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Chine, 2049

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  • Chine, 2049

    Petit exercice projectif autour de la méthode libérale autoritaire de Xi Jinping

    En 2049, la Chine sera un grand pays socialiste moderne, puissant prospère, démocratique, civilisé, harmonieux et beau.

    Ce n’est pas une prévision ou une prophétie, c’est un programme. Tous les attributs officiels de la stratégie 2049 sont importants et leur enchaînement logique est décisif.

    La seule façon pour la Chine de rester socialiste, c’est de devenir moderne et pour être moderne, il faut que le pays soit puissant et prospère, le reste viendra de surcroît : voilà pourquoi les attributs “démocratique, civilisé, harmonieux et beau” sont relégués en queue de peloton.

    Cette relégation explique en grande partie les blocages des démocraties occidentales face à la Chine. On s’indigne mais l’indignation, sans politique, reste sans effet. Quel est le programme pour l’Europe 2049 ? Les États-Unis 2049 ? La Russie 2049 ?

    Ni empire malveillant ni puissance bienveillante, la Chine invente son propre modèle à marche forcée. Elle nous oblige ainsi à savoir exactement ce à quoi nous croyons, ce que nous sommes, ce que nous voulons inventer.

    “Ni empire malveillant ni puissance bienveillante, la Chine invente son propre modèle à marche forcée. Elle nous oblige ainsi à savoir exactement ce à quoi nous croyons, ce que nous sommes, ce que nous voulons inventer

    La dialectique de Xi, mélange de rhétorique soviétique, de rappel permanent de la ligne de masse maoïste, de métaphores confucéennes et de subtiles distinctions conceptuelles, est redoutablement efficace : “Le rôle du marché est décisif et celui du gouvernement fondamental, ces deux forces sont en parfaite harmonie et ne sont en aucun cas contradictoires ; il faut utiliser correctement la main visible et la main invisible”.

    Traduction dans les faits : 10 millions des 40 millions de salariés des entreprises d’État sont membres du PCC [Parti communiste chinois, ndrl] et 20 % des 23 millions d’entreprises privées qui produisent 80 % du PIB abritent un comité du parti.

    Le modèle chinois, selon le diagnostic de J.P Cabestan (‘Demain la Chine : démocratie ou dictature ?’) chercheur au CNRS, à l’Asia Centre et à l’université baptiste de Hong Kong, va tenir durablement – pas éternellement mais durablement.

    Inutile donc de spéculer sur son implosion ou son explosion. Mieux vaut comprendre ses mutations, son pouvoir d’adaptation et de métamorphose.

    Réformer pour performer

    “C’est un régime autoritaire, élitiste, paternaliste, impérial et sans doute dictatorial qui, probablement, se perpétuera en Chine.” Pourquoi ? Parce qu’il a l’intelligence de corriger en marchant les erreurs qui pourraient lui être fatales : tout est pensé et organisé pour que la machine chinoise soit économiquement de plus en plus efficace, politiquement de plus en plus acceptable, socialement de plus en plus protectrice, culturellement de plus en plus exportable et mondialement de plus en plus désirable.

    Réformer pour performer, voilà le pacte tacite que le pouvoir chinois propose à son peuple comme au monde entier.

    Tant que le PIB par habitant augmente, le peuple ne bouge pas, tant que la nouvelle puissance impériale ne devient pas agressive et impérialiste, le monde ne bouge pas non plus.


    “Réformer pour performer, voilà le pacte tacite que le pouvoir chinois propose à son peuple comme au monde entier”


    Liu Xiaobo, avec ses articles rassemblés dans ‘Philosophie du porc’, avait déjà dramatiquement anticipé les dérives fatales du régime chinois : cupidité des élites, dépolitisation des masses, anomie de la société civile, effondrement de la culture balayée par la pulsion matérialiste et la soif de consommation.

    Cupidité des élites ?

    “Le parti est devenu un parti d’intérêts, les milieux d’affaires sont de plus en plus débauchés, on assiste à l’alliance entre fonctionnaires et hommes d’affaires, surtout entre fonctionnaires et bandes et certains pouvoirs locaux sont mafieux (2008).”

    Dépolitisation des masses ?

    “La modernisation, c’est la sécularisation de la vie quotidienne, la démocratisation c’est le désenchantement de la vie politique, et ce que veulent les masses, c’est ce bonheur séculier et médiocre.” (2000)


    Isolement des intellectuels ?

    “L’intellectuel chinois, pragmatique et opportuniste, ne s’occupe que des problèmes de la Chine et des problèmes de la vie quotidienne ; il lui manque une dimension transcendantale, un esprit de résistance, une endurance à la solitude, un courage de faire face au monde étranger.” (1990)

    La faiblesse des gouvernés produit toujours des gouvernants médiocres, rappelait sans cesse le Prix Nobel de la paix 2010 mort l’an denier.
    Ironie cruelle de l’histoire, le pouvoir actuel tire les leçons du diagnostic d’un de ses opposants les plus solides : il fait la guerre au “crony-capitalism” (capitalisme de conivence, corporatiste ou capitalisme des copains), sélectionne plus rigoureusement les cadres du parti, contrôle la société civile par un mélange d’encadrement moral et de surveillance bureaucratico-technologique.

