Voici un excellent article paru au Q.O et je voudrais qu'il serve de base de disscuion à l'approche de Forum de Davos et celui Porto Allégre (26-01-2005).
Par Smaïl Goumeziane Ancien Ministre, Professeur Université Paris Ix, Dauphiné
On ne cesse de vanter les performances réalisées en termes de croissance par plusieurs pays en développement. Il en est ainsi de la Chine, de la Corée du Sud,
de certains pays d´Amérique latine et d´Afrique. L´Algérie n´est pas en reste avec des taux de croissance de 6,8% en 2003 et de 5,8% en 2004. Tout cela est vrai.
Mais, peut-on, pour autant, parler de convergence ou de rattrapage des pays développés? A y regarder de plus près, la réalité est toute autre.
Depuis plus de 10 ans, c´est à une véritable dérive économique des continents que l´on assiste. Que ce soit en termes de richesse nationale (PIB à parité de pouvoir d´achat) ou de richesse individuelle (PIB par habitant à parité de pouvoir d´achat), les écarts absolus entre pays développés et pays en développement ne cessent de s´élargir.
1- Ainsi, en termes globaux, entre 1993 et 2003, alors que le PIB global des Etats-Unis, à parité de pouvoir d´achat, s´accroît de 6.226 à 9.580 milliards de dollars, celui de la France passe de 1.068 à 1.438 milliards de dollars.
Au cours de la même période, dans le continent asiatique, celui de la Chine passe de 3.503 à 5.947 milliards de dollars, et celui de la Corée du Sud de 503 à 871 milliards de dollars.
En Amérique latine le PIB brésilien passe de 884 à 1.241 milliards de dollars, et celui du Mexique de 621 à 866 milliards de dollars. Enfin, en Afrique, le PIB Sud-Africain passe de 172 à 413 milliards de dollars et celui de l´Algérie de 84 à 173 milliards de dollars.
2- Ce faisant, les écarts de richesse nationale par rapport aux Etats-Unis se sont creusés:
- De 5.158 à 8.142 milliards de dollars pour la France, soit plus 57,9%
- De 2.723 à 3.633 milliards de dollars pour la Chine, soit plus 33,4%
- De 5.723 à 8.709 milliards de dollars pour la Corée du Sud, soit plus 52,2%
- De 5.342 à 8.339 milliards de dollars pour le Brésil, soit plus 56,1%
- De 5.605 à 8.714 milliards de dollars pour le Mexique, soit plus 55,5%
- De 6.054 à 9.167 milliards de dollars pour l´Afrique du Sud, soit plus 51,4%
- De 6.142 à 9.407 milliards de dollars pour l´Algérie, soit plus 53,2%
3- En termes de richesse individuelle, on assiste au même processus d´aggravation des écarts. Alors que le revenu annuel par habitant, à parité de pouvoir d´achat, des Etats-Unis augmente de 23.640 à 32.997 dollars, celui de la France passe de 18.367 à 23.799 dollars. Pendant ce temps, en Asie, celui du Chinois passe de 2.897 à 4.621 dollars, et celui du Sud-Coréen de 11.213 à 18.034 dollars.
En Amérique latine, le revenu du Brésilien passe de 5.466 à 6.819 dollars, et celui du Mexicain de 5.605 à 8.714 dollars. Enfin, sur le Vieux Continent, celui du Sud-Africain passe de 4.056 à 9.655 dollars, et celui de l´Algérien de 3.761 à 5.940 dollars.
4- Dès lors, les écarts de richesse individuelle par rapport aux Etats-Unis se sont aggravés:
- De 5.273 à 9.198 dollars pour le Français, soit plus 74,4%
- De 20.743 à 28.376 dollars pour le Chinois, soit plus 36,8%
- De 12.427 à 14.963 dollars pour le Sud-Coréen, soit plus 20,4%
- De 18.174 à 26.179 dollars pour le Brésilien, soit plus 44%
- De 18.035 à 24.283 dollars pour le Mexicain, soit plus 34,6%
- De 19.584 à 23.342 dollars pour le Sud-Africain, soit plus 19,2%
- De 19.879 à 27.057 dollars pour l´Algérien, soit plus 36,1%
A noter le «décrochage» relatif important pour le Français (+74,4%), et le «faible» décrochage relatif pour le Sud-Coréen (+20,4%) et le Sud-Africain (+19,2%).
