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Obstacles à l’investissement

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    Trois récits pour raconter la « misère » des affaires en Algérie

    Il est tous les jours question d’un climat des affaires qui, en Algérie, s’oriente dans la direction opposée de celle des indicateurs financiers du pays. Pourquoi ? Comment ? Trois petites histoires pour voir que les obstacles sont partout. Mais aussi pas irrémédiables.

    Les indices évaluant le climat des affaires persistent à être désastreux pour l’Algérie en 2006. L’indice synthétique de compétitivité proposé par la Banque mondiale situe l’Algérie au 116e rang mondial, « en progrès » de sept places par rapport à 2005. Ce classement n’est pas le pire. Le détail dévoile toute la complexité de l’acte d’investir et de « faire des affaires » en Algérie aux yeux des normes parfois discutables il est vrai retenues par la Banque mondiale. Ainsi l’Algérie est classé 120e pays dans le monde pour la difficulté de démarrer une affaire, 117e pour obtenir des autorisations, 152e pour enregistrer la propriété, 117e pour l’accès au crédit, 169e pour le paiement des taxes et 109e pour le transit aux frontières. L’Algérie est du mauvais côté de la moyenne de la région à laquelle elle appartient Moyen-Orient/Afrique du Nord pour la quasi totalité des indices comprenant par exemple le nombre de procédures pour lancer une affaire, obtenir une autorisation, enregistrer un brevet, accéder à un crédit bancaire ou payer ses impôts. Les indices de la Banque mondiale n’évoquent pas la corruption dans ce maquis des affaires. Elle est latente derrière chaque procédure même si elle n’explique pas toujours la rigidité du système. Mais comment donc les investisseurs ou les opérateurs déjà installés finissent-ils par se perdre un jour ou l’autre dans ce capharnaüm algérien tant décrié, toujours prospère ? Le récit suivant des petites misères des acteurs de l’économie, actuels ou futurs, grands ou petits, nationaux ou étrangers, peut aider à mieux poser les diagnostics.

    Le président Bouteflika n’a pas le temps

    Cette « affaire » a été éventé par « El Watan ». C’est un cas d’échec d’investissement direct étranger par recours à la reprise d’entreprise nationale privatisable. La société allemande Pfleiderer Europoles, un des plus grands fabricants de mâts et de tours en Europe, a dans le cadre de son expansion à l’international, avancé durant plus de cinq mois dans des négociations pour le rachat de Infrafer en Algérie. Dans la corbeille de la dote ? Un projet de nouvelle usine de production de mâts en béton au débouché garanti par l’ambitieux programme public d’extension du réseau ferroviaire, un transfert de savoir-faire et la formation en Allemagne du personnel d’encadrement. Les interlocuteurs sont très intéressés. Mais deviennent discordants au fur et à mesure que le dossier remonte vers le haut de l’Etat : Infrafer, SGP, ministère des Participations, conseil national de l’investissement piloté par la chefferie du gouvernement en théorie, par la présidence de la République de plus en plus dans les faits. La valse-hésitation décourage les Allemands qui plient bagage avec la vague promesse de chercher un partenaire privé algérien qui n’a pas besoin des délibérations « administratives » pour s’engager. Le diagnostic est connu ici. Les entreprises publiques économiques n’ont pas l’autonomie requise pour piloter des partenariats capitalistiques. L’engagement de céder du patrimoine public est resté politique et donc centralisé. En dépit de tous les discours contraires. Le temps des arbitrages présidentiels n’est pas le temps des décisions d’investissement. La privatisation d’Infrafer au profit de Pfleiderer Europoles ou d’un autre aura dépendu de l’attention qu’aurait pu lui donner ou ne pas lui donner le premier cercle présidentiel, lui-même en panne de son premier animateur.

    Le Wali d’Alger n’aime pas la cuisine française

    Cette affaire est symptomatique du génie de l’administration pour ajouter des obstacles. Akli Ourad est un algérien résidant en Angleterre, expert international des systèmes routiers et des infrastructures de transport, il a fait le tour du monde durant 15 années avant de décider d’investir dans son pays d’origine. Il s’associe pour cela à Lionel Jounault, grand chef français qui a exercé ses talents dans les hôtels El Aurassi et Hilton à Alger durant des années qui lui ont fait aimer cette ville. Dans les bagages, un premier million d’euros pour acquérir une superbe villa à El Djamila, l’aménager et préparer les acquisitions de matériel pour lancer un restaurant 4 étoiles de création culinaire. La première partie de l’investissement se déroule bien en dépit de délais à rallonge. Les commissions d’habilitation de la mairie de Aïn Benian puis de la daïra de Chéraga donnent leur accord. La commission de wilaya enquête à son tour. Tous les départements sont sur le pont : hygiène, santé, Protection civile, après enquête auprès des riverains. Avis favorable. L’arrêté arrive pour signature dans le parapheur du wali d’Alger à la fin de l’été 2006. Et puis plus rien. Les informations filtrent au compte-gouttes. Les investisseurs apprennent que tous les projets figurant dans la zone d’expansion touristique d’El Djamila sont mis en stand-by. M. Ourad n’est pas ingénieur de travaux publics pour rien. Il fouille la cartographie et découvre que son projet de restaurant ne se situe pas dans la délimitation de la ZET. Le wali d’Alger le savait-il ? Quand bien même le restaurant 4 étoiles était-il dans la ZET, une telle activité est-elle à contre-emploi ? Quatre mois perdus pour rien et la tentation du renoncement qui affleure. Le président Bouteflika a lancé l’autre semaine un appel aux binationaux pour qu’ils viennent investir dans leur pays d’origine. Le wali d’Alger était dans la salle. Une scène d’une telle absurdité.

