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le retour de schumpeter.

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  • le retour de schumpeter.

    Voilà des mois que la France est entrée dans la mise en oeuvre d'une stratégie de réforme. Voilà qu'elle établit la liste des lois et des règles qu'elle devra changer pour accéder à plus de croissance et d'emplois, une croissance et des emplois profondément renouvelés. Le rapport Attali en a même fait une longue liste.
    De leur côté, les travaux du Conseil d'analyse économique ont mis en avant les rôles tout particuliers des réformes à faire dans le marché du travail et dans celui des biens. D'autres rapports encore, venant de ce même Conseil et de nature plus mésoéconomique, insistent sur la nécessité de développer une stratégie d'offre en mettant en avant les PME ­innovantes, les gazelles, les pôles de ­compétitivité, l'innovation, la recherche et donc aussi la formation et l'enseignement.
    La France, comme nombre de pays mûrs, change de système de référence. L'offre compétitive, liée à la conquête ou à la reconquête de marchés, est désormais décisive. En même temps, les économistes mettent en avant l'économie politique des réformes, pour qu'elles soient mieux comprises et mieux acceptées.
    En effet, passer à une croissance animée par l'innovation, la recherche, le risque, suppose non seulement des moyens humains et financiers considérables, mais aussi un véritable changement culturel. Certes, les travaux ­montrent que les croissances schumpétériennes dépassent les croissances ­classiques. Encore faut-il que les marchés soient suffisamment flexibles, les populations suffisamment formées, les esprits suffisamment informés et préparés.
    Le retour de Schumpeter s'organise en effet comme la seule voie de croissance possible, pour autant qu'elle soit convenablement préparée en amont et en aval. L'amont, c'est la culture du rendement et du risque, avec les rémunérations qui vont avec et leur relativité. Ce sont les structures de formation, recherche, innovation, avec des pôles et des chercheurs dont certains seront prêts à travailler en entreprise ou à créer la leur.
    L'amont, c'est aussi un mode de financement des entreprises innovantes qui permet un drainage de fonds propres plus importants, en contrepartie d'un ratio rendement/risque supérieur. C'est donc un système où interviennent "business angels" et fonds spécialisés à côté des crédits bancaires traditionnels. C'est donc aussi un système où le financement de la recherche et de l'innovation bénéficie d'une fiscalité spécifique, avec le renforcement des moyens des centres de ­recherche et d'université, notamment par les fondations.
    L'amont, c'est la réforme du marché des biens et du travail, avec plus de flexibilité dans les deux cas. Mais c'est aussi l'aval qui doit intégrer les effets de cette logique: le retour de Schumpeter passe par la récompense et la multiplication des gagnants, mais il passe aussi par ­l'accompagnement des perdants, et leur remise en piste. A l'obsolescence croissante des emplois et des qualifications, aux incitations à chercher et à accepter un emploi, doivent être associées des possibilités accrues de ­formation et de moindres pénalisations des trous de carrière La "flexsécurité" est aussi une manifestation du retour de Schumpeter. Tout cela est d'autant plus nécessaire que ce retour est également annoncé en Chine, en Inde, ou encore en Russie.
    Bref, la globalisation est également celle de la concurrence, des changements de plus en plus rapides des organisations, des produits, des structures. Bref, nous n'avons pas le monopole de la solution schumpétérienne, une solution compliquée sachant que les pays émergents comme la Chine, ou énergétiques comme la Russie ou les Emirats, viennent en un temps record d'accumuler des ressources immenses.
    Est-ce que les fonds souverains peuvent acheter la philosophie schumpétérienne? Peut-être pas. Ses résultats et ses animateurs sans doute. L'omniprésence manifeste des paradigmes schumpétériens est donc la conséquence de la globalisation et des révolutions technologiques, d'une part, et de recherche d'une solution, de l'autre. Il faut tous changer plus et mieux, c'est-à-dire s'y préparer, et réparer aussi les effets économiques et sociaux de ces changements.
    C'est dire qu'il faut trouver de nouvelles incitations. Schumpeter est partout de retour, chez ceux qui se croient riches et chez ceux qui se disent encore émergents. A nous tous d'en tenir compte, d'expliquer, de convaincre.


    Par Jean-Paul Betbéze, Jean-Michel Charpin, Christian Saint-Étienne, membres du cercle des économistes
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