5- Ainsi, avec la mondialisation ultra-libérale, en une dizaine d´années, l´Américain moyen est celui dont la richesse individuelle, déjà la plus élevée au départ, a le plus augmenté (+ 9.357 dollars). Autrement dit, au cours de cette période, lorsqu’un Américain moyen a empoché 100 dollars de plus,
- Le Sud-Coréen a gagné 73 dollars
- Le Sud-Africain 59,8 dollars
- Le Français 58 dollars
- Le Mexicain 33,2 dollars
- L´Algérien 23,3 dollars
- Le Chinois 18,5 dollars
- Le Brésilien 14,5 dollars
A noter que le Sud-Coréen et le Sud-Africain ont mieux amélioré leurs revenus individuels que le Français.
C´est dire que les efforts fournis par les pays en développement, dans le cadre de la mondialisation ultra- libérale, pour améliorer les revenus de leurs populations, symbolisés par les taux de croissance observés, conduisent indirectement, (et inéluctablement?) à accroître davantage encore, ceux des Américains. Du point de vue de ces pays, il est clair que lorsqu´un Chinois fait l´effort d´obtenir
1 dollar de plus, il en fait gagner 5,4 à l´Américain!
De façon imagée, les Etats-Unis, locomotive de l´économie mondiale, auraient la particularité de rouler plus vite que les wagons qui suivent! Comment ne pas conclure que la mondialisation profite, à l´évidence, davantage aux Etats-Unis qu´au reste du monde? Et que c´est une des raisons de l´hyper-puissance américaine, puisque désormais celle-ci dispose d´un tiers de la richesse mondiale?
Dès lors, puisque le rattrapage est, dans ces conditions, un leurre, ne serait-il pas temps de concevoir un autre type de développement, plus humain et plus durable?
In le Quotidien d'Oran du 24-01-2005
Par Smaïl Goumeziane Ancien Ministre, Professeur Université Paris Ix, Dauphiné
On ne cesse de vanter les performances réalisées en termes de croissance par plusieurs pays en développement. Il en est ainsi de la Chine, de la Corée du Sud,
de certains pays d´Amérique latine et d´Afrique. L´Algérie n´est pas en reste avec des taux de croissance de 6,8% en 2003 et de 5,8% en 2004. Tout cela est vrai.
Mais, peut-on, pour autant, parler de convergence ou de rattrapage des pays développés? A y regarder de plus près, la réalité est toute autre.
Depuis plus de 10 ans, c´est à une véritable dérive économique des continents que l´on assiste. Que ce soit en termes de richesse nationale (PIB à parité de pouvoir d´achat) ou de richesse individuelle (PIB par habitant à parité de pouvoir d´achat), les écarts absolus entre pays développés et pays en développement ne cessent de s´élargir.
1- Ainsi, en termes globaux, entre 1993 et 2003, alors que le PIB global des Etats-Unis, à parité de pouvoir d´achat, s´accroît de 6.226 à 9.580 milliards de dollars, celui de la France passe de 1.068 à 1.438 milliards de dollars.
Au cours de la même période, dans le continent asiatique, celui de la Chine passe de 3.503 à 5.947 milliards de dollars, et celui de la Corée du Sud de 503 à 871 milliards de dollars.
En Amérique latine le PIB brésilien passe de 884 à 1.241 milliards de dollars, et celui du Mexique de 621 à 866 milliards de dollars. Enfin, en Afrique, le PIB Sud-Africain passe de 172 à 413 milliards de dollars et celui de l´Algérie de 84 à 173 milliards de dollars.
