La solidarité que les grands chefs d'Etat et les banques centrales affichaient pour lutter, main dans la main, contre la première véritable crise mondialisée est-elle en train de voler en éclats ?
Plus la situation s'aggrave, plus les remèdes s'individualisent. Sur le marché des changes, c'est même "une guerre qui se prépare", estime René Defossez, responsable de la stratégie taux chez Natixis.
Pour sauver leurs économies du marasme, les pays disposent en effet de deux armes : le budget et la monnaie. Sur le premier volet, tout le monde a "mis le paquet", observe M. Defossez.
Aux Etats-Unis, en Europe continentale, au Royaume-Uni ou en Chine, les plans de relance se chiffrent en centaines de milliards de dollars, d'euros, de livres sterling ou de yuans. Chaque pays tentant de sauver ses banques, son secteur automobile, ses PME ou ses consommateurs. Mais les marges de manoeuvre sont limitées, les déficits des Etats ne pouvant s'étendre à l'infini.
Pour agir davantage, il reste donc le second volet, l'arme monétaire. Là, depuis quelques semaines, les banques centrales semblent se livrer une bataille sournoise et inédite. Chacune décidant, l'une après l'autre, de baisser agressivement le niveau de ses taux d'intérêt directeurs.
"TIRER LA COUVERTURE À SOI"
Aux Etats-Unis d'abord, où la Réserve fédérale (Fed) a décidé, mardi 16 décembre, de rendre l'argent gratuit, ramenant ses taux directeurs entre 0 % et 0,25 %. En Grande-Bretagne ensuite, où les investisseurs ont appris, mercredi, que la Banque d'Angeleterre souhaitait aller plus encore dans l'assouplissement monétaire après la baisse des taux déjà historique du mois de novembre.
Pour les banques centrales, l'objectif est clair : soutenir l'économie en déverrouillant le marché du crédit et lutter activement, et le plus vite possible, contre la menace de la déflation. Mais il n'y a pas que cela. "Tout le monde se souvient de la manière dont les Etats-Unis ont dopé leur économie au printemps 2008", assure M. Defossez.
A cette époque, la crise secouait déjà l'économie mondiale. Et la Fed, en dépit de la menace inflationniste (le baril de pétrole frôlait 150 dollars), avait réduit ses taux d'intérêt. Le dollar s'était alors effondré face à l'euro, jusqu'à un record de 1,60 dollar. Résultat, les exportations américaines s'étaient envolées, et la croissance avait atteint 3,4 % en rythme annuel au deuxième trimestre de 2008.
Les Etats-Unis sont-ils tentés de renouveler l'expérience ? Le Royaume-Uni aussi ? "Chacun tente de tirer la couverture à soi", estime M. Defossez.
Seul bémol, cette stratégie est-elle seulement efficace ? Cette crise est mondiale, et toute "l'économie se contracte", indique Jean-Louis Mourier, analyste chez Aurel. "Tous les échanges se contractent, que la monnaie soit forte ou faible ne change pas grand-chose", indique-t-il.
Et, depuis le début de la crise, les grandes banques centrales, américaine, anglaise, européenne ou suisse, poursuivent leur coopération pour apaiser les tensions sur les marchés monétaires.
Reste que le dollar et la livre sterling viennent de s'écrouler. Et que cela a pu inquiéter les autres pays du G20.Le dollar est repassé, jeudi, au-dessus du seuil de 1,40 euro, à 1,43 dollar, et la livre s'est approchée de la parité face à la monnaie unique, à 1,06 euro. Immédiatement, chacun a vu les effets néfastes de l'effondrement de ces devises, d'une possible dévaluation compétitive, voulue ou subie.
MARGE DE MANoeUVRE INFIME
La plupart des pays n'ont donc pas tardé à réagir. Au Japon, où la marge de manoeuvre est pourtant infime, la banque centrale a ainsi procédé, vendredi, à un nouvel assouplissement monétaire, ramenant ses taux à 0,1 %, contre 0,3 % auparavant, pour éviter que le yen continue de s'envoler.
L'Europe a été plus nuancée. Mais la Banque centrale européenne (BCE) a fini par abandonner son habituel ton orthodoxe. "Je ne crierais pas au loup si, dans une situation d'inflation très basse et de taux réels positifs, les taux nominaux descendaient brièvement sous 2 %", a ainsi déclaré, mercredi, Axel Weber, un des membres de la BCE, à l'agence Dow Jones. Ses propos ont suffi à faire redescendre l'euro à 1,3909 dollar vendredi. De fait, jusqu'ici, la BCE laissait croire que les taux européens resteraient à leur niveau de 2,5 %.
Mais dans le contexte actuel, "l'Europe ne peut pas être seule contre tous, avec la seule banque centrale à ne pas baisser les taux", indique Christian de Boissieu, le président du Conseil d'analyse économique. "Ce ne serait pas génial pour notre croissance et notre compétitivité", précise-t-il.
