Le potentiel existe, le financement à la peine
· Pas assez de terres à cultiver pour couvrir la demande
· En Méditerranée, Israël est un modèle pionnier
Produire des fruits exotiques au Maroc! C’est le pari de deux sociétés implantées en plein Souss. Jusqu’à présent, seuls des pays d’Amérique latine, d’Asie, la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud exploitent cette niche. «Le Portugal est l’un des rares pays méditerranéens où sont plantés les fruits exotiques», souligne Lahoussine Kanane, gérant de Tiwiza Exotic (voir p. 4). Reste Israël! Un modèle qui inspire d’autant plus que ce pays «s’est lancé dans cette culture depuis 20 ans. Ses fruits sont résistants à la salinité et offrent une forte valeur ajoutée», précise Kanane. Cultivés dans le désert du Néguev, ces fruits sont arrosés d’eau dessalée.
Selon le producteur marocain, 1m3 d’eau utilisé en culture maraîchère (tomate notamment) génère un euro de gain contre 3 à 5 euros pour les fruits exotiques.
Toutefois, certains observateurs sont sceptiques quant à l’avenir de cette culture. Le pays a globalement un climat semi-aride. Leurs réserves peuvent êtres valables pour certains fruits, tels que la pastèque baby et qui a été produite pour la 1re fois en 2009. En revanche, d’autres plantes de la famille des cactées comme le Pitaya ne consomment pas beaucoup d’eau. Dans ce rayon, on peut évoquer aussi le cas des figues de barbarie: 10.000 DH de bénéfice contre 3.500 DH pour l’arganier. Ce n’est pas pour rien qu’«un colloque international, parrainé par la FAO, se tiendra du 17 au 22 octobre à Agadir», affirme Abdelhadi Doukkane. Ce coauteur d’un ouvrage unique sur le cactus au Maroc parle de «plante du futur». Pour l’instant, Tiwiza Exotic et Wenza Fruits Exotiques sont les uniques producteurs marocains. L’un exploite 12 hectares en plein champ, l’autre 15 hectares. Tiwiza produit 4 légumes (nouvelles courgettes, aubergines africaines…) et six fruits (Kiwano, Pepino Dolce…). Dix autres sont en cours d’expérimentation.
Celle-ci a d’ailleurs décroché en 2008 le Prix du meilleur travail de valorisation. Une consécration obtenue au Salon international de l’agriculture du Maroc. Au salon berlinois Fruit Logistica, Tiwiza Exotic a été très sollicitée par les donneurs d’ordre. Parmi eux, les Halles de Rungis. Pour répondre à la demande, il va falloir plus d’espace (60 ha) et aussi développer une culture sous serre. Or, le financement ne suit pas: «les banques sont réticentes aux nouveautés».
Son concurrent direct, Wenza Fruit Exotiques, qui a actuellement un volume d’export de 190.000 euros estime qu’il «peut passer jusqu’à 100 ha». Sur le plan logistique, la proximité offre un avantage relatif. Certes, il faut compter à partir de l’Amérique 2 semaines en moyenne pour livrer l’Europe contre 4 jours pour le Maroc. Mais le coût du fret demeure un sérieux frein. Une chose est sûre: il y a des parts de marché à gagner. Les grandes surfaces, étrangères surtout, ont un rayon fruits exotiques. Les régimes diététiques très en vogue y sont pour beaucoup.
Fruits exotiques
Deux sociétés pour un seul label
· Tiwiza et Wenza bataillent autour d’une marque
· Le Souss, région pionnière dans la production et l’export
Tiwiza et Wenza! Ce ne sont pas là les héros d’une nouvelle BD amazighophone. Mais bel et bien deux entreprises pionnières dans la production et l’exportation des fruits exotiques. Elles sont installées à Agadir, capitale du Souss qui accapare 84% des exportations des fruits et légumes. Au salon Fruit Logistica, qui s’est déroulé du 3 au 5 février à Berlin, Tiwiza Exotic et Wenza Fruits Exotiques faisaient figure d’ovni.
La plupart des 30 stands de la délégation marocaine étaient inondés d’agrumes, de fraises, de tomates, de poivrons… Ces produits, porte-drapeau de l’agriculture marocaine, sont également très cultivés dans les pays méditerranéens. Or, lorsqu’on visite les autres pavillons, qu’ils soient italiens, espagnols, égyptiens, tunisiens, turcs… aucun d’entre eux ne compte un exposant de fruits exotiques (voir page 3). En arrière-plan de cette prouesse, un conflit de marque alimente une animosité de plus en plus palpable entre deux sociétés.
C’est un agriculteur hollandais, Martinus Hopman, qui est à l’origine de cette aventure agricole. Ayant déjà une plantation au Portugal, il a décidé d’investir le Maroc «pour assurer une production pendant toute l’année. Le climat chaud et sec du Sud et la proximité ont pesé», précise Hopman. L’Afrique du Sud a été jugée trop lointaine.
