Ils sont salariés dans le privé, fonctionnaires dans le public, cadres supérieurs, employeurs, commerçants ou exerçant une profession libérale, ils touchent entre 50 000 et 200 000 DA par mois et se considèrent tous comme faisant partie de la classe moyenne.
Un concept aussi vague que flexible que les économistes et sociologues s’accordent à dire qu’il n’a pas une définition unique. Il peut en effet englober des niveaux de revenus, des catégories socio-professionnelles et des modes de vie et de consommation aux antipodes les uns des autres. L’une des définitions retenues par les chercheurs du Centre français d’analyse stratégique assimile «les classes moyennes au groupe d’individus moins riches que les plus favorisés et plus aisés que les moins favorisés». Une classe intermédiaire qui rend compte de l’ampleur des inégalités sociales entre, d’un côté, les classes pauvres et populaires, et de l’autre les riches et les plus aisés.
Dans le monde, on estime à environ 1,8 milliard le nombre d’individus composant cette catégorie médiane. Selon la Banque africaine de développement, ils seraient plus de 350 millions sur le continent noir. En Algérie, longtemps le constat a été fait d’une classe moyenne laminée par les effets du réajustement structurel et des choix économiques drastiques. Cependant, certains indicateurs observés depuis une décennie pourraient laisser penser à une résurgence de la classe moyenne.
Les salaires, la consommation ou l’accession sociale au logement ont tous augmenté, même si certains d’entre eux doivent être relativisés compte tenu de l’inflation. Le PIB par habitant est passé entre 2000 et 2013 de 1700 dollars à plus de 5600 dollars. Les différentes formules de l’Etat ont permis à de plus en plus de personnes d’accéder à la propriété (1,1 million). On estime que plus de 70% des chefs de famille sont propriétaires.Résultat, de plus en plus de gens se réclament de la classe moyenne, bien que parfois leur salaire varie du simple au double, voire au triple.
Indicateurs
L’enquête sur les salaires réalisée par l’office national des statistiques (ONS) en 2011 identifie le salaire moyen selon le secteur d’activité et le niveau de qualification (41 200 DA chez le public et 23 900 DA chez le privé), une hausse de 9% entre 2010 et 2011, relativisée certes par un niveau d’inflation trop élevé. Rien n’indique cependant à partir de quel niveau de revenu on peut considérer que des individus appartiennent à une catégorie médiane.Il y a quelques années, une étude commandée par un syndicat autonome fixait à plus 33 000 DA le salaire mensuel minimum pour vivre décemment. Aujourd’hui, on estime qu’il doit être à au moins 50 000 DA.
Il n’y a pas «de distribution des salaires, encore moins des revenus», observe Nacereddine Hammouda, statisticien et chercher au CREAD. Il admet tout de même que l’augmentation des salaires, ces dernières années, a permis «d’améliorer les conditions générales de vie d’un large pan de la société (essentiellement la classe moyenne et les salariés du secteur protégé)».
Large définition
Le critère du revenu diffère selon qu’on soit un pays développé ou pauvre. En France, par exemple, on estime que la classe moyenne englobe les individus dont les revenus mensuels se situent entre 2177 euros pour une personne seule à plus de 5621 euros pour un couple avec trois enfants et plus. En Afrique, en revanche, ce revenu est établi entre 2 et 10 dollars par jour. En Algérie, il faut s’en remettre à l’appréciation que se font les individus eux-mêmes de leur situation.
Les économistes admettent qu’il n’y a pas une seule classe, mais des classes moyennes, tant la définition peut regrouper des niveaux de revenus larges. Il y aurait donc une classe moyenne supérieure qui vit décemment, et une classe moyenne inférieure qui serait plus proche du seuil de pauvreté.
Avec 200 000 DA de revenus par mois, Mohamed et sa femme, cadres supérieurs dans le privé avec trois enfants, se considèrent comme faisant partie d’une classe moyenne. «Je ne suis ni riche ni pauvre», dit-il. Une fois défalquées toutes les dépenses incompressibles (factures d’eau et d’électricité, nourriture, voitures, télécoms, les enfants), il subsiste 25% des revenus, de quoi mettre un peu d’argent de côté, sachant que le couple ne peut pas se permettre l’acquisition d’un logement et qu’il occupe un bien familial. Quant aux vacances, c’est «difficilement» que la famille arrive à se les autoriser, et de toute manière pas chaque année. Elle peut néanmoins se permettre deux véhicules et des nourrices pour les enfants.
Pour la moitié de salaire, un autre couple de salariés, diplômés de l’enseignement supérieur, avec deux enfants, se dit aussi de la classe moyenne avec des revenus cumulés de 110 000 DA par mois. Pour eux, le critère n’est pas le niveau du salaire, mais plutôt les ressources disponibles pour les dépenses. «Nous sommes de la classe moyenne parce que tout ce que nous réalisons comme projet, c’est avec nos salaires. Les classes supérieures, elles, ont d’autres sources de revenus», explique Ilham.