    Le chef du centre Sonelgaz de Tipaza négocie dans le noir

    Cette affaire est celle qui ressemble le plus au lot quotidien des industriels en Algérie. Bellali Mokhtar est un céramiste baroudeur. Il a appris son métier en Italie où il a séjourné plus de dix ans avant de s’installer à la fin des années 80 dans la zone d’activité de Bou Ismaïl où il est l’un des rares petits producteurs à ne pas avoir cédé ses locaux à son voisin boulimique, Tonic Emballage. Au lancement de son activité, il doit faire face à un énorme imprévu : la zone d’activité est dépourvue des utilités. Pas d’eau, pas de moyenne tension électrique, pas de gaz naturel, pas de téléphone, pas de bitume. Il faut inventer des systèmes D en attendant les promesses de « l’Etat ». Ce sont les années « glorieuses » des pionniers de l’économie privée. Sur lesquelles viennent s’empiler les tensions des années du terrorisme. La Sarl de Bellali traverse l’enfer à clochepied. Chiffre d’affaires moyen, personnel réduit, clients volatiles. Puis c’est l’invasion de la céramique chinoise. Le coup de grâce. Il faut se redéployer au plus vite. Le boom de la construction vient à la rescousse. L’unité maîtrise le modélisme et la cuisson, elle se reconvertit acrobatiquement dans les tuiles artistiques et de grandes séries. Pour la première fois depuis 18 ans l’horizon s’éclaircit. M. Bellali envisage de s’étendre pour faire face à la demande. C’est soudainement le moment du clash. A l’algérienne. Un releveur de Sonelgaz accuse l’unité de Bou Ismaïl d’avoir débranché des fils sur le compteur électronique de la consommation électrique au mois de juillet dernier. Le patron jure de sa bonne foi : « S’il y avait eu intention de frauder, jamais le releveur n’aurait trouvé des fils débranchés après s’être annoncé à la porte. Il a été conduit tranquillement vers le local technique en toute confiance. » L’histoire ne peut épiloguer sur un litige finalement banal sous nos latitudes, mais devient épicée lorsqu’elle étale ses dégâts. Le chef du centre Sonelgaz de Tipaza fixe à 180 millions de centimes la facture de la Sarl pour le mois de juillet. M. Bellali fait appel, se rend compte au passage que Sonelgaz ne prélevait pas depuis de longues années sa consommation en gaz naturel et que le soupçon de sous-déclaration venait sans doute de là, lui qui paye en moyenne mensuelle 24.000 DA environ pour le courant électrique. Au premier contentieux, c’est le conflit. Sonelgaz coupe toute énergie à l’unité début novembre dernier. Les fours s’arrêtent, les tuiles en attente de cuisson sont perdues, le personnel, essentiellement féminin, est mis au chômage technique. La négociation va se poursuivre dans le noir. Cette fois, le préjudice à l’investissement économique n’est pas du fait d’une instance politique ou d’une administration pointilleuse, mais d’un litige commercial mal régulé. Les dégâts sont encore plus grands car l’activité existe déjà.

    Un premier geste avec l’administration fiscale

    L’absence d’instances d’arbitrage et de prévention des conflits est une autre source d’orage sous le climat des affaires en Algérie. La loi de finances pour 2007 a esquissé un geste pour régler plus souplement les litiges avec l’administration fiscale. Dans le cas de la fourniture d’énergie fallait-il couper sans forme de procès une activité industrielle cliente régulière de Sonelgaz depuis près de 20 ans ? Le juge en référé du tribunal de Koléa a jugé le procédé cavalier qui a ordonné le branchement du courant en attendant que le litige soit jugé sur le fond. Bellali Mokhtar parle pour la première fois de vendre et de repartir en Italie. Akli Ourad aussi. Les Allemands eux ne sont pas encore revenus.

    El Kadi Ihsane EL WATAN
    There's nothing wrong with being shallow as long as you're insightful about it.
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