Le monde selon ses nouveaux animaux
par Kamel Daoud
Pendant un siècle ou plus, le monde politique s'expliquait par deux formules faciles : il y avait d'un côté les dictatures, de l'autre les démocraties. Les premières pouvaient être bananières, totalitaires, militaires, familiales ou tribales. Les secondes étaient élues, suisses avares, américaines spectaculaires ou françaises bavardes. Le 11 septembre 2001 Ben Laden attaque l'Amérique et l'Amérique découvre le reste du monde, dans le processus inverse à la découverte de Christophe Colomb. Depuis, donc, le monde a changé et les régimes politiques avec. Un catalogue des principales formules en cours.
1°- La démocratie contrôlée : il s'agit de pays avec des élections pluralistes non libres, reconnaissables au Président choisi avant d'être élu et aux candidats battus avant de se présenter. L'Occident en encourage la formule dans les pays où il y a des ressources d'énergie qui imposent la stabilité mais qui restent des pays trop proches de l'Occident pour qu'on puisse fermer les yeux sur les « dépassements » ou ne pas les utiliser pour faire chanter les indigènes.
Les journaux y sont libres mais rentiers, les élites démissionnaires ou découragées et le peuple indocile mais facile à battre et à abattre. On y vote, tous, mais on n'y élit pas. On y proteste mais sans changer les choses. On y retrouve des opposants mais assis sur des nuages.
2°- Les théocraties annexées : genre Arabie Saoudite. Là, on coupe encore les mains des voleurs comme au Moyen-Age mais tant qu'on coupe pas le pétrole, l'Occident ferme les yeux. Les familles régnantes sont truculentes mais très utiles dans des régions où il vaut mieux avoir un roi ridicule mais efficace qu'un chef indigène légitime et indépendantiste. Cela est valable pour l'Arabie mais aussi pour la Jordanie qui ne vend pas du pétrole mais ses positions dites modérées. C'est ce qui fait que l'Occident ne voit rien qui le dérange dans les pays du Golfe et dans le désert d'Arabie et voit le mal dans les tchadors des Iraniennes.
3°- Les dictatures réaménagées : genre Egypte ou surtout Libye. Là, le Grand chef peut faire régner son fils ou sa femme, traiter son peuple comme un essuie-glace, inventer des plans de relance économique à base de maïs et de dattes, couper en mille les opposants, interdire les journaux et épouser de force les plus jolies filles de son fief nationalisé, personne ne trouvera à redire. Ces pays ne vendent pas du pétrole parfois mais surtout la fameuse stabilité tant demandée après l'émergence de la menace islamiste internationale. L'Occident se dit en les regardant que vaut mieux laisser faire ces gardiens de prison à peau de léopard que voir naître des républiques islamistes djihadistes ou des démocraties qui vont demander l'indépendance, la vraie. C'est là que l'on sous-traite les interrogatoires musclés, les poubelles sécuritaires et les délinquances internationales.
4°- Les régimes commissaires : genre Maroc ou Tunisie. Là, l'Occident se dit que puisque les chefs locaux ont réussi à faire asseoir tout un peuple dans une immense salle vide bien repeinte et qu'on y mange mieux qu'au Rwanda, vaut mieux ne pas chercher à faire mieux. Dans ces pays, on ne vote pas comme ailleurs, mais le comble c'est que personne ne demande à être candidat face au grand chef qui en est à son septième mandat. La moitié du peuple y est contente, l'autre moitié n'a pas de jambes.
5°- Les dictatures bananières : genre beaucoup de pays de notre Afrique. Là, l'Occident se dit qu'il ne peut rien faire sauf informer le reste du monde et envoyer du Riz et Angelina Jolie. On y tue, on y vole, on y pratique le coup d'Etat et le massacre en live tous les après-midi, mais ceux qui y habitent ne sont pas des humains. Juste des images tristes, des jungles dures, des militaires qui hurlent et des gens qui y fuient pour fuir encore plus loin mais en rond. « On a décolonisé et c'est tout ce qu'on pouvait faire » expliquent souvent les Blancs sans le dire ouvertement. Le seul réconfort c'est que ces pays ne produisent pas d'islamistes mais peuvent parfois en abriter.
