elin Özyurt, économiste senior chez Euler Hermès-Allianz, analyse les derniers développements de la crise sanitaire en Europe et leurs répercussions sur l’économie marocaine. Elle revient aussi sur la soutenabilité de la dette marocaine et les leçons à tirer de cette crise.
L’Europe est en train de prendre de nouvelles mesures restrictives strictes, censées limiter la propagation du Covid-19. Ces mesures sont-elles de nature à impacter le commerce entre le Vieux Continent et ses partenaires, dont le Maroc?
Effectivement, après une accalmie pendant l’été, la circulation du virus s’accélère à travers plusieurs régions du monde, notamment en Europe. En octobre, le durcissement des mesures d’endiguement (restrictions sur certaines activités de service et les couvre-feux) dans les métropoles pèse de nouveau sur l’activité économique.
Alors que tous les pays d'Europe constatent une augmentation des contaminations, les pays divergent fortement quant à leur capacité à gérer la crise sanitaire. D’une part, nous avons les «bons élèves» habituels (l’Allemagne et la Finlande) tandis que les «retardataires» (l’Espagne, la France et les Pays-Bas) sont en train de perdre à nouveau le contrôle de la pandémie.
Ces derniers développements signalent un risque élevé de récession à double creux dans les pays qui ont recours à des mesures restrictives, même si celles-ci demeurent ciblées et régionales. Nous prévoyons une croissance négative du PIB au dernier trimestre 2020 en France (-1,1% contre +1% précédemment prévu), en Espagne (-1,3% contre +1,4%) et aux Pays-Bas (-1,0% contre +0,5%).
L’économie marocaine sera sans doute affectée par le ralentissement économique chez ses principaux partenaires commerciaux. L’Union européenne est un partenaire économique essentiel pour le Maroc: elle représente plus de 58% des exportations, 59% du stock d’IDE et 70% des recettes touristiques.
Le secteur du tourisme au Maroc –comme partout dans le monde– va accuser les plus grosses pertes d’exploitation liées aux mesures sanitaires et, hélas, pour une période prolongée. Par ailleurs, les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique ainsi que du textile et du cuir seront fortement affectés par la baisse de la demande des partenaires commerciaux fin 2020 et début 2021.
Quelles sont vos projections pour le commerce mondial à moyen terme?
L’année 2020 a été catastrophique pour les échanges commerciaux, surtout pour les secteurs de services. Nous prévoyons une contraction des échanges mondiaux de biens et de services de 13% en 2020, ce qui représente une perte en valeur de 4.000 milliards de dollars. Cette chute est légèrement plus forte qu’en 2009 où les échanges avaient reculé de 11%. Cette fois-ci, la crise frappe particulièrement les services, et de ce fait, les exportateurs de services tels que la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, mais aussi le Maroc et la Tunisie enregistrent un coût économique plus important.
En 2021, nous attendons un rebond mécanique des échanges internationaux de l’ordre de 7%. Cependant, il faudra vraisemblablement attendre jusqu’à 2022 pour retrouver les niveaux d’avant-crise pour les échanges de biens, tandis que pour les services, le retour à la normale ne devrait intervenir qu’en 2023.
Je voudrais également souligner que des changements pérennes en termes de comportements des consommateurs pourraient découler de cette crise. Dans un contexte où les considérations environnementales prennent de plus en plus d’importance, même après la découverte d’un vaccin efficace, des secteurs d’activités tels que le tourisme de masse ou les voyages d’affaires pourraient ne jamais retrouver leurs niveaux d’avant la crise.
La restructuration des chaînes de valeur mondiales d’approvisionnement est un sujet qui revient avec insistance dans la bouche des responsables politiques en Europe, mais aussi dans les pays de la rive sud de la Méditerranée. Cette restructuration est-elle une réalité? Le Maroc est-il, selon vous, bien positionné pour tirer profit de cette restructuration? Si oui, quels secteurs sont les plus concernés?
En effet, les discours politiques qui proposent de «ramener la production à la maison» existaient déjà bien avant l’arrivée de la crise sanitaire. D’ailleurs, il n’est pas rare que les chaînes d'approvisionnement fassent la Une des journaux lors d'une crise économique. Au cours des trois dernières récessions, les chaînes d'approvisionnement et leurs perturbations avaient déjà fait l’objet d’une couverture médiatique importante. Or, une telle transformation structurelle des économies avancées est bien plus facile à dire qu’à faire. Il est d’ailleurs difficile de trouver des arguments en faveur de la relocalisation qui satisfassent tout le monde, y compris le consommateur.
