Le marché de la téléphonie mobile en Algérie a connu un essor considérable ces dernières années. S’ils ne sont que trois opérateurs, un public (Mobilis) et deux privés (Djezzy et Nedjma) à proposer des prestations de service dans ce secteur, ils sont par contre de plus en plus nombreux entre grossistes, importateurs et vendeurs au détail d’appareils portables à verser dans cette activité devenue très rentable pour un potentiel de plus de 20 millions d’abonnés. Un marché qui brasse des millions de dollars annuellement.
Belfort ou l’illusion des bas prix
En ce dimanche matin de janvier, la rue Cheikh- Bouamama 1871 dans le quartier de Belfort grouille de chalands. Ce sont pour la plupart des vendeurs au détail ou des grossistes qui viennent d’Oran, de Tlemcen, de Bordj-Bou- Arréridj, de Chlef et d’autres wilayas du pays pour s’approvisionner en appareils et autres accessoires de téléphonie mobile. "Le marché de Belfort a vu le jour après qu’un importateur eut pensé à créer un endroit dédié au commerce du portable à l’instar du marché du Hamiz pour l’électroménager ou celui du 5-Juillet pour l’habillement féminin", nous dira un jeune rencontré sur place. Même si le nombre de boutiques ne dépasse pas la cinquantaine, la rue Cheikh- Bouamama 1871 est devenue par la force des choses la plaque tournante du commerce du portable en Algérie.
Dans ce véritable carrefour, commerçants "légaux" et "illégaux" se côtoient. L’approvisionnement est assuré par des importateurs en majorité des Algérois loin devant les Sétifiens. A priori, tout le monde trouve son compte. A priori seulement car en fait ce sont surtout les grossistes achetant en grandes quantités qui font de bonnes affaires et ce sont eux qui profitent des remises. "Pour la vente au détail, les tarifs sont pratiquement les mêmes que ceux appliqués dans les boutiques du centre-ville", nous avoue un acheteur. Chose que nous confirmons sans difficulté en comparant les prix de certains produits. Jugez-en de vous-même, un kit mains libres pour un portable Nokia 6230 est cédé à 350 DA à Belfort. Nous avons trouvé le même accessoire pour 300 DA dans une boutique du centre de la capitale.
Comme pour toute activité commerciale, les fluctuations des prix sont directement influencées par les spéculations des intermédiaires qui interviennent entre les importateurs et les acheteurs. Et le commerce du téléphone portable ne déroge pas à la règle. A Belfort, ces intermédiaires à l’esprit mercantile bien aiguisé déterminent indirectement la marge bénéficiaire sur chaque produit. "La marchandise est en règle générale importée de Chine via Dubaï. Les importateurs on ne les voit presque jamais. Nous traitons surtout avec les intermédiaires", nous confie un vendeur sous le couvert de l’anonymat avant de préciser que "les grossistes qui entretiennent de bons rapports commerciaux s’entend avec les intermédiaires sont les mieux servis en qualité et en quantité". Pour un même produit, les prix sont différents selon qu’il soit fabriqué dans le pays d’origine de la marque ou en usine délocalisée dans un autre pays en Chine ou en Europe de l’Est. "
Un Nokia 1100 fabriqué en Finlande est beaucoup plus cher que le même produit en Chine", poursuit notre interlocuteur avant de préciser que "les portables proposés à la vente au marché de Belfort peuvent également provenir de la contrebande". En effet, le commerce "du cabas" des téléphones portables avec tous les risques encourus de saisie et de sanction pénale n’a pas dissuadé les trabendistes à tenter d’en introduire illégalement. Parfois, même les gros importateurs ne manquent pas d’ingéniosité pour contourner la réglementation régissant l’importation de ce type d’articles. Ce sont surtout des appareils haut de gamme ramenés de France ou de Grande-Bretagne et destinés à une clientèle aisée qui transitent par les ports et aéroports algériens dissimulés dans des cabas sans passer par les services du fret. Le dédouanement des téléphones portables de dernière génération ne se fait que sur présentation d’une homologation délivrée en bonne et due forme par le ministère de la Poste et des TIC.
Vu la lenteur dans la délivrance du fameux sésame, 60 jours en moyenne, les "importateurs" préfèrent éviter de passer par la voie réglementaire en introduisant frauduleusement leurs marchandises dans des cabas. Pour gagner du temps mais aussi pour éviter tout vol au niveau de la zone du fret, des importateurs indélicats vont même jusqu'à falsifier ce document. Si certains arrivent à libérer leur marchandise grâce à la complicité des agents de certains services de contrôle aux frontières (police, douanes notamment), d’autres ne réussissent pas leur coup et sont pris dans les mailles du filet. Ainsi, plusieurs tentatives ont été déjouées ces derniers mois au niveau de l’aéroport Houari- Boumediene grace à la vigilance des agents des douanes où d’importantes quantités de portables ont été saisies.