    Guerre au capitalisme corporatiste ?

    Les services de Zhao Leji, nouveau président de la Commission centrale du contrôle de la discipline, estime que 1,53 million de membres du parti (sur presque 90 millions) ont été condamnés pour corruption entre 2012 et 2017.

    Sélection des cadres du parti ?

    46 % de ses membres ont un diplôme universitaire (conte 29 % en 2005), 25 % ont moins de 35 ans ; l’an dernier, 20 millions de Chinois ont déposé une demande d’adhésion au parti mais 1,91 million seulement a été admis.

    Contrôle de la société civile ?

    Le crédit social, récente invention chinoise, initialement pensé pour contraindre les entreprises à respecter les normes juridiques, est étendu aux citoyens depuis 2014 : je perds des points si je ne respecte pas mes échéances de paiement, si je crache dans le bus, si je ne me comporte pas bien dans ma vie professionnelle ou amicale, si je rends visite trop irrégulièrement à mes parents, si je fréquente une église souterraine, si je soutiens une ONG qui défend les droits du travail. Et si je deviens plus socialement débiteur que contributeur, je risque d’être privé de TGV, de logement social, d’emploi public ou de sortie du territoire. Sans oublier, bien sûr, les 160 milliards dollars consacrés à la sécurité intérieure et à la préservation de la stabilité (10 milliards de plus que le budget de la Défense en 2016).

    La méthode libérale autoritaire plébiscitée

    Bilan de Cabestan : aujourd’hui la société est dépolitisée, le nationalisme exacerbé, les minorités ethniques inoffensives, la nomenklatura qui vit de la rente des sociétés d’État peut compter pour conserver son pouvoir sur une longue tradition d’étatisme et de culture administrative, le parti-État fait tourner un capitalisme à la chinoise qui réforme progressivement les institutions, développe la compétitivité des entreprises d’État.
    Le régime est autoritaire sans être totalitaire, l’ordre chinois s’impose au monde sans vocation hégémonique hors de ses murs et sans contre-pouvoir alternatif crédible dans ses murs.

    Les capitaux étrangers affluent, la Banque centrale chinoise et la Réserve fédérale américaine se concertent, la machine administrative fonctionne, le système fiscal remplit les caisses de l’État, la méritocratie est plutôt bien formée et de mieux en mieux sélectionnée, et cohabite avec l’oligarchie des princes rouges, la ploutocratie reste concentrée dans l’appareil du parti – services de sécurité, armée, entreprises d’État – et les nouvelles routes de la soie ouvrent les nouvelles industries chinoises à l’Afrique et à l’Europe, de Addis-Abeba à Budapest.

    Tous les indicateurs ne sont pas au vert, Xi Jinping rappelle sans cesse qu’il faut tout faire pour convertir la croissance forte en croissance durable et le développement régulier en développement équilibré, mais le capitalisme d’État est programmé pour durer le plus longtemps possible.

    “Efficacité économique, ordre social, centralisation du pouvoir, complaisance zéro avec la corruption, tolérance zéro avec les ennemis de la souveraineté nationale, la méthode libérale autoritaire semble plébiscitée”

    Même si la dette publique représente 277 % du PIB, même si le parti-État fonctionne à la cooptation, à l’opacité, au complotisme et au clientélisme, même s’il reste “la plus grande société secrète du monde, une société qui opère selon ses propres normes et se situe au-dessus de la loi”, même si le pays compte environ 200 000 incidents de masse par an, soit 500 par jour, rassemblant entre 50 et 5 000 manifestants, généralement pour des affaires de mœurs, de revendications salariales ou de négociations de temps de travail.

    Efficacité économique, ordre social, centralisation du pouvoir, complaisance zéro avec la corruption, tolérance zéro avec les ennemis de la souveraineté nationale, la méthode libérale autoritaire semble plébiscitée.

    La preuve ? 72 % des Chinois seraient désireux de vivre sous le régime politique actuel, alors que les Taïwanais ne sont que 61 % à aimer leur régime et les Hongkongais 54 %. Une précision utile sur l’affect démocratique de la société chinoise ? Seuls 42 % croient que la démocratie est préférable à tout autre type de système (source Asian Barometer Survey).

    “La Chine a besoin de la honte d’être restée en arrière pour galvaniser sa détermination à la refonte de soi” écrivait Liu Xiaobo en 1990.
    Aujourd’hui, le président chinois répète que le peuple fait l’Histoire tout en concentrant le plus de pouvoir possible entre ses mains. La fierté a remplacé la honte, il reste à prouver que la refonte de la Chine par elle-même est une entreprise ouverte, sans fin, qui a besoin du monde et dont le monde a besoin.

    leNE

  • #2
    En attendant ils sont first maintenent et dans dix ans ils reguleront le marche mondial car ils creent la valeur ajoutée et non detrousse les pays faibles de diverses manieres

    Commentaire

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