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La vallée de la Soummam mise sur l’agroalimentaire

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  • La vallée de la Soummam mise sur l’agroalimentaire

    De l’eau, de l’huile, du lait et des hommes
    Il est pratiquement impossible d’ouvrir un réfrigérateur en Algérie sans tomber sur un produit alimentaire issu de la vallée de la Soummam, tant il est vrai qu’en l’espace de deux décennies, cette région est devenue un important pôle de production agroalimentaire reconnu sur le plan national et international.


    Ifri, Cevital, Soummam, Danone Djurdjura, Candia ou Toudja sont quelques uns des fleurons de ce filon. Etonnant ? Pas vraiment quand on sait que la région possède une vocation qui remonte assez loin dans le temps. L’antique ville de Tubusuptu (Tiklat), fondée par Auguste en l’an 25 avant J C, sur la rive de la Soummam, exportait déjà du vin et de l’huile d’olive dans tout le pourtour méditerranéen. Parallèlement, les romains, grands bâtisseurs devant l’éternel, ont développé un remarquable système de captage et d’adduction d’eau. Des eaux à la qualité organoleptique exceptionnelle. Nous y sommes presque. Remplacez le vin par les jus et les eaux fruitées, ajoutez les huiles et les eaux minérales qui font aujourd’hui la renommée de cette vallée qui prend naissance aux pieds du Djurdjura pour finir dans le golfe de Bougie et vous comprendrez que rien n’a vraiment changé depuis 2000 ans si ce n’est que les bouteilles de verre et de plastique ont remplacé les célèbres amphores de Tubusuptu-Tiklat. Fondée par des princes berbères venus des Hauts Plateaux du Hodna sur les ruines de la Saldae romaine, la ville de Béjaïa est une porte ouverte sur la Méditerranée et le monde. Elle a su tirer ses richesses des nombreuses montagnes qui l’environnent pour exporter à travers son célèbre port du miel, des fruits secs, de l’huile d’olive ou des cuirs.
    Des gens qui sont partis de rien

    Un port, un aéroport, des ressources humaines et naturelles très riches et position géographique stratégique en tant que carrefour entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud. C’est sans doute ce port qui a attiré un géant comme Cevital qui produit des milliers de tonnes de sucre, d’huile végétale et de margarine. L’huile de colza ou de soja ne doit, toutefois, pas nous faire oublier que Béjaïa est la première région d’Algérie pour la production d’huile d’olive. Cette année, près de 20 millions de litres ont été récoltés. L’installation dans la région de laiteries industrielles a également favorisé l’émergence d’une filière du lait en constante progression. Actuellement, Béjaïa compte un cheptel bovin de près de 30 000 têtes réparti sur des élevages de petite taille. La production laitière de la wilaya, estimée à 23 870 140 litres pour la campagne 2007/2008, ne couvre, cependant, que 32,62 %, soit un tiers des besoins de la wilaya estimés à 73 millions de litres avec une moyenne annuelle de 73 litres par habitant. Les richesses naturelles à elles seules ne suffisent cependant pas à construire une industrie. Il faut des hommes d’exception pour faire lever cette pâte. Ce qui fait la force de la vallée de la Soummam, c’est sans doute ses ressources humaines. Aux grandes agglomérations nichées dans la vallée, comme Tazmalt, Akbou, Ighzer Amokrane et El Kseur, il faut ajouter des centaines de villages accrochés au versant sud du Djurdjura, aux Bibans et aux Babors. Un peuple de paysans, de commerçants et d’artisans endurants et âpres au gain, chez qui l’esprit d’entreprise n’a jamais manqué car derrière toutes les réussites industrielles, on retrouve des gens qui sont partis de rien. Exemple : en descendant, en 1922, de la montagne d’Ifri vers la vallée de la Soummam pour se lancer dans le commerce des céréales, de l’huile d’olive et du vin, Boudjemaâ Kemiche a créé le premier noyau d’un village qui deviendra Ighzer Amokrane. Il achète une ferme de 176 hectares lorsque, ironie du sort, les colons permettent enfin aux Algériens d’acheter leurs propres terres. Avec une cuve de vin, un moulin à grains et une huilerie, il crée également l’embryon de la Maison Kemiche qui exploite aujourd’hui la marque Ifri Olives et plusieurs filiales qui activent dans divers créneaux. En 1923, Boudjemaâ Kemiche est le premier algérien de la région à faire de son fils un technicien en agronomie. Celui-ci reprendra les affaires familiales, créant Ifri Olives, cette entreprise qui est aujourd’hui la première en Algérie à exporter vers le Canada, les USA, la France, la Suisse, la Chine, Bahreïn et bien d’autres pays. En 2007, la maison Kemiche a créé des magasins spécialisés dans les produits du terroir. L’initiative évolue vers la création d’une franchise appelée Algérie Terroir avec une large gamme de produits du terroir comme le miel, les épices, les figues sèches, le couscous, l’artisanat, etc. l’objectif déclaré du groupe est de couvrir les 48 wilayas du territoire national en exploitant les très larges possibilités offertes, une richesse que personne n’a encore pensé à mettre en valeur. Le cas de Laïd Ibrahim, le fondateur de la marque Ifri, est un autre exemple de ces « self made men » partis de rien. Ce fils de paysan de la région d’Ouzellaguen n’avait qu’une petite boutique d’alimentation générale quand il s’est mis dans la tête d’investir dans une fabrique de limonade. Le jour où il décida de forer un puits, le destin lui sourit. C’est de l’eau minérale ! Le coup de génie est cependant d’investir dans une usine d’embouteillage d’eau minérale à un moment où personne n’y croyait en ce marché pourtant vierge. Il lui faut dix ans pour triompher de tous les obstacles qu’une bureaucratie particulièrement tatillonne s’ingénie à dresser devant sa volonté de monter une usine. La première bouteille, produite en 1986, il faudra attendre dix autres années pour que Laïd Ibrahim impose sa marque sur l’ensemble du marché national. En 2009, le groupe Ifri est un géant qui emploie pas loin de 1500 personnes et qui a diversifié sa production dans les sodas, les eaux fruitées, les jus avant d’investir dans l’oléiculture.
    L’inévitable clé sous le paillasson

