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Décès de Samir Amin

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  • Décès de Samir Amin

    L’économiste Samir Amin est décédé ce dimanche, à Paris, à l’âge de 87 ans. C’était une figure majeure de la pensée altermondialiste. Samir Amin était un grand ami de l’Algérie. Le 26 avril 2010, il avait donné une conférence mémorable dans le cadre des Débats d’El Watan ainsi qu’une interview à notre journal. Paix à son âme et longue vie à ses idées…

    Samir Amin a tiré donc sa révérence ce dimanche 12 août. Il avait 87 ans. Il avait encore, très certainement, beaucoup de choses à dire et à écrire. Il nous aura laissé une œuvre extrêmement dense, abondante, où il s’est livré à une véritable archéologie du capitalisme, ses avatars et ses atavismes, avec, à la clé, une réflexion documentée sur les conditions de la libération du sud (ou « des » sud comme il disait) de l’emprise du système capitaliste mondial.

    «Les indépendances ont peut-être mis fin à la colonisation en tant que telle mais certainement pas à l’impérialisme économique» disait-il. Tous ses anciens étudiants, ses confrères, et, en général, les lecteurs un tant soit peu familiers avec son vocabulaire, ont retenu au moins quelques-uns de ces mots/formules purement « samir-aminiens » : « Centre/périphérie », « développement inégal », « développement du sous-développement », « Eurocentrisme », « déconnexion »…

    Samir Amin a vécu ses derniers jours à Dakar où il était installé depuis de nombreuses années. Il a été évacué à Paris où il s’est éteint sereinement, ce dimanche. Les réactions et les messages, plus émus les uns que les autres, ne se sont pas fait attendre pour rendre hommage à cette grande figure de la pensée altermondialiste, un des intellectuels majeurs de notre époque. El Kadi Ihsane tweete : « Incarnation d’une époque de Grande Espérance pour les peuples en éveil. Grande perte ». « Grand théoricien de l’altermondialisme et fondateur du forum social mondial » résume un tweet du Monde Diplo. Le Président sénégalais Macky Sall poste un message sur Twitter en écrivant : « Il avait consacré toute sa vie au combat pour la dignité de l’Afrique, à la cause des peuples et aux plus démunis.

    Avec la disparition du Pr Samir Amin, la pensée économique contemporaine perd une de ses illustres figures. Mes condoléances émues au nom de toute la Nation. » Notre ami Nordine Grim témoigne : « Ses théories, notamment celle relative au développement du sous-développement que le capitalisme fait subir aux pays pauvres, étaient des références pour les jeunes marxistes que nous étions. Même si des pays pauvres ont prouvé qu’ils peuvent se développer à la périphérie du capitalisme mondial (cas des pays émergents), revisiter l’œuvre de ce brillant théoricien du Tiers-monde est, je pense, une nécessité. A ce grand homme qui nous a tant appris, nous resterons éternellement reconnaissants ».

    Une œuvre foisonnante

    L’écrivain et journaliste H’mida Ayachi s’est fendu de son côté d’un texte dense sur Facebook dans lequel il s’est évertué à mettre en lumière la force et l’originalité de la pensée de Samir Amin. Sous le titre : « Disparition du dernier des penseurs communistes critiques arabes », il note : « Samir Amin est de ceux qui ont conféré au marxisme comme méthode d’analyse une particularité tiers-mondiste (…) en ajoutant des concepts nouveaux à la théorie marxiste comme le centre et la périphérie ».

    Samir Amin est né en 1931 au Caire de parents mixtes : son père était Egyptien et sa mère, Française. Il fait ses études secondaires au Lycée Français du Caire. En 1947, il quitte l’Egypte pour s’installer à Paris où il adhère très tôt au PCF, le Parti communiste français. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il nous dira qu’il était en même temps membre du Parti communiste égyptien « et ce, dès l’âge de 17 ans. Et je le suis resté. Je le suis resté au sens où…je crois que c’est le plus bel idéal pour l’humanité » (Lire : « Je m’attache à mettre mes compétences au service de la libération des peuples » in El Watan du 05 mai 2010). Il s’inscrit à Sciences Po. Paris et obtient son premier diplôme en 1952.