Même si le raccourcissement des chaînes d'approvisionnement pourrait renforcer notre résilience face aux crises, un tel changement entraînerait des coûts additionnels élevés (en termes de logistique, d’immobilier et de main d’œuvre). Cette restructuration des chaînes de valeur risquerait ainsi de se traduire par des hausses de prix à la consommation. De plus, la relocation des industries traditionnelles a de fortes chances de se faire à travers une automatisation intensive, avec un faible potentiel de création d’emplois.
Chez Euler Hermès-Allianz, nous n’anticipons pas un changement structurel rapide en termes de dynamiques des chaînes d'approvisionnement après cette crise, sauf pour certains secteurs identifiés comme «stratégiques», tels que le secteur pharmaceutique, l'agroalimentaire et celui de l’informatique et communication. Le Maroc aura certainement une carte à jouer dans la relocalisation de ces secteurs stratégiques sur le Vieux Continent.
Pour les grands pays industrialisés, outre des effets d'annonce dans les médias, nous ne voyons pour l’instant aucune incitation politique concrète. Certes, la chaîne de valeur des médicaments pourrait être une priorité pour les décideurs politiques, mais elle ne représente qu'une faible part du commerce mondial.
Par ailleurs, la transformation écologique de l’Europe représente une opportunité stratégique à moyen et à long terme pour le Maroc. A l’instar du secteur automobile, le Maroc pourrait notamment tirer profit de la création d’une filière hydrogène européenne. L’Allemagne a d’ailleurs commencé à explorer en Afrique les potentiels de production d’hydrogène vert, aux vues des énormes sources d’énergies renouvelables, notamment en matière d’énergie solaire. Le Maroc dispose de grands atouts pour développer sa production d’hydrogène vert et sa proximité géographique avec l’Europe pourrait en faire un acteur clé de cette industrie énergétique en plein essor.
Sur un autre registre, le Maroc a multiplié les prêts en devises auprès des bailleurs de fonds et a effectué récemment une émission obligataire de 1 milliard d’euros sur les marchés internationaux. La dette est-elle un passage obligé pour financer les plans de relance? Une dette du Trésor à plus de 75% du PIB et une dette publique globale à plus de 90% du PIB sont-elles soutenables?
Effectivement, la dette publique marocaine est particulièrement élevée, mais elle n'était entrée dans une phase de stabilisation que depuis 2015 grâce aux efforts de consolidation budgétaire du gouvernement. Or, l’année 2020 sera marquée par une envolée sans précédent de la dette publique, de l’ordre de 10 points du PIB selon les dernières estimations du FMI.
De la même façon, dans le contexte de la crise sanitaire et économique, le déficit budgétaire qui s’était stabilisé autour de 4% du PIB depuis six ans doublera en 2020. Ceci dit, la dette marocaine bénéficie d’une composition relativement favorable et demeure à présent soutenable. La dette a l’avantage d’être essentiellement de longue maturité, d’être majoritairement libellée en monnaie nationale (jusqu’à deux tiers) et de bénéficier de taux d’intérêt relativement modérés.
Le Maroc avait déjà un fort besoin structurel de financement extérieur bien avant l’arrivée de la crise du Covid-19. La nécessité de relancer l’économie après un choc d'une telle ampleur ne fait qu’intensifier ce besoin. A l’instar de plusieurs pays de la région qui souffrent de la fuite des capitaux, il n’est pas certain que le Maroc puisse retourner tout de suite sur les marchés internationaux pour financer sa reconstruction. Mais sans doute à moyen terme, la recherche de rendements plus élevés reparaîtra au vu des taux d’intérêt extrêmement bas dans les pays avancés.
