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Aux États-Unis, les grèves dans l’automobile conduisent à une victoire syndicale historique

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  • Aux États-Unis, les grèves dans l’automobile conduisent à une victoire syndicale historique


    Bravo à nos camarades de l'outre- Atlantique . La lutte syndicale doit se propager partout dans le monde .


    Le syndicat UAW a fait plier General Motors après Stellantis et Ford. Les trois constructeurs ont accepté un fort relèvement des salaires et des concessions importantes dans la gestion de la production. C’est un nouveau succès du mouvement social outre-Atlantique.

    Romaric Godin


    Une« Une fois de plus, nous avons réussi ce que, voici encore quelques semaines, on nous disait impossible. » Par ces mots, le président du syndicat états-unien des travailleurs de l’automobile (United Auto Workers, UAW), Shawn Fain, a salué une des plus grandes victoires de l’histoire syndicale du pays.

    Ce 31 octobre, le syndicat est parvenu à un accord provisoire (« tentative deal ») avec General Motors (GM). Deux jours auparavant, un accord similaire avait été signé avec le constructeur Stellantis (regroupant, notamment, Fiat, Peugeot et Chrysler), suivant une première signature avec Ford le 25 octobre.

    Pour la première fois, donc, l’UAW a frappé ensemble les « Big Three », les trois grands constructeurs des États-Unis, imposant en grande partie leurs revendications après six semaines de grèves. Car le contenu de ces accords ressemble à un véritable triomphe pour la nouvelle direction du syndicat qui avait décidé de repartir à l’offensive et d’en finir avec des décennies de « cogestion », voire de « collusion » avec les constructeurs.

    Des accords historiques


    Chaque accord a été conclu sur quatre ans et demi et prévoit, sur cette période, une hausse de 25 % du salaire de base horaire et le retour des primes de compensation de l’inflation qui avaient été supprimées après la grande crise de 2008-2009. Les hausses de salaire vont donc être très importantes après des années de disette : le salaire de départ chez Stellantis pourrait ainsi progresser de 67 % sur la période, le plus élevé de 33 %.
    Agrandir l’image : Illustration 1Des membres du syndicat UAW en grève devant l’usine Stellantis à Sterling Heights (Michigan), le 23 octobre 2023. © Photo Paul Sancya / AP via Sipa

    Mais il y a plus. Une des revendications les plus importantes de l’UAW concernait le système de « statut » (« tiers »), mis en place là aussi après la crise de 2009, et qui permettait d’embaucher des travailleurs à des niveaux de salaire inférieurs. Cette inégalité entre les travailleurs sera abolie par les accords. Chez Stellantis, cela conduira pour certains de ces employés à une hausse immédiate de 67 % de leur salaire.

    Mais l’élément le plus éclatant de la victoire de l’UAW est sa capacité à s’imposer dans les choix stratégiques des entreprises. Chez Stellantis, par exemple, le syndicat a obtenu l’impensable : la réouverture de l’usine de Belvidere, dans l’Illinois, fermée le 1er mars dernier par l’entreprise et qui comptait 1 200 salariés. Ces derniers seront réembauchés et le groupe s’est même engagé à ouvrir sur le site une usine de batteries électriques embauchant mille ouvriers.

    L’UAW a, par ailleurs, obtenu le maintien d’une usine de moteurs à Trenton, dans le Michigan, dont Stellantis envisageait la fermeture, et l’expansion de l’usine de Toledo, dans l’Ohio. Au total, le groupe s’est engagé à créer cinq mille nouveaux emplois.

    Plus important encore, le syndicat a obtenu une sorte d’« assurance-vie » en obtenant le droit de faire grève pour contester non seulement les décisions de fermeture d’usines, mais aussi les décisions d’investissement de l’entreprise. Cela renforce le pouvoir de l’UAW, qui pourra déclencher une grève à l’échelle du groupe pour défendre un site ou contester une décision d’investissement ponctuelle.

    Les syndicats ont remporté le rapport de force


    C’est donc bien un renforcement structurel et important du pouvoir des travailleurs dans les « Big Three » qui a été obtenu par le syndicat. Et cela ressemble à un changement d’époque outre-Atlantique, après quatre décennies de défaites et de reculs pour les syndicats.