6° - Les pays McDonald's : genre Irak et Afghanistan : l'Occident y entre sans frapper, y coupe des morceaux, y recrute des mercenaires et y désigne une poupée à peine capable d'imposer ses pouvoirs aux cuisines du Palais. Du coup, le pays en question réagit, succombe à ses diables intimes, tombe en morceaux et se fait gouverner tout à la fois par ceux qui le colonisent et par les nouvelles milices locales.
par Kamel Daoud
Pendant un siècle ou plus, le monde politique s'expliquait par deux formules faciles : il y avait d'un côté les dictatures, de l'autre les démocraties. Les premières pouvaient être bananières, totalitaires, militaires, familiales ou tribales. Les secondes étaient élues, suisses avares, américaines spectaculaires ou françaises bavardes. Le 11 septembre 2001 Ben Laden attaque l'Amérique et l'Amérique découvre le reste du monde, dans le processus inverse à la découverte de Christophe Colomb. Depuis, donc, le monde a changé et les régimes politiques avec. Un catalogue des principales formules en cours.
1°- La démocratie contrôlée : il s'agit de pays avec des élections pluralistes non libres, reconnaissables au Président choisi avant d'être élu et aux candidats battus avant de se présenter. L'Occident en encourage la formule dans les pays où il y a des ressources d'énergie qui imposent la stabilité mais qui restent des pays trop proches de l'Occident pour qu'on puisse fermer les yeux sur les « dépassements » ou ne pas les utiliser pour faire chanter les indigènes.
Les journaux y sont libres mais rentiers, les élites démissionnaires ou découragées et le peuple indocile mais facile à battre et à abattre. On y vote, tous, mais on n'y élit pas. On y proteste mais sans changer les choses. On y retrouve des opposants mais assis sur des nuages.
2°- Les théocraties annexées : genre Arabie Saoudite. Là, on coupe encore les mains des voleurs comme au Moyen-Age mais tant qu'on coupe pas le pétrole, l'Occident ferme les yeux. Les familles régnantes sont truculentes mais très utiles dans des régions où il vaut mieux avoir un roi ridicule mais efficace qu'un chef indigène légitime et indépendantiste. Cela est valable pour l'Arabie mais aussi pour la Jordanie qui ne vend pas du pétrole mais ses positions dites modérées. C'est ce qui fait que l'Occident ne voit rien qui le dérange dans les pays du Golfe et dans le désert d'Arabie et voit le mal dans les tchadors des Iraniennes.
3°- Les dictatures réaménagées : genre Egypte ou surtout Libye. Là, le Grand chef peut faire régner son fils ou sa femme, traiter son peuple comme un essuie-glace, inventer des plans de relance économique à base de maïs et de dattes, couper en mille les opposants, interdire les journaux et épouser de force les plus jolies filles de son fief nationalisé, personne ne trouvera à redire. Ces pays ne vendent pas du pétrole parfois mais surtout la fameuse stabilité tant demandée après l'émergence de la menace islamiste internationale. L'Occident se dit en les regardant que vaut mieux laisser faire ces gardiens de prison à peau de léopard que voir naître des républiques islamistes djihadistes ou des démocraties qui vont demander l'indépendance, la vraie. C'est là que l'on sous-traite les interrogatoires musclés, les poubelles sécuritaires et les délinquances internationales.
4°- Les régimes commissaires : genre Maroc ou Tunisie. Là, l'Occident se dit que puisque les chefs locaux ont réussi à faire asseoir tout un peuple dans une immense salle vide bien repeinte et qu'on y mange mieux qu'au Rwanda, vaut mieux ne pas chercher à faire mieux. Dans ces pays, on ne vote pas comme ailleurs, mais le comble c'est que personne ne demande à être candidat face au grand chef qui en est à son septième mandat. La moitié du peuple y est contente, l'autre moitié n'a pas de jambes.
5°- Les dictatures bananières : genre beaucoup de pays de notre Afrique. Là, l'Occident se dit qu'il ne peut rien faire sauf informer le reste du monde et envoyer du Riz et Angelina Jolie. On y tue, on y vole, on y pratique le coup d'Etat et le massacre en live tous les après-midi, mais ceux qui y habitent ne sont pas des humains. Juste des images tristes, des jungles dures, des militaires qui hurlent et des gens qui y fuient pour fuir encore plus loin mais en rond. « On a décolonisé et c'est tout ce qu'on pouvait faire » expliquent souvent les Blancs sans le dire ouvertement. Le seul réconfort c'est que ces pays ne produisent pas d'islamistes mais peuvent parfois en abriter.
6° - Les pays McDonald's : genre Irak et Afghanistan : l'Occident y entre sans frapper, y coupe des morceaux, y recrute des mercenaires et y désigne une poupée à peine capable d'imposer ses pouvoirs aux cuisines du Palais. Du coup, le pays en question réagit, succombe à ses diables intimes, tombe en morceaux et se fait gouverner tout à la fois par ceux qui le colonisent et par les nouvelles milices locales.
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