La bonne gestion des finances publiques, malgré des défis de la crise, deviendra ainsi déterminante pour continuer à attirer des investissements de portefeuille à moyen terme. De plus, une meilleure mobilisation de l'épargne intérieure par le développement du système financier local permettrait de réduire en partie la dépendance aux flux de capitaux étrangers, qui sont souvent trop erratiques. Bien sûr, attirer des capitaux étrangers de long-terme pour financer des projets générateurs de croissance serait l’alternative idéale à l’emprunt public. Dans cette optique, les investissements directs à l’étranger jouent un rôle clé pour assurer le financement de l’économie tout en permettant de monter en gamme par le transfert des technologies. J’aimerais souligner que le Maroc dispose d’une forte attractivité grâce au développement de son secteur manufacturier et à sa base industrielle relativement diversifiée.
Globalement, quelles leçons pour l’avenir tirez-vous de cette crise?
La crise que nous traversons actuellement est bien différente de la crise de 2008-2009, qui provenait essentiellement de problèmes inhérents au système financier. La leçon principale de la crise financière avait été de renforcer la réglementation et de progresser dans l’assainissement du secteur financier tant dans les pays avancés que dans les pays en développement.
Cependant, une décennie plus tard, la crise du Covid-19 a mis au grand jour d’autres sources de vulnérabilités jusqu’alors sous-estimées, mais capables d’ébranler nos économies à l’échelle planétaire. Le risque sanitaire appartient à la catégorie des risques extrêmes, à laquelle nous pouvons aussi assimiler le risque de catastrophes naturelles. Jusqu’à présent, nous avions très peu intégré ce type de risques dans nos décisions économiques en raison de leur faible probabilité d’occurrence, et ce, malgré la gravité des dégâts associés.
La première leçon à tirer de cette crise serait d’intégrer ce type de risques dans le fonctionnement des secteurs privé et public. Ceci peut se faire de plusieurs manières. Du côté des entreprises, il faudrait renforcer les stratégies d’approvisionnement et de production pour mieux gérer et diversifier les risques. Il faudrait veiller à réduire la dépendance à un seul pays fournisseur et à un nombre limité de clients. Par ailleurs, le secteur de l’assurance se retrouve face au grand défi de proposer des produits qui couvrent ces risques extrêmes tout en proposant une tarification attractive.
Les Etats devraient aussi se fixer des priorités en termes de dépenses publiques pour prévenir, mais aussi mieux gérer, le risque sanitaire et environnemental. Ceci impliquerait un renforcement significatif des capacités du secteur de la santé, mais aussi des investissements massifs pour assurer la transition verte et la digitalisation de nos économies.
le360
L’Europe est en train de prendre de nouvelles mesures restrictives strictes, censées limiter la propagation du Covid-19. Ces mesures sont-elles de nature à impacter le commerce entre le Vieux Continent et ses partenaires, dont le Maroc?
Effectivement, après une accalmie pendant l’été, la circulation du virus s’accélère à travers plusieurs régions du monde, notamment en Europe. En octobre, le durcissement des mesures d’endiguement (restrictions sur certaines activités de service et les couvre-feux) dans les métropoles pèse de nouveau sur l’activité économique.
Alors que tous les pays d'Europe constatent une augmentation des contaminations, les pays divergent fortement quant à leur capacité à gérer la crise sanitaire. D’une part, nous avons les «bons élèves» habituels (l’Allemagne et la Finlande) tandis que les «retardataires» (l’Espagne, la France et les Pays-Bas) sont en train de perdre à nouveau le contrôle de la pandémie.
Ces derniers développements signalent un risque élevé de récession à double creux dans les pays qui ont recours à des mesures restrictives, même si celles-ci demeurent ciblées et régionales. Nous prévoyons une croissance négative du PIB au dernier trimestre 2020 en France (-1,1% contre +1% précédemment prévu), en Espagne (-1,3% contre +1,4%) et aux Pays-Bas (-1,0% contre +0,5%).
L’économie marocaine sera sans doute affectée par le ralentissement économique chez ses principaux partenaires commerciaux. L’Union européenne est un partenaire économique essentiel pour le Maroc: elle représente plus de 58% des exportations, 59% du stock d’IDE et 70% des recettes touristiques.
Le secteur du tourisme au Maroc –comme partout dans le monde– va accuser les plus grosses pertes d’exploitation liées aux mesures sanitaires et, hélas, pour une période prolongée. Par ailleurs, les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique ainsi que du textile et du cuir seront fortement affectés par la baisse de la demande des partenaires commerciaux fin 2020 et début 2021.
Quelles sont vos projections pour le commerce mondial à moyen terme?
