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Un sommet économique à Kiev en temps de guerre

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  • Un sommet économique à Kiev en temps de guerre

    L'ombre du voisin russe et le risque d'un effondrement économique du pays planent plus que jamais sur Kiev, où le Yalta European Forum réunit cette semaine le gotha de la politique et des affaires

    Près de la fontaine, le patron d'Euro RSCG cherche l'ombre, le téléphone collé à l'oreille. « Giscard s'est vendu aux Chinois », lâche Stéphane Fouks qui tente de gérer à distance les derniers développements de l'offre publique sur le Club Med dont il conseille le « prédateur » italien. Derrière lui, arrive Dominique Strauss-Kahn. « Are you fine ? », lui demande son ami Lawrence Summers, l'ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton. « Fine, thank you », répond l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), avant de rejoindre le podium dressé devant l'entrée de l'Arsenal. Sur la photo de famille, il pose aux côtés de Pierre Lellouche, l'ancien ministre des Affaires européennes et du Prix Nobel Mohamed Elbaradei, une vieille connaissance.

    Le plus grand VRP du pays
    La scène se déroule cette semaine à Kiev, dans les allées du 11ème YES Forum. Le chef d'orchestre de cette superproduction inspirée du World Economic Forum est aussi inconnu en Europe de l'Ouest qu'il est célèbre en Ukraine. Viktor Pinchuk appartient à cette poignée d'hommes d'affaires ukrainiens qui, depuis 10 ans, ont façonné l'économie et la politique de leur pays. Contrairement à Petro Porochenko, Ihor Kolomoiski ou Sergei Tarouta, respectivement président de l'Ukraine et gouverneurs des provinces de Dniepropetrovsk et Donetsk, cet ingénieur a choisi de rester à l'écart de la politique, en dépit d'un passage par la Rada, l'assemblée ukrainienne. « Pinchuk est le plus grand VRP de son pays », explique un participant. Nul mieux que cet ingénieur, qui a fait son premier million grâce à un brevet permettant la production de conduite en acier résistant à de très hautes pressions, n'incarne l'aspiration à la démocratisation et à la modernisation de son pays, ni la singularité du modèle ukrainien où affaires et politique restent étroitement mêlées.

    Grâce au vertigineux carnet d'adresses de son fondateur, le YES forum offre une vue imprenable sur les grands enjeux géopolitiques du monde. En ces temps de guerre, il tend aussi à l'Ukraine un miroir cruel. Pendant 10 ans, le Yalta European Forum s'est tenu sur les bords de la Mer noire. Cette année, il a fallu se replier sur Kiev, annexion de la Crimée par la Russie oblige. Tout un symbole. « J'ai l'impression que nous tenons ce sommet en exil », déplore Leonid Kushma.

    DSK venu en ami
    « Aucun Européen n'est prêt à mourir pour l'Ukraine. Ils ne sont même pas prêts à payer. Vous vous battez seuls », tranche Dominique Strauss-Kahn, venu en ami, comme chaque année. Au même moment, à Bruxelles, Karel de Gucht, le commissaire européen au Commerce, négociait avec le ministre de l'Economie russe un délai de 15 mois dans la mise en œuvre de l'accord de libre échange entre l'Union européenne et l'Ukraine. Le lien le plus tangible rattachant le pays à l'Ouest semble plus fragile que jamais.

    De quelque côté que l'on se tourne, les faits invitent au pessimisme. La guerre tire le pays vers le bas. Dans l'Est, sous le contrôle des indépendantistes soutenus par Moscou, le PIB devrait chuter d'environ 15% selon le Fonds monétaire international. « Les infrastructures sont systématiquement détruites », assure un participant. La moitié des mines de charbon du Dombas, principal ressource énergétique domestique, a été fermée. Alors que la Russie a interrompu depuis deux mois ses livraisons de gaz, faute d'un règlement des arriérés dus à Gazprom, le pays se prépare à un hiver difficile. « Il faut un accord (avec la Russie) sinon dans les jours au moins dans les semaines qui viennent », a pressé Valdis Dombrovskis, l'ancien Premier ministre letton qui deviendra en novembre vice-président de la Commission européenne.

    Les Ukrainiens retirent leurs dépôts
    Sur le front financier, le pays va devoir lancer une vaste recapitalisation de son secteur bancaire, jusqu'à 5% du PIB, selon le FMI, qu'il va falloir couvrir en partie ponctionner sur les oligarques qui dominent le secteur. « On va voir s'ils se prêtent au jeu », explique un expert. Dans le doute, les Ukrainiens retirent leurs dépôts et les convertissent en dollars ou en euros... ce qui mine les réserves de la banque centrale. La dette publique, qui était de 40% du PIB au moment des évènements de Maïdan, devrait dépasser les 70% d'ici deux ans. Et les recettes fiscales sont plombées par la corruption et la récession. « On parle depuis 10 ans de l'imminence d'un défaut... Ne vous inquiétez pas », tente de rassurer la gouverneure de la Banque centrale.

    Samedi la réalité des tensions internes est venue frapper à la porte du forum. Au moment où le commissaire européen Stefan Füle tente de rassurer un public sceptique après la suspension de l'accord d'association, une foule de manifestants s'est massée devant l'Arsenal. « Save veti.ua », indiquent les pancartes des manifestants qui dénonçaient un raid de la police contre ce site web russophone. La colère contre la corruption et la faiblesse du système judiciaire qui avait poussé des centaines de milliers d'Ukrainiens sur la place Maïdan l'hiver dernier a fait place à la déception. Le gouvernement en est encore à faire adopter la loi qui créera... une agence anti-corruption. « Il sera très difficile de changer ce pays d'ici à ce que l'on ai la paix », se défend le Premier Ministre Arseniy Yatselnouk. La poursuite des réformes est de surcroît désormais suspendu à la tenue d'élections le 26 octobre. La formation d'une nouvelle coalition gouvernementale ne sera pas difficile. Mais le renouvellement du parlement remplit la première condition pour engager la décentralisation, voire la fédéralisation du pays qui sera forcément au centre de toute solution dans l'Est du pays.

    L'option militaire semble écartée
    Le chemin d'une sortie par le haut de crise ukrainienne n'a jamais semblé aussi étroit. Et pourtant. Malgré la brutalité des faits, l'impression se dégageait au fil des débats du Forum qu'il existe bel et bien. Vendredi, Petro Poroshenko avait assuré qu'il n'y aurait « pas de solution militaire » dans l'Est du pays. « On sent un frémissement par rapport aux semaines passées. L'option militaire semble désormais écartée », juge un participant. Dans les jours à venir, les négociations sur le gaz reprendront. Mais le temps presse. « La meilleure chose à faire est de construire sur le cessez-le-feu et d'essayer très vite d'empêcher la récession », avait expliqué peu avant Dominique Strauss-Kahn. « Il n'y a aucune raison pour que la situation soit meilleure dans six mois ».

    la tribune fr
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