Clotilde Reiss accusée notamment d'avoir encouragé les manifestants anti-Ahmadinejad, l'universitaire française, qui comparaît devant un tribunal de Téhéran, a admis avoir transmis un rapport sur les défilés à l'ambassade de France.

«C'était une erreur et je n'aurais pas dû participer aux manifestations». Devant les magistrats iraniens qui la jugent samedi avec des centaines de militants de l'opposition, l'universitaire française Clotilde Reiss a reconnu ses torts. Oui, elle a participé pour «des motifs personnels» aux défilés contestant, à Ispahan, la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad.

Surtout, la jeune femme de 24 ans, accusée d'avoir «rassemblé des informations et encouragé les émeutiers», a admis «avoir écrit un rapport d'une page» sur «les politiques en Iran en lien avec l'énergie nucléaire», remis au patron de l'Institut français de recherche en Iran qui appartient au service culturel de l'ambassade de France. «J'ai utilisé des articles et des informations qu'on trouve sur internet et il n'y avait rien de secret», a-t-elle précisé.

Suite à ces aveux, l'avocat de Clotilde Reiss a demandé sa grâce. «Je demande pardon au pays, au peuple et au tribunal d'Iran et j'espère que je serai graciée», a ajouté personnellement la Française à la fin de l'audience. On ignore la date du verdict. «Le séjour en prison est dur, mais mes gardiens et les agents chargés de mener les interrogatoires ne se sont pas mal comportés à mon égard», a-t-elle assuré même si elle a évoqué une «certaine pression psychologique».

Le rôle de l'ambassade de France était également sur la sellette lors de l'audition d'une autre accusée, Nazak Afshar. Cette employée locale de l'ambassade au service culturel a été arrêtée il y a trois jours mais son interpellation n'a été révélée que samedi lorsqu'elle est apparue au procès. Celle-ci a expliqué que l'ambassade avait demandé à ses employés d'accueillir les manifestants dans ses locaux si cela s'avérait nécessaire en cas d'affrontements. Sa famille regrette que le Quai d'Orsay ait jusque-là peu réagi. L'ingérence de l'étranger était au centre de cette troisième journée d'audience dans les procès de masse impliquant les manifestants arrêtés.

Clotilde Reiss n'a «rien d'une tête brûlée»

La comparution de Clotilde Reiss a surpris à la fois le Quai D'Orsay et son père, qui l'ont apprise par les médias. Le père de Clotilde, Rémi Reiss, a clamé à nouveau l'innocence de sa fille. «Il n'y a aucune preuve des accusations qui sont formulées contre elle. J'espére que ce procès puisse amorcer une sortie de crise». Lectrice de français à l'université d'Ispahan pendant cinq mois, Clotilde Reiss a été interpellée le 1er juillet alors qu'elle s'apprêtait à rentrer en France.

La Française pourrait risquer au moins jusqu'à cinq ans de prison. Depuis son arrestation le 1er juillet, elle est détenue à la prison d'Evine. Fin juillet elle avait pu parler avec l'ambassadeur de France, Bernard Poletti. La titulaire d'un mastère de Sciences Po Lille et ancienne allocataire de l'Institut français de recherche en Iran confiait avoir «bon moral». Née en France, et parlant couramment le persan, Clotilde Reiss n'a, selon ses proches, «rien d'une tête brûlée». «La politique, ce n'est pas son truc. Ce qui compte pour elle, ce sont les rapports humains», précisait au Figaro une amie.

Dans la famille de l'employée de l'ambassade, Nazak Afshar, on opposait la même défense. Nazak Afshar «n'est pas une activiste, ce n'est pas du tout une personne politique», a déclaré son fils samedi à Paris. «Elle a participé comme des millions d'Iraniens aux manifestations», a-t-il reconnu, mais «on lui a fait faire des aveux», a-t-il ajouté.

Aux côtés des deux femmes comparaissent, comme samedi dernier, des personnalités du mouvement réformateur telles qu'Ali Tajernia, un ancien député, Shahaboddin Tabatabaei, un leader de l'Islamic Iran Participation Front, le parti réformiste le plus important du pays, et Ahmad Zeidabadi, un journaliste virulent connu pour ses prises de positions contre les conservateurs. L'opposition a dénoncé ces procès de masse comme un «spectacle ridicule» et a accusé les autorités d'extorquer des confessions en maltraitant les prisonniers.

Par Le Figaro