Le Maghreb s’est mis au Golfe ! D’Afrique du Nord au Golfe, il n’y a qu’un pas ! Il a été franchi depuis plusieurs années par les investisseurs émiriens, à la faveur de contrats de gré à gré signés avec les grands groupes maghrébins.
Par V. NARAME
Le monde des affaires n’est désormais plus réglé sur le schéma unilatéraliste qui a longtemps prévalu. Les économistes Lahsen Abdelmalki et René Sandretto constatent : « Les pays du Sud, ou en transition, sont en mesure de pratiquer des stratégies d’insertion dans les échanges internationaux en valorisant les qualités de leurs actifs – entreprises, infrastructures, main-d’œuvre, ressources… – nationaux ou régionaux. Par ce moyen, ils peuvent accroître leurs débouchés en bénéficiant des effets de dimension et de concurrence engendrés par la formation d’un marché global. » (La documentation française, 2007). Ce qui est déjà vérifié en termes d’investissement international pour l’Asie de l’Est avec la Chine, l’est depuis quelques années – toute proportion gardée – avec l’Asie du Sud-Ouest, via les pays de la péninsule Arabique. Et précisément concernant le volume de leurs affaires en Afrique du Nord.
Nombreuses sont en effet les réalisations à l’œuvre dans les trois pays du Maghreb central (Tunisie, Algérie, Maroc) et qui sont conjointement menées avec les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Tous les secteurs d’activité sont ainsi concernés : immobilier, industrie, logistique, agriculture, pêche ou énergie. Il en est de même pour la finance et les assurances, les services aux entreprises, le tourisme, l’éducation et la formation, la communication ainsi que le marketing.
L’Arabie Saoudite, Oman, les Émirats arabes unis (EAU), le Qatar, le Koweït et le Bahreïn sont les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG). S’agissant des seuls Émirats arabes unis, la Fédération inclut sept États : la capitale Abou Dhabi, Dubaï, Sharjah, Ras al-Khaimah, Fujairah, Umm al-Quwain et Ajman. Sur ces territoires est concentrée une partie importante des hydrocarbures (pétrole et gaz) du globe.
À la croisée des routes commerciales qui mènent à l’Asie, à l’Afrique et à l’Europe, la Péninsule est une plate-forme qui rayonne ainsi sur une zone de chalandise évaluée à une population de deux milliards de personnes ! Elle constitue donc une gigantesque place de réexportation. Cela lui procure à l’évidence toute latitude pour contractualiser avec les économies du Maghreb, dont la croissance et la culture leur confèrent une aura inégalable. Les collaborations entre le Golfe et le Maghreb vont en effet en s’amplifiant, malgré la crise économique (et immobilière) qui pourrait, de manière parcellaire, ralentir l’un ou l’autre de ces projets. Pour autant, cela ne remet pas en question les aménagements qui se profilent, chacun dans leur spécialité, dans l’ensemble de la région.
La Tunisie concentre à elle seule un nombre considérable d’investissements directs étrangers (IDE) en provenance du Golfe. Le pays focalise également bon nombre d’opérations sur le marché des banques et des services financiers, où les Koweïtiens sont du reste les leaders.
« La physionomie du pays est appelée à changer rapidement, sous l’effet de la réalisation d’un ensemble colossal de projets immobiliers et d’infrastructures, annonçait, en décembre 2008, l’Agence de promotion de l’investissement (Fipa). Sama Dubai a reçu l’approbation de l’État au lancement des travaux de son gigantesque projet immobilier “ Porte de la Méditerranée ”, qui sera réalisé, pour 25 milliards de dollars, sur les berges du Lac Sud. Dans le centre-ville, le promoteur émirien Bukhatir a engagé les travaux de construction d’une cité sportive qui devrait être achevée en 2015. À proximité, la société Al-Maabar, originaire d’Abou Dhabi, a fait part de son intention de lancer Bled el-Ward, un projet qui s’étend sur 5 000 hectares en banlieue de Tunis et dont les investissements sont de quelque 10 milliards de dollars. »
Gulf Finance House (GFH), banque d’investissement basée à Al-Manama (Bahreïn), compte parmi ses priorités le projet de Port financier à Tunis et elle est également active au Maroc. La banque se propose parallèlement de réaliser, pour un montant de 3 milliards de dollars, une plate-forme technologique visant à la promotion des compétences locales dans le domaine des technologies de la communication : Tunis Telecom City.
