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Intelligence artificielle : comment DeepSeek ébranle les certitudes des marchés financiers – par Alexandre Garabedian

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  • Intelligence artificielle : comment DeepSeek ébranle les certitudes des marchés financiers – par Alexandre Garabedian


    DeepSeek ravive le spectre de la bulle internet



    La Chine va-t-elle faire éclater la bulle de l’intelligence artificielle ? C’est la question à 600 milliards – le montant de capitalisation boursière que Nvidia a vu partir en fumée le 27 janvier – qui fait trembler Wall Street. DeepSeek, fondé il y a deux ans, a ébranlé les certitudes des marchés financiers en mettant en production un modèle d’intelligence artificielle générative, R1, jugé plus performant que celui d’OpenAI pour un coût dérisoire. Cet outil est de surcroît libre d’accès sous une licence open source, ce qui ouvre des possibilités de développement bon marché pour tous les acteurs de l’écosystème.

    Il reste à voir comment R1, dont les coûts réels sont sous-évalués, pourra être déployé à grande échelle. Si la correction boursière a été violente, c’est que DeepSeek bat en brèche deux vérités communément admises à Wall Street. La première voulait que la ruée vers l’intelligence artificielle nécessite des investissements toujours plus massifs dans les modèles de langage et les infrastructures censées les faire fonctionner. Avec l’IA frugale à la chinoise, les annonces grandiloquentes de Donald Trump autour de Stargate, ce projet à 500 milliards dans les centres de données, paraissent soudain hors sol. La seconde vérité faisait d’une poignée de fournisseurs, tous américains, comme Nvidia dans les puces, les seuls vainqueurs de cette nouvelle révolution industrielle, grâce à une avance technologique qui les plaçait en situation de monopole mondial.


    Si les gains de l’IA sont mieux répartis, si ces dépenses gigantesques ne sont pas rentables, la suprématie des Etats-Unis et les performances exceptionnelles de Wall Street ne se justifient plus. DeepSeek sonne sans doute la fin d’une exubérance boursière devenue irrationnelle. Le chevauchement presque parfait des cours de Nvidia et de Cisco, son équivalent à l’époque de la bulle internet, est à cet égard troublant. De là à prédire une redite de 2000, il y a encore un pas. Une majorité de titres, y compris de la Big Tech, ont échappé à la panique, et toutes ces entreprises sont bénéficiaires, à la différence des « dotcom » au tournant du millénaire. Le vrai point de fragilité du marché tient dans l’unanimité des investisseurs en ce début d’année, tous orientés à l’achat sur le Nasdaq et le S&P 500 au nom d’un exceptionnalisme américain qui paraît soudain moins flagrant.

    Commedia dell’arte dans la finance italienne



    Enrico Cuccia, éminence grise du capitalisme italien d’après-guerre, a dû se retourner dans sa tombe. Sa créature Mediobanca, le Lazard milanais, est devenue la cible d’une vulgaire banque de détail. Pas n’importe laquelle : la plus vieille du monde en activité, Monte dei Paschi di Siena (MPS). Historiquement liée aux partis politiques de gauche, l’institution toscane s’est illustrée à partir de 2008 par une série de scandales qui lui ont valu d’être sauvé de la faillite grâce aux milliards du contribuable. Redevenue profitable à la faveur d’un nettoyage de son bilan et de la remontée des taux d’intérêt, elle se lance à l’assaut de sa compatriote pour constituer le troisième pôle bancaire du pays.

    Son offre d’achat défie la logique financière et industrielle, comme Mediobanca l’a opportunément rappelé en repoussant son prétendant. Entre les deux maisons aux cultures et aux métiers si différents, les complémentarités ne sont que de façade. Les synergies de coûts que l’acquéreur vend au marché paraissent surévaluées. Le seul intérêt financier d’un mariage consiste dans les énormes crédits d’impôt que la banque de Sienne a accumulés et pourrait activer plus rapidement. La structure même de l’offre, réglée par échange de titres, traduit sa limite. Plus petite que sa cible, Monte dei Paschi ne peut lui proposer qu’une monnaie dévalorisée, puisqu’elle se paie 0,7 fois son actif net contre 1,2 fois pour Mediobanca.


