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Thomas Piketty: L’hypercapitalisme n’est pas une fatalité

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  • Thomas Piketty: L’hypercapitalisme n’est pas une fatalité

    es inégalités n’ont jamais été si bien portantes dans le monde
    La transparence fiscale servirait de lubrifiant à une politique volontariste
    L’économiste français était l’invité de la fondation Bouabid
    C’est un accueil de rock star que Thomas Piketty a reçu jeudi dernier à Rabat pour sa conférence sur son dernier ouvrage «Capital et idéologie» paru chez Seuil (voir extraits à piketty.pse.ens.fr/ideologie) L’auteur de «Capital au XXe siècle», un best seller paru en 2013, vendu à 2,5 millions d’exemplaires et traduit dans 40 langues, est un excellent produit d’appel.




    Les 50% des revenus les plus bas du monde ont connu une croissance importante de leur pouvoir d’achat entre 1980 et 2018 (entre +60% et 120%); les 1% des revenus les plus élevés du monde ont connu une croissance encore plus forte (entre +80% et +240%); les revenus intermédiaires ont en revanche connu une croissance plus limitée. Pour résumer: les inégalités ont diminué entre le bas et le milieu de la distribution mondiale des revenus, et ont progressé entre le milieu et le haut

    A son entrée dans l’amphithéâtre de la Bibliothèque Nationale du Royaume, l’économiste français a été accueilli par une salve d’applaudissements d’un auditoire conquis. Une demi-heure avant le début de la conférence, la salle était archicomble contraignant de nombreuses personnes à rester debout pendant plus de deux heures et demie.

    Par ses idées parfois radicales dont celle d’un impôt de 90% sur les hauts revenus -qu’il dit prêt à payer sur ses gains de droits d’auteur-, et par la démonstration qu’il a faite de l’incapacité de gouvernements à lutter contre les inégalités, Piketty exerce une certaine fascination auprès des partis dits de gauche voire, au-delà. La Commission chargée d’élaborer le nouveau modèle de développement serait semble-t-il, tentée d’aller piocher dans la boîte à outils de l’économiste français.

    Aux Etats-Unis où ses idées passeraient pour du «socialisme», -un sacrilège au royaume du libéralisme-, quelques leaders du Parti Démocrate et pas que Bernie Sanders, affirment s’inspirer des options défendues par Thomas Piketty. Reste à savoir si les résultats des urnes suivront.

    A Rabat, l’économiste français qui est aussi membre fondateur de Paris Economics School et ancien professeur au MIT, était convié par la fondation Abderrahim Bouabid pour décrypter des messages de sa dernière publication. En introduisant son hôte, Ali Bouabid, président de la fondation, releva que Piketty essaie d’établir un cadre d’intelligibilité des causes profondes de l’accroissement des inégalités et de redéfinir les nouvelles frontières de la propriété. Le tout basé et documenté par des séries statistiques longues.

    Pour l’économiste français, l’hypercapitalisme n’est pas une fatalité, tout comme les inégalités qui se creusent partout dans le monde. Tout le contraire de ceux (les premiers de cordée) qui ont tendance à «naturaliser» les inégalités au motif que celles-ci seraient «naturelles»! Piketty qui ne cache pas son positionnement à gauche (il faisait partie de l’équipe de Benoît Hamon, candidat PS à la présidentielle de 2017 en France), défend bec et ongle l’idée d’un impôt sur le patrimoine qui aurait des bien meilleurs effets redistributifs, et serait selon lui, «mieux accepté et plus indolore qu’un impôt sur les successions». Imposer le patrimoine, peut-être.

    Mais la simple évocation d’une telle perspective pourrait faire fuir les capitaux, redoutent des politiques. Il y a une forte corrélation entre la progressivité de l’impôt et la croissance dans le monde, rétorque Piketty qui ne croit pas un instant à la théorie du ruissellement. Sur les questions maroco-marocaines, l’économiste dit ne pas assez connaître le contexte pour s’avancer à une quelconque proposition.

    Le problème de la transparence fiscale n’est pas seulement posé au Maroc, il est partout, relève Thomas Piketty. En gardant la grille actuelle de l’IR intacte, on peut commencer par publier les données sur «qui paie quoi». L’impôt progressif c’est bien, mais c’est mieux de savoir exactement combien de personnes paient l’impôt, comment les contributions évoluent par tranche, etc.

    C’est vrai pour le revenu, c’est également vrai pour le patrimoine ou l’impôt sur la succession (qui n’existe pas dans le système marocain). Mettre ces données sur la place publique, même si elles sont imparfaites, permettrait aux citoyens de mieux appréhender la répartition de la charge fiscale et de donner une image plus plausible des inégalités. Cet exercice de transparence peut servir de levier aux forces politiques, syndicales, etc pour influer sur les choix du gouvernement et la politique de réduction des inégalités.

    De son expérience personnelle, Thomas Piketty constate que les administrations se cachent souvent derrière le secret fiscal. La seule fois que la DGI avait publié les données sur la contribution des médecins du secteur libéral, elle s’était attirée les foudres de ces professionnels. Cela aura au moins permis de savoir que certains contribuables vivaient dans un paradis fiscal.

    l'économiste
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