Comment les Sud-Africains s'éclairaient-ils avant d'avoir la bougie ? Ils avaient l'électricité !" "Quelle est la différence entre l'Afrique du Sud et le Titanic ? Le Titanic a coulé avec les lumières allumées !" Pour masquer leur désarroi face aux coupures d'électricité qui frappent régulièrement leur pays, les Sud-Africains recyclent les blagues qu'ils réservaient, il y a encore quelques semaines, au Zimbabwe voisin, en pleine crise économique.
Certains n'ont pas du tout envie de rire, comme ces quelque 900 touristes restés coincés dans des cabines de téléphérique, au sommet de la montagne de la Table, au Cap, à 1 000 mètres au-dessus de la mer. Le générateur, lorsqu'il a pris le relais pour la énième fois en quelques semaines, a grillé : résultat, les deux cabines sont restées suspendues au-dessus du vide.
Les journaux annoncent "des années noires" et "le retour à l'âge des ténèbres", alors que les délestages d'électricité sont devenus quotidiens. Selon la compagnie nationale, Eskom, la situation ne devrait pas s'améliorer avant 2013... Sans ces coupures régulières, le pays risque un black-out général, qui pourrait alors durer deux semaines. Eskom ne cache pas l'ampleur de la crise. Depuis quelques semaines, sur les radios et les télévisions, les responsables de la compagnie se succèdent pour faire comprendre aux Sud-Africains que la situation est grave.
Dans les grandes surfaces, il n'y a plus de radiateurs à gaz, alors que le pays est encore en plein été austral. L'hiver, entre mai et septembre, est rude, avec de la neige en montagne et des températures autour de zéro la nuit à Johannesburg. Impossible aussi de trouver des lampes à néon rechargeables ou des cuisinières à gaz. Et, même si la maison est équipée, il n'est pas certain que l'approvisionnement en gaz suive : l'hiver dernier, il y a eu régulièrement des pénuries.
A l'origine de cette crise, une bonne nouvelle : la croissance économique, ces dix dernières années, a été plus forte que prévu. Et la consommation d'électricité s'est envolée : plus 50 % entre 1997 et 2007. Le gouvernement a fait des efforts considérables pour apporter l'électricité au plus grand nombre. Des centaines de milliers de foyers, dans les townships noires, ont été raccordés au réseau.
La compagnie nationale aurait dû lancer des grands travaux depuis des années. Elle avait demandé le feu vert du gouvernement. "Nous avons répondu : "Pas maintenant." Nous avions tort, Eskom avait raison", a reconnu récemment le chef de l'Etat Thabo Mbeki, qui s'est excusé publiquement.
La demande est de 31 000 mégawatts aujourd'hui, la production assurant un maximum de 40 000 mégawatts. La marge de réserve est trop faible, d'autant que les centrales au charbon, qui fournissent 90 % de la production, sont anciennes et tombent régulièrement en panne. Le réseau de distribution est aussi vétuste, et les pannes sont fréquentes...
"Pendant des années, on a eu autant d'électricité qu'on voulait, à un prix dérisoire. On a opté pour le tout-électrique. Personne ici n'a été habitué à économiser l'énergie", explique Andrew Etzinger, directeur général de la branche distribution d'Eskom. "Si on continue à ce rythme, la consommation aura doublé en 2025, et il faudrait investir 1 000 milliards de rands (88,5 milliards d'euros) pour maintenir la production au niveau. Cela ne me paraît pas possible", ajoute M. Etzinger.
Eskom prévoit 300 milliards de rands d'investissement (26,6 milliards d'euros) dans les cinq prochaines années. Au programme, de nouvelles centrales au charbon et de nouvelles centrales nucléaires. La première, Koeberg, construite par le français Framatome il y a une vingtaine d'années, assure actuellement 5 % de la production. L'Afrique du Sud a déjà lancé un premier appel d'offres : le français Areva et l'américain Westinghouse sont en compétition. Le sujet sera abordé fin février par Nicolas Sarkozy, qui doit effectuer son premier voyage officiel en Afrique du Sud.
En attendant la réalisation de ces grands travaux, il n'y a qu'une solution : une baisse de la consommation de 20 %. Soulevant l'hilarité générale, la ministre de l'énergie et des mines a conseillé aux Sud-Africains d'aller se coucher plus tôt, pour "grandir et devenir plus intelligents", de faire bouillir moins d'eau et de prendre des douches à la place des bains. Un grand quotidien saluait le lendemain ces déclarations par un grand bandeau noir portant l'inscription "Good Night South Africa" ("Bonne nuit l'Afrique du Sud").
Plus sérieusement, Eskom compte sur la hausse du prix de l'électricité (+ 14,2 % cette année), accompagnée de campagnes sur les économies d'énergie. Elle a aussi mis en place un fonds pour aider entreprises et particuliers à rénover ou à construire des bâtiments moins gourmands en électricité et à développer l'énergie solaire.
Quelques inquiétudes planent sur la Coupe du monde de football en 2010. Les stades, les salles de presse, les lieux fréquentés par les joueurs seront équipés de générateurs - une précaution que la FIFA, la Fédération internationale de football, prend dans tous les pays. En revanche, les supporteurs, locaux comme étrangers, ne sont pas sûrs d'avoir de l'électricité pour regarder les matches à la télévision, ni même avoir un repas chaud, alors que la Coupe du monde commence en juin, au coeur de l'hiver austral.
