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J. Chirac veut la suppression du texte sur la colonisation

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    Rendre à Césaire ce qui est à Césaire...

    Contre mauvaise fortune bon coeur. Je souhaitais vous faire partager les réponses de Christine Taubira aux questions d'internautes lecteurs du journal Le Monde.

    Pour JoandeMilan en particulier, quelques extraits avec lesquels je suis d'accord, et qu'elle exprime sans fausses notes.

    L'intégralité du débat avec Christiane Taubira (Parti radical de gauche), députée de Guyane, lundi 09 mai 2005

    Sur la mémoire collective de l'esclavage :
    Blackpharao : Est-il normal de célébrer l'abolition (valorisant l'homme blanc) alors qu'on occulte les luttes de libération des esclaves (valorisant l'homme noir) ?

    Sfth : Pensez-vous que la perception de l'esclavage soit différente selon qu'on soit issu d'une culture qui a subi l'esclavage, ou d'une culture qui l'a conduit ? Si oui, comment combler la différence ?
    Jusqu'à l'adoption de la loi de 2001, on célébrait à l'occasion (centenaire, cent cinquantenaire) l'abolition.


    Christiane Taubira : La reconnaissance du crime contre l'humanité déplace la problématique et la situe non plus au niveau de l'acte d'abolition, mais au niveau du crime dans sa durée et dans son ampleur. Les propositions du Comité pour la mémoire de l'esclavage concernent, conformément à la loi, une célébration non de l'abolition, mais de l'esclavage des mémoires et des abolitions. C'est dans le contenu de cette célébration que nous devons faire émerger à la fois les grands personnages qui ont mené des insurrections, ceux qui ont organisé des communautés de nègres marrons, ceux qui ont su saboter le système esclavagiste. Cela a commencé avec Toussaint Louverture et Delgrès au Panthéon. Il est temps de faire place aux femmes, comme Dandarah, Solitude, Aqualtune, Harriet Tubman, etc. L'histoire de l'esclavage est complexe. Il n'y a pas tout du long un camp qui l'a subi et un autre, homogène, qui l'a conduit. Il y eut sans arrêt des luttes et il y eut aussi de belles solidarités : d'abolitionnistes, d'ouvriers, de tisserands, de paysans. Lorsque nous enseignons la violence de cette histoire, il faut aussi enseigner ses fraternités magnifiques.

    Princehall : Comment pacifier les relations Africains/Antillais par rapport à l'esclavage ?

    Christiane Taubira : Les ingrédients de paix sont contenus dans l'Histoire. Seuls ceux qui ont une vision partielle, inexacte et sans doute idéologique de l'histoire peuvent s'amuser à inventer ou conforter des conflits entre Antillais et Africains. D'abord, parce que cela n'a pas de sens de dire qu'à l'égard des puissances européennes, on ne reconnaît pas d'hérédité dans la culpabilité des familles ou des personnes, et en même temps reprocher aux Africains d'aujourd'hui quelques méfaits ou collaborations effectués par le passé. Il y a eu, sur le continent africain, de très belles résistances dans des villages, des soulèvements de solidarité dans les villages traversés par les esclaves enchaînés conduits par leurs esclavagistes, et aujourd'hui, nous avons des luttes communes à mener pour un monde plus juste. Les Antillais ne peuvent arracher leur part d'origine africaine, les Africains ne peuvent se passer de ce que les peuples nouveaux des Amériques et des Caraïbes apportent au monde et à l'Afrique.




    Sur la loi et du 23.02 et ce qu'elle révèle :
    "DES PRÉJUGÉS ET DES CLICHÉS"
    BeYondeR : Que pensez-vous de cette loi qui semble vouloir établir comme fait historique le prétendu 'rôle bienfaiteur' de la colonisation, alors même que l'histoire de celle-ci n'est pas encore soldée par la République ?