    Les actionnaires de la banque d’affaires lombarde ont donc toutes les raisons de s’opposer à cette union contre-nature. Problème, les deux plus gros d’entre eux, la famille Del Vecchio et l’homme d’affaires sicilien Francesco Caltagirone, détiennent à la fois 28 % du capital de la cible et 15 % de MPS. Ils sont les cerveaux de ce raid improbable, avec la bénédiction du gouvernement Meloni. Et derrière Mediobanca, c’est aussi le contrôle de l’assureur Generali qu’ils visent, grâce au jeu complexe des participations croisées dans la finance transalpine. S’ils devaient faire triompher avec le soutien de Rome des manœuvres d’un autre temps, l’Italie n’en sortirait pas grandie aux yeux des investisseurs.

    OVHCloud, symbole de la préférence nationale pour la dette



    Entre la dette et le capital, la France a choisi depuis longtemps. Ce qui est vrai pour l’Etat vaut aussi pour les entreprises. OVHCloud a placé mercredi 500 millions d’euros d’obligations afin de financer le rachat, conclu début janvier, de 20 % de ses actions. Les deux opérations ont réduit le flottant du groupe sur Euronext à la portion congrue, 13 %, tout en accroissant son levier d’endettement.

    Le champion tricolore de l’informatique en nuage s’est adapté à la réalité des marchés financiers. Son introduction en Bourse, fin 2021, à 18,50 euros, s’est révélée calamiteuse, les promesses de croissance n’ayant pas été tenues. Le titre ne vaut plus que 8 euros. Comme d’autres capitalisations moyennes, OVHCloud est sorti du radar des investisseurs en actions. A l’inverse, les fonds de dette se sont arraché ses obligations, car les signatures de la tech sont rares chez les émetteurs notés en catégorie spéculative. Deux salles, deux ambiances, avec en perspective une forte hausse de la taxe sur les transactions financières qui réduira davantage encore l’attrait du financement en actions pour les groupes cotés à Paris.

    Bureau Veritas–SGS, mariage mort-né



    Pour torpiller une opération financière en discussion, rien de tel qu’une fuite savamment orchestrée dans la presse. Si c’était l’objectif, celle qui mariait Bureau Veritas et SGS a atteint son but. Obligés le 15 janvier d’officialiser des négociations jusqu’à présent tenues secrètes, les deux spécialistes dans le contrôle et la certification ont annoncé douze jours plus tard qu’ils mettaient fin à leur projet de mariage. Un rapprochement à 30 milliards d’euros, qui permettait à Wendel et GBL, actionnaires de référence respectifs du groupe français et suisse, de diluer leurs participations au sein d’un ensemble plus gros.

    Le projet a été accueilli fraîchement sur les marchés. Les 400 millions d’euros de synergies évoqués dans les médias, chiffre officieux, semblaient trop optimistes aux yeux des analystes. Sans compter les inévitables pertes de contrats que ces rapprochements provoquent. En Bourse, l’action SGS cédait plus de 8 % depuis l’annonce des discussions, tandis que celle de Bureau Veritas stagnait. Non seulement le tout valait moins que la somme des parties, mais les équilibres financiers du deal s’en sont trouvés perturbés. La transaction devait en effet consister en une prise de contrôle de Bureau Veritas par SGS, sous la forme d’une offre publique d’échange. Le faux mariage entre égaux rappelait le fâcheux précédent franco-suisse entre Lafarge et Holcim, qui s’est soldé par l’absorption pure et simple du cimentier tricolore. Mieux valait arrêter les frais.

    Alexandre Garabedian (L'AGEFI)
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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