2- Ce faisant, les écarts de richesse nationale par rapport aux Etats-Unis se sont creusés:
- De 5.158 à 8.142 milliards de dollars pour la France, soit plus 57,9%
- De 2.723 à 3.633 milliards de dollars pour la Chine, soit plus 33,4%
- De 5.723 à 8.709 milliards de dollars pour la Corée du Sud, soit plus 52,2%
- De 5.342 à 8.339 milliards de dollars pour le Brésil, soit plus 56,1%
- De 5.605 à 8.714 milliards de dollars pour le Mexique, soit plus 55,5%
- De 6.054 à 9.167 milliards de dollars pour l´Afrique du Sud, soit plus 51,4%
- De 6.142 à 9.407 milliards de dollars pour l´Algérie, soit plus 53,2%
3- En termes de richesse individuelle, on assiste au même processus d´aggravation des écarts. Alors que le revenu annuel par habitant, à parité de pouvoir d´achat, des Etats-Unis augmente de 23.640 à 32.997 dollars, celui de la France passe de 18.367 à 23.799 dollars. Pendant ce temps, en Asie, celui du Chinois passe de 2.897 à 4.621 dollars, et celui du Sud-Coréen de 11.213 à 18.034 dollars.
En Amérique latine, le revenu du Brésilien passe de 5.466 à 6.819 dollars, et celui du Mexicain de 5.605 à 8.714 dollars. Enfin, sur le Vieux Continent, celui du Sud-Africain passe de 4.056 à 9.655 dollars, et celui de l´Algérien de 3.761 à 5.940 dollars.
4- Dès lors, les écarts de richesse individuelle par rapport aux Etats-Unis se sont aggravés:
- De 5.273 à 9.198 dollars pour le Français, soit plus 74,4%
- De 20.743 à 28.376 dollars pour le Chinois, soit plus 36,8%
- De 12.427 à 14.963 dollars pour le Sud-Coréen, soit plus 20,4%
- De 18.174 à 26.179 dollars pour le Brésilien, soit plus 44%
- De 18.035 à 24.283 dollars pour le Mexicain, soit plus 34,6%
- De 19.584 à 23.342 dollars pour le Sud-Africain, soit plus 19,2%
- De 19.879 à 27.057 dollars pour l´Algérien, soit plus 36,1%
A noter le «décrochage» relatif important pour le Français (+74,4%), et le «faible» décrochage relatif pour le Sud-Coréen (+20,4%) et le Sud-Africain (+19,2%).
5- Ainsi, avec la mondialisation ultra-libérale, en une dizaine d´années, l´Américain moyen est celui dont la richesse individuelle, déjà la plus élevée au départ, a le plus augmenté (+ 9.357 dollars). Autrement dit, au cours de cette période, lorsqu’un Américain moyen a empoché 100 dollars de plus,
- Le Sud-Coréen a gagné 73 dollars
- Le Sud-Africain 59,8 dollars
- Le Français 58 dollars
- Le Mexicain 33,2 dollars
- L´Algérien 23,3 dollars
- Le Chinois 18,5 dollars
- Le Brésilien 14,5 dollars
A noter que le Sud-Coréen et le Sud-Africain ont mieux amélioré leurs revenus individuels que le Français.
C´est dire que les efforts fournis par les pays en développement, dans le cadre de la mondialisation ultra- libérale, pour améliorer les revenus de leurs populations, symbolisés par les taux de croissance observés, conduisent indirectement, (et inéluctablement?) à accroître davantage encore, ceux des Américains. Du point de vue de ces pays, il est clair que lorsqu´un Chinois fait l´effort d´obtenir
1 dollar de plus, il en fait gagner 5,4 à l´Américain!
De façon imagée, les Etats-Unis, locomotive de l´économie mondiale, auraient la particularité de rouler plus vite que les wagons qui suivent! Comment ne pas conclure que la mondialisation profite, à l´évidence, davantage aux Etats-Unis qu´au reste du monde? Et que c´est une des raisons de l´hyper-puissance américaine, puisque désormais celle-ci dispose d´un tiers de la richesse mondiale?
Dès lors, puisque le rattrapage est, dans ces conditions, un leurre, ne serait-il pas temps de concevoir un autre type de développement, plus humain et plus durable?
In le Quotidien d'Oran du 24-01-2005
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