La "découverte" d’une statistique du FMI par un éditorialiste américain, deux mois après sa publication, a fait le tour du monde : la Chine serait devenue en 2014 la première puissance économique mondiale devant les Etats-Unis, un événement qualifié de "tremblement de terre géopolitique".
Dans le même temps pourtant, d’autres analystes se basent sur une croissance du PIB chinois escomptée à 7% en 2014 (après 7,7% en 2012 et 2013), contre 10% en moyenne sur les 20 années précédentes (et des pics à plus de 14% - le double du taux attendu cette année – en 1992 et 2007), pour affirmer que l’émergence chinoise est terminée, et que l’économie mondiale a perdu sa nouvelle locomotive.
La deuxième économie mondiale
La première certitude est que la Chine n’est pas devenue la première puissance économique mondiale. Cette assertion, basée sur l’estimation en PPA (parité de pouvoir d’achat) des PIB de la Chine et des Etats-Unis, n’a pas de sens.
La PPA, qui tient compte des prix locaux payés pour un panier de référence de biens et services, est un outil précieux pour apprécier le niveau de vie réel d’une population. Mais pas pour comparer des puissances économiques. Ce n’est pas parce que l’adolescent vivant à Shanghai paie son hamburger et son smartphone 40% moins cher que celui vivant à New York, que la Chine est plus puissante économiquement que les Etats-Unis.
La réalité est que le PIB réel (nominal) de la Chine reste inférieur de 40% à celui des Etats-Unis - pour une population 4,5 fois supérieure.
Dès lors que l’on parle de puissance économique comparée, le poids des entreprises d’échelle globale est plus adapté que la PPA. Et le classement global établi par le magazine Fortune, avec 95 entreprises chinoises parmi les 500 premières mondiales en 2014, devant le Japon (57), mais derrière les Etats-Unis (128), donne une image plus conforme de la réalité de ce point de vue.
Un rôle qui reste moteur
A l’extrême inverse, les analyses affirmant que la Chine a perdu son rôle moteur pour l’économie mondiale sont tout aussi infondées.
Si elle n’a pas encore rattrapé les Etats-Unis, la Chine a connu une trajectoire économique sans précédent historique sur les 20 dernières années. Et le ralentissement en cours est tout simplement imputable en partie à un effet de masse, qui fait que l’on croît moins vite en termes relatifs quand le volume de départ est plus important.
La Chine de 1994 était une économie d’une taille comparable à celle de l’Espagne (et à 40% de celle de la France) avec une croissance de 14% ; celle de 2007 une économie d’une taille comparable à celle de l’Allemagne (et 1,4 fois celle de la France) avec une croissance à nouveau de 14%. La Chine de 2014 est une économie équivalant au double de celle du Japon (et 3,5 fois celle de la France) croissant de 7%.
Lorsque l’on rapporte cette progression à celle du PIB mondial, un constat s’impose : la croissance chinoise à 14% en 1994, représentait une croissance de 0,25% du PIB mondial. La croissance chinoise de 7% en 2014, tout comme celle de 14% en 2007, représente une croissance de 0,9% du PIB mondial.
Pilotage difficile
De 2,1% du PIB mondial (nominal) en 1994, la Chine est passée à 6,2% en 2007, puis 12,8% en 2014. Le pilotage de cette énorme machine est certes plus difficile que ne l’était celui de la Chine en début d’émergence, et explique aussi le ralentissement de la croissance chinoise.
L’équipe au pouvoir depuis octobre 2012, animée par une volonté de réformes, est confrontée au même constat que celles qui l’ont précédé : ces réformes ne sont possibles que sur les marges du système.
La Chine peut améliorer son système financier et le fonctionnement de ses entreprises ; mais pas remettre foncièrement en question un système basé sur l’investissement industriel, et son financement par un secteur bancaire public, sous peine de prendre le risque d’une implosion.
Et il lui faut gérer les problèmes liés à ce système, aux premiers rangs desquels on trouve des surcapacités industrielles et un impact élevé sur l’environnement.
Stratégie internationale
Loin de voir son importance reculer sur la scène économique mondiale, la Chine va au contraire accentuer sa présence, du fait d’une gestion de sa transition économique en cours qui a besoin de concours étrangers.
La Chine a en effet besoin d’alimenter son économie en technologies et en relais de croissance sur les marchés étrangers, pour la faire évoluer, tout autant qu’en matières premières, pour la faire fonctionner.
Sa stratégie d’investissements à l’étranger, qui a pris de l’ampleur depuis 2008 et les opportunités ouvertes par la crise financière internationale, n’en est de ce fait qu’à ses débuts. D’autant plus que, si le pays n’est toujours pas, loin s’en faut, la première économie mondiale, il est la première puissance en termes de capitaux à investir.
La Chine reste bel et bien une puissance émergente, et d’une taille sans équivalent ailleurs dans l’économie mondiale.