Pourtant, un salaire moindre que le premier, ce couple a pu accéder à la propriété, un logement social, obtenu au forceps, après des années d’économie et des heures supplémentaires. A cela, il faut ajouter une voiture neuve, des loisirs pour les enfants, des vacances occasionnellement et même des sorties culturelles de temps à autre. Mais, «tout est planifié. Pas de gaspillage, pas de dépenses superflues, pas besoin d’un téléphone dernier cri, et on ne succombe pas facilement aux caprices des enfants, là où d’autres ne résisteraient pas», précise-t-elle.
C’est pour certains de ces critères que Ali, célibataire, s’exclut justement de la catégorie des classes moyennes. Avec un salaire d’à peine 30 000 DA dns une entreprise publique, ce comptable de 45 ans affirme ne «rien posséder, ni logement, ni voiture ni possibilité d’aller en vacances». Pour lui, figurer dans la classe moyenne suppose un salaire d’au moins 50 000 DA et au moins un logement.
Le critère consommation
Pour les économistes, certaines approches peuvent permettre d’appréhender l’existence ou pas d’une classe moyenne. Pour Nacereddine Hammouda, cela peut être à travers «les signes extérieurs de richesse» qui d’ailleurs se sont multipliés ces dernières années. Toutefois, le critère le plus objectif, estime le chercheur, réside dans «le niveau de consommation». Certains économistes identifient les classes moyennes par leur capacité à acquérir des biens de consommation «durables et coûteux». L’enquête menée par l’ONS en 2013 sur la consommation des ménages révélait que ce niveau a triplé en 10 ans (2000-2011), sans tenir compte de l’inflation, ni du poids du secteur informel.
Les données de l’enquête relèvent notamment que «la dépense augmente avec le niveau de vie». Certes, les dépenses pour le logement ont augmenté, mais en matière de biens de consommation non alimentaires, et hormis le transport et les communications, les autres postes (meubles et articles ménagers) n’ont pas augmenté d’une manière remarquable et ont même reculé légèrement pour certains. Près de 50% des dépenses de ce poste sont constituées de biens électroménagers.
Par ailleurs, Mthuli Ncube, économiste en chef et vice-président la Banque africaine de développement (BAD) indiquait dans une analyse sur les classes moyennes en Afrique que «les ménages de la classe moyenne sont enclins à dépenser davantage dans les services privés d’enseignement et de santé, ainsi que dans les équipements domestiques comme les téléviseurs et les réfrigérateurs».
Selon l’enquête de l’ONS, les ménages algériens consacrent moins de 3,5% à l’éducation, culture et loisir. Un poste de dépense qui a d’ailleurs reculé de 0,7% durant la période de référence.
Safia Berkouk
elwatan
Un concept aussi vague que flexible que les économistes et sociologues s’accordent à dire qu’il n’a pas une définition unique. Il peut en effet englober des niveaux de revenus, des catégories socio-professionnelles et des modes de vie et de consommation aux antipodes les uns des autres. L’une des définitions retenues par les chercheurs du Centre français d’analyse stratégique assimile «les classes moyennes au groupe d’individus moins riches que les plus favorisés et plus aisés que les moins favorisés». Une classe intermédiaire qui rend compte de l’ampleur des inégalités sociales entre, d’un côté, les classes pauvres et populaires, et de l’autre les riches et les plus aisés.
Dans le monde, on estime à environ 1,8 milliard le nombre d’individus composant cette catégorie médiane. Selon la Banque africaine de développement, ils seraient plus de 350 millions sur le continent noir. En Algérie, longtemps le constat a été fait d’une classe moyenne laminée par les effets du réajustement structurel et des choix économiques drastiques. Cependant, certains indicateurs observés depuis une décennie pourraient laisser penser à une résurgence de la classe moyenne.
Les salaires, la consommation ou l’accession sociale au logement ont tous augmenté, même si certains d’entre eux doivent être relativisés compte tenu de l’inflation. Le PIB par habitant est passé entre 2000 et 2013 de 1700 dollars à plus de 5600 dollars. Les différentes formules de l’Etat ont permis à de plus en plus de personnes d’accéder à la propriété (1,1 million). On estime que plus de 70% des chefs de famille sont propriétaires.Résultat, de plus en plus de gens se réclament de la classe moyenne, bien que parfois leur salaire varie du simple au double, voire au triple.
Indicateurs
L’enquête sur les salaires réalisée par l’office national des statistiques (ONS) en 2011 identifie le salaire moyen selon le secteur d’activité et le niveau de qualification (41 200 DA chez le public et 23 900 DA chez le privé), une hausse de 9% entre 2010 et 2011, relativisée certes par un niveau d’inflation trop élevé. Rien n’indique cependant à partir de quel niveau de revenu on peut considérer que des individus appartiennent à une catégorie médiane.Il y a quelques années, une étude commandée par un syndicat autonome fixait à plus 33 000 DA le salaire mensuel minimum pour vivre décemment. Aujourd’hui, on estime qu’il doit être à au moins 50 000 DA.