Claire Gatinois (Le Monde)
Plus la situation s'aggrave, plus les remèdes s'individualisent. Sur le marché des changes, c'est même "une guerre qui se prépare", estime René Defossez, responsable de la stratégie taux chez Natixis.
Pour sauver leurs économies du marasme, les pays disposent en effet de deux armes : le budget et la monnaie. Sur le premier volet, tout le monde a "mis le paquet", observe M. Defossez.
Aux Etats-Unis, en Europe continentale, au Royaume-Uni ou en Chine, les plans de relance se chiffrent en centaines de milliards de dollars, d'euros, de livres sterling ou de yuans. Chaque pays tentant de sauver ses banques, son secteur automobile, ses PME ou ses consommateurs. Mais les marges de manoeuvre sont limitées, les déficits des Etats ne pouvant s'étendre à l'infini.
Pour agir davantage, il reste donc le second volet, l'arme monétaire. Là, depuis quelques semaines, les banques centrales semblent se livrer une bataille sournoise et inédite. Chacune décidant, l'une après l'autre, de baisser agressivement le niveau de ses taux d'intérêt directeurs.
"TIRER LA COUVERTURE À SOI"
Aux Etats-Unis d'abord, où la Réserve fédérale (Fed) a décidé, mardi 16 décembre, de rendre l'argent gratuit, ramenant ses taux directeurs entre 0 % et 0,25 %. En Grande-Bretagne ensuite, où les investisseurs ont appris, mercredi, que la Banque d'Angeleterre souhaitait aller plus encore dans l'assouplissement monétaire après la baisse des taux déjà historique du mois de novembre.
Pour les banques centrales, l'objectif est clair : soutenir l'économie en déverrouillant le marché du crédit et lutter activement, et le plus vite possible, contre la menace de la déflation. Mais il n'y a pas que cela. "Tout le monde se souvient de la manière dont les Etats-Unis ont dopé leur économie au printemps 2008", assure M. Defossez.
A cette époque, la crise secouait déjà l'économie mondiale. Et la Fed, en dépit de la menace inflationniste (le baril de pétrole frôlait 150 dollars), avait réduit ses taux d'intérêt. Le dollar s'était alors effondré face à l'euro, jusqu'à un record de 1,60 dollar. Résultat, les exportations américaines s'étaient envolées, et la croissance avait atteint 3,4 % en rythme annuel au deuxième trimestre de 2008.
Les Etats-Unis sont-ils tentés de renouveler l'expérience ? Le Royaume-Uni aussi ? "Chacun tente de tirer la couverture à soi", estime M. Defossez.
Seul bémol, cette stratégie est-elle seulement efficace ? Cette crise est mondiale, et toute "l'économie se contracte", indique Jean-Louis Mourier, analyste chez Aurel. "Tous les échanges se contractent, que la monnaie soit forte ou faible ne change pas grand-chose", indique-t-il.
Et, depuis le début de la crise, les grandes banques centrales, américaine, anglaise, européenne ou suisse, poursuivent leur coopération pour apaiser les tensions sur les marchés monétaires.
Reste que le dollar et la livre sterling viennent de s'écrouler. Et que cela a pu inquiéter les autres pays du G20.Le dollar est repassé, jeudi, au-dessus du seuil de 1,40 euro, à 1,43 dollar, et la livre s'est approchée de la parité face à la monnaie unique, à 1,06 euro. Immédiatement, chacun a vu les effets néfastes de l'effondrement de ces devises, d'une possible dévaluation compétitive, voulue ou subie.
MARGE DE MANoeUVRE INFIME
La plupart des pays n'ont donc pas tardé à réagir. Au Japon, où la marge de manoeuvre est pourtant infime, la banque centrale a ainsi procédé, vendredi, à un nouvel assouplissement monétaire, ramenant ses taux à 0,1 %, contre 0,3 % auparavant, pour éviter que le yen continue de s'envoler.
L'Europe a été plus nuancée. Mais la Banque centrale européenne (BCE) a fini par abandonner son habituel ton orthodoxe. "Je ne crierais pas au loup si, dans une situation d'inflation très basse et de taux réels positifs, les taux nominaux descendaient brièvement sous 2 %", a ainsi déclaré, mercredi, Axel Weber, un des membres de la BCE, à l'agence Dow Jones. Ses propos ont suffi à faire redescendre l'euro à 1,3909 dollar vendredi. De fait, jusqu'ici, la BCE laissait croire que les taux européens resteraient à leur niveau de 2,5 %.
Mais dans le contexte actuel, "l'Europe ne peut pas être seule contre tous, avec la seule banque centrale à ne pas baisser les taux", indique Christian de Boissieu, le président du Conseil d'analyse économique. "Ce ne serait pas génial pour notre croissance et notre compétitivité", précise-t-il.
Claire Gatinois (Le Monde)
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