système libéral actuel. Le renforcement de la prégnance de l’économie sur la politique, dans une société de plus en plus soumise à l’influence des médias, a peu à peu intronisé le règne des nouveaux « décideurs » du régime néolibéral.
Cette nouvelle élite est formée par les publicitaires et les économistes, à l’instar du Président Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), économiste de formation. Ce dernier contribua de manière notable à l’enrichissement de la LQR alors qu’elle n’en était qu’à ses balbutiements. Lors de ses présentations économiques télévisuelles, les thématiques abordées n’étaient plus désignées par le terme « question » (la question sociale, la question du chômage, etc.), mais par le terme « problème ». Or, cette modification anodine implique une importante modification du sens. En effet, une « question » permet plusieurs réponses diverses, alors qu’un « problème » n’autorise qu’une seule solution. Parallèlement au renforcement du régime néolibéral, cette « unique solution » sera de plus en plus soumise aux « contraintes extérieures » économiques. Ces contraintes extérieures, autre expression de la LQR, acquièrent ainsi peu à peu le sens d’une puissance irrésistible, justifiant, grâce au terme même, la solution politique retenue.
La LQR réalise ainsi des modifications à la marge, mais qui inculquent un consensus inconscient et un endormissement des populations.
Les publicitaires ont également contribué à l’enrichissement de ce langage en faisant apparaître de nouvelles formes syntaxiques. Les phrases sans verbe, surexploitées dans les unes des journaux, et les phrases hyperboliques, très présentes dans les critiques littéraires, représentent des formes syntaxiques propres à la LQR. Elles participent à une épuration du message transmis.
Le milieu publicitaire entretient par ailleurs une relation étroite avec le milieu politique en matière de propagation de la LQR. L’un comme l’autre, privilégie l’efficacité à la vraisemblance. Peu importe que personne ne croie au message, du moment que les mots-clefs de la LQR sont présents (par exemple : sécurité, ensemble, solidarité, citoyen, croissance…).
Si les médias et les instances gouvernementales détiennent ainsi les principaux canaux de diffusion de la LQR, celle-ci prospère, car elle est reprise par une vaste communauté d’individus, d’institutions, d’entreprises, d’associations, d’ONG… et de tous leurs employés respectifs, qui, de manière directe ou indirecte, dépendent du maintien du système. S’appropriant eux-mêmes les mots de la LQR, ils participent à sa propagation et à celle de l’idéologie libérale qu’elle véhicule.
Chapitre 2. Mots, tournures, procédés
La particularité de la LQR tient à l’utilisation du langage ordinaire. Elle utilise les mêmes mots que la langue courante, mais en détourne légèrement le sens initial afin de créer une signification policée. Ce procédé permet d’éviter toute expression potentiellement clivante et atténue les oppositions remettant en cause l’organisation néolibérale et oligarchique de la démocratie.
L’emploi massif d’euphémismes constitue le premier mécanisme de détournement de sens dans la LQR. Hormis les véritables monarques du monde libéral (les présidents du CAC 40, des GAFAM et autres…), personne ne se permet aujourd’hui de faire preuve de cynisme, c’est-à-dire d’exprimer crûment une opinion contraire à la pensée dominante (soit dans son fond, soit dans sa forme). La LQR et ses représentants visent au contraire l’anesthésie psychologique de la population. Les euphémismes de la LQR contribuent à adoucir le rapport de la population aux réalités : les pauvres deviennent des personnes modestes, les OPA ne sont plus que des intégrations, et les travailleurs, des salariés. De même, le terme « restructuration », anciennement le plan de licenciement, est aujourd’hui peu à peu évité au profit de l’expression « plan de sauvegarde de l’emploi ».
L’euphémisme dans la LQR apparaît sous deux formes. Il peut s’agir d’un terme tendant à contourner le message que l’on souhaite transmettre. Ainsi, lorsque patronat et syndicat négocient une restructuration, ces derniers deviennent des partenaires sociaux. La situation qui se présente de prime abord comme une joute entre oppresseurs et défenseurs des salariés devient, grâce à l’utilisation du terme « partenaires », l’action concertée d’individus qui partagent un intérêt, celui de l’aboutissement de la paix sociale. De même, on désigne par « privatisation », la vente d’une part du patrimoine national (entreprise ou autre) à un ou plusieurs actionnaires. En réalité, le terme « privatisation » tend alors à occulter le fait que ce patrimoine appartient déjà « en propre », c’est-à-dire « en privé », à la collectivité. Un autre exemple de ce type d’évitement de sens se trouve dans le remplacement du terme « syndicat du patronat » par MEDEF (Mouvement des entreprises de France).
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