Enfin, le groupe Abu Dhabi Investment House s’investit pour sa part dans le projet Porta Moda, un complexe résidentiel et touristique dédié à la mode – à Tunis et à Marrakech. Porta Moda se présentera sous forme de cités touristiques luxueuses qui accueilleront le gotha de la clientèle internationale. Coût de l’opération au Maroc : 400 millions de dollars.
S’agissant de l’impact potentiel de la crise économique sur ces réalisations d’envergure, Mohamed Nouri Jouini, ministre tunisien du Développement et de la Coopération internationale, a précisé que l’agenda des réalisations projetées avec les Émiriens en Tunisie n’avait pas été perturbé et que ces programmes seront conduits dans les délais convenus. Ce sont les autres cibles des programmes d’investissement du CCG au Maghreb.
L’Algérie, elle, est largement bénéficiaire, en 2007 et 2008 – avec principalement les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite –, dans de nombreux secteurs : transports et travaux publics, agro-industrie, métallurgie, chimie, plasturgie, énergie…
En juin 2008, lors d’une visite à Alger, Sultan el-Mansour, ministre de l’Économie des EAU, déclarait : « Les investissements émiriens en Algérie devront dépasser 50 milliards de dollars, ce qui prend en compte la valeur des projets d’investissement des deux dernières années et des trois suivantes. Lesquels concernent plusieurs secteurs, comme l’industrie, les services, l’énergie, l’immobilier et l’agriculture. »
S’agissant des infrastructures portuaires, Dubai Ports World (DPW), troisième opérateur mondial dans les terminaux à conteneurs, a signé un partenariat avec l’Entreprise portuaire d’Alger (Epal). Djazaïr Port World bénéficie à cet égard, depuis février dernier, d’une concession de trente ans sur le terminal. S’est parallèlement créée une joint-venture entre DPW et l’Entreprise portuaire de Djendjen, dont le démarrage est prévu en avril.
À propos de ces associations, Abdelhak Bourouai, P-DG d’Epal, déclarait en mars 2009 dans le magazine Les Afriques : « Dans ce gré à gré, nous avions l’avantage de la confiance entre les deux États, algérien et émirien. Dubai Ports World était absent de la Méditerranée et nous avions besoin d’un gros partenaire qui nous introduise dans le circuit mondial. »
Autre domaine où les pays du Conseil de coopération du Golfe interviennent en Algérie : l’agro-industrie, avec des investissements colossaux. La société Emirates International Investment Company (EIIC) a ainsi créé la plus grande ferme laitière d’Afrique, adossée à un projet de production fourragère, à Hamadia. Le saoudien Savola investit actuellement 140 millions d’euros à Oran dans une raffinerie de sucre. Quelque 100 millions de dollars sont également injectés par Mahacil (EAU) dans un complexe laitier, en association avec l’Algérie.
L’énergie et l’industrie chimique font également l’objet de placements financiers. Liwa Energy Limited (EAU), filiale de la compagnie Mubadala (basée à Abou Dhabi) a acquis 20 % des parts de la compagnie Shell dans deux projets d’exploration, en Algérie. Le groupe omanais Suhail Bahwan réalise avec Sonatrach un complexe d’ammoniac et d’urée, près d’Arzew. Ailleurs, c’est le consortium koweïtien Almeta al-Qurain qui contribue, pour un milliard de dollars, à l’activité d’une usine de méthanol, alors qu’un groupe saoudien finance la construction d’une cimenterie.
Développement industriel. Au Maroc, l’investissement en faveur du développement industriel et logistique est également tangible. Le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe (KFAED) a octroyé, en 2008, un prêt de 60 millions de dollars pour le financement de l’axe autoroutier entre Fès et Oujda, dont l’achèvement est prévu pour 2010. Notons également une initiative en faveur de l’eau, dans la province de Chefchaouen, pour la réalisation d’un barrage. Le Fonds saoudien de développement (FSD) a pour cela accordé, en mars 2009, un prêt à Rabat. Enfin, l’Union Maroc Émirats arabes unis de pêche (Umep) est pour sa part bien positionnée.
En Tunisie, outre des prises de participation de holdings du CCG dans l’industrie locale, un investissement de plusieurs millions de dinars a été effectué, en 2008, par une entreprise émirienne spécialisée dans l’exploration de gaz et de pétrole. Cet investissement concernera les forages du désert tunisien.
