A petits mots, par touches successives, des manipulations de langage, des fuites bien organisées et des déclarations expertes, les Etats-Unis et l’Otan préparent les gens à la deuxième phase du plan. Les appréhensions du renseignement algérien sur le risque Libye sont validées.

La première dirigée par la France semble terminée. La seconde, la vraie, celle qui a sous-tendu tout le dispositif prend le relais. Bémol, toutefois, aux enthousiasmes initiaux. Les insurgés ou rebelles, c’est selon, sont des civiles, des jeunes, pas du tout préparés aux combats, encore moins à une longue et sanglante guerre.

Les derniers jours, ils ont pratiquement cédé tout le terrain qu’ils avaient pu accaparer les premières heures de la rébellion. Les pro-Gueddafi ou forces loyales reprennent les villes et contre-forts un à un, «zenga-zenga» : Ajdabiah, Misrata, Bréga. Les insurgés tiennent Benghazi mais leur situation est intenable. Ils céderont. Résultat.

L’Otan multiplie les frappes aériennes, cassent et allument les positions de Gueddafi, mais cela n’influe pas vraiment sur le rapport de force militaire, largement favorable au «Fou». Cependant, la vraie crainte des Américains a trait aux informations — précises et vérifiées – qui deviennent donc du renseignement — selon lesquelles des éléments de Aqmi, donc d’Al Qaïda, infiltrent l’insurrection et s’apprêtent même à prendre le «commandement» de la rébellion vu l’inexpérience et le peu d’allant militaire des citoyens en armes. D’où le changement de fusil d’épaule — c’est le cas de l’écrire — des stratèges de l’Alliance et des USA. Depuis hier Bruxelles- Evere (siège de l’Alliance) bruisse de bruits, de contre-bruits et de ballons d’essai quant à l’ouverture de pourparlers entre Gueddafi et la rébellion.

La défection de Moussa Koussa, ex-ministre des Affaires étrangères, n’en serait donc pas une, mais une passerelle dressée pour faciliter les liens entre les protagonistes. Abdou El Djalil, l’un des responsables du Conseil national de transition, principale force d’opposition en Libye, ne balaie pas d’un revers de manche le cessez-le-feu. Bien au contraire ! Il le sollicite depuis hier. La nouvelle donne en Libye vient au recours de l'expertise et du renseignement algériens. Dès le début du conflit, l’Algérie mettait en garde contre le risque terroriste, la menace Aqmi, au cas d’une Libye avec trop plein d’armes et d’une intervention stratégiquement irréfléchie. Nous y sommes.
Le Soir