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Face aux problèmes de notre époque, l’Allemagne n’a d’autre choix que de s’endetter

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  • Face aux problèmes de notre époque, l’Allemagne n’a d’autre choix que de s’endetter

    Opinion.

    Les problèmes de finances de l’État allemand poussent le journal de centre gauche “Der Spiegel” à s’interroger : la première économie européenne n’aurait-elle pas intérêt à mettre de côté sa traditionnelle orthodoxie budgétaire et à investir pour l’avenir ?

    Les actes en disent plus long que les mots, dit-on. Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz, qui aimerait passer pour un homme d’action, et non pour un beau parleur, et le vice-chancelier écologiste Robert Habeck, qui soigne sa rhétorique mais se considère avant tout comme un homme de l’exécutif, seraient sans doute d’accord avec cet adage. On ne s’aventurera pas plus loin ici sur le terrain de la spéculation.

    S’il est vrai que les actes sont effectivement plus éloquents que les mots, force est de constater la chose suivante, [plusieurs semaines] après l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande sur le plafonnement de la dette du pays : dans sa forme et dans son interprétation actuelles, le budget que cette règle laisse à l’État ne permet pas de faire face à la réalité du terrain.

    [Bien qu’inscrit dans la Constitution allemande], le principe qui limite le déficit public du pays à 0,35 % du PIB, aussi appelé “frein à l’endettement”, empêche l’État de fonctionner correctement. Si le chancelier et une partie des sociaux-démocrates, des libéraux, ainsi que des partis de droite affirment le contraire, leurs décisions n’en contredisent pas moins leurs déclarations.

    Hypocrisie politique


    Pour mémoire, la première réallocation d’un fonds Covid [financé par l’endettement] vers la transition écologique date de 2020. Il était question d’un peu plus de 26 milliards d’euros. Le “fonds pour le climat et la transition” s’appelait alors encore “fonds pour l’approvisionnement énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique”. La chancelière était la chrétienne-démocrate Angela Merkel, le ministre des Finances Olaf Scholz.

    Plus tard, peu après l’entrée en fonction de la coalition des sociaux-démocrates, des Verts et des libéraux, une autre réallocation a eu lieu. Il s’agissait des 60 milliards dont la Cour constitutionnelle vient d’annuler le transfert vers le fonds climat. Une réaffectation qui avait été décidée par le chancelier Scholz, à la grande joie des écologistes, et dont la mise en pratique était confiée à Christian Lindner, le ministre des Finances libéral.

    Les chrétiens-démocrates pourraient objecter que cela remonte maintenant à loin, et les libéraux clamer qu’ils n’y avaient pris part que pour sauver la coalition. Sauf qu’ils ont à nouveau approuvé un fonds spécial [financé par l’endettement] et dédié à la modernisation de l’armée allemande au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine, soit 100 milliards censés traduire le “changement d’époque” de Scholz en équipements matériels – chars, avions et autres obus pour l’artillerie.

    En tout état de cause, les partis démocratiques, de la CDU (au centre droit) aux Verts (au centre gauche), jugent manifestement les défis de notre temps suffisamment graves pour que l’État recoure à l’emprunt pour les surmonter.

    Et si l’on adopte une vision non pas abstraite, mais sonnante et trébuchante du niveau d’endettement allemand (lequel, rappelons-le également, est très faible comparé à celui de bon nombre de pays industrialisés), cela ne semble que logique.

    “Plus chaud, plus chaotique, plus instable”


    Pour la première fois depuis des décennies, une grande puissance a envahi un autre pays pour s’approprier durablement son territoire. Sans compter que, dans un peu plus d’un an, les États-Unis pourraient bien ne plus être des alliés fiables, ni une puissance tutélaire.

    Pour la première fois depuis un siècle, une pandémie mortelle s’est abattue brutalement sur le globe, causant la mort de plusieurs millions de personnes en trois ans – et, si elle n’en a pas tué plus, c’est notamment parce que des sociétés et des économies entières se sont mises à l’arrêt.

    Pour la première fois depuis quelque 56 millions d’années, la concentration de CO₂ a atteint des niveaux historiques dans l’atmosphère. Le climat qui prévalait depuis le début de l’histoire de la civilisation humaine, depuis les premières villes et les premières tablettes gravées, n’est plus.

    C’est désormais irrévocable : le monde va devenir plus chaud, plus chaotique et plus instable. Mais il reste une chance d’endiguer le dérèglement, de sorte que les sociétés libres et démocratiques restent à flot dans les décennies à venir.

    C’est d’ailleurs ce qu’a décidé en substance la Cour constitutionnelle fédérale en 2021, en l’occurrence avec la loi climat. La liberté des générations futures doit être garantie : l’État y est désormais tenu.

    Un tournant historique


    Les vingt ans qui viennent nous diront si nous y sommes parvenus. Pour l’heure, l’Allemagne est très loin de respecter ses objectifs climatiques, [comme la neutralité carbone à l’horizon 2045]. Les émissions baissent, mais trop lentement. Le reste du monde ne fait pas mieux. Les émissions continuent de croître au lieu de diminuer.

    Nous ne préserverons notre prospérité que si cela change, surtout là où sortent de terre les nouvelles usines nécessaires à cette prospérité, les nouveaux centres logistiques et autres instituts de recherche. Ceux qui veulent être à la pointe de cette nouvelle ère industrielle doivent aider leur industrie à transitionner, attirer de nouvelles entreprises, accompagner les travailleurs dans cette nouvelle voie, de sorte de les embarquer dans l’aventure.

    La tâche est si vaste qu’elle semble presque insurmontable. Pour paraphraser le chancelier, il s’agit d’un tournant dans l’histoire de l’humanité. Dans cette période charnière, les sociétés humaines doivent tout mettre en œuvre, faute de quoi elles courent à l’échec. Il ne s’agit pas de continuer de creuser la dette à l’aveuglette. Il s’agit de le faire en connaissance de cause, à une époque décisive de l’histoire de l’humanité, mais aussi pour la prospérité et la stabilité de ce pays. L’équité entre les générations, c’est maintenant.

    Une solution logique consisterait à déplafonner la dette. On pourrait aussi revoir tout bonnement le mode de plafonnement, créer des dérogations pour les investissements dans la transition écologique, en marge de la clause [qui autorise l’État allemand à emprunter massivement en situation d’urgence]. Afin que la politique soit équipée face au réel à l’avenir et ne soit pas obligée de chercher sans cesse des moyens de contourner le “frein à l’endettement”.

    On ne peut plus faire comme si tout pouvait continuer comme avant. La bonne nouvelle, c’est que tous les grands partis d’Allemagne l’ont en réalité reconnu depuis belle lurette. Il leur suffit désormais de se montrer honnêtes et de joindre les actes à la parole.

    Jonas Schaible
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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