L’année 2020 a été catastrophique pour les échanges commerciaux, surtout pour les secteurs de services. Nous prévoyons une contraction des échanges mondiaux de biens et de services de 13% en 2020, ce qui représente une perte en valeur de 4.000 milliards de dollars. Cette chute est légèrement plus forte qu’en 2009 où les échanges avaient reculé de 11%. Cette fois-ci, la crise frappe particulièrement les services, et de ce fait, les exportateurs de services tels que la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, mais aussi le Maroc et la Tunisie enregistrent un coût économique plus important.
En 2021, nous attendons un rebond mécanique des échanges internationaux de l’ordre de 7%. Cependant, il faudra vraisemblablement attendre jusqu’à 2022 pour retrouver les niveaux d’avant-crise pour les échanges de biens, tandis que pour les services, le retour à la normale ne devrait intervenir qu’en 2023.
Je voudrais également souligner que des changements pérennes en termes de comportements des consommateurs pourraient découler de cette crise. Dans un contexte où les considérations environnementales prennent de plus en plus d’importance, même après la découverte d’un vaccin efficace, des secteurs d’activités tels que le tourisme de masse ou les voyages d’affaires pourraient ne jamais retrouver leurs niveaux d’avant la crise.
La restructuration des chaînes de valeur mondiales d’approvisionnement est un sujet qui revient avec insistance dans la bouche des responsables politiques en Europe, mais aussi dans les pays de la rive sud de la Méditerranée. Cette restructuration est-elle une réalité? Le Maroc est-il, selon vous, bien positionné pour tirer profit de cette restructuration? Si oui, quels secteurs sont les plus concernés?
En effet, les discours politiques qui proposent de «ramener la production à la maison» existaient déjà bien avant l’arrivée de la crise sanitaire. D’ailleurs, il n’est pas rare que les chaînes d'approvisionnement fassent la Une des journaux lors d'une crise économique. Au cours des trois dernières récessions, les chaînes d'approvisionnement et leurs perturbations avaient déjà fait l’objet d’une couverture médiatique importante. Or, une telle transformation structurelle des économies avancées est bien plus facile à dire qu’à faire. Il est d’ailleurs difficile de trouver des arguments en faveur de la relocalisation qui satisfassent tout le monde, y compris le consommateur.
Même si le raccourcissement des chaînes d'approvisionnement pourrait renforcer notre résilience face aux crises, un tel changement entraînerait des coûts additionnels élevés (en termes de logistique, d’immobilier et de main d’œuvre). Cette restructuration des chaînes de valeur risquerait ainsi de se traduire par des hausses de prix à la consommation. De plus, la relocation des industries traditionnelles a de fortes chances de se faire à travers une automatisation intensive, avec un faible potentiel de création d’emplois.
Chez Euler Hermès-Allianz, nous n’anticipons pas un changement structurel rapide en termes de dynamiques des chaînes d'approvisionnement après cette crise, sauf pour certains secteurs identifiés comme «stratégiques», tels que le secteur pharmaceutique, l'agroalimentaire et celui de l’informatique et communication. Le Maroc aura certainement une carte à jouer dans la relocalisation de ces secteurs stratégiques sur le Vieux Continent.
Pour les grands pays industrialisés, outre des effets d'annonce dans les médias, nous ne voyons pour l’instant aucune incitation politique concrète. Certes, la chaîne de valeur des médicaments pourrait être une priorité pour les décideurs politiques, mais elle ne représente qu'une faible part du commerce mondial.
Par ailleurs, la transformation écologique de l’Europe représente une opportunité stratégique à moyen et à long terme pour le Maroc. A l’instar du secteur automobile, le Maroc pourrait notamment tirer profit de la création d’une filière hydrogène européenne. L’Allemagne a d’ailleurs commencé à explorer en Afrique les potentiels de production d’hydrogène vert, aux vues des énormes sources d’énergies renouvelables, notamment en matière d’énergie solaire. Le Maroc dispose de grands atouts pour développer sa production d’hydrogène vert et sa proximité géographique avec l’Europe pourrait en faire un acteur clé de cette industrie énergétique en plein essor.
