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La dette africaine- Pourquoi faudrait-il l’effacer et non la reporter ?

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  • La dette africaine- Pourquoi faudrait-il l’effacer et non la reporter ?

    Une répartition équitable

    des ressources naturelles en permettrait le paiement sans accabler les peuples.


    Pierre-Jean LAGAILLARDEAvocat (Abonné)
    Publié le 22 août 2020




    Alors que se tient une réunion du Club de Paris constitué par 22 états créanciers, on entend dire ici et là qu’il serait indispensable de permettre aux pays africains, ou à certains d’entre eux, de cesser le remboursement de leurs dettes pour favoriser le rétablissement de leurs économies et leur permettre notamment de lutter contre la pandémie de coronavirus. Pourquoi pas ? Mais alors certains paramètres devraient impérativement être pris en compte.

    Tout d’abord, pourquoi ne parlerait-on que d’annulation de dette ? Ne serait-il pas préférable d’envisager un très long moratoire avec une clause de "retour à meilleure fortune" réservant la possibilité d'une reprise des remboursements en cas de rétablissement économique des débiteurs ? Rappelons à ce sujet qu’une partie significative de la dette de l’Allemagne à la suite des deux guerres mondiales n’a pas été payée en accord avec les créanciers. Les raisons de cet abandon de dette ont été politiques (ne pas renouveler la situation de crise qui avait contribué à la prise du pouvoir par les nazis) et économiques (permettre la renaissance de l’économie allemande). En revanche, il est pour le moins contestable qu’après avoir retrouvé un niveau économique particulièrement élevé et même enviable, l’Allemagne n’ait non seulement pas dû acquitter le solde de ses dettes mais encore qu’elle ait pu endosser les habits d’un état très "vertueux" au plan budgétaire et même particulièrement exigeant à l’égard des autres membres de l’Union européenne. Est-ce la situation que l’on voudrait pour ceux des pays africains qui connaîtraient plus tard une embellie économique, laquelle est parfaitement envisageable compte tenu de leurs ressources naturelles ?

    Ensuite, force est quand même de rappeler qu’une partie significative de la richesse africaine a été accaparée par des clans au pouvoir, qui l'ont en bonne partie dilapidée en dépenses somptuaires. On précisera au sujet du caractère péjoratif du terme "clan" qu'au niveau d’appropriation du bien public constaté dans certaines parties de l'Afrique, on ne peut plus les désigner comme des "élites". Ce sont des parasites qui exploitent leurs peuples bien plus qu'ils ne les dirigent. Effacer purement et simplement la dette correspondante reviendrait à avaliser ce pillage. Or il appartient aussi aux peuples ainsi spoliés d’en demander raison à leurs dirigeants.

    Enfin, la Chine est devenue le très probable premier créancier de l’Afrique : elle détient un tiers de la dette d'état à état et, par exemple, 70 % de la dette de Djibouti. Ce à quoi il faut ajouter les considérables prêts commerciaux consentis par des banques chinoises, qui l'ont été à des taux de l'ordre du double de ceux de la Banque mondiale. Ce créancier ayant fait savoir qu'il ne compte pas mettre en oeuvre un processus d'annulation, voudrait-on que le non-paiement d’une partie des créances européennes reporte les capacités de remboursement sur la seule dette chinoise ? Une sollicitude inconsidérée à l’égard de l’Afrique transformerait alors les pays occidentaux en idiots utiles de l’impérialisme chinois. Notamment lorsque cette entreprise de conquête est mise en œuvre en utilisant la machine à créer de la dette au profit de la Chine que constitue le projet des routes de la soie. Créances dont on a pu constater que le pouvoir chinois les convertit en acquisitions territoriales.

    Au bout du compte, les pays européens doivent se garder de la naïveté dont ils ont déjà fait preuve. Souvenons-nous que la faiblesse complaisante des démocraties européennes confrontées à la montée en puissance du pouvoir nazi a très largement contribué à la survenance de la guerre en Europe. Gardons à l'esprit les conséquences pour nos économies de l'acceptation du transfert de notre savoir-faire industriel et de notre capacité de production vers la Chine.

    S'il est un fait que l'Histoire ne se reproduit pas à l'identique, il n'en reste pas moins que les leçons du passé doivent servir pour aborder le traitement de situations analogues. Dès lors ne doit-on pas accepter que la raréfaction des richesses naturelles, prévisible ou à tout le moins probable au regard de l'augmentation de la population, puisse conférer à l'Afrique une situation "à l'allemande", dans laquelle elle accèderait à la puissance sans avoir acquitté les dettes lui ayant servi de rampe de lancement. Conforter par facilité diplomatique les agissements malfaisants de la "kleptocratie" au pouvoir dans certains pays africains contribuerait à freiner leur évolution vers la démocratie, voire à tracer la route à des régimes dont l'action pourrait s'avérer porteuse de catastrophes. Et faciliter le paiement des créances chinoises par préférence à celles des pays européens reviendrait à concéder toujours plus de territoires et de puissance à ce régime qui a pour objectif déclaré d'imposer au monde un modèle de société dont nous, européens, ne voulons clairement pas.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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