Il n’y a pas «de distribution des salaires, encore moins des revenus», observe Nacereddine Hammouda, statisticien et chercher au CREAD. Il admet tout de même que l’augmentation des salaires, ces dernières années, a permis «d’améliorer les conditions générales de vie d’un large pan de la société (essentiellement la classe moyenne et les salariés du secteur protégé)».
Large définition
Le critère du revenu diffère selon qu’on soit un pays développé ou pauvre. En France, par exemple, on estime que la classe moyenne englobe les individus dont les revenus mensuels se situent entre 2177 euros pour une personne seule à plus de 5621 euros pour un couple avec trois enfants et plus. En Afrique, en revanche, ce revenu est établi entre 2 et 10 dollars par jour. En Algérie, il faut s’en remettre à l’appréciation que se font les individus eux-mêmes de leur situation.
Les économistes admettent qu’il n’y a pas une seule classe, mais des classes moyennes, tant la définition peut regrouper des niveaux de revenus larges. Il y aurait donc une classe moyenne supérieure qui vit décemment, et une classe moyenne inférieure qui serait plus proche du seuil de pauvreté.
Avec 200 000 DA de revenus par mois, Mohamed et sa femme, cadres supérieurs dans le privé avec trois enfants, se considèrent comme faisant partie d’une classe moyenne. «Je ne suis ni riche ni pauvre», dit-il. Une fois défalquées toutes les dépenses incompressibles (factures d’eau et d’électricité, nourriture, voitures, télécoms, les enfants), il subsiste 25% des revenus, de quoi mettre un peu d’argent de côté, sachant que le couple ne peut pas se permettre l’acquisition d’un logement et qu’il occupe un bien familial. Quant aux vacances, c’est «difficilement» que la famille arrive à se les autoriser, et de toute manière pas chaque année. Elle peut néanmoins se permettre deux véhicules et des nourrices pour les enfants.
Pour la moitié de salaire, un autre couple de salariés, diplômés de l’enseignement supérieur, avec deux enfants, se dit aussi de la classe moyenne avec des revenus cumulés de 110 000 DA par mois. Pour eux, le critère n’est pas le niveau du salaire, mais plutôt les ressources disponibles pour les dépenses. «Nous sommes de la classe moyenne parce que tout ce que nous réalisons comme projet, c’est avec nos salaires. Les classes supérieures, elles, ont d’autres sources de revenus», explique Ilham.
Pourtant, un salaire moindre que le premier, ce couple a pu accéder à la propriété, un logement social, obtenu au forceps, après des années d’économie et des heures supplémentaires. A cela, il faut ajouter une voiture neuve, des loisirs pour les enfants, des vacances occasionnellement et même des sorties culturelles de temps à autre. Mais, «tout est planifié. Pas de gaspillage, pas de dépenses superflues, pas besoin d’un téléphone dernier cri, et on ne succombe pas facilement aux caprices des enfants, là où d’autres ne résisteraient pas», précise-t-elle.
C’est pour certains de ces critères que Ali, célibataire, s’exclut justement de la catégorie des classes moyennes. Avec un salaire d’à peine 30 000 DA dns une entreprise publique, ce comptable de 45 ans affirme ne «rien posséder, ni logement, ni voiture ni possibilité d’aller en vacances». Pour lui, figurer dans la classe moyenne suppose un salaire d’au moins 50 000 DA et au moins un logement.
Le critère consommation
Pour les économistes, certaines approches peuvent permettre d’appréhender l’existence ou pas d’une classe moyenne. Pour Nacereddine Hammouda, cela peut être à travers «les signes extérieurs de richesse» qui d’ailleurs se sont multipliés ces dernières années. Toutefois, le critère le plus objectif, estime le chercheur, réside dans «le niveau de consommation». Certains économistes identifient les classes moyennes par leur capacité à acquérir des biens de consommation «durables et coûteux». L’enquête menée par l’ONS en 2013 sur la consommation des ménages révélait que ce niveau a triplé en 10 ans (2000-2011), sans tenir compte de l’inflation, ni du poids du secteur informel.
Les données de l’enquête relèvent notamment que «la dépense augmente avec le niveau de vie». Certes, les dépenses pour le logement ont augmenté, mais en matière de biens de consommation non alimentaires, et hormis le transport et les communications, les autres postes (meubles et articles ménagers) n’ont pas augmenté d’une manière remarquable et ont même reculé légèrement pour certains. Près de 50% des dépenses de ce poste sont constituées de biens électroménagers.
Par ailleurs, Mthuli Ncube, économiste en chef et vice-président la Banque africaine de développement (BAD) indiquait dans une analyse sur les classes moyennes en Afrique que «les ménages de la classe moyenne sont enclins à dépenser davantage dans les services privés d’enseignement et de santé, ainsi que dans les équipements domestiques comme les téléviseurs et les réfrigérateurs».
Selon l’enquête de l’ONS, les ménages algériens consacrent moins de 3,5% à l’éducation, culture et loisir. Un poste de dépense qui a d’ailleurs reculé de 0,7% durant la période de référence.
Safia Berkouk
elwatan
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