    Le mouvement a bénéficié d’un soutien appuyé de l’administration Biden. Car si cette dernière n’a pas réellement agi en termes de législation concernant le travail et les syndicats, elle ne cache pas son soutien aux grévistes. Joe Biden lui-même s’est mis en scène lors de la grève de l’UAW, allant sur un piquet de grève, une première pour un président américain. Il a d’ailleurs salué l’accord avec les constructeurs.

    Mais ce qui a été décisif n’a pas été ce soutien politique affiché. C’est bien plutôt la stratégie très précise de l’UAW qui, depuis le début du mouvement le 15 septembre, a soigneusement construit le rapport de force avec les groupes automobiles. Mettant en place des arrêts de travail surprises, ciblant aussi les lieux de stockage de composants, déstabilisant les chaînes de production, le syndicat a progressivement fait monter la pression au bon moment.


    Ainsi, après l’accord avec Ford le 25 octobre, l’UAW a mis à l’arrêt une des usines les plus rentables de Stellantis, celle de Sterling Heights dans le Michigan. Une fois l’accord avec ce dernier groupe signé, l’usine GM de Spring Hills dans le Tennessee a été touchée, obligeant cette dernière entreprise à la reddition. Car, à l’exception de certaines revendications sur les retraites, la victoire est complète pour l’UAW.

    La facture est salée, en revanche, pour les constructeurs. Ford a estimé à 1,3 milliard de dollars le coût supplémentaire de la grève, GM à 800 millions de dollars en termes de bénéfices opérationnels et Stellantis à 3 milliards de dollars en termes de chiffre d’affaires. Les constructeurs avaient cependant affiché au premier semestre des résultats très confortables : 11,6 milliards de dollars pour Stellantis, 5 milliards de dollars pour GM et 4 milliards de dollars pour Ford. Stellantis s’est même offert le luxe de racheter ses propres actions pour 1,5 milliard de dollars cette année.

    Avec ce succès, l’UAW entend placer les intérêts des travailleurs étasuniens au cœur de la révolution technologique qui concerne l’ensemble de l’industrie avec la transition vers l’électrique. Ce sera l’objet des luttes pour les prochaines années, où l’UAW semble se placer en position de force.

    Quels effets globaux ?


    Les suites que le syndicat réussira à donner à ce succès seront par conséquent décisives. Shawn Fain a déjà indiqué que le travail allait continuer dans les usines du sud du pays détenues par des groupes étrangers (Volkswagen, Honda, Toyota), mais aussi dans celles de Tesla. Dans ces usines, l’UAW n’est pas représenté et les salariés ont voté dans les années 2010 contre la représentation syndicale. Mais avec les avancées de l’accord avec les « Big Three », les choses pourraient changer. « Quand nous retournerons à la table des négociations en 2028, ce ne sera plus avec les Big Three, mais avec les Big Five ou les Big Six », a prévenu le président de l’UAW.

    Reste qu’il faut rester prudent. Certes, ce succès s’inscrit dans une série d’autres succès dans le monde du travail aux États-Unis. En août dernier, chez UPS, le service de livraison, la menace d’une grève a permis d’obtenir une hausse moyenne des salaires de près de 18 % sur cinq ans. Début octobre, les 75 000 employés du gestionnaire de cliniques Kaiser Permanente ont obtenu un relèvement de 21 % du salaire moyen sur quatre ans. Un peu plus tôt, c’était les scénaristes de Hollywood qui avaient obtenu des hausses de salaire et des garanties pour l’avenir.

    Mais la vraie question reste de savoir si ce succès dans l’automobile peut faire tache d’huile dans la première économie du monde et si la stratégie menée par l’UAW peut inspirer d’autres luttes. Sur ce plan, l’affaire est moins simple. Au troisième trimestre, le salaire réel est quasi stable depuis un an et inférieur à celui du dernier trimestre de 2019.

    Il y a donc un risque que la victoire de l’UAW soit l’arbre qui cache la forêt dans une économie très largement tertiarisée et précarisée. L’enjeu sera bien désormais de politiser cette victoire historique.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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