Sur un autre registre, le Maroc a multiplié les prêts en devises auprès des bailleurs de fonds et a effectué récemment une émission obligataire de 1 milliard d’euros sur les marchés internationaux. La dette est-elle un passage obligé pour financer les plans de relance? Une dette du Trésor à plus de 75% du PIB et une dette publique globale à plus de 90% du PIB sont-elles soutenables?
Effectivement, la dette publique marocaine est particulièrement élevée, mais elle n'était entrée dans une phase de stabilisation que depuis 2015 grâce aux efforts de consolidation budgétaire du gouvernement. Or, l’année 2020 sera marquée par une envolée sans précédent de la dette publique, de l’ordre de 10 points du PIB selon les dernières estimations du FMI.
De la même façon, dans le contexte de la crise sanitaire et économique, le déficit budgétaire qui s’était stabilisé autour de 4% du PIB depuis six ans doublera en 2020. Ceci dit, la dette marocaine bénéficie d’une composition relativement favorable et demeure à présent soutenable. La dette a l’avantage d’être essentiellement de longue maturité, d’être majoritairement libellée en monnaie nationale (jusqu’à deux tiers) et de bénéficier de taux d’intérêt relativement modérés.
Le Maroc avait déjà un fort besoin structurel de financement extérieur bien avant l’arrivée de la crise du Covid-19. La nécessité de relancer l’économie après un choc d'une telle ampleur ne fait qu’intensifier ce besoin. A l’instar de plusieurs pays de la région qui souffrent de la fuite des capitaux, il n’est pas certain que le Maroc puisse retourner tout de suite sur les marchés internationaux pour financer sa reconstruction. Mais sans doute à moyen terme, la recherche de rendements plus élevés reparaîtra au vu des taux d’intérêt extrêmement bas dans les pays avancés.
La bonne gestion des finances publiques, malgré des défis de la crise, deviendra ainsi déterminante pour continuer à attirer des investissements de portefeuille à moyen terme. De plus, une meilleure mobilisation de l'épargne intérieure par le développement du système financier local permettrait de réduire en partie la dépendance aux flux de capitaux étrangers, qui sont souvent trop erratiques. Bien sûr, attirer des capitaux étrangers de long-terme pour financer des projets générateurs de croissance serait l’alternative idéale à l’emprunt public. Dans cette optique, les investissements directs à l’étranger jouent un rôle clé pour assurer le financement de l’économie tout en permettant de monter en gamme par le transfert des technologies. J’aimerais souligner que le Maroc dispose d’une forte attractivité grâce au développement de son secteur manufacturier et à sa base industrielle relativement diversifiée.
Globalement, quelles leçons pour l’avenir tirez-vous de cette crise?
La crise que nous traversons actuellement est bien différente de la crise de 2008-2009, qui provenait essentiellement de problèmes inhérents au système financier. La leçon principale de la crise financière avait été de renforcer la réglementation et de progresser dans l’assainissement du secteur financier tant dans les pays avancés que dans les pays en développement.
Cependant, une décennie plus tard, la crise du Covid-19 a mis au grand jour d’autres sources de vulnérabilités jusqu’alors sous-estimées, mais capables d’ébranler nos économies à l’échelle planétaire. Le risque sanitaire appartient à la catégorie des risques extrêmes, à laquelle nous pouvons aussi assimiler le risque de catastrophes naturelles. Jusqu’à présent, nous avions très peu intégré ce type de risques dans nos décisions économiques en raison de leur faible probabilité d’occurrence, et ce, malgré la gravité des dégâts associés.
La première leçon à tirer de cette crise serait d’intégrer ce type de risques dans le fonctionnement des secteurs privé et public. Ceci peut se faire de plusieurs manières. Du côté des entreprises, il faudrait renforcer les stratégies d’approvisionnement et de production pour mieux gérer et diversifier les risques. Il faudrait veiller à réduire la dépendance à un seul pays fournisseur et à un nombre limité de clients. Par ailleurs, le secteur de l’assurance se retrouve face au grand défi de proposer des produits qui couvrent ces risques extrêmes tout en proposant une tarification attractive.
Les Etats devraient aussi se fixer des priorités en termes de dépenses publiques pour prévenir, mais aussi mieux gérer, le risque sanitaire et environnemental. Ceci impliquerait un renforcement significatif des capacités du secteur de la santé, mais aussi des investissements massifs pour assurer la transition verte et la digitalisation de nos économies.
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