    Dans la haute vallée de la Soummam, les Batouche sont des pionniers dans le domaine de l’agroalimentaire. Mohand Batouche a commencé dans les transports routiers avec un seul camion avant d’acquérir une petite flotte. La réussite ne lui monte pas à la tête. En 1984, il vend tout et acquiert une petite fabrique de yaourts qu’il installe sur un terrain familial à Ighzer Amokrane. La microentreprise tourne avec six salariés. En 1996, il acquiert une deuxième machine et un terrain à Taharacht qui n’était alors qu’une décharge publique pour y implanter une usine plus grande et plus moderne. C’est alors le décollage spectaculaire que tout le monde connaît. En 2001, Djurdjura, la petite entreprise familiale signe un contrat de partenariat avec le géant Danone. Ce mariage mixte tourne quand même au divorce. En 2006, les Batouche cèdent la quasi-totalité de leurs parts à Danone et créent une flopée d’entreprises indépendantes les unes des autres. Elles sont gérées par des membres de la famille désormais éclatée. Avant d’être absorbée par Danone, la laiterie Djurdjura a été une véritable locomotive qui a drainé derrière elle bien des ambitions qui ont fini par aboutir. « C’est l’effet boule de neige. Djurdjura a formé des gens spécialisés dans le yaourt qui sont partis travailler ailleurs », dit aujourd’hui Ramdane Batouche, P-DG de Général Emballage, aujourd’hui leader dans son domaine. Dans le cas de la zone d’activité de Taharacht à Akbou, il y eut un indéniable effet d’entraînement. Les entreprises ont évolué vers l’intégration et des activités annexes sont venues se greffer sur le noyau d’origine. L’emballage des produits manufacturés, le plastique, le transport, etc. Cependant, une règle générale s’est imposée à tous : il faut démarrer petit. C’est le cas de Lounis Hamitouche, fondateur de la marque Soummam, numéro un national actuel dans le yaourt et les produits laitiers. Ce jour de l’année 1969, quand il se décide à quitter sa montagne pour tenter l’aventure à Alger, il n’a que 50 malheureux dinars en poche. Embauché comme chauffeur, il économise et achète bientôt un camion en association avec un ami, mais il ne tardera pas à s’installer à son compte. En 1982, il possède quatre camions, mais il est toujours à la recherche d’une bonne idée ou d’un créneau juteux. Il achète à crédit une machine de textile et créé sa première entreprise de textile. En 1988, il possède déjà huit machines. L’affaire semble bien engagée, mais en 1993, les Chinois inondent le marché algérien de tissus bradés à vil prix. La concurrence est déloyale et Lounis Hamitouche fera partie de ces milliers de petits entrepreneurs poussés à mettre la clé sous le paillasson. C’est alors que son neveu lui souffle l’idée d’investir dans l’agroalimentaire qui connaît alors ses premiers frémissements. Ensemble, ils montent une petite fabrique de yaourts sans rien connaître de ce produit. Ils apprennent le métier sur le tas, mais à force de ténacité, le succès est enfin au rendez-vous. L’usine tourne aujourd’hui à plein régime avec une gamme très variée de produits. Le produit s’est imposé sur tout le territoire national face à un concurrent mondial qu’il a relégué au second plan. Soummam a contribué à faire connaître le dynamisme de cette vallée dont il a pris le nom. Un dynamisme économique dû essentiellement à des entreprises privées, car l’Etat, et ce n’est un secret pour personne, a failli dans sa mission de développement d’une région que l’on a tendance à punir pour son esprit frondeur en la privant de projets porteurs. La ligne de chemin de fer qui court le long de la vallée de la Soummam date des années 1890. Saturée par le trafic très dense qu’elle connaît, la route accuse un immense retard. Il y a bien un projet de pénétrante pour relier Béjaïa à l’autoroute Est-Ouest, mais pour le moment, il dort sagement dans les cartons. Qu’à cela ne tienne, la dynamique du développement est lancée. Les gens de la Soummam ont appris, depuis toujours, à ne compter que sur eux-mêmes. Ils savent que d’ici à ce que l’Etat se décide à faire quelque chose, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts de la Soummam.



    Par Djamel Alilat
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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