Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Etranglés par les charges et l’inflation, les salons de coiffure ferment un à un

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Etranglés par les charges et l’inflation, les salons de coiffure ferment un à un


    ENQUÊTE - Au dernier trimestre 2024, le nombre de coiffeurs à avoir mis la clé sous la porte a augmenté de 26%. En souffrance depuis la crise sanitaire, le métier peine à rebondir.

    Il ne s’y résout pas, mais Laurent pourrait bien mettre la clé sous la porte si les finances de son salon ne se rétablissent pas rapidement. «Les temps sont durs, et certains mois, les recettes ne suffisent pas à payer les factures», confie ce coiffeur parisien, qui emploie un salarié et un apprenti. Et son cas est loin d’être isolé. «Quand j’ai commencé, tout le monde voulait faire ce métier, aujourd’hui il n’attire plus du tout», concède Candie, qui exerce au Mans depuis plus de 20 ans. Si son salon se porte plutôt bien, elle confie ses difficultés à recruter dans ce secteur où il est «devenu très compliqué» de trouver du personnel formé et motivé. Une conjoncture défavorable héritée du Covid, de la hausse du télétravail et de la baisse du pouvoir d’achat, qui se confirme dans les chiffres des défaillances d’entreprises. Alors que celles-ci sont au plus haut en France, avec pas moins de 18.709 cas recensés au quatrième trimestre 2024, les coiffeurs sont en première ligne. Sur cette période, ils affichent un niveau de défaillances en hausse de 26% selon les chiffres Altares.


    «L’activité a été très malmenée pendant la crise sanitaire, et les chiffres ne sont toujours pas bons», reconnaît le directeur des études d’Altares Thierry Millon. Selon lui, la profession reste malmenée et freinée par une concurrence très forte. Après une baisse du nombre de défaillances en 2020 et 2021, grâce aux mesures de soutien en place par le gouvernement notamment, le nombre de défaillances est reparti à la hausse en 2022. Dépassant le niveau atteint de 2019, avec 1136 défaillances d’entreprises en 2023. Concrètement, cela représente tout de même 7929 fermetures de salons de coiffure en 2023. Un nombre en augmentation de 4% par rapport à l’année précédente. Le taux de fermeture était ainsi de 7,3% en 2023, contre 6,8% en 2022 ou encore 7% en 2019. Et si la crise ne date pas d’hier, le fait qu’elle se poursuive inquiète les acteurs du secteur.

    La coiffure «devient secondaire pour les ménages»


    «La tendance se confirme sur le terrain», confie le président de l’Union nationale des entreprises de coiffure (Unec) Christophe Doré. «Les clients viennent de moins en moins souvent. On le ressent fortement depuis septembre, et là, ça ne s’est pas arrangé depuis janvier. C’est dur», assure le professionnel. Pire, avance-t-il, «il y a un vraiment tassement des chiffres d’affaires» à mesure que fréquenter régulièrement des salons de coiffure «devient secondaire pour les ménages». «On voit bien qu’aujourd’hui le pouvoir d’achat des Français est en berne, et qu’il y a une montée de l’épargne sans doute liée à la géopolitique internationale», explique-t-il encore. Selon les dernières études de l’Unec sur le sujet, le chiffre d’affaires du secteur de la coiffure était déjà en diminution de 5% en 2023, après une année 2022 marquée par une croissance de 10%. Un recul qui s’explique à la fois par une baisse de la fréquentation dans les salons et de 1% du panier moyen dépense par les femmes.

    Dans ce salon de la banlieue cossue de Neuilly-sur-Seine, à quelques encablures du quartier d’affaires de La Défense, les effets de cette conjoncture se ressentent depuis 2020 : la visite «pour le plaisir» est en nette baisse. «Il y a encore quelques années, les femmes venaient toutes les semaines pour faire leur brushing, aujourd’hui elles espacent leur visite ou ne viennent que pour faire leur couleur lorsque cela est nécessaire», constate Chloé, employée de ce salon ouvert en continu de 8h30 à 20h. «L’inflation a poussé les consommateurs à revoir certaines habitudes de consommation, ils assument leurs cheveux blancs, acceptent leur texture naturelle et réduisent les traitements chimiques», souligne l’Unec. Pour s’en sortir, le salon neuilléen s’est donc largement diversifié, avec de nouvelles prestations esthétiques et des cabines de soins. Un pari gagnant, lorsque l’on sait que la vente de produits de coiffure atteint désormais 10% du chiffre d’affaires.

    «Tout le monde est concerné»


    Quant à savoir si tous les salons de coiffure sont concernés par les difficultés, Christophe Doré est catégorique : elles touchent «tout le monde». «Certains vont très bien en ville comme à la campagne, et d’autres ferment un peu partout», abonde-t-il. Seule corrélation selon lui : le montant élevé des charges. «On voit bien que ceux qui ont des gros loyers et donc souvent une plus grande superficie de salon sont plus fortement touchés», reconnaît le président de l’UNEC. Avec en creux le sujet de la hausse des prix de l’énergie, qui vient rogner d’autant les marges des coiffeurs. «Entre la baisse des revenus d’un côté et l’augmentation des charges de l’autre, cela conduit à ce que l’entreprise ne puisse plus tenir», pointe le directeur des études d’Altares Thierry Millon. «La gestion devient cruciale. Il faut endosser une veste d’entrepreneur et jongler entre la gestion, le management, le marketing et la communication», renchérit Christophe Doré.

    Un point loin d’être anodin, selon Alexandre, qui tient un salon dans la Sarthe. «Beaucoup de coiffeurs n’ont pas pris conscience des contraintes d’un chef d’entreprise. Ils se sont lancés et se plantent parce que ce sont deux métiers différents», croit-il savoir. Ce qui explique aussi pourquoi les défaillances d’entreprises concernent majoritairement les petites structures dans ce milieu, celles qui ne sont pas adossées à des chaînes nationales. Ainsi, près d’une moitié des salons en difficulté était de petite taille (47%), avec un à deux salariés. En cas de souci financier, le gérant pourra toujours licencier son salarié, mais il ne lui restera plus que ses bras pour travailler. Et si «les franchisés connaissent aussi des difficultés» affirme le président de l’Unec, il n’en demeure pas moins qu’«ils bénéficient d’un accompagnement précieux». Suffisant parfois pour sortir la tête de l’eau.

    Une organisation qui s’avère payante si l’on regarde les grands groupes français comme Dessange/ Camille Albane. Chez eux, les franchisés sont accompagnés de A à Z : dès l’ouverture «avec un système de prêt» pour les aider «à se constituer un apport», mais aussi sur la question du recrutement «grâce à des accords signés avec des écoles» et à nouveau, «en cas de problème financier», détaille le directeur général délégué du groupe Philippe Vincent. «Un coiffeur qui sort de formation a très peu voire aucune notion de comptabilité et de gestion, on les accompagne sur ces sujets-là, y compris sur leur augmentation de tarifs qui doivent suivre l’inflation», insiste la directrice des marques de franchise du groupe Marie-France Delachaux. Et «il en va de la rentabilité d’un point de vente» selon elle. Les résultats sont là : Dessange/ Camille Albane affiche +2% de chiffres d’affaires en 2024, lorsque le secteur de la coiffure à l’échelle nationale en perd 3%.

    Par Pauline Landais-Barrau
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
Chargement...
X