Des saisies douanières en milliards
Dans ce contexte, il est à noter qu’un rapport de la direction du contentieux de la direction générale des douanes fait état de la saisie de 7 682 téléphones portables introduits frauduleusement durant l’année 2006 dont 4 637 à Tlemcen (13,68 millions de dinars), 1 507 à Oran (3,15 millions de dinars), 225 à Alger extérieur (aéroport) (1,13 million de dinars) et 779 à Alger- Port (2,95 millions de dinars). La valeur marchande de ces saisies effectuées au niveau des différentes directions régionales des douanes s’élève à plus de 22,8 millions de dinars. A cela s’ajoutent les saisies des accessoires de portables qui se chiffrent à plus de 47,9 millions de centimes. Soit un total de plus de 2,32 milliards de centimes. En 2005, selon le même rapport, 10 255 téléphones mobiles ont été saisis par les Douanes algériennes dont 7 018 à Tlemcen et 1 542 à Oran pour une valeur estimée à près de 36 millions de dinars. Ces statistiques démontrent une légère baisse du volume des saisies. Cependant, le marché reste tout de même inondé de marchandises importées frauduleusement.
Commerce parallèle
La réputation qu’a acquise le marché de Belfort dans le créneau du téléphone portable a fait fleurir dans son sillage un nouveau commerce, celui de la réparation. Profitant de la crédulité des clients, ces prétendus réparateurs ne font que ramasser un grand nombre d’appareils défectueux déposés par les propriétaires pour les envoyer en réparation dans des ateliers spécialisés. Cela peut prendre plusieurs jours et le client croyant que son appareil est réparé dans l’arrière-boutique est obligé d’attendre plusieurs jours avant de le récupérer réparé ou pas. Dans cette cacophonie générale, les receleurs trouvent également leur compte dans ce bazar, un lieu idéal pour écouler leur marchandise volée au vu et au su de tout le monde.
Debout ou adossés aux murs, ces derniers proposent leur larcin à des prix défiant toute concurrence. Mais les acquéreurs sont de plus en plus rares. Les mesures prises par le procureur général d’Alger de punir les détenteurs de téléphones portables volés ont dissuadé plus d’un. A la rue Cheikh- Bouamama, c’est une anarchie quotidienne qui y règne. La rue ne désemplie pas même à des heures tardives de la journée à tel point que les riverains ont signé une pétition pour protester contre les désagréments causés par ce marché. Stationnement anarchique, agressions, bagarres et autres vols sont devenus le lot quotidien des habitants du la rue principale et des ruelles adjacentes. Saisies, les autorités locales n’ont toujours pas sévi pour mettre de l’ordre. La nuit, la rue se transforme en une véritable décharge publique ou des amas de cartons et de papiers d’emballage laissés par les commerçants jonchent la chaussée.
Belfort ou l’illusion des bas prix
En ce dimanche matin de janvier, la rue Cheikh- Bouamama 1871 dans le quartier de Belfort grouille de chalands. Ce sont pour la plupart des vendeurs au détail ou des grossistes qui viennent d’Oran, de Tlemcen, de Bordj-Bou- Arréridj, de Chlef et d’autres wilayas du pays pour s’approvisionner en appareils et autres accessoires de téléphonie mobile. "Le marché de Belfort a vu le jour après qu’un importateur eut pensé à créer un endroit dédié au commerce du portable à l’instar du marché du Hamiz pour l’électroménager ou celui du 5-Juillet pour l’habillement féminin", nous dira un jeune rencontré sur place. Même si le nombre de boutiques ne dépasse pas la cinquantaine, la rue Cheikh- Bouamama 1871 est devenue par la force des choses la plaque tournante du commerce du portable en Algérie.
Dans ce véritable carrefour, commerçants "légaux" et "illégaux" se côtoient. L’approvisionnement est assuré par des importateurs en majorité des Algérois loin devant les Sétifiens. A priori, tout le monde trouve son compte. A priori seulement car en fait ce sont surtout les grossistes achetant en grandes quantités qui font de bonnes affaires et ce sont eux qui profitent des remises. "Pour la vente au détail, les tarifs sont pratiquement les mêmes que ceux appliqués dans les boutiques du centre-ville", nous avoue un acheteur. Chose que nous confirmons sans difficulté en comparant les prix de certains produits. Jugez-en de vous-même, un kit mains libres pour un portable Nokia 6230 est cédé à 350 DA à Belfort. Nous avons trouvé le même accessoire pour 300 DA dans une boutique du centre de la capitale.