    Il soutient ensuite son doctorat en sciences économiques en 1957. Sa thèse portait sur « les effets structurels de l’intégration internationale des économies précapitalistes ». Son doctorat en poche, il rentre en Egypte où il travaille jusqu’en 1960. Avec la persécution des communistes égyptiens, il est de nouveau obligé de mettre les voiles. Le Mali fraîchement indépendant (1960) lui propose un poste de conseiller économique. Il s’établit à Bamako jusqu’en 1963. A l’indépendance de l’Algérie, il vient très souvent à Alger. En 1966, il accède au rang de professeur agrégé de sciences économiques. Il enseigne ainsi aux universités de Poitiers, Vincennes et Dakar. En 1970, il est nommé directeur de l’Institut africain de développement économique et de la planification de Dakar. C’est alors qu’il pose ses bagages définitivement dans la capitale sénégalaise. Au début des années 1980, il occupe le poste de directeur de recherches pour les stratégies pour le futur de l’Afrique. Il devient ensuite président du Forum Mondial des Alternatives (FMA) crée en 1997, et préside le Forum du Tiers-Monde, basé à Dakar.
    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.

  • #2
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    « Le meilleur hommage est de le lire »

    Samir Amin a signé une œuvre foisonnante. Parmi ses nombreux ouvrages : « L’Egypte nassérienne » (Ed. Minuit, 1964), « L’Economie du Maghreb » (Minuit, 1966), « Le Développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique » (Minuit, 1973), « La question paysanne et le capitalisme (IDEP/Anthropos, 1974), « La Déconnexion. Pour sortir du système mondial » (La Découverte, 1986), « L’Empire du chaos. La nouvelle mondialisation capitaliste » (L’Harmattan, 1992), « Itinéraire Intellectuel. Regards sur le demi-siècle. 1945-1990 » (L’Harmattan, 1993), « Le Monde arabe. Enjeux sociaux, perspectives méditerranéennes ». (Avec Ali El Kenz, L’Harmattan, 2005). Il a publié également une série d’ouvrages aux éditions Le Temps des Cerises parmi lesquels : « Le Virus libéral » (2003), « Pour la Cinquième Internationale » (2006), « L’Eveil du Sud » (2008). Après les insurrections de l’hiver 2011 en Tunisie et en Egypte qui ont emporté Ben Ali et Moubarak, il publie : « Le Monde arabe dans la longue durée. Le « printemps » arabe ? » (Le Temps des cerises, 2011).

    A noter que deux de ses ouvrages ont été réédités à Alger chez APIC, en l’occurrence Le Monde arabe dans la longue durée (2011) et L’Eveil du Sud (2015). Les éditions APIC n’ont pas manqué, d’ailleurs, de rendre hommage à l’éminent économiste sur leur page Facebook en postant ce message : « Samir Amin, le camarde qu’on croyait éternel, vient de nous quitter. Plus que jamais, les écrits de ce géant, ce théoricien du marxisme, pensé et compris depuis le Sud, nous donnent la force de continuer et les outils pour lutter contre toutes les formes de domination impérialiste et pour la souveraineté des peuples. (…) La meilleur façon de lui rendre hommage est de le lire. Rest in power comrade Samir ! »

    « L’Algérie m’est très chère »

    L’unique fois où nous avons eu le plaisir, à titre personnel, de rencontrer Samir Amin, c’était au lendemain de la conférence qu’il avait donnée à l’hôtel Aletti, dans le cadre des Débats d’El Watan, le 26 avril 2010. Il était intervenu en compagnie de François Houtart, un sociologue belge d’obédience altermondialiste, président du Centre Tricontinental (CETRI). Le débat était modéré par Ali El Kenz. La présence de Samir Amin avait drainé un monde fou. Nous avions retrouvé l’éminent économiste le lendemain matin sous un soleil éclatant à la terrasse de l’hôtel Saint-Georges pour une interview qui avait duré plus d’une heure. L’occasion pour nous de découvrir un homme simple et élégant, affable, accessible. Il fumait des cigarillos Moods. Il était au départ sans cravate. Après, il a mis une cravate de couleur marron à pois blancs.

    C’est qu’il était attendu à la Présidence. Il faut rappeler que c’est un grand ami de l’Algérie. Il nous confiait : « Je suis venu très souvent en Algérie, juste après l’indépendance, en 1962, 1963, 1964, et puis aussi très souvent dans les années 1970, à l’époque de Boumediène ». « L’Algérie est un pays qui m’est très cher, tout d’abord parce que c’est un pays qui a su lutter pour son indépendance et la conquérir dans des conditions qui n’étaient pas faciles. Ensuite parce que c’est l’un des leaders de la libération de l’Afrique et de beaucoup de pays africains. Et aussi parce qu’elle a été l’un des pays phares du groupe de Bandung, c’est-à-dire le mouvement des non-alignés. L’Algérie a su prendre, à l’époque, des initiatives indépendantes qui ont su modifier les rapports de force internationaux en faveur des peuples du Sud. C’est un grand pays pour cela, et j’espère, de ce fait, que l’Algérie va de nouveau remplir un rôle phare dans la deuxième vague de progrès et de libération des peuples du Sud ».

