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La consommation "bio" : business ou militantisme ?

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  • La consommation "bio" : business ou militantisme ?

    Pour lutter contre la pauvreté dans le monde et contre la pollution, suffit-il de manger "bio" et d'acheter des produits issus du commerce équitable ? La question préoccupe la presse londonienne, car les consommateurs britanniques ont dépensé 2,4 milliards d'euros en 2005 pour des produits "bio".

    "N'attendez pas que le gouvernement réagisse... ce qui est vraiment fantastique, avec le commerce équitable, c'est que vous pouvez agir en allant faire vos courses", scandent les promoteurs du commerce équitable. Mais tout n'est pas si simple, affirme The Economist. "L'idée selon laquelle la consommation est une nouvelle façon de s'engager politiquement est certainement séduisante. Oubliez votre bulletin de vote : votez plutôt avec votre chariot de supermarché. Les élections se produisent relativement rarement, mais vous faites sans doute vos courses plusieurs fois par mois, ce qui vous donne beaucoup d'occasions d'exprimer vos opinions. Et le plus du shopping, c'est que c'est sympa, contrairement à aller voter ; on peut donc faire du bien tout en s'amusant", ironise l'hebdomadaire britannique.

    Pourtant, "il y a de bonnes raisons de douter des bienfaits de trois des comportements alimentaires 'éthiques' les plus populaires : les aliments biologiques, le commerce équitable et la promotion de l'agriculture locale", avance le magazine économique, qui explique les limites des trois concepts. "L'agriculture biologique, qui n'utilise pas de pesticides, est censée être plus écologique que l'agriculture intensive traditionnelle. Mais produire la même quantité de nourriture avec les méthodes 'bio' demanderait une déforestation massive. Quant au commerce équitable, il vise à augmenter le revenu des agriculteurs pauvres. Mais le système a des effets pervers. Les produits sont plus chers, et la majorité de la plus-value va au revendeur, pas à l'agriculteur. Cela donne aux consommateurs riches l'impression de donner beaucoup pour éradiquer la pauvreté, alors qu'il n'en est rien. Enfin, la promotion de l'agriculture locale pour économiser les coûts de transport n'est pas forcément une bonne solution. Elever des moutons en Nouvelle-Zélande et transporter la viande jusqu'au Royaume-Uni peut revenir moins cher que de les élever sur place."

    "La 'nourriture saine' est un grand business", remarque le Daily Telegraph. "Il se dépense chaque année dans le monde 85 milliards d'euros d'eaux minérales en bouteille. En 2004, le marché européen des oméga-3 représentait 150 millions d'euros. Et, rien qu'au Royaume-Uni, nous avons dépensé pour 2,4 milliards d'euros d'aliments bio en 2005", rapporte le quotidien britannique. "Les producteurs font fortune grâce à notre naïveté. Le pire, c'est le mythe qui dit que 'le bio, c'est mieux'. Par exemple, quand vous achetez de la viande, la question cruciale est de savoir si elle a été conservée dans de bonnes conditions plutôt que de savoir si l'animal a été soumis à un régime alimentaire 100 % naturel. Contrairement à ce que dit un marketing astucieux, qui joue sur nos peurs sanitaires, et au battage publicitaire fait par des ambassadeurs aussi prestigieux que le prince Charles, la nourriture biologique n'est pas un gage d'excellence", affirme le quotidien britannique.

    La London Review of Books remarque aussi le développement de la tendance à adopter un mode de vie "éthique" ; manger bio, recycler, penser 'vert'. Plusieurs livres sont récemment sortis sur le sujet. Ce qui inspire ce commentaire à l'éditorialiste : "Dans un tel climat, il est facile de se dire 'écolo'. Aucune taxe n'a été imposée. Dans ce retour à l'authenticité, il n'y a rien qui puisse réellement déranger Gordon Brown, probable successeur de Tony Blair, ou David Cameron, leader des conservateurs, qui jouent tous deux les écolos mais qui sont beaucoup moins convaincus quand il s'agit de prendre des mesures gouvernementales qui pourraient restreindre les libertés individuelles ou le libre-échange. 'Nous avons tous notre rôle à jouer dans les choix que nous faisons en tant qu'individus, en tant qu'entreprises, ou en tant que foyers', a dit Cameron, avant d'ajouter que ce n'était pas au gouvernement de dire aux gens de se comporter différemment, par exemple en prenant moins l'avion. Cameron se présente comme un conservateur d'un nouveau genre, un conservateur 'bio', et pour l'instant ça ne lui a pas coûté un sou. Alors, c'est très bien de ne pas faire ses courses au supermarché – si on en a les moyens –, mais acheter le bon type d'ampoule électrique n'entraînera jamais de changement radical", affirme l'éditorialiste de la revue littéraire londonienne.

    "Les gens qui veulent faire de la terre un monde meilleur ne peuvent pas le faire simplement en changeant leurs habitudes de shopping : transformer la planète exige davantage", estime The Economist. "Les objectifs des mouvements éthiques – protéger l'environnement, encourager le développement et corriger les méfaits du capitalisme – sont admirables. Le problème est dans les moyens, pas dans les fins. Aucune quantité de café équitable n'éliminera la pauvreté, et l'agriculture biologique ne sauvera pas la planète. Alors, que doit faire le consommateur éthiquement concerné ? Des choses moins sympas que le shopping, malheureusement. Un vrai changement exige des actions de la part des gouvernements, sous la forme d'une taxe sur le carbone, la réforme du commerce mondial et l'abolition des droits de douane et des subventions agricoles, et notamment de l'horrible politique agricole commune (PAC) européenne. Mais ces changements ne se feront qu'avec des accords internationaux difficiles, que les gouvernements du monde n'ont pas réussi à signer jusqu'à maintenant", explique The Economist.

    Néanmoins, "cette frénésie 'éthique' est source d'espoir", estime le magazine économique. "Elle signifie que, si les hommes politiques se décident à traiter ces questions, ils auront le soutien de la population. L'idée de changer le monde en votant avec son chariot de supermarché est séduisante. Mais, si les consommateurs veulent réellement changer le monde, il faut voter en mettant un bulletin dans l'urne", conclut l'hebdomadaire britannique.

    Par le Courrier International
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