Comme pour toute activité commerciale, les fluctuations des prix sont directement influencées par les spéculations des intermédiaires qui interviennent entre les importateurs et les acheteurs. Et le commerce du téléphone portable ne déroge pas à la règle. A Belfort, ces intermédiaires à l’esprit mercantile bien aiguisé déterminent indirectement la marge bénéficiaire sur chaque produit. "La marchandise est en règle générale importée de Chine via Dubaï. Les importateurs on ne les voit presque jamais. Nous traitons surtout avec les intermédiaires", nous confie un vendeur sous le couvert de l’anonymat avant de préciser que "les grossistes qui entretiennent de bons rapports commerciaux s’entend avec les intermédiaires sont les mieux servis en qualité et en quantité". Pour un même produit, les prix sont différents selon qu’il soit fabriqué dans le pays d’origine de la marque ou en usine délocalisée dans un autre pays en Chine ou en Europe de l’Est. "
Un Nokia 1100 fabriqué en Finlande est beaucoup plus cher que le même produit en Chine", poursuit notre interlocuteur avant de préciser que "les portables proposés à la vente au marché de Belfort peuvent également provenir de la contrebande". En effet, le commerce "du cabas" des téléphones portables avec tous les risques encourus de saisie et de sanction pénale n’a pas dissuadé les trabendistes à tenter d’en introduire illégalement. Parfois, même les gros importateurs ne manquent pas d’ingéniosité pour contourner la réglementation régissant l’importation de ce type d’articles. Ce sont surtout des appareils haut de gamme ramenés de France ou de Grande-Bretagne et destinés à une clientèle aisée qui transitent par les ports et aéroports algériens dissimulés dans des cabas sans passer par les services du fret. Le dédouanement des téléphones portables de dernière génération ne se fait que sur présentation d’une homologation délivrée en bonne et due forme par le ministère de la Poste et des TIC.
Vu la lenteur dans la délivrance du fameux sésame, 60 jours en moyenne, les "importateurs" préfèrent éviter de passer par la voie réglementaire en introduisant frauduleusement leurs marchandises dans des cabas. Pour gagner du temps mais aussi pour éviter tout vol au niveau de la zone du fret, des importateurs indélicats vont même jusqu'à falsifier ce document. Si certains arrivent à libérer leur marchandise grâce à la complicité des agents de certains services de contrôle aux frontières (police, douanes notamment), d’autres ne réussissent pas leur coup et sont pris dans les mailles du filet. Ainsi, plusieurs tentatives ont été déjouées ces derniers mois au niveau de l’aéroport Houari- Boumediene grace à la vigilance des agents des douanes où d’importantes quantités de portables ont été saisies.
Des saisies douanières en milliards
Dans ce contexte, il est à noter qu’un rapport de la direction du contentieux de la direction générale des douanes fait état de la saisie de 7 682 téléphones portables introduits frauduleusement durant l’année 2006 dont 4 637 à Tlemcen (13,68 millions de dinars), 1 507 à Oran (3,15 millions de dinars), 225 à Alger extérieur (aéroport) (1,13 million de dinars) et 779 à Alger- Port (2,95 millions de dinars). La valeur marchande de ces saisies effectuées au niveau des différentes directions régionales des douanes s’élève à plus de 22,8 millions de dinars. A cela s’ajoutent les saisies des accessoires de portables qui se chiffrent à plus de 47,9 millions de centimes. Soit un total de plus de 2,32 milliards de centimes. En 2005, selon le même rapport, 10 255 téléphones mobiles ont été saisis par les Douanes algériennes dont 7 018 à Tlemcen et 1 542 à Oran pour une valeur estimée à près de 36 millions de dinars. Ces statistiques démontrent une légère baisse du volume des saisies. Cependant, le marché reste tout de même inondé de marchandises importées frauduleusement.
Commerce parallèle
La réputation qu’a acquise le marché de Belfort dans le créneau du téléphone portable a fait fleurir dans son sillage un nouveau commerce, celui de la réparation. Profitant de la crédulité des clients, ces prétendus réparateurs ne font que ramasser un grand nombre d’appareils défectueux déposés par les propriétaires pour les envoyer en réparation dans des ateliers spécialisés. Cela peut prendre plusieurs jours et le client croyant que son appareil est réparé dans l’arrière-boutique est obligé d’attendre plusieurs jours avant de le récupérer réparé ou pas. Dans cette cacophonie générale, les receleurs trouvent également leur compte dans ce bazar, un lieu idéal pour écouler leur marchandise volée au vu et au su de tout le monde.
Debout ou adossés aux murs, ces derniers proposent leur larcin à des prix défiant toute concurrence. Mais les acquéreurs sont de plus en plus rares. Les mesures prises par le procureur général d’Alger de punir les détenteurs de téléphones portables volés ont dissuadé plus d’un. A la rue Cheikh- Bouamama, c’est une anarchie quotidienne qui y règne. La rue ne désemplie pas même à des heures tardives de la journée à tel point que les riverains ont signé une pétition pour protester contre les désagréments causés par ce marché. Stationnement anarchique, agressions, bagarres et autres vols sont devenus le lot quotidien des habitants du la rue principale et des ruelles adjacentes. Saisies, les autorités locales n’ont toujours pas sévi pour mettre de l’ordre. La nuit, la rue se transforme en une véritable décharge publique ou des amas de cartons et de papiers d’emballage laissés par les commerçants jonchent la chaussée.
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