    « Militarisation des rapports nord-sud »

    Que ce soit dans son intervention lors des Débats D’El Watan ou bien au cours de l’entretien qu’il nous a accordé, Samir Amin avait souligné l’importance des initiatives sud-sud pour renverser les rapports de domination du système capitaliste mondial. Le modèle absolu qu’il citait en exemple était Bandung même s’il ne croyait pas aux chances d’un néo-Bandung. « On ne peut pas faire un remake de Bandung, cela donnerait une mauvaise copie comme le sont les remake des bons films. Mais il nous faut prendre des initiatives » insistait-il. Samir Amin faisait remarquer que la domination du capitalisme mondial porte actuellement sur cinq monopoles que détient la « Triade » (Etats-Unis, Europe occidentale, Japon) : le monopole de la technologie, de l’argent, des ressources naturelles et leur transformation, des armes de destruction massives, et enfin, des médias, de la communication et de l’industrie culturelle. Il préconisait la « construction d’un processus démocratique associé au progrès social en accordant une attention particulière à la question agraire ». Il appelait de ses vœux la construction d’un « nouvel ordre économique négocié, et un ordre politique multipolaire ».

    Il tenait pour une « grande victoire » l’industrialisation de ces « provinces » du vieux capital que sont les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine au moment où « le système capitaliste mondial misait sur une industrialisation exclusive du Nord et un statut non-industriel des périphéries ». Samir Amin tempère son ardeur au moment d’alerter sur la menace des guerres impérialistes et la « militarisation des rapports nord-sud ». « Ce n’est pas un hasard si les Etats-Unis ont choisi comme cible pour une première frappe le Moyen-Orient (référence à l’Irak, ndlr), ceci pour une série de raisons. D’abord c’est la première réserve de pétrole mondiale, et le contrôle direct de la région leur donne une carte tant à l’égard de leurs alliés subalternes qu’ils mettent sous leur cape qu’à l’égard de leurs adversaires potentiels. Deuxièmement : c’est le centre du monde. Baghdad est à la même distance de Londres, Pékin, Johannesburg et Singapour. Et donc le contrôle militaire de cette région leur permet de menacer directement la Chine, la Russie, l’Inde si elle n’est pas gentille. (…) Last but not least : il disposent d’un porte-avion qui s’appelle Israël, et qui n’est rien d’autre qu’une colonie militaire américaine » (cf. interview parue dans El Watan du 05 mai 2010).

    « Il faut un grand projet comme le 1er Novembre 54 »

    Au cours de notre entretien, Samir Amin avait plaidé ardemment pour l’élaboration d’un « grand projet » pour nos peuples. « Les pays du Sud étaient portés par de grands projets. Vous en êtes un exemple. Quand le 1er novembre 1954 une poignée d’hommes ont décidé de déclencher la guerre de Libération, c’était un énorme projet. Un petit politicien d’aujourd’hui aurait dit : C’est irréaliste ! Regardez le rapport de forces, on n’y peut rien. La période a donc été celle de grands projets. Cette première vague s’est essoufflée. Il y a eu des coups d’Etat militaires. (…) Il y a eu aussi l’érosion des régimes de Bandung, des régimes que j’appelle nationaux populaires, à potentialité démocratique. Ils n’ont guère été démocratiques, mais comme ils étaient nationaux et populaires crédibles, ils auraient pu évoluer dans un sens de démocratisation progressive ».

    Il poursuit : « Comme ils se sont essoufflés et que la deuxième vague commence à peine, nous sommes dans le creux de la vague. Et dans le creux de la vague, il y a une dépolitisation. On le voit au niveau des masses populaires. Il y a une perte de légitimité de toute forme de pouvoir, ce qui favorise la corruption. Et l’absence de grand projet croit avoir trouvé sa légitimité dans une forme de réalisme à court terme. Je dis sous une forme polémique : on choisit de s’ajuster au jour le jour à une situation qui se dégrade. Cette situation engage la responsabilité des classes dirigeantes et des classes politiques. Toutefois, elle n’est pas seulement celle des gouvernements. Elle est aussi celle de beaucoup d’oppositions qui sont timides, timorées, qui se battent souvent pour des choses tout à fait légitimes mais sans les intégrer dans un projet ambitieux. On a besoin, de nouveau, de grands projets ». Il cite Mao en proclamant : « Les Etats veulent l’indépendance, les nations la libération, les peuples la révolution ». Repose en paix, Samir Amin, et longue vie à ton utopie fertile…

    Mustapha Benfodil,
    El Watan
    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.

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    • #3
      Allah yarahmoum

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      • #4
        paix a son ame un grand homme s en va
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          Paix à son âme , Allah Yarhamou
          Soldat par sa plume ( nombreux ouvrages ) qui se distingue par ses idées foisonnantes …
          A qui sait comprendre , peu de mots suffisent

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