Selon LEAP/E2020, la prochaine étape de la crise sera déterminée par un rêve chinois. En effet, à quoi peut bien rêver Pékin pris, d'après Washington, dans le « piège Dollar » de ses 1.400 milliards d'actifs libellés en Dollars US ? D'après les dirigeants américains et leur cortège d'experts médiatiques, à rien d'autre qu’à rester prisonnier et même à renforcer cette condition carcérale en achetant toujours plus de Bons du Trésor et de Dollars US.
Pourtant, tout le monde sait à quoi rêve vraiment un prisonnier ? A s'évader bien sûr, à sortir de sa prison. Aussi, pour LEAP/E2020, il ne fait aucun doute que Pékin cherche sans relâche désormais à se débarrasser au plus vite de cette montagne d'actifs « toxiques » que sont devenus les Bons du Trésor US et la devise américaine sous laquelle 1 milliard 300 millions de Chinois ont leur richesse emprisonnée.
Et, comme dans tout récit d'évasion crédible, les candidats à la liberté ne passent pas leur temps à clamer sur tous les toits qu'ils vont « se faire la belle ». C'est même généralement le contraire puisqu'il s'agit d'endormir la vigilance des gardiens. Pour notre équipe, la déclaration chinoise du 24 mars dernier demandant le remplacement du dollar par une monnaie de référence internationale, était en fait à la fois un sondage et un avertissement : un sondage direct pour évaluer le rapport de force mondial (et notamment au sein du G20) autour de l'idée d'un basculement dans l'ère post-Dollar (1) et un avertissement constructif ou destructif (selon la réaction autour de cette idée) à tous les opérateurs financiers mondiaux. Tout joueur responsable (et Pékin en est un) prévient discrètement les autres joueurs qui peuvent lui être proches ou nécessaires s'il prépare un « grand coup ». Une « Grande Evasion » (2) ne peut réussir qu'à condition d'être nombreux à la préparer (3) et à l'effectuer ; et de s'assurer que personne de bonne volonté ne risque de se trouver gravement sanctionné faute d'avoir été prévenu (4).
Deux estimations de l'évolution des réserves chinoises d'actifs étrangers (en milliards USD) - Sources : Banque Centrale de Chine / Brad Setser, 01/2009
Toujours est-il que cette opération aura finalement servi à renforcer les autorités chinoises dans une quadruple conviction:
1. Un grand nombre d'autres membres du G20 soutiennent expressément l'idée du passage rapide (5) à l'ère post-Dollar, notamment la Russie, l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, … Pékin ne sera pas seul lors du « Grand Bond en avant » (6) dans l'ère post-Dollar. Bien au contraire, la Chine sera très bien accompagnée par une partie importante de l'Amérique latine, de l'Afrique et de l'Asie. D'ailleurs la mise en place des accords de Swap en Yuan avec plusieurs de ces pays prépare déjà le terrain (7).
2. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni refusent d'envisager toute évolution en direction d'une ère post-Dollar. La gaffe de Timothy Geithner, envisageant de discuter la proposition chinoise, a été vite corrigée par les dirigeants politiques américains mais elle est révélatrice d'une situation intéressante pour Pékin. Geithner étant l'un des hommes-clés de Wall Street dans l'équipe Obama, sa « gaffe » illustre combien les milieux financiers anglo-saxons sont finalement prêts à débattre de toute évolution qui leur assurerait de conserver leurs privilèges financiers, y compris si celle-ci passe par la fin de l’ « ère dollar ». Le « Mur Dollar » n'est pas très solide quand il est fondé sur « Wall Street » (la rue du Mur) car les opérateurs financiers sont très peu attachés au territoire (et cela ne date pas de la globalisation actuelle). Pour le reste, Washington refuse pour l'instant d'entendre parler du remplacement du Dollar US comme devise de réserve mondiale et croit aux propos rassurants des experts sur le sujet pour se rassurer sur l'avenir (8). On sait ce que cela a donné pour les subprimes, la bulle financière, les banques de Wall Street, AIG, TARP, la récession, …
3. Les Européens (hors Royaume-Uni) sont égaux à eux-mêmes et donc incapables de prendre une décision réellement forte par rapport à leur ancien protecteur américain (9). Alors ils font avec succès de la résistance pour ne plus suivre les directives de Washington ; mais ils sont incapables de mettre sur la table les questions qui fâchent les Etats-Unis. En revanche, par leurs multiples canaux, et de par leur nature structurellement multilatéralisme, il est tout aussi évident que, une fois l'ère post-Dollar devenue clairement irréversible, ils apporteront savoir-faire et lobbying pour pousser vers une devise internationale nouvelle, indépendante d'un Etat particulier. C'est bien pour cela que la Chine a lancé l'idée des DTS (10) comme alternative au Dollar, afin de montrer qu'elle serait ouverte à une alternative au Yuan (condition clé pour obtenir dans l'avenir un soutien européen).