Par V. NARAME
Le monde des affaires n’est désormais plus réglé sur le schéma unilatéraliste qui a longtemps prévalu. Les économistes Lahsen Abdelmalki et René Sandretto constatent : « Les pays du Sud, ou en transition, sont en mesure de pratiquer des stratégies d’insertion dans les échanges internationaux en valorisant les qualités de leurs actifs – entreprises, infrastructures, main-d’œuvre, ressources… – nationaux ou régionaux. Par ce moyen, ils peuvent accroître leurs débouchés en bénéficiant des effets de dimension et de concurrence engendrés par la formation d’un marché global. » (La documentation française, 2007). Ce qui est déjà vérifié en termes d’investissement international pour l’Asie de l’Est avec la Chine, l’est depuis quelques années – toute proportion gardée – avec l’Asie du Sud-Ouest, via les pays de la péninsule Arabique. Et précisément concernant le volume de leurs affaires en Afrique du Nord.
Nombreuses sont en effet les réalisations à l’œuvre dans les trois pays du Maghreb central (Tunisie, Algérie, Maroc) et qui sont conjointement menées avec les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Tous les secteurs d’activité sont ainsi concernés : immobilier, industrie, logistique, agriculture, pêche ou énergie. Il en est de même pour la finance et les assurances, les services aux entreprises, le tourisme, l’éducation et la formation, la communication ainsi que le marketing.
L’Arabie Saoudite, Oman, les Émirats arabes unis (EAU), le Qatar, le Koweït et le Bahreïn sont les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG). S’agissant des seuls Émirats arabes unis, la Fédération inclut sept États : la capitale Abou Dhabi, Dubaï, Sharjah, Ras al-Khaimah, Fujairah, Umm al-Quwain et Ajman. Sur ces territoires est concentrée une partie importante des hydrocarbures (pétrole et gaz) du globe.
À la croisée des routes commerciales qui mènent à l’Asie, à l’Afrique et à l’Europe, la Péninsule est une plate-forme qui rayonne ainsi sur une zone de chalandise évaluée à une population de deux milliards de personnes ! Elle constitue donc une gigantesque place de réexportation. Cela lui procure à l’évidence toute latitude pour contractualiser avec les économies du Maghreb, dont la croissance et la culture leur confèrent une aura inégalable. Les collaborations entre le Golfe et le Maghreb vont en effet en s’amplifiant, malgré la crise économique (et immobilière) qui pourrait, de manière parcellaire, ralentir l’un ou l’autre de ces projets. Pour autant, cela ne remet pas en question les aménagements qui se profilent, chacun dans leur spécialité, dans l’ensemble de la région.
La Tunisie concentre à elle seule un nombre considérable d’investissements directs étrangers (IDE) en provenance du Golfe. Le pays focalise également bon nombre d’opérations sur le marché des banques et des services financiers, où les Koweïtiens sont du reste les leaders.
« La physionomie du pays est appelée à changer rapidement, sous l’effet de la réalisation d’un ensemble colossal de projets immobiliers et d’infrastructures, annonçait, en décembre 2008, l’Agence de promotion de l’investissement (Fipa). Sama Dubai a reçu l’approbation de l’État au lancement des travaux de son gigantesque projet immobilier “ Porte de la Méditerranée ”, qui sera réalisé, pour 25 milliards de dollars, sur les berges du Lac Sud. Dans le centre-ville, le promoteur émirien Bukhatir a engagé les travaux de construction d’une cité sportive qui devrait être achevée en 2015. À proximité, la société Al-Maabar, originaire d’Abou Dhabi, a fait part de son intention de lancer Bled el-Ward, un projet qui s’étend sur 5 000 hectares en banlieue de Tunis et dont les investissements sont de quelque 10 milliards de dollars. »
Gulf Finance House (GFH), banque d’investissement basée à Al-Manama (Bahreïn), compte parmi ses priorités le projet de Port financier à Tunis et elle est également active au Maroc. La banque se propose parallèlement de réaliser, pour un montant de 3 milliards de dollars, une plate-forme technologique visant à la promotion des compétences locales dans le domaine des technologies de la communication : Tunis Telecom City.