Par Jean-François Dufour, Directeur, DCA Chine-Analyse
Challenges
Dans le même temps pourtant, d’autres analystes se basent sur une croissance du PIB chinois escomptée à 7% en 2014 (après 7,7% en 2012 et 2013), contre 10% en moyenne sur les 20 années précédentes (et des pics à plus de 14% - le double du taux attendu cette année – en 1992 et 2007), pour affirmer que l’émergence chinoise est terminée, et que l’économie mondiale a perdu sa nouvelle locomotive.
La deuxième économie mondiale
La première certitude est que la Chine n’est pas devenue la première puissance économique mondiale. Cette assertion, basée sur l’estimation en PPA (parité de pouvoir d’achat) des PIB de la Chine et des Etats-Unis, n’a pas de sens.
La PPA, qui tient compte des prix locaux payés pour un panier de référence de biens et services, est un outil précieux pour apprécier le niveau de vie réel d’une population. Mais pas pour comparer des puissances économiques. Ce n’est pas parce que l’adolescent vivant à Shanghai paie son hamburger et son smartphone 40% moins cher que celui vivant à New York, que la Chine est plus puissante économiquement que les Etats-Unis.
La réalité est que le PIB réel (nominal) de la Chine reste inférieur de 40% à celui des Etats-Unis - pour une population 4,5 fois supérieure.
Dès lors que l’on parle de puissance économique comparée, le poids des entreprises d’échelle globale est plus adapté que la PPA. Et le classement global établi par le magazine Fortune, avec 95 entreprises chinoises parmi les 500 premières mondiales en 2014, devant le Japon (57), mais derrière les Etats-Unis (128), donne une image plus conforme de la réalité de ce point de vue.
Un rôle qui reste moteur
A l’extrême inverse, les analyses affirmant que la Chine a perdu son rôle moteur pour l’économie mondiale sont tout aussi infondées.
Si elle n’a pas encore rattrapé les Etats-Unis, la Chine a connu une trajectoire économique sans précédent historique sur les 20 dernières années. Et le ralentissement en cours est tout simplement imputable en partie à un effet de masse, qui fait que l’on croît moins vite en termes relatifs quand le volume de départ est plus important.
La Chine de 1994 était une économie d’une taille comparable à celle de l’Espagne (et à 40% de celle de la France) avec une croissance de 14% ; celle de 2007 une économie d’une taille comparable à celle de l’Allemagne (et 1,4 fois celle de la France) avec une croissance à nouveau de 14%. La Chine de 2014 est une économie équivalant au double de celle du Japon (et 3,5 fois celle de la France) croissant de 7%.
Lorsque l’on rapporte cette progression à celle du PIB mondial, un constat s’impose : la croissance chinoise à 14% en 1994, représentait une croissance de 0,25% du PIB mondial. La croissance chinoise de 7% en 2014, tout comme celle de 14% en 2007, représente une croissance de 0,9% du PIB mondial.
Pilotage difficile
De 2,1% du PIB mondial (nominal) en 1994, la Chine est passée à 6,2% en 2007, puis 12,8% en 2014. Le pilotage de cette énorme machine est certes plus difficile que ne l’était celui de la Chine en début d’émergence, et explique aussi le ralentissement de la croissance chinoise.
L’équipe au pouvoir depuis octobre 2012, animée par une volonté de réformes, est confrontée au même constat que celles qui l’ont précédé : ces réformes ne sont possibles que sur les marges du système.
La Chine peut améliorer son système financier et le fonctionnement de ses entreprises ; mais pas remettre foncièrement en question un système basé sur l’investissement industriel, et son financement par un secteur bancaire public, sous peine de prendre le risque d’une implosion.
Et il lui faut gérer les problèmes liés à ce système, aux premiers rangs desquels on trouve des surcapacités industrielles et un impact élevé sur l’environnement.
Stratégie internationale
Loin de voir son importance reculer sur la scène économique mondiale, la Chine va au contraire accentuer sa présence, du fait d’une gestion de sa transition économique en cours qui a besoin de concours étrangers.
La Chine a en effet besoin d’alimenter son économie en technologies et en relais de croissance sur les marchés étrangers, pour la faire évoluer, tout autant qu’en matières premières, pour la faire fonctionner.
Sa stratégie d’investissements à l’étranger, qui a pris de l’ampleur depuis 2008 et les opportunités ouvertes par la crise financière internationale, n’en est de ce fait qu’à ses débuts. D’autant plus que, si le pays n’est toujours pas, loin s’en faut, la première économie mondiale, il est la première puissance en termes de capitaux à investir.
La Chine reste bel et bien une puissance émergente, et d’une taille sans équivalent ailleurs dans l’économie mondiale.
Par Jean-François Dufour, Directeur, DCA Chine-Analyse
Challenges