4. Par ses effets d'annonce de plus en plus précis et audacieux, mais toujours très progressifs, voire suivis de vagues infirmations provenant de canaux de moindre poids mais vite relayées par la presse financière internationale, Pékin gagne une liberté croissante de parole (et donc de manœuvre car, en manière monétaire, la parole peut être une arme fatale ou au contraire un baume salvateur) sans pour autant affecter de manière significative les valeurs des Bons du Trésor et du Dollar US.
Et ce point 4 est bien l'exigence absolue des autorités chinoises actuellement : éviter un effondrement des Bons du Trésor et de la devise américaines avant de s'être « évadé » du « piège Dollar ». Pour LEAP/E2020, les mois qui viennent reflèteront en effet le sens exact que la Chine donne à cette exigence : est-ce un objectif ou est-ce une contrainte ? Si c'est un objectif, alors, Washington, Londres et les médias financiers internationaux ont raison : Pékin passera par les fourches caudines de Washington tout en essayant d'accroître son influence sur les décisions américaines. Si c'est une contrainte, en revanche, c'est notre équipe qui a raison et les dirigeants chinois tentent de se débarrasser des Bons du Trésor et des Dollars US au meilleur prix tant qu'une telle opération est possible (et ils ont déjà envisagé le « possible » avant de se lancer dans cette « évasion » du Dollar), c'est-à-dire, en évitant le plus longtemps « possible » de créer des turbulences risquant de faire baisser significativement les valeurs de ces deux actifs. Mais, à la différence de la première option, une fois que le champ du « possible » est épuisé, alors, brutalement, les dirigeants chinois contribueront à précipiter la fin de l'ère Dollar ; ou, plus probablement, ils annonceront sereinement que pour de multiples raisons indépendantes de leur volonté (11), ils ne peuvent plus jouer leur rôle de stabilisateur des déséquilibres américains.
Pourtant, tout le monde sait à quoi rêve vraiment un prisonnier ? A s'évader bien sûr, à sortir de sa prison. Aussi, pour LEAP/E2020, il ne fait aucun doute que Pékin cherche sans relâche désormais à se débarrasser au plus vite de cette montagne d'actifs « toxiques » que sont devenus les Bons du Trésor US et la devise américaine sous laquelle 1 milliard 300 millions de Chinois ont leur richesse emprisonnée.
Et, comme dans tout récit d'évasion crédible, les candidats à la liberté ne passent pas leur temps à clamer sur tous les toits qu'ils vont « se faire la belle ». C'est même généralement le contraire puisqu'il s'agit d'endormir la vigilance des gardiens. Pour notre équipe, la déclaration chinoise du 24 mars dernier demandant le remplacement du dollar par une monnaie de référence internationale, était en fait à la fois un sondage et un avertissement : un sondage direct pour évaluer le rapport de force mondial (et notamment au sein du G20) autour de l'idée d'un basculement dans l'ère post-Dollar (1) et un avertissement constructif ou destructif (selon la réaction autour de cette idée) à tous les opérateurs financiers mondiaux. Tout joueur responsable (et Pékin en est un) prévient discrètement les autres joueurs qui peuvent lui être proches ou nécessaires s'il prépare un « grand coup ». Une « Grande Evasion » (2) ne peut réussir qu'à condition d'être nombreux à la préparer (3) et à l'effectuer ; et de s'assurer que personne de bonne volonté ne risque de se trouver gravement sanctionné faute d'avoir été prévenu (4).