Enfin, le groupe Abu Dhabi Investment House s’investit pour sa part dans le projet Porta Moda, un complexe résidentiel et touristique dédié à la mode – à Tunis et à Marrakech. Porta Moda se présentera sous forme de cités touristiques luxueuses qui accueilleront le gotha de la clientèle internationale. Coût de l’opération au Maroc : 400 millions de dollars.
S’agissant de l’impact potentiel de la crise économique sur ces réalisations d’envergure, Mohamed Nouri Jouini, ministre tunisien du Développement et de la Coopération internationale, a précisé que l’agenda des réalisations projetées avec les Émiriens en Tunisie n’avait pas été perturbé et que ces programmes seront conduits dans les délais convenus. Ce sont les autres cibles des programmes d’investissement du CCG au Maghreb.
L’Algérie, elle, est largement bénéficiaire, en 2007 et 2008 – avec principalement les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite –, dans de nombreux secteurs : transports et travaux publics, agro-industrie, métallurgie, chimie, plasturgie, énergie…
En juin 2008, lors d’une visite à Alger, Sultan el-Mansour, ministre de l’Économie des EAU, déclarait : « Les investissements émiriens en Algérie devront dépasser 50 milliards de dollars, ce qui prend en compte la valeur des projets d’investissement des deux dernières années et des trois suivantes. Lesquels concernent plusieurs secteurs, comme l’industrie, les services, l’énergie, l’immobilier et l’agriculture. »
S’agissant des infrastructures portuaires, Dubai Ports World (DPW), troisième opérateur mondial dans les terminaux à conteneurs, a signé un partenariat avec l’Entreprise portuaire d’Alger (Epal). Djazaïr Port World bénéficie à cet égard, depuis février dernier, d’une concession de trente ans sur le terminal. S’est parallèlement créée une joint-venture entre DPW et l’Entreprise portuaire de Djendjen, dont le démarrage est prévu en avril.
À propos de ces associations, Abdelhak Bourouai, P-DG d’Epal, déclarait en mars 2009 dans le magazine Les Afriques : « Dans ce gré à gré, nous avions l’avantage de la confiance entre les deux États, algérien et émirien. Dubai Ports World était absent de la Méditerranée et nous avions besoin d’un gros partenaire qui nous introduise dans le circuit mondial. »
Autre domaine où les pays du Conseil de coopération du Golfe interviennent en Algérie : l’agro-industrie, avec des investissements colossaux. La société Emirates International Investment Company (EIIC) a ainsi créé la plus grande ferme laitière d’Afrique, adossée à un projet de production fourragère, à Hamadia. Le saoudien Savola investit actuellement 140 millions d’euros à Oran dans une raffinerie de sucre. Quelque 100 millions de dollars sont également injectés par Mahacil (EAU) dans un complexe laitier, en association avec l’Algérie.
L’énergie et l’industrie chimique font également l’objet de placements financiers. Liwa Energy Limited (EAU), filiale de la compagnie Mubadala (basée à Abou Dhabi) a acquis 20 % des parts de la compagnie Shell dans deux projets d’exploration, en Algérie. Le groupe omanais Suhail Bahwan réalise avec Sonatrach un complexe d’ammoniac et d’urée, près d’Arzew. Ailleurs, c’est le consortium koweïtien Almeta al-Qurain qui contribue, pour un milliard de dollars, à l’activité d’une usine de méthanol, alors qu’un groupe saoudien finance la construction d’une cimenterie.
Développement industriel. Au Maroc, l’investissement en faveur du développement industriel et logistique est également tangible. Le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe (KFAED) a octroyé, en 2008, un prêt de 60 millions de dollars pour le financement de l’axe autoroutier entre Fès et Oujda, dont l’achèvement est prévu pour 2010. Notons également une initiative en faveur de l’eau, dans la province de Chefchaouen, pour la réalisation d’un barrage. Le Fonds saoudien de développement (FSD) a pour cela accordé, en mars 2009, un prêt à Rabat. Enfin, l’Union Maroc Émirats arabes unis de pêche (Umep) est pour sa part bien positionnée.
En Tunisie, outre des prises de participation de holdings du CCG dans l’industrie locale, un investissement de plusieurs millions de dinars a été effectué, en 2008, par une entreprise émirienne spécialisée dans l’exploration de gaz et de pétrole. Cet investissement concernera les forages du désert tunisien.
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