Nous sommes fin août 2003 lorsque l’investisseur hollandais signe un contrat de production agricole avec Lahoussine Kanane. Cette date marque, officiellement, l’introduction des fruits exotiques au Maroc. Les domaines Tanalt, gérés par Kanane, se sont engagés à produire 250.000 fruits de Kiwano sur une superficie de 2,5 à 3 hectares. Et la mise à disposition d’infrastructures, d’ouvriers, d’eau d’irrigation...
En contrepartie, Hopman, gérant de Tamarillo Vegeruto, devait fournir les semences, les gaines goutte-à-goutte, les engrais, le transport… Et verser aussi, sur trois échéances, une avance pour financer la production, soit 16.000 euros.
Deux ans plus tard, les deux hommes lancent, avec un autre Hollandais, Massilya Export: «66% des parts partagées à égalité entre Hopman et son compatriote et 34% reviennent à Kanane», précise ce dernier.
Parallèlement, il «crée, en compagnie de Abderrahman Tafroute, la société Wenza et dont les actions seront détenues à parts égales». Depuis ce temps-là, tous ces associés se sont séparés. Le trombinoscope de Maroc Export, qui présente les entreprises marocaines participantes au salon berlinois, livre un subtile détail: la rubrique marketing des deux sociétés, Tiwiza Exotic et Wenza Fruits Exotiques, met en avant le même label… Wenza.
Aujourd’hui, Kanane, un des fondateurs de Tiwiza Exotic en 2008, revendique la paternité de cette marque. Il en veut pour preuve l’acte d’enregistrement réalisé, le 9 mai 2005, auprès de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC).
Soulignons que le déposant est Massilya Export dont le mandataire est Kanane. A qui revient la propriété de la marque sachant que la société comptait trois associés?
Ce document servira vraisemblablement à appuyer deux imminentes actions en justice: «l’une au commercial, l’autre au pénal», précise le top management de Tiwiza.
Contacté par L’Economiste, Abderrahman Tafroute est resté injoignable. Ce dernier n’est autre que l’heureux gagnant d’une édition de l’émission Challenger diffusée sur 2M. Et qui depuis s’est associé avec l’agriculteur hollandais au sein de Wenza Fruits Exotiques.
Martinus Hopman, avoue «avoir eu des problèmes avec Lahoussine Kanane». Et a fait part de «beaucoup de réserves sur la manière avec laquelle son ex-associé gérait Massilya Export. Surtout qu’il y a eu des problèmes de trésorerie».
Le conflit autour de la marque Wenza ne fait donc que commencer. Il ne doit pas en revanche noyer le potentiel très prometteur des fruits exotiques.
Faiçal FAQUIHI
· Pas assez de terres à cultiver pour couvrir la demande
· En Méditerranée, Israël est un modèle pionnier
Produire des fruits exotiques au Maroc! C’est le pari de deux sociétés implantées en plein Souss. Jusqu’à présent, seuls des pays d’Amérique latine, d’Asie, la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud exploitent cette niche. «Le Portugal est l’un des rares pays méditerranéens où sont plantés les fruits exotiques», souligne Lahoussine Kanane, gérant de Tiwiza Exotic (voir p. 4). Reste Israël! Un modèle qui inspire d’autant plus que ce pays «s’est lancé dans cette culture depuis 20 ans. Ses fruits sont résistants à la salinité et offrent une forte valeur ajoutée», précise Kanane. Cultivés dans le désert du Néguev, ces fruits sont arrosés d’eau dessalée.
Selon le producteur marocain, 1m3 d’eau utilisé en culture maraîchère (tomate notamment) génère un euro de gain contre 3 à 5 euros pour les fruits exotiques.
Toutefois, certains observateurs sont sceptiques quant à l’avenir de cette culture. Le pays a globalement un climat semi-aride. Leurs réserves peuvent êtres valables pour certains fruits, tels que la pastèque baby et qui a été produite pour la 1re fois en 2009. En revanche, d’autres plantes de la famille des cactées comme le Pitaya ne consomment pas beaucoup d’eau. Dans ce rayon, on peut évoquer aussi le cas des figues de barbarie: 10.000 DH de bénéfice contre 3.500 DH pour l’arganier. Ce n’est pas pour rien qu’«un colloque international, parrainé par la FAO, se tiendra du 17 au 22 octobre à Agadir», affirme Abdelhadi Doukkane. Ce coauteur d’un ouvrage unique sur le cactus au Maroc parle de «plante du futur». Pour l’instant, Tiwiza Exotic et Wenza Fruits Exotiques sont les uniques producteurs marocains. L’un exploite 12 hectares en plein champ, l’autre 15 hectares. Tiwiza produit 4 légumes (nouvelles courgettes, aubergines africaines…) et six fruits (Kiwano, Pepino Dolce…). Dix autres sont en cours d’expérimentation.
Celle-ci a d’ailleurs décroché en 2008 le Prix du meilleur travail de valorisation. Une consécration obtenue au Salon international de l’agriculture du Maroc. Au salon berlinois Fruit Logistica, Tiwiza Exotic a été très sollicitée par les donneurs d’ordre. Parmi eux, les Halles de Rungis. Pour répondre à la demande, il va falloir plus d’espace (60 ha) et aussi développer une culture sous serre. Or, le financement ne suit pas: «les banques sont réticentes aux nouveautés».