Fabienne Pompey (Le Monde)
Certains n'ont pas du tout envie de rire, comme ces quelque 900 touristes restés coincés dans des cabines de téléphérique, au sommet de la montagne de la Table, au Cap, à 1 000 mètres au-dessus de la mer. Le générateur, lorsqu'il a pris le relais pour la énième fois en quelques semaines, a grillé : résultat, les deux cabines sont restées suspendues au-dessus du vide.
Les journaux annoncent "des années noires" et "le retour à l'âge des ténèbres", alors que les délestages d'électricité sont devenus quotidiens. Selon la compagnie nationale, Eskom, la situation ne devrait pas s'améliorer avant 2013... Sans ces coupures régulières, le pays risque un black-out général, qui pourrait alors durer deux semaines. Eskom ne cache pas l'ampleur de la crise. Depuis quelques semaines, sur les radios et les télévisions, les responsables de la compagnie se succèdent pour faire comprendre aux Sud-Africains que la situation est grave.
Dans les grandes surfaces, il n'y a plus de radiateurs à gaz, alors que le pays est encore en plein été austral. L'hiver, entre mai et septembre, est rude, avec de la neige en montagne et des températures autour de zéro la nuit à Johannesburg. Impossible aussi de trouver des lampes à néon rechargeables ou des cuisinières à gaz. Et, même si la maison est équipée, il n'est pas certain que l'approvisionnement en gaz suive : l'hiver dernier, il y a eu régulièrement des pénuries.
A l'origine de cette crise, une bonne nouvelle : la croissance économique, ces dix dernières années, a été plus forte que prévu. Et la consommation d'électricité s'est envolée : plus 50 % entre 1997 et 2007. Le gouvernement a fait des efforts considérables pour apporter l'électricité au plus grand nombre. Des centaines de milliers de foyers, dans les townships noires, ont été raccordés au réseau.
La compagnie nationale aurait dû lancer des grands travaux depuis des années. Elle avait demandé le feu vert du gouvernement. "Nous avons répondu : "Pas maintenant." Nous avions tort, Eskom avait raison", a reconnu récemment le chef de l'Etat Thabo Mbeki, qui s'est excusé publiquement.
La demande est de 31 000 mégawatts aujourd'hui, la production assurant un maximum de 40 000 mégawatts. La marge de réserve est trop faible, d'autant que les centrales au charbon, qui fournissent 90 % de la production, sont anciennes et tombent régulièrement en panne. Le réseau de distribution est aussi vétuste, et les pannes sont fréquentes...
"Pendant des années, on a eu autant d'électricité qu'on voulait, à un prix dérisoire. On a opté pour le tout-électrique. Personne ici n'a été habitué à économiser l'énergie", explique Andrew Etzinger, directeur général de la branche distribution d'Eskom. "Si on continue à ce rythme, la consommation aura doublé en 2025, et il faudrait investir 1 000 milliards de rands (88,5 milliards d'euros) pour maintenir la production au niveau. Cela ne me paraît pas possible", ajoute M. Etzinger.
Eskom prévoit 300 milliards de rands d'investissement (26,6 milliards d'euros) dans les cinq prochaines années. Au programme, de nouvelles centrales au charbon et de nouvelles centrales nucléaires. La première, Koeberg, construite par le français Framatome il y a une vingtaine d'années, assure actuellement 5 % de la production. L'Afrique du Sud a déjà lancé un premier appel d'offres : le français Areva et l'américain Westinghouse sont en compétition. Le sujet sera abordé fin février par Nicolas Sarkozy, qui doit effectuer son premier voyage officiel en Afrique du Sud.
En attendant la réalisation de ces grands travaux, il n'y a qu'une solution : une baisse de la consommation de 20 %. Soulevant l'hilarité générale, la ministre de l'énergie et des mines a conseillé aux Sud-Africains d'aller se coucher plus tôt, pour "grandir et devenir plus intelligents", de faire bouillir moins d'eau et de prendre des douches à la place des bains. Un grand quotidien saluait le lendemain ces déclarations par un grand bandeau noir portant l'inscription "Good Night South Africa" ("Bonne nuit l'Afrique du Sud").
Plus sérieusement, Eskom compte sur la hausse du prix de l'électricité (+ 14,2 % cette année), accompagnée de campagnes sur les économies d'énergie. Elle a aussi mis en place un fonds pour aider entreprises et particuliers à rénover ou à construire des bâtiments moins gourmands en électricité et à développer l'énergie solaire.
Quelques inquiétudes planent sur la Coupe du monde de football en 2010. Les stades, les salles de presse, les lieux fréquentés par les joueurs seront équipés de générateurs - une précaution que la FIFA, la Fédération internationale de football, prend dans tous les pays. En revanche, les supporteurs, locaux comme étrangers, ne sont pas sûrs d'avoir de l'électricité pour regarder les matches à la télévision, ni même avoir un repas chaud, alors que la Coupe du monde commence en juin, au coeur de l'hiver austral.
Fabienne Pompey (Le Monde)
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