    Christiane Taubira : Il y a dans cette loi une révélation et un danger. La révélation, c'est la cohérence du gouvernement actuel dans son approche impérialiste du reste du monde et sa bonne conscience inébranlable sur la supériorité des civilisations européennes. En 1996, déjà, le chef de l'Etat disait que la France devait être fière de ce qu'elle avait fait dans les colonies. Il y a deux ans, le ministre de la santé voulait déjà reconnaître ce rôle positif. Même le vocabulaire du chef de l'Etat est marqué par des préjugés et des clichés. On en a eu un exemple récemment sur la Constitution européenne, lorsqu'il expliquait que si la France votait non, elle serait le mouton noir et le mauvais mouton.
    Il y a quelques années, il nous avait fait une partition sur les "odeurs". C'est donc un état d'esprit. Nous devons l'affronter. Quant au danger, ce texte nous fera reculer parce que face au rôle positif de la France, je pense qu'on verra fleurir des concentrés de dégâts dévastateurs de la colonisation, avec alignement de massacres, confiscation des territoires, pillage des ressources, santé publique déplorable, etc. Au lieu d'avancer vers l'histoire-vérité, donc nuancée, on aura une guerre de tranchées d'histoires idéologiques.
    Le "mécanisme" décrit ici m'interpelle particulièrement parce qu'il me semble se reproduire aujourd'hui à toutes les échelles de la société, au plan national comme dans la communauté internationale.

    @ Alikaddour : Il y a un peu d'ironie de ma part quand je salue une décision de notre président qui contredit son camp idéologique mais je confirme que je pense que Chirac s'est comporté, sur ce point, en président de tous les français : En tant que garant de la république, il a pris une décision unificatrice, fût-elle au détriment de la majorité, plutôt que celle qui divise... Quelques soient les motivations personnelles peut-être sous-jacentes, et les contradictions, le résultat est bienvenu, surtout s'il est conforme à l'esprit, aux principes qui sont censés animer le fonctionnement des institutions.
    Quand aux personnes que j'ai cité, même en tenant compte de leurs propres engagements et revendications identitaires, leur complète citoyenneté me semble aller de soi... et être largement justifiée par leur implication effective dans la vie de la nation, française !



    Sur ses engagements personnels :
    Batman : Pourquoi n'êtes-vous plus indépendantiste ? Ne pensez-vous pas qu'il existe un lien entre reconnaissance de l'esclavage et reconnaissance politique des Antilles ?

    Christiane Taubira : Qu'est-ce que la reconnaissance des Antilles ? Elles sont institutionnellement des départements français. J'observe que les mouvements indépendantistes ne sont pas sur une revendication de rupture avec la France. Le conseil régional de Martinique est présidé par un indépendantiste qui a une majorité absolue. Je n'entends aucune revendication de rupture. En Guadeloupe, où s'était tenue la Conférence des dernières colonies il y a une douzaine d'années, je n'entends pas non plus cette revendication de rupture. En Guyane, les mouvements indépendantistes affichés se sont beaucoup engagés sur une réforme institutionnelle à peine équivalente au statut des territoires d'outre-mer (choix de l'article 74 de la Constitution). Par conséquent, ou bien nous sommes dans un échange d'états d'âme individuels, et dans ce cas, je suis prête à vous rencontrer et à partager avec vous mes rêves passés et présents, et à entendre les vôtres. Ou bien nous sommes dans une dynamique démocratique, et dans ce cas, j'interroge les forces politiques constituées outre-mer ou en France, et je suis prête à accorder la plus grande attention aux revendications politiques qui s'expriment. Si vous avez connaissance de choses que j'ignore, merci de me les faire savoir. Quant à l'esclavage, la réalité du passé ne se transforme pas selon les désirs du présent. D'autres régions de l'empire colonial français ont choisi la rupture : violente, comme l'Algérie et l'Indochine, négociée, comme l'Afrique, à part le cas particulier de la Guinée. L'outre-mer a fait un autre choix. Quelles que soient mes nostalgies personnelles, c'est aux peuples de choisir leur destin.
    Il semble que c'en est fini avec cette disposition et c'est tant mieux. Cependant, ce que les sondages ont révélés de l'opinion française et d'une partie de sa classe dirigeante reste posé. La décision du conseil constitutionnel est une étape, le débat va-t'il rester ouvert et vers quoi évoluera-t'il dorénavant ?
    Dernière modification par Virginie, 31 janvier 2006, 21h47.

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