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Dans l’automobile allemande, la transition vers l’électrique est bien plus douloureuse que prévu

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  • Dans l’automobile allemande, la transition vers l’électrique est bien plus douloureuse que prévu

    Confrontés au ralentissement des ventes et à une perte de compétitivité, sous-traitants et constructeurs multiplient les plans de suppressions d’emplois outre-Rhin.

    Par Cécile Boutelet (Berlin, correspondance)


    « L’année 2024 va être plus dure que prévu, 2025 certainement aussi. » Interrogé par le quotidien Handelsblatt, Stefan Hartung, président du groupe Bosch, le premier sous-traitant automobile du monde, n’a pas mâché ses mots, même deux jours avant Noël. L’équipementier modèle, jusqu’ici le plus solide de toute l’industrie automobile allemande, s’est résolu à des restructurations devenues courantes depuis quelques mois.

    Quelque 1 500 emplois devraient disparaître d’ici à 2025 au sein du groupe de Stuttgart. « La situation est plus tendue que prévu, nous sommes obligés d’agir, a expliqué M. Hartung. Nous ne pourrons pas éviter de supprimer des postes dans les spécialités concernées par la transition vers l’électrique, même si nous espérons continuer à embaucher dans les secteurs d’avenir. »

    L’aveu en dit long sur ses perspectives de croissance, ainsi que sur ses contraintes de production. Certes, les suppressions d’emplois dans les sites spécialisés dans le moteur à explosion étaient attendues. Mais, dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre qualifiée outre-Rhin, où les employeurs privilégient la requalification de leurs salariés, réduire les effectifs témoigne d’un besoin urgent de diminuer les coûts. C’est un signe d’alerte pour l’industrie centrale du « made in Germany » (506 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, 15,4 % du total des exportations allemandes, 775 000 salariés) : il ne fait plus de doute que la transition vers l’électrique sera bien plus douloureuse qu’anticipé.

    Délocalisation vers l’Est


    Ainsi Continental, le grand équipementier de Hanovre, a lui aussi annoncé début novembre un plan de réduction des coûts. Au sein du groupe ces prochaines années, 5 500 postes doivent disparaître, dont 1 000 en Allemagne. Et son concurrent ZF, troisième grand équipementier, a annoncé une « stricte discipline de coûts ». Il expérimente un modèle de production qui donne des sueurs froides au syndicat IG Metall : non seulement les emplois liés au moteur thermique vont disparaître outre-Rhin, mais ceux du moteur électrique censés les remplacer pourraient être plutôt créés… en Europe de l’Est.

    En Serbie, un site ZF employant 1 000 salariés doit ainsi être gonflé à… 6 000 personnes d’ici à 2032. Chez les petits sous-traitants spécialisés dans les pièces pour moteur thermique, frappés plus que les autres par la crise énergétique, les effets de l’inflation et de la hausse des salaires, le mouvement de délocalisation vers l’Est est enclenché depuis longtemps.

    La crise touche surtout le cœur du réacteur de l’automobile allemande : le groupe Volkswagen (VW), en particulier sa marque phare, Volkswagen, est désormais bien moins compétitive que ses concurrents à gros volumes. Pas moins de 10 milliards d’euros doivent être économisés d’ici à 2026, dont 20 % sur les coûts salariaux, grâce à des départs en préretraite, selon un plan d’économies annoncé le 19 décembre, après des mois d’âpres négociations avec les représentants des salariés.

    La marge doit passer d’un maigre 3,4 % à 6,5 %, ce qui serait toujours largement en deçà de Stellantis, qui affiche une rentabilité de 13 %. « La charpente brûle », avait averti, en juillet, le chef de la marque VW, Thomas Schäfer, parlant de « dernière alarme » pour le constructeur.

    Outre les contraintes sur ses coûts de production, l’automobile allemande est ébranlée par deux chocs simultanés sur la demande : le ralentissement général des ventes de véhicules en raison de la récession économique, et le décollage moins vigoureux qu’espéré de l’électrique, qui demeure bien plus cher que le thermique.

    « Incertitude sur les subventions »


    Après une phase d’euphorie, pendant laquelle les ménages aisés se sont équipés, les ventes de voitures électriques ont marqué le pas outre-Rhin. Et le brusque arrêt des subventions aux acheteurs, décidé par Berlin pour boucler son budget 2024, irrite l’industrie. « Le gouvernement mène une mauvaise politique. L’incertitude sur les subventions est une menace pour la montée en puissance des marques dans l’électrique en Allemagne », peste Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Centre pour la recherche automobile de Bochum.

    Or, tout cela se produit dans un contexte où la concurrence sur l’électrique et le logiciel automobile s’exacerbe. Le constructeur BYD, déjà numéro un en Chine, a pour la première fois doublé Tesla dans ses ventes au niveau mondial, début janvier. La Chine devrait devenir dès 2024 le premier exportateur de véhicules du monde, devant le Japon et l’Allemagne, analyse l’institut de recherche Merics.

    En décembre, BYD a annoncé son intention de construire sa première usine européenne, en Hongrie. Cette croissance folle constitue une menace existentielle pour Volkswagen, premier constructeur européen : non seulement les profits engendrés ces dernières années en Chine déclinent, mais l’allemand va bientôt être mis en sérieuse concurrence sur son propre marché, l’Europe, par un constructeur capable de proposer en grand volume des véhicules électriques à faible prix, et très compétitifs sur le plan numérique. Tout n’est certes pas joué : mardi 9 janvier, la marque Volkswagen a annoncé une hausse de ses ventes de véhicules électriques de 21 % en 2023, à 394 000 unités écoulées, notamment en Chine, où le constructeur a annoncé son intention de recruter 3 000 ingénieurs pour défendre sa position face à BYD et Tesla.

    Risque de dépendance


    Pour M. Dudenhöffer, la crise touche moins les industriels allemands dans leur ensemble que leur base de production outre-Rhin. « Il faut faire une différence entre les constructeurs qui rattrapent leur retard en Chine sur l’électrique grâce à des coopérations renforcées avec des groupes locaux, ou bien qui investissent aux Etats-Unis. Et, de l’autre, ce qui se passe en Allemagne, où la crise va durer », estime-t-il. Autrement dit, l’automobile « made in Germany » − constructeurs et grands sous-traitants − est en train de devenir de plus en plus chinoise, ou américaine, délaissant les sites allemands, qui ont perdu à la fois en compétitivité et en capacité d’innovation.

    Outre le risque de dépendance posé par ce mouvement, les emplois industriels très bien payés dans l’automobile outre-Rhin risquent de subir une rapide érosion. Politiquement, ce mouvement commence à laisser des traces. Plusieurs responsables politiques de l’opposition − chez les chrétiens-démocrates comme à l’extrême droite − critiquent ouvertement la fin du moteur thermique en 2035 décidée par l’Union européenne, qui aurait ouvert le marché à la domination chinoise. Lundi 8 janvier, le nouveau parti d’extrême gauche Alliance Sahra Wagenknecht, qui prétend attirer les électeurs déçus des partis établis, notamment ceux du Parti social-démocrate (SPD), a fait de ce sujet un de ses thèmes majeurs.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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