Son concurrent direct, Wenza Fruit Exotiques, qui a actuellement un volume d’export de 190.000 euros estime qu’il «peut passer jusqu’à 100 ha». Sur le plan logistique, la proximité offre un avantage relatif. Certes, il faut compter à partir de l’Amérique 2 semaines en moyenne pour livrer l’Europe contre 4 jours pour le Maroc. Mais le coût du fret demeure un sérieux frein. Une chose est sûre: il y a des parts de marché à gagner. Les grandes surfaces, étrangères surtout, ont un rayon fruits exotiques. Les régimes diététiques très en vogue y sont pour beaucoup.
Fruits exotiques
Deux sociétés pour un seul label
· Tiwiza et Wenza bataillent autour d’une marque
· Le Souss, région pionnière dans la production et l’export
Tiwiza et Wenza! Ce ne sont pas là les héros d’une nouvelle BD amazighophone. Mais bel et bien deux entreprises pionnières dans la production et l’exportation des fruits exotiques. Elles sont installées à Agadir, capitale du Souss qui accapare 84% des exportations des fruits et légumes. Au salon Fruit Logistica, qui s’est déroulé du 3 au 5 février à Berlin, Tiwiza Exotic et Wenza Fruits Exotiques faisaient figure d’ovni.
La plupart des 30 stands de la délégation marocaine étaient inondés d’agrumes, de fraises, de tomates, de poivrons… Ces produits, porte-drapeau de l’agriculture marocaine, sont également très cultivés dans les pays méditerranéens. Or, lorsqu’on visite les autres pavillons, qu’ils soient italiens, espagnols, égyptiens, tunisiens, turcs… aucun d’entre eux ne compte un exposant de fruits exotiques (voir page 3). En arrière-plan de cette prouesse, un conflit de marque alimente une animosité de plus en plus palpable entre deux sociétés.
C’est un agriculteur hollandais, Martinus Hopman, qui est à l’origine de cette aventure agricole. Ayant déjà une plantation au Portugal, il a décidé d’investir le Maroc «pour assurer une production pendant toute l’année. Le climat chaud et sec du Sud et la proximité ont pesé», précise Hopman. L’Afrique du Sud a été jugée trop lointaine.
Nous sommes fin août 2003 lorsque l’investisseur hollandais signe un contrat de production agricole avec Lahoussine Kanane. Cette date marque, officiellement, l’introduction des fruits exotiques au Maroc. Les domaines Tanalt, gérés par Kanane, se sont engagés à produire 250.000 fruits de Kiwano sur une superficie de 2,5 à 3 hectares. Et la mise à disposition d’infrastructures, d’ouvriers, d’eau d’irrigation...
En contrepartie, Hopman, gérant de Tamarillo Vegeruto, devait fournir les semences, les gaines goutte-à-goutte, les engrais, le transport… Et verser aussi, sur trois échéances, une avance pour financer la production, soit 16.000 euros.
Deux ans plus tard, les deux hommes lancent, avec un autre Hollandais, Massilya Export: «66% des parts partagées à égalité entre Hopman et son compatriote et 34% reviennent à Kanane», précise ce dernier.
Parallèlement, il «crée, en compagnie de Abderrahman Tafroute, la société Wenza et dont les actions seront détenues à parts égales». Depuis ce temps-là, tous ces associés se sont séparés. Le trombinoscope de Maroc Export, qui présente les entreprises marocaines participantes au salon berlinois, livre un subtile détail: la rubrique marketing des deux sociétés, Tiwiza Exotic et Wenza Fruits Exotiques, met en avant le même label… Wenza.
Aujourd’hui, Kanane, un des fondateurs de Tiwiza Exotic en 2008, revendique la paternité de cette marque. Il en veut pour preuve l’acte d’enregistrement réalisé, le 9 mai 2005, auprès de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC).
Soulignons que le déposant est Massilya Export dont le mandataire est Kanane. A qui revient la propriété de la marque sachant que la société comptait trois associés?
Ce document servira vraisemblablement à appuyer deux imminentes actions en justice: «l’une au commercial, l’autre au pénal», précise le top management de Tiwiza.
Contacté par L’Economiste, Abderrahman Tafroute est resté injoignable. Ce dernier n’est autre que l’heureux gagnant d’une édition de l’émission Challenger diffusée sur 2M. Et qui depuis s’est associé avec l’agriculteur hollandais au sein de Wenza Fruits Exotiques.
Martinus Hopman, avoue «avoir eu des problèmes avec Lahoussine Kanane». Et a fait part de «beaucoup de réserves sur la manière avec laquelle son ex-associé gérait Massilya Export. Surtout qu’il y a eu des problèmes de trésorerie».
Le conflit autour de la marque Wenza ne fait donc que commencer. Il ne doit pas en revanche noyer le potentiel très prometteur des fruits exotiques.
Faiçal FAQUIHI
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