Deux estimations de l'évolution des réserves chinoises d'actifs étrangers (en milliards USD) - Sources : Banque Centrale de Chine / Brad Setser, 01/2009
Toujours est-il que cette opération aura finalement servi à renforcer les autorités chinoises dans une quadruple conviction:
1. Un grand nombre d'autres membres du G20 soutiennent expressément l'idée du passage rapide (5) à l'ère post-Dollar, notamment la Russie, l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, … Pékin ne sera pas seul lors du « Grand Bond en avant » (6) dans l'ère post-Dollar. Bien au contraire, la Chine sera très bien accompagnée par une partie importante de l'Amérique latine, de l'Afrique et de l'Asie. D'ailleurs la mise en place des accords de Swap en Yuan avec plusieurs de ces pays prépare déjà le terrain (7).
2. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni refusent d'envisager toute évolution en direction d'une ère post-Dollar. La gaffe de Timothy Geithner, envisageant de discuter la proposition chinoise, a été vite corrigée par les dirigeants politiques américains mais elle est révélatrice d'une situation intéressante pour Pékin. Geithner étant l'un des hommes-clés de Wall Street dans l'équipe Obama, sa « gaffe » illustre combien les milieux financiers anglo-saxons sont finalement prêts à débattre de toute évolution qui leur assurerait de conserver leurs privilèges financiers, y compris si celle-ci passe par la fin de l’ « ère dollar ». Le « Mur Dollar » n'est pas très solide quand il est fondé sur « Wall Street » (la rue du Mur) car les opérateurs financiers sont très peu attachés au territoire (et cela ne date pas de la globalisation actuelle). Pour le reste, Washington refuse pour l'instant d'entendre parler du remplacement du Dollar US comme devise de réserve mondiale et croit aux propos rassurants des experts sur le sujet pour se rassurer sur l'avenir (8). On sait ce que cela a donné pour les subprimes, la bulle financière, les banques de Wall Street, AIG, TARP, la récession, …
3. Les Européens (hors Royaume-Uni) sont égaux à eux-mêmes et donc incapables de prendre une décision réellement forte par rapport à leur ancien protecteur américain (9). Alors ils font avec succès de la résistance pour ne plus suivre les directives de Washington ; mais ils sont incapables de mettre sur la table les questions qui fâchent les Etats-Unis. En revanche, par leurs multiples canaux, et de par leur nature structurellement multilatéralisme, il est tout aussi évident que, une fois l'ère post-Dollar devenue clairement irréversible, ils apporteront savoir-faire et lobbying pour pousser vers une devise internationale nouvelle, indépendante d'un Etat particulier. C'est bien pour cela que la Chine a lancé l'idée des DTS (10) comme alternative au Dollar, afin de montrer qu'elle serait ouverte à une alternative au Yuan (condition clé pour obtenir dans l'avenir un soutien européen).
4. Par ses effets d'annonce de plus en plus précis et audacieux, mais toujours très progressifs, voire suivis de vagues infirmations provenant de canaux de moindre poids mais vite relayées par la presse financière internationale, Pékin gagne une liberté croissante de parole (et donc de manœuvre car, en manière monétaire, la parole peut être une arme fatale ou au contraire un baume salvateur) sans pour autant affecter de manière significative les valeurs des Bons du Trésor et du Dollar US.
Et ce point 4 est bien l'exigence absolue des autorités chinoises actuellement : éviter un effondrement des Bons du Trésor et de la devise américaines avant de s'être « évadé » du « piège Dollar ». Pour LEAP/E2020, les mois qui viennent reflèteront en effet le sens exact que la Chine donne à cette exigence : est-ce un objectif ou est-ce une contrainte ? Si c'est un objectif, alors, Washington, Londres et les médias financiers internationaux ont raison : Pékin passera par les fourches caudines de Washington tout en essayant d'accroître son influence sur les décisions américaines. Si c'est une contrainte, en revanche, c'est notre équipe qui a raison et les dirigeants chinois tentent de se débarrasser des Bons du Trésor et des Dollars US au meilleur prix tant qu'une telle opération est possible (et ils ont déjà envisagé le « possible » avant de se lancer dans cette « évasion » du Dollar), c'est-à-dire, en évitant le plus longtemps « possible » de créer des turbulences risquant de faire baisser significativement les valeurs de ces deux actifs. Mais, à la différence de la première option, une fois que le champ du « possible » est épuisé, alors, brutalement, les dirigeants chinois contribueront à précipiter la fin de l'ère Dollar ; ou, plus probablement, ils annonceront sereinement que pour de multiples raisons indépendantes de leur volonté (11), ils ne peuvent plus jouer leur rôle de stabilisateur des déséquilibres américains.
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